Etonnant à Avignon : une première de créateurs en vogue, invités pour la première fois au festival, n’affiche pas complet. Difficile pourtant d’imaginer qu’un soleil caniculaire suffise à décourager celles et ceux dont le seul nom d’El Conde de Torrefiel attise la curiosité. Quitte à sortir des remparts avignonnais pour se rendre jusqu’à la petite commune de Vedène où est programmée Una Imagen interior (Une image intérieure), dernier opus de la compagnie-couple espagnole composée de Tanya Beyeler et Pablo Gisbert. Après que deux techniciens suspendent en fond de scène une toile blanche maculée de jets de peinture multicolore aux motifs symétriques, la voix off surtitrée, unique procédé narratif de la pièce, indique que nous nous trouvons dans un musée d’histoire naturelle. Ses visiteurs et visiteuses, mutiques, observent l’œuvre exposée, avec une attitude plus ou moins intéressée. Les commentaires évoquent son origine exceptionnelle, de plus de trente mille ans, initiant une première réflexion sur l’art, ses origines, ce qu’on y projette et ce qu’il dira d’une époque aux générations futures. Suivra une scène tout aussi banale dans un supermarché, puis une immersion dans un rêve autour d’une veillée dans une grotte préhistorique. D’où venons-nous, où allons-nous, que voyons-nous, ce qui est visible exprime quelle réalité dans nos sociétés sur écran, dans quel état j’erre… ? Le questionnement existentiel éculé posé par la voix invisible frôle la philosophie de comptoir. Malgré le rythme soutenu de surtitres, le dispositif lui fonctionne, plongeant le spectateur dans une aventure théâtrale innovante. Elle stimule les sens à défaut de procurer des sensations. Déception.
LUDOVIC TOMAS
Una Imagen interior a été jouée du 20 au 26 juillet à l’Autre scène du Grand Avignon, à Vedène, dans le cadre du Festival d’Avignon.