Exit Bugeaud, bras armé du colonialisme le plus meurtrier. C’est désormais le nom d’Ahmed Litim, mort au combat pour la libération de Marseille en 1944, que porte l’école primaire du 3e arrondissement de Marseille. Le geste du maire Benoît Payan est plus que bienvenu, dans ce quartier où les populations immigrées et leurs descendants sont nombreux. Amplement documenté et commenté dans le Guide du Marseille Colonial [voir p.VIII], le passé d’une Marseille se rêvant « porte de l’Orient » est encore lourd. À l’instar de sa cousine brestoise, la ville ne se débarrasse pourtant toujours pas de sa rue Bugeaud, ni des noms pourtant contestables de Thiers ou de Colbert. À l’échelle nationale, le débat semble bel et bien clos : comme il paraît loin, le temps où Emmanuel Macron encore candidat qualifiait la colonisation, à l’instar de l’esclavage, de « crime contre l’humanité » …
Si des voix se font entendre, elles sont également ramenées au silence avec une rare violence. Peu enclin à « cracher dans la main qui [l’a] nourri », Cyril Hanouna s’empresse de taire les affaires judiciaires essuyées par Bolloré Africa Logistics. Et de menacer explicitement le député Louis Boyard lorsqu’il évoque l’implication du milliardaire dans la déforestation du Cameroun, et la responsabilité de l’Europe et de la France vis-à-vis d’exilés fuyant un quotidien tout bonnement invivable. Tout ne semble cependant pas perdu : l’accostage de l’Ocean Viking à Toulon, l’accueil fait à SOS Méditerranée au théâtre de La Criée et aux artistes engagés à leurs côtés ce samedi rappelle combien les initiatives locales, individuelles et associatives peuvent peser aujourd’hui. Et combien la culture et l’art sous toutes leurs formes demeurent essentielles pour donner un sens à l’histoire.
SUZANNE CANESSA