Il n’est que d’entendre, les soirs de match, la rumeur du stade qui enfle, pour mesurer la ferveur sportive des marseillais. On ne saurait pourtant réduire la ville au football : si le ballon est partout, vissé au pied des minots en bas d’immeuble, si les couleurs blanches et bleues de l’OM sont omniprésentes, partout aussi les corps s’ébattent, qui courant, qui fendant les flots, qui boxant, qui soulevant de la fonte, qui en trail dans les Calanques. Le sport est populaire ici, hormis dans certains Cercles comme celui des Nageurs, ou dans les pratiques nécessitant un équipement onéreux.
Héritage antique
Un engouement qui ne s’inscrit pas seulement dans le culte contemporain de l’apparence « Instagramable », mais a des racines profondes. Les Archives municipales, à l’occasion des Jeux olympiques 2024, ont choisi de « poser des jalons pour comprendre comment l’héritage de l’Antiquité gréco-romaine a compté dans la conception moderne du sport », peut-on lire sur les cartels dès l’entrée de l’exposition Champion !. Le Gymnase, comme le Théâtre ou l’Agora, était l’un des lieux de sociabilité les plus importants des cités méditerranéennes, traversé d’enjeux aussi politiques que militaires ou sanitaires, sans, bien-sûr, « exclure le divertissement ». La première Olympiade a eu lieu en – 776. Les Jeux ont, apprend-on, été interdits par l’empereur Théodose 1er en 393, lorsque ces cérémonies païennes sont devenues dérangeantes dans un monde christianisé.
Champions et exploits homériques
Près de douze siècles durant, les compétitions avaient servi à impressionner le voisin, exactement comme aujourd’hui. Un exemplaire de L’Odyssée, issu du fonds ancien de la Bibliothèque de l’Alcazar, ouvert à la bonne page, souligne explicitement cette dimension du sport : « Étonnons l’étranger, écrit Homère ; qu’il puisse, en son pays, raconter notre gloire, et dire à ses amis que nuls mortels sur nous n’auraient la préférence, pour la lutte, ou la course, ou le disque ou la danse ». L’exposition fait entrer en résonance les stades antiques, tels qu’ils ont été représentés sur des mosaïques, et le Vélodrome d’aujourd’hui. Avec ses strates intermédiaires : sur les images d’archives prises par le photographe Marcel de Renzis dans les années 1930, il était encore très dépouillé et à taille humaine ; la version de 1998, lorsqu’il fut agrandi de 45 000 à 60 000 places, en maquette. Aujourd’hui, il en fait 67 000, ce qui en dit long sur le besoin d’épater la galerie… Et n’est probablement pas très bon signe sur le moral des citoyens : quand on est bien, pas la peine d’en rajouter.
GAËLLE CLOAREC
Champion ! Une histoire populaire du sport
Jusqu'au 27 septembre
Archives municipales de Marseille