« Ce livre est un livre d’écrivaine mais sans doute avant tout un livre de lectrice. […] Si on considère ce livre comme un essai, il ne se comportera pas tout à fait bien. Il désobéira ici ou là. Il manquera à ses obligations de sérieux. Si on le considère comme une rêverie autour de la fiction, il péchera au contraire par excès de sérieux de temps à autre. » Ainsi écrit Alice Zeniter dans le premier chapitre de son nouvel opus Toute une moitié du monde, annonçant par là un texte original, érudit et léger à la fois, commencé pendant la pandémie, à un moment où elle ne trouvait dans les fictions qu’elle lisait que « des modèles obsolètes », incapables de répondre à son « état impuissant et suspendu ». De son soupçon croissant vis-à-vis des fictions traditionnelles est née l’envie de s’interroger sur ce qui pourrait constituer la fiction à venir. Une forme romanesque tout sauf habituelle, au sein de laquelle « toute une moitié du monde », c’est-à-dire les femmes, serait enfin correctement représentée. Puisant dans ses souvenirs de lectrice, très anciens ou ultra contemporains, comme dans ses impressionnantes références universitaires, Zeniter propose une réflexion, pointue mais jamais pesante, sur les notions de forme, de personnage, de récit choral…. Et on déguste cet « essai », mené avec un brio et un humour remarquables, comme on le ferait d’une belle histoire que l’écrivaine nous conterait à l’oreille. Bravo, l’autrice !
FRED ROBERT
Tout une moitié du monde, Alice Zeniter
Flammarion
21€
L’écrivaine sera présente aux prochaines Correspondances de Manosque, du 21 au 25 septembre.