Le chorégraphe Thierry Malandain articule sa rêverie en tableaux mouvants habités par ses vingt danseurs dans les lumières savamment orchestrées de François Menou. En préambule à la Symphonie n° 6 de Beethoven, il reprend un extrait de sa Cantate Les Ruines d’Athènes tandis que le plateau, occupé par des barres de studio de danse disposées en damier, isole les trois personnages de la première partie dans des cases où les gestes de la grammaire classique se déploient et se réinventent.
Le protagoniste central, « Lui », fantastique danseur Hugo Layer, passe de la vie à l’immobilité de la mort, reprend souffle, opposant à la contrainte rectangulaire des lieux le mouvement cyclique des saisons. Les barres hissées dans les cintres, les costumes d’ombre, longues jupes-manteaux, cèdent le pas à des tuniques blanches évoquant une antiquité fantasmée. La luminosité s’accentue, les ombres s’effacent en une réconciliation de l’être et de la nature.
Avec une grande sobriété contrastant avec le foisonnement musical, la chorégraphie de Thierry Malandain ne cherche pas à illustrer mais convie à un voyage intérieur où les images de l’Arcadie heureuse s’esquissent avec vivacité. Pas de deux, trios, courses, retours, diagonales, grands jetés, tournoiements, peuplent la scène de leur brillante virtuosité. Les danses d’ensemble semblent émaner de sculptures antiques en leurs gestes précis aux angles géométriques et rappellent les univers de Nijinski ou d’Isadora Duncan, fluidité en épure, hymne à l’harmonie. Si les ombres reviennent avec l’orage, elles sont vite dissipées par le cercle incantatoire des petits pas courbés d’Hugo Layer dessinés tout autour du plateau. Sa danse hors du temps donne à percevoir la fragilité de la beauté… et c’est une autre histoire.
MARYVONNE COLOMBANI
La Pastorale a été dansée les 8 et 9 février au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence