mercredi 2 octobre 2024
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Les bonnes ondes de Propagations

Ouvert le 3 mai, le festival propose jusqu’ici une troisième édition convaincante, parfois bouleversante. Il se poursuit jusqu’au 14 mai

Le maître mot de cette édition portée par le GMEM pourrait être celui de « conjugaison ». Rares sont les festivals unissant avec autant de bonheur des domaines tenus pour étranger l’un à l’autre. En témoigne La Rose des vents,concoctée par la violoncelliste Noémie Boutin et l’affable chef cuisinier Emmanuel Perrodin. Où un public attablé sur de belles nappes cirées disposées sur la scène du Zef a pu découvrir et déguster, non sans ravissement, des créations d’Antoine Arnera, Misato Mochizuki, Aurélien Dumont et Oxana Omelchuk pensées autour des deux grands axes de ce spectacle inclassable. La nourriture, et son plat de résistance – la bouillabaisse – et les vents, indispensables à la réussite de n’importe quel plat, et de celui-ci en particulier. Le frottement des cordes s’unit à la voix claire et expressive de la violoncelliste, y dénoue des mots gourmands et joueurs, en contrepoint du récit fort bien mené par le chef. Lorsque le micro vient guetter le crépitement de la soupe qui bout, c’est un son similaire, presque ligetien, qui émane de son instrument polymorphe. En fin de concert, le public déguste une bouillabaisse succulente, concoctée sous l’égide du chef par les élèves du lycée régional hôtelier Jean-Paul Passedat. Une franche réussite. 

Sur les scènes de La Criée, les instrumentistes se sont habilement frottés aux machines. À commencer par le percussionniste Jean Geoffroy, entonnant la partition tout en force de Pierre Jodlowski inspirée du poète Henri Michaux, La Ralentie. Investie, la soprano Clara Meloni s’est plongée dans ce texte traité, il faut bien le dire, avec un peu trop de rudesse pour convaincre. L’union plus joyeuse entre le Quatuor Béla, leur convive Wilhelm Latchoumia et les vielle à roue, orgue de Barbarie et piano mécanique, sobrement titrée Barbarie, avait de quoi davantage convaincre. D’autant plus que les pièces choisies, et en premier lieu celles composée par le violoniste Frédéric Aurier lui-même, s’enchaînent sans temps mort.

Paysages mouvants

Le penchant pour l’immersif et, avec lui, sa capacité à esquisser des paysages tantôt familiers, tantôt franchement déboussolants, fait également de cette édition un temps fort pour la musique de création. On pense évidemment à l’installation de Christian Sébille conçue avec le Collectif Sonopoée et le Cirva, à voir jusqu’au 14 mai au Conservatoire Pierre Barbizet. Où les ampoules en verre de toutes formes et tous genres résonnent, plus de vingt minutes, à différentes vitesses et fréquences, de part et d’autre de la salle Magaud, dont on redécouvre, en la parcourant, l’étrange cartographie. Et aussi aux Métamorphoses du Rhône, scrutées, enregistrées, amplifiées, déformées et concentrées par l’épatante Julie Rousse, et dont les quelques quatre heures aléatoires sont diffusées, également jusqu’au 14 mai, au Studio MOD de la Friche la Belle de Mai. 

La plus pudique pièce Écouter l’Ombre, donnée malheureusement sur une seule représentation au 3bisf, se révèle également particulièrement marquante. Le travail effectué par Anne-Julie Rollet et Anne-Laure Pigache pour ériger, sur des témoignages assez bouleversants de patients atteints de schizophrénie, des envolées sensorielles inédites, a de quoi impressionner. 

SUZANNE CANESSA

Propagations
Jusqu’au 14 mai 
Divers lieux, Marseille et Aix-en-Provence
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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