mercredi 24 avril 2024
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Une année particulière

Dans La poupée qui fait oui, son premier roman, Agnès de Clairville apporte un regard sensible sur les questions d’emprise et de consentement

Une école d’ingénieurs installée dans une ville nouvelle loin de tout. Une année scolaire à la fin des années 1980. Scientifique de formation, Agnès de Clairville semble bien connaître le petit monde qu’elle met en scène dans son premier roman, La poupée qui fait oui. Les bizutages humiliants, les soirées très arrosées, les cours qu’on suit dans un état second (quand on ne les fait pas sauter), tout cela sent le vécu, comme les retours le week-end au sein d’une famille très « comme il faut » de la bonne société versaillaise. C’est pourtant le biais de la fiction que l’autrice a choisi pour parler de consentement, d’emprise, et aussi lever le voile sur certains secrets de famille. Histoire, comme elle le déclare, de « transmettre une expérience autrement qu’en faisant un sermon à mes filles ». Ce roman, rédigé grâce à un atelier d’écriture au long cours mené à Marseille par Jean-Paul Garagnon, Agnès de Clairville le leur a d’ailleurs dédicacé, ainsi qu’ « à tous les garçons et les filles de leur âge ».

Polyphonie
Un roman donc, à quatre voix. Celle d’Arielle, la principale protagoniste, d’abord. Arielle est l’une des plus jeunes élèves du campus. Ce qu’elle veut, c’est devenir femme. Le plus vite possible. Et elle va tout faire pour cela, quitte à y laisser sa réputation. Elle n’a pas froid aux yeux mais elle est jeune, et naïve. Ce qui la précipitera dans les bras (et sous le joug) d’Éric, un troisième année charismatique de six ans son aîné. Une emprise violente, dont elle peinera à s’extirper, tant est grande sa sidération. Face à Arielle, Inès est le témoin impuissant de la métamorphose de sa fille, qui la renvoie à sa propre jeunesse, compliquée… Deux autres voix viennent étoffer le récit. Celle de Françoise, la secrétaire de l’école, qui connaît tout de ses étudiants et porte un regard inquiet sur leurs débordements. Celle de Mowgli, le meilleur (et seul) ami d’Arielle, pris lui aussi dans la confusion des sentiments. Quatre points de vue donc, quatre paroles aux accents particuliers, pour relater une année de tous les dangers. Dont Arielle sortira plus forte, mais ô combien blessée. Comme Inès avant elle. Un roman choral sensible, que l’autrice dit avoir écrit « pour les jeunes filles rangées et dérangées, pour les garçons trop sûrs d’eux, pour les mères disqualifiées et pour les pères absents. »

FRED ROBERT

La poupée qui fait oui d’Agnès de Clairville 
Éditions Harper Collins (collection Traversée), 18 €

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