Les titres des programmes du Festival international de musique de chambre de Provence ne cessent de déployer leurs facéties. Ce soir-là, le titre « De Cinq à Sept » s’imposait, non par l’heure du concert (23 heures), mais par la composition du programme qui convoquait sur la scène de la cour du Château de l’Empéri quintettes, septet et sextuor.
La variété des œuvres proposées, l’allant et l’intelligence avec lesquelles elles sont interprétées, tout concourt à un concert éloigné de toute morosité. Les spectateurs affluent. Nombreux sont les « habitués », parfois depuis la fondation du festival. « On les a vus grandir, se marier, avoir des enfants, maintenant ils sont grands et ne viennent pas tous », sourient mes voisines qui affirment préférer cette manifestation à toute autre sur la région, tant par sa convivialité que par sa qualité : « ce n’est jamais trop long, » dit l’une, « et l’on ne s’ennuie jamais, renchérit la seconde, et ils sont si simples et sympathiques ! Tiens voilà la maman d’Éric ! (Éric Le Sage l’un des trois fondateurs du festival avec Paul Meyer et Emmanuel Pahud ndlr)» On se salue, les visages s’éclairent, le spectacle va commencer… On range la feuille de salle après l’avoir consultée une ultime fois, ainsi que ses commentaires aussi précis et alertes qu’intéressants (il n’est pas rare de rencontrer des collectionneurs de ces présentations friandes d’anecdotes !).
Le Quintette opus 39 de Sergueï Prokofiev ouvre le bal, en un équilibre subtilement dosé entre hautbois (François Meyer), clarinette (Paul Meyer), violon (Maja Avramovic), alto (Gareth Lubbe) et contrebasse (Olivier Thiery). La complicité des musiciens s’amuse des aléas induits par les conditions météorologiques : lorsqu’une rafale s’acharne sur une partition et que la pince à linge (élément indispensable des représentations ventées), se refuse, une note tenue à l’unisson, fraternelle, attend l’instrumentiste qui lutte contre les éléments afin que tous reprennent ensemble. Espiègles, les archets miment les gestes des scieurs de long sur les cordes, les vents dansent, deviennent oiseau, se jouant des dissonances qui s’exacerbent, redessinant de nouvelles aspérités à la mélodie initiale, se muent en danse burlesque… La théâtralité de l’ensemble fait jubiler musiciens et public avant le bien plus sage Quatuor à cordes de Giuseppe Verdi qui affirmait « Je ne sais pas si le Quatuor est beau ou laid, mais je sais que c’est un Quatuor ! », réécrit par le bassoniste Morchedai Rechtman en Quintette en mi pour lequel le hautbois de François Leleux prend le relais aux côtés de Paul Meyer, Emmanuel Pahud (flûte), Gilbert Audin (basson) et Benoît de Barsony (cor). La fraîcheur de cette pièce résonne comme un véritable bain de jouvence avant l’entracte et le Septet Fantasia con fuga opus 28 du compositeur et bassoniste Edouard Flament, aux musiciens du quintette « verdien », s’ajoutent François Meyer, cette fois au cor anglais, et Astrig Siranossian (violoncelle). L’œuvre est brève (environ sept minutes) mais très fouillée, avec une multitude de rythmes, d’images, de modes, de nuances. Autre compositeur au nom peu familier des concerts, Ërno Dohnányi, pianiste et chef d’orchestre hongrois (1877-1960), était mis à l’honneur avec son Sextuor en ut majeur opus 37 joué avec vivacité par Natalia Lomeiko (violon), Lili Maijala (alto), Astrig Siranossian, Paul Meyer, Benoît de Barsony, Éric Le Sage (piano). Danses enjouées, airs populaires et chanson enfantine, rythmes de jazz comme pour une ancienne comédie musicale, se mêlent entre ombre et lumière, en un ensemble délicatement ciselé. Magie renouvelée de ce festival si atypique et si lumineux !
MARYVONNE COLOMBANI
Concert donné le 3 août au Château de l’Empéri