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Trois vignettes flûtées

Du 26 au 30 octobre, la Convention internationale de la flûte a su conquérir son public d'une programmation pointue et débordante

Les quatre journées qui réunissaient la Convention internationale de la flûte foisonnaient de propositions toutes plus intéressantes les unes que les autres. Après l’éblouissement du concert d’ouverture, encore trois courtes vignettes, fragments volés à cette énorme machinerie.

Esthétiques chambristes

Bien évidemment, on avait envie de s’attarder aux concerts où jouait Emmanuel Pahud que l’on connaît bien dans la région grâce au Festival international de musique de chambre de Provence dont il est l’un des fondateurs aux côtés d’Éric Le Sage et Paul Meyer. Le musicien, première flûte de l’Orchestre philharmonique de Berlin (dès l’âge de vingt-deux ans), débutait le programme du concert de dix-sept heures du 28 octobre (baptisé concert autour d’Emmanuel Pahud) par sa transcription pour flûte et piano de la Sonate pour violon et piano n° 8 en sol majeur de Beethoven (qu’il a enregistrée en 2021). Les articulations et tremolos du violon prennent des tours ébouriffants à la flûte qui virevolte, devient oiseau, s’étire, se nuance, joue sur le fil du souffle, prend son envol, brille, pailletée d’émotions multiples, colore les sons, vibre, s’élance, s’assombrit, s’illumine. Chaque note y est un univers plein, finement accompagné par la pianiste Sophie Labandibar. Le subtil interprète offrait la scène à ses comparses, Sandrine François au cours d’un Duo en fa majeur de Mozart empli d’une joie primesautière et dansante, Olivier Girardin et la somptueuse Sonata Appassionata pour flûte seule de Sigfrid Karg-Elert, András Adorján et le Ungarischer Hirtengesang (chant pastoral hongrois) pour deux flûtes et un piano de Franz et Carl Doppler. Les quatre flûtistes se retrouvaient sur le Quatuor op. 19 pour 4 flûtes d’Anton Reicha, triomphe de l’écoute bienveillante de chacun dans un équilibre parfaitement orchestré.

De la flûte au triangle au cœur du grand orchestre

Le soir-même, le bel Orchestre de l’Opéra de Toulon dirigé par Philippe Bernold (lui aussi flûtiste qui rejoignit les solistes lors du bis festif répondant à l’enthousiasme de la salle) proposait un concert qui arpentait les époques et les styles, passant d’extraits d’Orphée de Gluck ou du Concerto en mi mineur de Benda à des pièces de Saint-Saëns (Romance pour flûte et orchestre, Odelette pour flûte et orchestre), de Mendelssohn (Songe d’une nuit d’été) et de Carl Reinecke (monumental Concerto en ré majeur pour flûte et orchestre). Philippe Pierlot, Juliette Hurel, Patrick Gallois officiaient tour à tour, déployant un jeu précis et éloquent en un dialogue soutenu avec un orchestre nuancé. Pas d’Emmanuel Pahud au programme ? Qu’à cela ne tienne, le fantasque musicien tenait à écouter au plus près ses complices. L’auditoire hilare le vit se glisser au fond, à côté du percussionniste, s’emparer du triangle et en jouer la partie dans l’œuvre de Reinecke, suscitant des émois zygomatiques de la salle et ceux d’un orchestre stoïque et émerillonné.

Pas une question de taille !

Le concert final conviait les flûtes de Kazumori Seo, Michel Moraguès et Ransom Wilson accompagnés du piano éloquent de Mélanie Bracale sur des pièces de Joachim Andersen, David Diamond (dont la Sonate pour flûte et piano de 1986/87 avait été créée par son dédicataire, Jean-Pierre Rampal, à l’occasion de son 65e anniversaire) et François Borne. Le titre du concert, Belle époque, prenait un sens plus large que la période historique désignée, « après tout, la belle époque est toujours celle que nous vivons » sourit l’un des interprètes ! À la fraîcheur d’Andersen, ses phrasés amples et poétiques répondait le rythme très allant de Diamond et la prodigieuse virtuosité de la Fantaisie brillante su Carmen de Bizet de Borne, « bien plus difficile que l’original » déclara avec une moue mutine Ransom Wilson. Jean-Louis Beaumadier (piccolo) rejoignait la scène avec la pianiste, compositrice et arrangeuse Véronique Poltz sur une Scottish espiègle de Vincenzo de Michelis, enchaînant les œuvres avec une inextinguible verve. Le piccolo, outre ses capacités dans les aigus, savait élargir les sons, leur accorder une ampleur surprenante, folâtrant parfois, musant au cœur des mélodies les pailletant de nuances. Raphaël Leone (piccolo) rejoignait les musiciens pour le Sperl-Galopp & Vergnügungszug pour deux piccolos et piano de Johann Strauss, suscitant l’enthousiasme général.

La Convention internationale de la flûte avait dû quitter la région parisienne et trouver asile à Aix-en-Provence. Visiblement, l’entente est scellée, que ce soit par la qualité des propositions qui allaient bien au-delà des concerts et des créations, avec master-class, expositions, conférences, cartes blanches, ou un public venu en masse. On ne peut que souhaiter que la Convention décide de poser se bagages à Aix-en-Provence pour de longues années !

MARYVONNE COLOMBANI

La Convention internationale de la flûte s’est tenue du 26 au 30 octobre au Conservatoire Darius Milhaud, Aix-en-Provence.

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