jeudi 18 avril 2024
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Un festival de haut vol 

Pour sa 25e édition, le festival Les Élancées ramène au cœur de la piste la rumeur du monde, faisant rayonner les arts du geste autour de la ville d’Istres

La création circassienne fonctionne toujours comme un écho du monde : au cœur de la piste, en bruit la rumeur. Cette année, le rapport à un environnement chahuté se traduit en premier lieu par la présence animale, fut-elle métaphorique à travers le mimétisme des nombreux équilibristes du Complexe de l’autruche, ou bien réelle. Gallinacées et palmipèdes de la Compagnie des Plumés reviennent avec leur univers loufoque et tous publics dans Poil de la bête opus 3, quelques années après avoir ravi le public du festival avec son Poulomaton et ses portraits tirés aux côtés de la volaille. Présence végétale ou organique aussi, avec Pour hêtre de la compagnie Iéro et ses poétiques acrobaties sur branches ; mais aussi avec Une forêt dans la ville de la compagnie italienne TPO, et sa danse immersive, proposant des interactions aux jeunes spectateurs plongés au sein d’une réalité virtuelle.  

Arts du geste 
L’une des singularités des Élancées, c’est aussi sa pluridisciplinarité. Ce sont bien les arts du geste au sens large que célèbre le festival, et la danse s’invite au milieu du cirque avec Fauve de Mathilde Duclaux, Points de fuite de la compagnie Précipité, ou encore Légende, de Michel Kelemenis et sa dystopie d’un monde sans animaux, «un plaidoyer en faveur d’une présence au monde apaisée » selon Anne Renault, directrice du festival. Citons aussi Danse, ma planète, danse ! de Jean-Claude Gallotta, bâti autour d’un désir de transmission et d’injonctions à l’égard des aînés parfois irresponsables ! Avec Out of the Blue enfin, les acrobates Frédéri Vernier et Sébastien Davis-Van Gelder proposent quant à eux des expérimentations quasi inédites pour le milieu circassien : de gracieuses acrobaties en apnée au sein d’un immense aquarium, dans la lignée lointaine des Tubes de Jorg Muller

Rayonnement territorial 
L’autre singularité des Élancées, c’est son rayonnement territorial, essaimant dans des lieux parfois méconnus, et variant les cadres de représentation – salles, chapiteaux, mais aussi espace public pour certains « Rendez-vous du dimanche ». Cette année, de nouveaux lieux sont investis, à l’image du Pavillon Grignan à Istres, et de nouveaux partenariats permettent d’étoffer la programmation. En collaboration avec le Citron Jaune, centre national des arts de la rue de Port-Saint-Louis-du-Rhône, la compagnie Sacekripa investit ainsi le bord de l’étang de l’Olivier avec sa nouvelle création Surcouf. Un partenariat se noue aussi avec l’Usine, autour de l’accueil du rappeur Killason et son spectacle Wolf Show. Anne Renault se félicite de cette nouvelle collaboration, permettant de « découvrir un jeune artiste choc de 23 ans, et de créer une ponctuation au sein d’une programmation très diverse. Sans oublier bien sûr le partenariat réitéré avec la Biennale Internationale des Arts du Cirque : nous sommes le festival dans le festival ! Nous conservons toutefois notre singularité et notre part d’autonomie par rapport à ce gros événement. Et l’an prochain, nous célébrons nos 25 ans ! »

JULIE BORDENAVE

Les Élancées
Du 31 janvier au 11 février 
Istres, Cornillon-Confoux, Miramas, Fos-sur-Mer… 
scenesetcines.fr 

« Permettre l’accès au plus grand nombre »
Entretien avec Anne Renault, directrice des Élancées

Zébuline. Quelle identité se dégage de cette 25e édition ? 

Anne Renault. Comme d’habitude, elle a été pensée au gré des propositions émanant des artistes, des spectacles que j’ai pu voir et des fidélités tissées au fil du temps. Sans présupposé au départ, il s’avère que les thématiques se détachent d’elles-mêmes avec évidence, au fur et à mesure que la programmation se construit. Or, comme nous sommes perpétuellement en prise directe avec le monde, je me rends compte qu’elles sont en rapport avec les grandes questions sociétales qui nous traversent. Outre la part belle à la création, qui est habituelle dans Les Élancées, le festival intègre aussi cette année aussi beaucoup de femmes : la création féminine, notamment circassienne, arrive en force, à travers des artistes telles que Fanny Soriano ou Raphaëlle Boitel. 

Que nous dit la création circassienne du monde contemporain ?
À propos des thématiques qui se détachent, nous pouvons évoquer le nécessaire déséquilibre du monde. De nombreuses propositions tournent autour de ce sujet, que ce soit à travers la prise de risque, la chute, ou encore les différentes manières de se relever… Je pense notamment à L’absolu de Boris Gibé, qui est aussi un véritable objet d’art plastique ; mais aussi à Brame de Fanny Soriano, qui traite du déséquilibre de manière littérale autour des portés en hauteur, mais aussi de manière figurée autour du vertige amoureux… Je pense également à Esquive de Gaëtan Levêque, qui propose des figures acrobatiques dans les airs grâce au trampoline. Autre thématique : le rapport au monde, à l’écologie et aux animaux. C’est le prisme d’aujourd’hui, qui s ‘est imposé à nous ! Nous abordons aussi la question de l’illusion, avec le mentaliste Raoul Lambert : comment est-il encore possible aujourd’hui de se faire manipuler, à son insu ? Même si le sujet est traité par le prisme de l’amusement, ça dit des choses. 

Nous retrouvons aussi Kader Attou, accueilli en résidence longue à Scènes et Cinés.
Le chorégraphe est en effet associé à Scènes et Cinés pour trois ans. Avec Prélude, il a créé une pièce tout terrain, qui sera jouée en extérieur à Grans. Nous poursuivons notre partenariat vers une nouvelle création en 2023, axée jeune public cette fois. D’autres créations sont prévues pour 2024, autour de la thématique méditerranéenne. Kader Attous’implante de manière plus évidente en région Sud, entre Marseille et l’étang de Berre. Il nourrit de fortes envies de développement, de formation et de transmission. Nul doute qu’il va compter dans le paysage local très rapidement. 

Quelles modalités sont pensées pour accueillir au mieux le public ?  

Ce temps festivalier nous permet de brasser un public vraiment différent. Il s’agit d’un temps ancré dans le paysage local. La diversité est là, la plupart des spectacles sont accessibles au tarif Élancées – soit cinq euros la place – pour permettre l’accès au plus grand nombre. Tout un volet d’actions pédagogiques se déroule en parallèle des spectacles : les artistes sont systématiquement présents dans les classes, afin que les enfants deviennent ambassadeurs et ramènent leurs parents aux spectacles ! Nous mettons aussi cette année en place une colonie pour des jeunes spectateurs, qui vont vivre l’expérience en étant accompagnés. L’après Covid est plutôt positif. La fréquentation des salles est bonne, les enseignants sont preneurs de nos propositions…  J’espère que le festival pourra bénéficier de ce regain d’envie au cœur de l’hiver. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JULIE BORDENAVE 

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