Carole Errante n’en finit pas de nous étonner. Le 26 novembre dernier, avec sa compagnie La CriAtura, la metteuse en scène faisait danser le quartier marseillais du Panier dans une ambiance de fête de village queer. Balhaus dans la cité, c’est ainsi qu’elle a nommé son nouveau projet inclusif et itinérant de grand bal populaire et artistique. Au menu, tango, danses latino, afro, orientales, musette… Et des créatures de bal pour mener la danse. Une proposition inspirée par l’Afrovibe, discipline au croisement de la danse et du fitness créée par la chorégraphe et coach sportive Maryam Kaba pour contribuer à l’acceptation de soi. « C’est une invitation au lâcher prise et à l’amusement, ouverte à tous les âges et à tous les genres. On y échange nos patrimoines dansés en posant la question de ce dont on a hérité et de ce qu’on transmet. » Mais pour Carole Errante, l’intention va encore plus loin. Pour elle, le fait de créer des formes spectaculaires dans l’espace public est avant tout « une militance joyeuse qui pose un acte politique fort avec nos corps et nos culs ! » Le sujet du genre comme celui du processus de création sont au cœur des travaux de la metteuse en scène, également danseuse de formation. Comme d’autres de ses chantiers artistiques, le Balhaus prend forme au cours d’ateliers avec différents groupes de publics.
Échapper aux discours actuels
Les trois années précédentes, il y eut aussi Atout Genres, une formidable aventure menée avec des personnes transgenres – mais pas seulement – et qui s’est conclue dans une « belle mixité » par une représentation dans le cadre de la dernière Biennale des écritures du réel, au Théâtre de la Cité, à Marseille. Le 7 décembre, au Théâtre Antoine Vitez, à Aix-en-Provence, la dernière pièce de Carole Errante, L’Affaire Harry Crawford, fait son retour avec une nouvelle distribution. Agnès Audiffren succède avec enthousiasme et défi à Juliette Plumecocq-Mech dans le rôle-titre et Frédéric Schulz-Richard, l’étonnant Miss Puntika dans Vedette(s) rejoint la troupe. « On espère le jouer dans le Off d’Avignon cet été », confie la metteuse en scène. Adaptation d’une pièce de l’auteur australien Lachlan Philpott qui n’avait encore jamais été créée en France, cette histoire vraie de transidentité avant l’existence du terme – nous sommes au début du siècle dernier – est imbriquée à une affaire de meurtre. « La pièce n’offre aucune réponse. C’est une polyphonie de thèses conflictuelles qui, poussées à l’extrême à travers la fiction poétique, aboutissent forcément à une énigme. Elle nous permet de renouer avec le mystère et la complexité du vivant en échappant aux discours actuels, au délire de nomination, aux phénomènes de mode, à la contextualisation habituelle et stéréotypée des personnes LGBTQI… », explique Carole Errante dans sa note d’intention.
Pour sa prochaine création, elle s’inspire à nouveau d’un texte de Philpott : L’Aire poids-lourds. On y parlera encore de quête d’identité, de rapports à la sexualité, de cyberharcèlement, mais cette fois dans le monde adolescent et à l’ère du numérique.
LUDOVIC TOMAS
L'Aire Poids-Lourds
3 février
Théâtre Joliette
Marseille
04 91 90 74 28
theatrejoliette.fr