Le Chœur Accentus, chœur de chambre devenu une référence dans l’univers de la musique vocale et Insula Orchestra, ensemble qui joue sur des instruments d’époque, tous deux fondés et dirigés par Laurence Equilbey, fêtaient respectivement leurs trente et quarante ans.
Au programme, deux œuvres permettaient de goûter la palette subtile du chœur et de l’orchestre menés par la battue précise et intelligente de leur cheffe. Le rarement donné Oratorio Saint François d’Assises de Charles Gounod, redécouvert un siècle après sa composition (la partition de 1891, que l’on croyait perdue, fut exhumée des archives des Sœurs de la Charité de Saint-Louis), ouvrait le spectacle, sublime de sobriété dans l’épaisseur de son écriture lyrique. La voix du ténor Amitaï Pati épouse avec élégance la partition qui demande des passages délicats entre les registres de poitrine et de tête, de même que celle ample et mélodieuse du baryton Samuel Hasselhorn. Les accents du chœur répondent aux solistes, bouleversants d’expressivité. Le dialogue entre le saint et le Christ en croix prend une dimension spirituelle tandis que les anges en chœur rompent avec le caractère tragique du propos dans une réconciliation lente et apaisée. Cette union de l’être et du monde trouve son accomplissement dans le Requiem de Fauré qui est enchaîné sans pause avec l’oratorio, prolongement poétique qui maintient le public en apesanteur.
Voix séraphique
Ce « Requiem doux comme moi-même», souriait le compositeur qui affirmait ne pas avoir écrit ce monument de la littérature musicale pour une occasion particulière mais « pour le plaisir », évite la colère du Dies Irae et n’en conserve que le dernier verset, Pie Jesus, prière de conclusion, portée par la voix séraphique de Lenny Bardet, soliste soprano, enfant de la maîtrise des Bouches-du Rhône dirigée par Samuel Coquard. Le jeune chanteur, baigné par une douche de lumière, offre la pureté de sa voix à la mélodie qui semble plus angélique qu’humaine. La mort n’est pas sujet de terreur pour Fauré qui écrivait à son propos : « je la sens comme une délivrance heureuse, une aspiration au bonheur d’au-delà, plutôt que comme un passage douloureux ». L’ensemble du Requiem, conçu comme un tissage fin de prières chantées, trouve des échos fulgurants dans l’interprétation menée par Laurence Equilbey. Les vagues sonores viennent transporter les âmes, on côtoie l’indicible, baignés des effluves célestes. Les agitations et les angoisses s’apaisent. On reste suspendu dans un univers de paix et de beauté.
Le directeur des lieux, Dominique Bluzet, saluera au terme de la représentation la présence fidèle de Laurence Equilbey et de ses ensembles dès la première année de fonctionnement du Grand Théâtre. Une fois n’est pas coutume (on ne « bisse » pas après un Requiem), la cheffe faisait reprendre le final In Paradisum, libérant toutes les tensions pour entrer dans un univers de joie célébré par la clarté radieuse des vents.
MARYVONNE COLOMBANI
Spectacle joué le 17 février, au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence