Robert et sa femme (elle ne sera jamais nommée) ne sont jamais allés au théâtre. Leur cousin éloigné, directeur d’une salle, les invite à dîner sur scène devant un public. L’argument de base du Repas des gens de la Compagnie L’Entreprise a de quoi laisser songeur… et pourtant ! Ce qui avait l’air d’un freak show pour bourgeois cultivés s’avère être, grâce à la totale bienveillance de François Cervantes à l’égard de ses personnages, une surprenante réflexion sur le théâtre et surtout sur le rôle de spectateur.
Une histoire de conventions
Les personnages – le couple (Catherine Germain et Julien Cottereau) et le régisseur du théâtre (Stephan Pastor) – correspondent à des stéréotypes, mais dans des versions poussées à d’invraisemblables extrêmes : ils ne sont jamais sortis de leur quartier, il n’est presque jamais sorti du théâtre. Chacun découvre un monde de conventions qu’il ne connaît pas et tente de faire au mieux, doute parfois de la légitimité de sa présence, mais jamais ne rechigne à cette découverte. Le public devient alors le spectacle, voire l’objet d’étude des personnages qui dînent sur scène, nous renvoyant à l’aspect fondamentalement contre-nature du comportement attendu de la part des spectateurs.
« Vous écoutez ? Vous parlez pas ? Faut avoir confiance hein… » s’exclame l’épouse en découvrant le public dans les premières minutes de la pièce. Et il semblerait que c’est justement cette confiance aveugle du spectateur acquis aux conventions théâtrales que s’emploie à remettre en question l’auteur en subvertissant les codes et en créant la surprise par des retournements de situation qui rendent cette mise en abîme jouissive et inclassable.
Pour celleux qui n’auraient pas pu s’inviter au Repas des gens à Marseille, il sera servi et resservi tour au long du Festival Off d’Avignon cet été !
CHLOE MACAIRE
Le Repas des gens a été créé du 16 au 27 janvier au Théâtre de la Criée