Ne pas se fier à sa dégaine d’éternelle adolescente, arborant blue jean et perfecto, ou à sa timide entrée en matière : « ça commence ? Bon, je vous préviens, ça va être long ! ». Karine Mazel est une oratrice redoutable : forte d’un jeu d’actrice si naturel et travaillé qu’il se laisse oublier, et d’un indéniable talent de conteuse, elle sait s’imposer le temps d’un seule en scène s’apparentant autant à la conférence théâtralisée qu’au one-woman-show vitaminé. Le principe de ce Tu parles, Charles ! est transparent dès l’ouverture : démêler la douzaine de pelotes de laine entortillées les unes sur les autres ; et avec elle, les nombreux malentendus autour des contes, décriés alors qu’ils sont, peut-être plus que jamais, indispensables.
C’est l’intention qui conte
L’heure et les poussières qui s’ensuivent passent à une vitesse folle : on y assiste, amusés, à la confrontation de Karine, conteuse et fière de l’être, et de son amie Isa, qui lui avoue sa réticence à conter les grands classiques du genre à ses enfants. Sexistes, réactionnaires, ces contes si violents, si crus parfois qu’on se demande s’ils se destinent bien à des enfants ? C’est normal, répond-on à Isa : la plupart des contes merveilleux se destinent aux adultes, et seule une partie d’entre eux se révèlera appropriée pour les tous petits. Et quel besoin de se confronter encore et toujours aux mêmes histoires ? Mais pour les rafistoler, décortiquer et réinventer à notre tour, pardi ! Si tout un chacun ne sera peut-être pas en mesure d’apporter au Petit Chaperon Rouge ou encore au Prince Serpent la matière et la puissance que sait leur prêter la conteuse, ce réjouissant plaidoyer a de quoi les convaincre d’essayer. Et de quoi œuvrer pour un nouveau temps des récits.
SUZANNE CANESSA
Tu parles, Charles ! a été joué le 6 avril à L’éolienne à Marseille.