Des livres et des rencontres. Le festival marseillais Oh les beaux jours ! s’est une nouvelle fois distingué par la richesse des échanges qu’il construit. C’était le cas avecColum McCann, auteur irlandais rapidement parti explorer le monde en tant que journaliste, et qui s’est lancé dans une œuvre empathique qui observe les troubles de notre société. Magnifiquement questionné par l’écrivain Christophe Ono-dit-Biot, il nous raconte comment lui sont venus le désir et l’obligation d’écrire l’histoire de James Foley, torturé et décapité par Daech, et de sa rencontre avec sa mère, Diane, qu’il a voulu accompagner au procès de son assassin. Il nous a montré une photo de James en train de lire un de ses livres dans sa prison : ça l’a décidé. Se pose pour lui le problème de ne pas être un voyeur.
Dans un tout autre style, on a été séduit par la lecture que Thomas B. Reverdy a donné de son texte mis en musique par J.P. Nataf. Style rythmé et voix chaleureuse sont au service d’une journée dans un lycée de Bondy : un écrivain doit intervenir dans une classe de français. Un événement vient perturber l’ordinaire, une émeute éclate. L’univers des banlieues avec une note d’espoir.
La place des femmes
On adore retrouver Cécile Coulon, sa simplicité, son naturel, pour une histoire sauvage et intense. Dans son neuvième roman, un jeune guérisseur se rend pour la première fois au chevet d’un jeune malade et prend de la distance avec les enseignements de sa mère. Une histoire sans âge qui plonge au cœur des mystères.
Louée soit Daphné Ticrizenis qui a voulu raconter l’histoire de la littérature des femmes, les difficultés qu’elles ont eu à se faire entendre et qu’on s’est empressé d’oublier ! Deux livres retracent leur histoire du Moyen Âge au XIXe. Le troisième, en préparation, couvrira le XXe siècle et le début du nôtre (attendu pour septembre). Des lectures ont été proposées, accompagnées de musique des mêmes époques interprétées par des élèves du Conservatoire. Au feu, les Lagarde et Michard !
CHRIS BOURGUE
Oh les beaux jours ! s’est tenu du 22 au 26 mai à Marseille.
Le sens de la justice
Parce que la littérature permet encore et toujours d’interroger la société, le festival conviait Joy Sorman et le magistrat-chercheur Denis Salas à une discussion sur le fonctionnement de l’institution judiciaire, le dimanche 26 mai à la bibliothèque de l’Alcazar. Dans le dernier roman de l’autrice, Le Témoin, un homme abandonne toute sa vie et part dans les entrailles du nouveau palais de justice de Paris pour « vérifier que la justice est juste ». Les observations du protagoniste sont celles réalisées par Joy Sorman durant le long travail documentaire qu’elle a réalisé dans ce même palais de justice, assistant à de nombreux procès sans entrer en contact avec les différentes parties. Selon elle, « un procès, c’est une classe bourgeoise qui juge une classe prolétaire », ce qui est notamment cristallisé par le cérémonial et le langage. Un point de vue qu’appuie Denis Salas pour qui la justice, parce qu’elle est censée exercer une contre-violence, est violente par définition.
CHLOÉ MACAIRE