mercredi 24 avril 2024
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AccueilSociétéÉditoBienvenue au XIXe siècle

Bienvenue au XIXe siècle

En accédant à la requête de Me Ingrain, avocat de Gaël Perdriau, maire ex-Les Républicains de Saint-Étienne, d’empêcher Mediapart de publier toute nouvelle information sur l’affaire de chantage dont l’élu est au centre, la magistrate Violette Baty est entrée dans l’histoire de la justice française. Pas vraiment par la grande porte. Mais plutôt par celle de service, qu’on utilise généralement pour sortir en rasant les murs. Opposant une « atteinte à la vie privée » pour justifier sa décision, la vice-présidente du tribunal judiciaire de Paris a tout bonnement rétabli la notion de « censure préalable », bannie par la loi fondatrice du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette atteinte au droit fondamental d’informer est d’une gravité inédite au point qu’elle a fédéré bien au-delà de la profession de journaliste contre elle. Il faut dire que le procédé a de quoi inquiéter. Le fait de ne pas avoir pris la peine d’entendre les arguments du journal en ligne et de confisquer ainsi le principe d’un débat contradictoire pour pondre une ordonnance dans la précipitation est choquant. Mais la juge est allée encore plus loin : elle a censuré a priori un article dont elle ne connaissait pas le contenu puisque l’enregistrement incriminé et transmis à Mediapart par le premier adjoint au maire de Saint-Étienne n’a pas été entendu, comme l’a souligné Me Tordjman, avocat du journal, au cours de l’audience obtenue par ce dernier le 25 novembre.

Dérive liberticide
Ce nouvel épisode est le point culminant d’une série d’attaques visant la presse et les journalistes, qu’elles émanent de tribunaux ou de projets de loi. La proximité de Me Ingrain avec les cercles du pouvoir – ancien défenseur de l’actuel ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, il fut également conseiller du président Sarkozy de 2007 à 2010 – suffit-elle pour soupçonner dans cet événement judiciaire une connotation partisane ? Espérons que le jugement attendu ce mercredi 30 novembre mette un terme au doute et surtout à une dérive liberticide manifeste.

LUDOVIC TOMAS

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