mercredi 2 octobre 2024
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Aïchoucha : le bon son du bled

Khalil Epi présentait dans la cour de la Vieille Charité une œuvre puissante. Un voyage visuel et musical dans une Tunisie profonde, sauce électro

Trois écrans géants nous accueillent dans la vaste cour de la Vieille Charité où la nuit peine à tomber. Sur le côté, Khalil Epi est derrière ses machines : synthétiseur, contrôleur de pad, table de mixage… devine-t-on depuis les sièges installés pour l’occasion. Les spectateurs sont venus nombreux pour assister à Aïchoucha, une performance visuelle et sonore de ce franco-tunisien, qui nous promet un voyage dans les terres et la musique de son pays natal. Une promesse largement surpassée.

Archive sensible

C’est à Tunis que l’itinérance débute. Des plans en hauteur sur la ville, de nuit, de jour, sur fond de musique électro. Puis Khalil Epi pose sa caméra sur une table où une bande d’amis discute gaiement. L’un deux se dit « trop saoul » pour chanter, mais il se lance. Sa voix prend tout à coup une puissance sonore remarquable, le talent de ce chanteur d’un soir d’abord, mais surtout le travail réalisé par l’artiste pour capter, mixer, et amplifier sa voix. Sur scène, Khalil Epi joue par dessus les images et la bande-son. Il envoie tantôt des kicks de basse, tantôt des mélodies au clavier, ou des vagues acoustiques – toujours en parfaite synchronisation avec les images. Le rendu est saisissant, et les sièges grincent tant il est difficile de rester immobile devant ce bijou musical.

Ce même ballet accompagne la suite du film, divisé en séquences pour autant de lieux et de chansons. Car Khalil Epi quitte vite Tunis, et c’est dans des villages isolés de la campagne tunisienne qu’il nous emmène. À chaque fois, on découvre derrière une image léchée, brulée de soleil, des pans de la culture populaire de ce pays. La musique bien sûr, mais aussi les costumes, les rites, les regards, l’intimité d’un patio familial.

Dans Aïchoucha, l’artiste propose en plus de son remarquable talent de vidéaste et de musicien une œuvre qui frise avec un travail d’archive sensible. Avec ces images et ces sons, il réussit à capter ce quelque chose d’immatériel qui fait la richesse d’un pays ou d’une culture. Et de saisir, volontairement ou non, ce sentiment de mélancolie que connaissent ceux qui ont quitté leur terre d’enfance.

NICOLAS SANTUCCI 

Aïchoucha a été donné le 14 juin à la Vielle Charité, Marseille.
Et ça continue...

C’est une semaine sous le signe de la création qui s’annonce, avec d’abord Freedom Sonata, lettre d’amour d’Emmanuel Gat à Marseille et à la liberté (les 20 et 21). Puis Benjamin Dupé s’installe tout le week-end dans la calanque de Morgiret avec (f)riou(l), un opéra maritime. Enfin, Maryam Kaba et Marie Kock présentent leur premier projet commun, Joie UltraLucide. Elles mêlent la danse aux mots pour exprimer la reconstruction des femmes victimes de violence (les 22 et 23).
Le Festival accueille également la première française de While we are here, rave hardcore tissée de danse folklorique de Lisa Vereertbrugghen (les 23 et 24).

Dans Anda, Diana, Diana Nepce évoque son chemin pour réapprendre à marcher après un accident qui l’a laissée paralysée (le 20). Malika Taneja présente Be Careful, performance politique créée en 2013 dans un contexte de débat national sur la situation des femmes en Inde (les 22 et 23).

Cette semaine est aussi l’occasion d’une journée dédiée à la place du handicap dans l’art, avec débat, projection, atelier et performance au Mucem (le 24), ainsi que quatre représentations de Age of Content de (La)Horde avec le Ballet National de Marseille (du 25 au 27). C.M.

Festival de Marseille
Du 20 au 27 juin
Divers lieux, Marseille
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