jeudi 18 avril 2024
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Umwelt, un champ de ruines…

Vingt ans après sa création, la pièce Umwelt de Maguy Marin est toujours aussi éloquente

Le portrait de l’humanité dressé par Maguy Marin dans Umwelt est un miroir à peine grossissant de notre réalité. Aussi désespéré que désespérant. La pièce, créée en 2004, est d’une cuisante acuité sur les liens qui unissent et désunissent les hommes et les femmes, les actes fondateurs (la naissance, la mort) et le temps qui passe (la vieillesse, la finitude). Sans oublier notre pouvoir destructeur sur notre environnement. 

Il y a vingt ans, déjà, la chorégraphe nous mettait en garde contre notre insouciance et l’inconséquence de nos actes en faisant voler par-dessus bord les scories de notre vie dans ses menues traces quotidiennes : sacs plastiques, restes de nourriture, vêtements usagés jonchent le sol pour l’éternité… Umwelt est une tornade écologique dans son propos comme dans sa gestuelle répétitive et minimaliste. Le va-et-vient des corps est incessant, ils glissent et se faufilent entre les parois de Plexiglass pour réapparaitre métamorphosés par une ribambelle d’accessoires. 

Terrible réquisitoire
Chassé-croisé entre fond de scène et avant-scène dans un flux continu de postures universelles : ils s’embrassent, s’enlacent, se coiffent, se déshabillent, mangent. L’effet miroir avec le public est inconfortable. Il ne peut que se reconnaître puis retenir son souffle quand les situations dérapent, quand la mécanique s’enraille, quand l’empoignade est féroce et la paire de claques intempestive. D’autant qu’un vent assourdissant gronde sans interruption sur le plateau, emporte les danseurs dans le tourbillon de la vie, et nous avec. 

Chacun projette un peu de soi qui en salopette et bleu de travail, en robe de chambre usée, en sous-vêtement affriolant, en blouse de ménage ou en kimono chatoyant. Parfois, l’un d’entre eux (d’entre nous ?) a un sursaut de conscience et plante un arbre en espérant qu’il lui survivra. Mais c’est trop tard car la frénésie humaine reprend aussitôt le dessus et tout recommence. On consomme, on jette, on prend, on laisse sans se soucier des lendemains qui déchanteront. Le réquisitoire de Maguy Marin est terrible, et le capharnaüm laissé par les humains sur terre laisse un goût amer de culpabilité : qu’avons-nous fait depuis vingt ans ? 

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Umwelt a été joué les 8 et 9 mars au Zef, scène nationale de Marseille.

Avant la représentation du 8 mars, Francesca Poloniato, directrice du Zef, a lu une déclaration commune de l’équipe de la scène nationale et de la compagnie Maguy Marin, en soutien au mouvement contre la réforme des retraites. Dans ce texte percutant, juste et humble, théâtre et artistes ont annoncé le versement de la recette de la soirée aux caisses de grève de l’intersyndicale. Chapeau !

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