Que nous reste-t-il, aujourd’hui, de la pensée d’Hannah Arendt ? Si ses textes et réflexions sur la condition humaine, la liberté, la politique et la responsabilité ont inspiré des générations de penseurs et de militants, le théâtre ne s’y est pas si souvent consacré, préférant se concentrer sur la vie pour le moins romanesque de l’autrice. La philosophe, qui soutint sa thèse de doctorat, dédiée à Saint Augustin, au très jeune âge de 22 ans, compte pourtant parmi les penseuses les plus importantes de son siècle. Créée au Festival Off d’Avignon, la pièce mise en scène par Charles Berling a été amplement saluée pour sa capacité à célébrer et mettre en actes cette pensée fondatrice en l’offrant à un public invité à échanger et à débattre. C’est à Bérengère Warluzel que l’on doit cette forme ouverte : la comédienne s’est emparée des textes philosophiques d’Arendt pour en extraire la matière théâtrale, et faire surgir une dialectique plus proche de l’oral. Le spectacle célèbre le désir incompressible de l’autrice pour l’analyse et la compréhension d’un monde aux nombreuses zones d’ombre. La voix d’Arendt se confronte à différents personnages tous incarnés par la brillante comédienne : un journaliste, une écrivaine… Tant d’individus aptes à susciter des répliques, des sursauts de pensée. Mais aussi de poésie, puisque les médiums convoqués – piano, marionnettes conçues par Stéphanie Slimani – interrogent également la notion, fondamentale, d’engagement.
SUZANNE CANESSA
Fragments
Du 9 au 13 mai
Théâtre des Bernardines, Marseille