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Lutte des classes au Conservatoire

Pour finir le mois de janvier le Conservatoire de Marseille a vécu une nuit de folie, emblématique d’un radical changement de cap à l’œuvre

La Nuit des Conservatoires en est à sa 12e édition nationale, mais l’établissement marseillais y prenait part pour la première fois, sous l’impulsion de sa nouvelle directrice Aude Portalier. Pour celles et ceux qui ont fréquenté dans le passé le Conservatoire Pierre Barbizet, conservateur et élitiste, centré sur l’enseignement académique de la musique, avec ses salles fermées, poussiéreuses et ses horaires de maison de retraite, l’évolution opérée ces dernières années est sidérante.

D’une part parce que dans la cour parents et élèves (majeurs !) pouvaient boire des bières de la Plaine, manger un hot dog, discuter… D’autre part parce que ce conservatoire est enfin, comme ses missions l’y obligent, pluridisciplinaire. L’École nationale de danse de Marseille interprétait Cyrano de Christophe Garcia sur le grand escalier du Palais Carli, les élèves du cycle spécialisé de théâtre proposaient des lectures, des déambulations, des spectacles dans tous les espaces et dans toutes les salles, toutes les classes de piano jouaient en continu l’intégrale des nocturnes de Chopin…

De fait l’établissement est devenu un formidable endroit de rencontres entre les cultures innovantes et anciennes, populaires et savantes, textuelles et musicales. Les professeurs s’y impliquent et s’y amusent, avec un « blind test » proposé par Frédéric Isoletta, un cabaret politique créé par Pierre Adrien Charpy et ses élèves compositeurs ; on y chante des mélodies espagnoles et des zarzuelas populaires avec Magali Damonte, on y joue de toutes sortes de flûtes, l’orchestre d’harmonie fait sonner ses cuivres et on continue d’y être un haut lieu de création acousmatique et de musique française.

Créations en connivence

Pour le grand concert de l’Osamu (orchestre universitaire) profs et étudiants de l’Amu et du Conservatoire, en connivence, jouent dans la grande salle Tomasi du Schönberg et créent une pièce de Mehdi Telhaoui, récemment diplômé de la classe de composition. 

Deux heures auparavant l’orchestre de Vincent Beer Demander, professeur de mandoline, et la compagnie théâtrale Organon (Aïssa Bussetta et Valérie Trébor) ont proposé l’avant-première d’un spectacle qui sera créé en juin à La Criée, et qui donne à Brecht des tonalités très actuelles, grâce aux habitants de la Belle de Mai qui y figurent, les classes populaires avec une vérité folle, puisqu’ils en sont. Sur scène la diversité des générations des femmes campant la Mère de Brecht permet de figurer précisément le personnage, adaptée du roman de Gorki : cette mère célibataire, Pélagie, ouvrière analphabète, s’instruit et devient une figure de la Révolution de 17. Lutte des classes, remise en cause du capitalisme destructeur, grèves, manifestations et prise du pouvoir par le peuple… Qui pensait qu’au Conservatoire de Marseille cette littérature dramatique pourrait être campée par des habitants de la Belle de Mai de 14 à 70 ans, chantant et déclamant ensemble des songs – composées dans l’esprit de Kurt Weill par un Vincent Beer Demander très inspiré – devant un public plus diversifié que jamais ? 

AGNÈS FRESCHEL

La Nuit du Conservatoire s’est déroulée le 31 janvier au Palais Carli, Marseille.

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