Vous les avez tous·tes croisés sur les murs des villes, ces messages vigoureux, drôles, poétiques parfois, revendicatifs. Lettres noires peintes sur des papiers blancs, le plus souvent format A4, une lettre par feuille… Et ces mots nous interpellent, nous interrogent, servent de rappel des droits, des faits, empêchent l’oblitération oublieuse des comportements déplacés, des agressions verbales et physiques, des viols, des féminicides. Le film documentaire réalisé par Marie Perennès et Simon Depardon, Riposte féministe, évoque à travers une galerie de portraits attachants ces collages féministes.
« Je te crois »
On suit à Brest, au Havre, à Saint-Étienne, Compiègne, Paris, Marseille, Gignac, les femmes qui ont accepté, malgré les risques, de témoigner à visage découvert, selon un schéma identique : scène de fabrication des collages, les collages en ville (choix des supports, des lieux, des visibilités) et une conversation au café. Au fil des narrations se dessinent les grandes lignes de ces actions qui réagissent au début à l’atroce multiplicité des féminicides. Les voix des « colleuses » livrent avec liberté et naturel divers points de points de vue sur les méthodes de lutte violentes ou pacifistes à mener. Afin que cessent, non seulement les exactions perpétrées à l’encontre des femmes, mais aussi l’inégalité de la reconnaissance salariale de leur travail par rapport à celle de la gent masculine.
Participent à ces questionnements et ces combats la communauté LGBTQI+. Féministe, politique, antiraciste, le mouvement des colleuses permet une réappropriation de la rue, du paysage urbain, et redonne confiance. Ce ne sont pas les femmes qui sont à condamner si elles sont harcelées, agressées, mais bien ceux qui les agressent. La simple inscription « je te crois » a des vertus libératrices.
Trois représentantes du collectif marseillais des colleuses venaient se prêter au jeu des questions à la fin de la projection et rappelaient avec humour que le mouvement des « colleuses » est né à Marseille. Sa destinée est énorme, toute la France désormais ou presque connaît ses vivifiantes inscriptions et essaime aux USA, en Australie et dans bien d’autres pays et continents. Certes, les textes sont parfois arrachés (il est à noter d’ailleurs que cette manière de donner la parole aux murs ne les détériore pas), « ils ont donc malgré tout attiré l’attention », sourient les jeunes femmes avec un calme souverain. À Cannes, où elles ont été conviées à leur grande surprise, elles ont déployé une banderole énumérant les prénoms des femmes tuées depuis le début de l’année. Un signe fort sur les marches.
MARYVONNE COLOMBANI
Riposte féministe, de Marie Perennès et Simon Depardon