Il y a quasiment deux mois, dans ces pages, nous donnions la parole à une femme artiste franco-iranienne. De retour de Téhéran, elle nous racontait comment le meurtre de Masha Amini était en train de donner naissance à ce qui est devenu le plus important mouvement de contestation depuis l’instauration de la République islamique en 1979. « Femmes, vie, liberté », le slogan est repris dans toutes les manifestations du globe en soutien à cette véritable révolution iranienne. Porté par la solidarité des peuples du monde et sa ferme intention de mettre fin à plus de quarante ans de dictature religieuse conjuguée à une incurie économique, celui de l’ancienne Perse n’a jamais baissé les bras malgré une répression sanguinaire. Alors qu’il n’avait jamais cédé sur la moindre remise en cause de son pouvoir, le régime se voit contraint de lâcher du lest. L’annonce inattendue par le procureur général de l’abolition de la police des mœurs est une victoire incontestable des manifestant·es. La possibilité d’une révision de la loi sur le port obligatoire du voile en est une autre. Ces reculs des autorités politiques et judiciaires seront-ils suivis d’effet ? C’est sans aucun doute de la ténacité des insurgé·es que sortira la réponse.
Démocratie élimée
En Chine aussi, la population crie sa colère. Des manifestations d’une rare ampleur prennent pour cible le fraîchement réélu (pour un troisième mandat…) président Xi Jinping. Si la politique drastique du « zéro Covid » a mis le feu aux poudres, le ras-le-bol pourrait là aussi s’étendre à des revendications plus larges dans ce pays pour le moins éloigné de la culture démocratique telle que définie par l’Occident.
Bien qu’à des années-lumière des institutions de ces deux pays en ébullition, la France voit sa démocratie passablement élimée par les pratiques de ses gouvernements successifs. Tandis que la Première ministre dégaine l’article 49.3 à une fréquence proche de la tachycardie, c’est le débat parlementaire qui est escamoté, privant ainsi les Français·es de propositions alternatives légitimes à la vision macronienne des comptes de l’État. Politique migratoire, avenir des retraites et bien d’autres projets rétrogrades sont dans les tuyaux du quinquennat. Il est un devoir du peuple et de sa représentation nationale d’avoir les moyens de contre-argumenter pour les contester.
LUDOVIC TOMAS