mercredi 1 mai 2024
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L’atelier géant de Claude Viallat

Pour sa carte blanche au Carré d’Art de Nîmes, Claude Viallat a décidé de faire du musée une extension provisoire de son atelier, proposant une immersion sensible dans son œuvre.


C’est une première dans sa ville natale. À l’âge de 87 ans. Pour la première fois de son parcours artistique, le peinture et sculpteur Claude Viallat est au cœur d’une exposition monographique qui lui est dédiée au Carré d’Art, alors que le lieu fête ses 30 bougies.
Pour l’occasion, le Musée d’art contemporain dessiné par Norman Foster lui a permis d’habiter ses deux espaces d’exposition ainsi que son hall. Il n’en fallait pas moins pour donner à découvrir une œuvre « nombreuse et spiralée » comme l’explicite lui-même
l’artiste nîmois. Né en 1936, Claude Viallat a grandi à Aubais (à trente kilomètres de Nîmes) et étudié à l’école des beaux-arts de Montpellier puis de Paris avant de prendre la direction de celle de Nîmes à la fin des années 80, époque de son enracinement définitif
dans la cité gardoise. En 1982, une grande exposition lui est dédiée au centre Pompidou, récit subtil d’une déconstruction de la peinture par un artiste de l’abstraction qui a cofondé le mouvement Supports/Surfaces à la fin des années 60.

Des œuvres inédites

Intitulée poétiquement Et pourtant si…, cette exposition à Carré d’Art rassemble plus de 250 pièces, peintures et sculptures, réalisées entre 2015 et 2023, soit après la rétrospective qui lui avait été dédiée au musée Fabre de Montpellier en 2014. Pendant
une phase d’accrochage qui a duré quelques jours seulement, entouré de ses assistants, sous l’oeil bienveillant de sa femme, l’artiste a transformé les espaces mis à sa disposition en une continuité de son atelier, celui-ci n’étant situé qu’à quelques centaines de mètres seulement du musée d’art contemporain. D’ailleurs, à quelques exceptions près, dont un immense diptyque dédié à l’artiste flamenco Paco Ibanez datant de 2009, la plupart des œuvres exposées sont présentées au public pour la première fois. On y admire la signature de l’artiste : des tissus peints, qu’ils soient bâche militaire, drap chiné, chute de toile ou encore parasol, depuis longtemps émancipés de leur cadre, accrochés aux murs avec seulement quelques clous et agrafes.

Forme sans nom

Dans la lignée de Supports/Surfaces, le travail de Claude Viallat reste fortement marqué par l’attrait pour les matériaux pauvres, les matières recyclées, de même que le rejet d’une valorisation marchande de son travail. Témoin d’un flux de créativité qui ne tarit jamais, son œuvre se révèle en mutation constante, précaire et multiple, comme ces objets dont on ne sait s’ils sont sculpture ou assemblage, joyeuse et vibrante à l’image de ces couleurs dont la vivacité vient de son admiration pour des coloristes comme Henri
Matisse ou Auguste Chabaud. Reconnaissable entre mille, on retrouve cette forme sans nom, ni géométrique ni organique, devenue sa marque de fabrique indélébile. Lui la dit
« « quelconque », d’autres la nomment « éponge », « haricot » ou « osselet ». Depuis les années 60, elle inonde ses toiles, à la fois empreinte et contour, motif décliné à l’infini, imparfait et généreux. Grâce à elle, l’œuvre devient son propre sujet, l’abstraction une évidence poétique.

Future fondation

Immersif et vivifiant, cet accrochage donne à voir la genèse de l’œuvre à venir dans sa plus grande pureté. Au fil de la visite dans cet atelier géant, de nombreux indices nous sont donnés sur l’importance du geste, essentiel. Autant que la matière. Car Claude Viallat aime travailler au sol, tel un calligraphe. Parfois, pour se reposer, il esquisse à sa table des peintures où le taureau est roi, témoignant sa passion d’artiste méditerranéen pour la course camarguaise et la corrida. Art abstrait prolifique et peinture figurative : l’artiste n’est pas à une contradiction près. Son œuvre est également traversée d’une fascination pour l’art pariétal et d’un éminent désir d’universalité, de partage. Et pourtant si… raconte avec délicatesse et une grande liberté un art généreux et vivant entre couleur et matière. Ne vous étonnez pas de croiser Claude Viallat dans les salles du musée : il y passe presque chaque jour, accompagné de sa femme, d’amis, de galeristes… Et ne rechigne pas à répondre aux questions des plus jeunes visiteurs avec une patience non feinte. Après tout, il aura fallu près de 60 ans de création, dont 40 passées dans la cité gardoise, avant de proposer un tel voyage dans son œuvre bigarrée et féconde. Un monde qui ne cesse de se déployer, et se découvrira dans toute sa richesse dans la future Fondation Claude Viallat, portée par la ville de Nîmes, qui devrait voir le jour à l’horizon 2026.

Et pourtant si…,
Jusqu’au 3 mars 2024
Carré d’art, Musée d’art contemporain de Nîmes
carreartmusee.com
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