mercredi 27 novembre 2024
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Une Chartreuse éclectique

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©yohanne_lamoulere_tendance_floue

« La puissance du vulnérable, la force de la fragilité. » Marianne Clevy résume ainsi l’affiche des Rencontres d’été de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. La directrice du monument qui abrite le Centre national des écritures du spectacle, signe une 51e édition qui alterne spectacles, lectures, rencontres et exposition.

Suite au somptueux Kill me de Marina Otero, qui inaugura, début juin, un compagnonnage avec le Printemps des comédiens, la Chartreuse reconduit ses synergies avec le Festival d’Avignon. Présent l’an dernier aux côtés du cinéaste Alain Cavalier qui photographia le quartier de la Chartreuse dans les années 1950, Mohamed El Khatib livre en création La vie secrète des vieux. Porté par une dizaine d’interprètes non professionnels, la proposition explore les aspects inédits que l’âge imprime aux relations intimes (4-19 juillet). 

Inauguré l’an dernier, le partenariat avec Villeneuve en scène se réitère à travers Home/Land. Spécialiste du genre, le Begat theater adapte sa méditation-déambulatoire autour du chez-soi, au fil des couloirs et cellules de l’abbatiale (8-20 juillet). À l’inspiration picaresque du Begat, répond la danse cheminante cultivée par Géraldine Chollet, qui invite danseurs et spectateurs dans une procession immersive, nourrie des mystères du Moyen Âge (9-17 juillet). 

La Bonne histoire est celle que nous conte Adina Secretan. L’artiste multi-cartes restitue les minutes du « Nestlégate » qui révéla la DRH salée, mise en œuvre dans les années 2000, par l’empereur du lait concentré sucré (8-18 juillet). Ces deux derniers spectacles relèvent d’une co-réalisation avec SCH-La Sélection Suisse en Avignon.

Langue vivante

Présente en juin lors du lever de rideau, l’espagnol, langue invitée par le Festival d’Avignon 2024, reviendra à la toute fin des Rencontres. Censurée par le Comité de Madrid, Je meurs de ne pas mourir, La double vie de Thérése, évocation de Thérèse d’Avila (1515-1582), sera lue, le 20 juin, par son auteur Paco Bereza.

Pôle de référence des écritures issues de la francophonie, La Chartreuse déploie du 13 au 19 juillet un Carrefour Caraïbe-Afrique, cycle d’auditions, rencontres, conférences, en lien avec le Festival de la francophonie, ETC Caraïbe et Radio France Internationale.

Disséminé dans les dédales du monument, l’accrochage Cara/Garanjoud, deux peintres en résonance, met en conversation deux artistes empreints de spiritualité : Louise Cara installée à Avignon et Claude Garanjoud (1926-2005) qui devint dans les années 1980, citoyen villeneuvois.

Au delà des mets de l’esprit, la Chartreuse propose des nourritures terrestres au coeur de ses Jardins d’été, restaurant saisonnier ouvert du petit déjeuner aux collations nocturnes

Si le spectacle est vivant c’est qu’il doit mourir. Pétrie de cette conviction, Marianne Clevy signe un affiche qui aligne les morceaux de résistance. 

MICHEL FLANDRIN

« Rencontres d’été » de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, jusqu’au 20 juillet

Dans le cercle avec Boris Charmatz

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CERCLES © XDR

Ils tournent comme un seul homme au centre d’un cercle blanc tracé sur la pelouse du stade de la Bagatelle d’Avignon. La synchronicité n’est pas parfaite, mais le cœur y est. Et en ces temps politiques sombres, la joie des participants de danser ensemble est contagieuse. CERCLES a été créé le 29 juin pour le Festival d’Avignon. Le pari du chorégraphe Boris Charmatz était un peu fou : réunir 200 personnes, danseurs professionnels de la compagnie du Tanztheater Wuppertal qu’il dirige, et des amateurs volontaires, pour réaliser sur place des danses circulaires.

Une recherche collective

Les spectateurs sont invités à participer à l’échauffement avec la troupe, à s’asseoir dans l’herbe au plus près des danseurs, à circuler autour d’eux. Pas de scène ou de gradins : Boris Charmatz aime nouer des relations horizontales entre danseurs et public. Ce dernier assiste aux séquences chorégraphiques qui s’élaborent en direct, le processus créatif est mis à nu. L’atelier mêle des moments de recherches tâtonnantes où chacun apporte sa contribution, et des temps de répétitions sur des mouvements de danse contemporaine déjà assimilés par la troupe qui s’est retrouvée dès le 26 juin pour travailler. La danse circulaire, pratiquée dans toutes les civilisations, serait le reflet de la société. Comment faire corps ensemble malgré les différences de conditions physiques, d’âge, de cultures, et à si grande échelle ? « Si les danseurs s’écartent, la chaîne se rompt. C’est une société fragile » affirme Boris Charmatz.

Danser à l’infini

Pendant près de deux heures, les danseurs réitèrent les mêmes mouvements chorégraphiques sur des musiques techno du groupe allemand Meute. La boucle à la fois temporelle et spatiale est hypnotique : les danses sont circulaires et reviennent toujours à leur point de départ. Le corps est mis à l’épreuve et repousse ses limites dans cette répétition infinie des mêmes gestes. Le rapport à la temporalité de Boris Charmatz est presque obsessionnel : comment faire durer le plus longtemps possible une danse, et pourquoi décider qu’elle devrait s’arrêter ? Son travail avec CERCLES embrasse le passé des danses traditionnelles, le travail au présent,et le futur d’une compagnie à dessiner. 

CONSTANCE STREBELLE

CERCLES a été donné du 29 juin au 1er juillet au stade de la Bagatelle, Avignon

À l’école du théâtre

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AVIGNON UNE ECOLE © XDR

Pour qui n’est pas au point sur l’histoire du Festival d’Avignon, un récapitulatif s’impose. Une frise chronologique est accrochée à l’entrée de la cour du cloître des Célestins. Réalisée par les étudiants sortants de l’école de la Manufacture de Lausanne, elle récapitule les directeurs successifs, leurs politiques, les spectacles cultes. Toute la pièce consiste à passer en revue les événements marquants du Festival. À partir de recherches documentaires, Fanny de Chaillé a imaginé ce spectacle pour réfléchir à ce qui « fait théâtre » au présent à partir d’un passé qu’elle transmet. Une mise en abyme originale qui permet d’entrer dans ce rendez-vous par le prisme de l’intime des étudiants, qui s’approprient les archives et s’inspirent de leurs propres souvenirs.

Mythologie du théâtre

Le seul nom d’Avignon suffit à convoquer les images du mythique festival de théâtre, et a forgé de jeunes acteurs. Pour partager les archives, il suffit de les rendre vivantes sans décors ni costumes. La troupe reconstitue les scènes de spectacles, figées pour la photo, ou rejouées avec le phrasé propre aux acteurs de l’époque, tout en humour et minutie. Les périodes défilent : des premiers pas de la troupe du Théâtre National Populaire de Jean Vilar en 1947, à Carte noire nommée désir de Rebecca Chaillon en 2023, les témoignages et expériences personnelles sont revécus avec la même intensité. Mais pas question de perdre les spectateurs. Le propos se veut didactique et même sans références, personne n’est exclu. Les explications accompagnent toujours les moments-clés illustrés au plateau. Et elles sont les bienvenues, comme lorsque les acteurs investissent les gradins à moitié nus pour dénoncer la guerre dans une reconstitution de Paradise Now du Living Theater en 1968 qui a de quoi surprendre ! 

S’approprier l’histoire du Festival

Pour autant, le spectacle n’est pas pensé comme une hagiographie du Festival d’Avignon. Admiratifs des metteurs en scène ou des acteurs, les jeunes comédiens savent aussi être critiques. Les scènes sont ponctuées de débats enflammés ou de mises à distance ironiques comme lors de la reprise de l’interprétation de Maria Casarès dans Le Cid. Que peut encore le théâtre aujourd’hui ? Et quelle place lui laisse-t-on en France ? Les politiques culturelles, l’entre-soi du Festival, l’absence de diversité sur scène, la cherté de la culture, ou le snobisme de la critique journalistique sont abordés, aussi bien parce qu’ils revêtent une importance capitale pour ceux qui jouent, qu’ils s’adressent à ceux qui regardent. Avignon, une école signe donc une sortie en apothéose pour ces élèves de troisième année qui auront pour mission de prolonger ces réflexions.

CONSTANCE STREBELLE

Avignon, une école a été donné du 10 au 12 juillet au cloître des Célestins, Avignon 

Les gestes dans le détail

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Close Up de Noé Soulier © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Le contraste est saisissant entre les premières notes de Bach – dont l’Art de la Fugue – jouées par les cinq musiciennes de l’ensemble Il Convito, dirigées par la claveciniste Maude Gratton, et les mouvements sportifs et contemporains qui se dessinent sur scène. Dans Close Up les morceaux joués sur les instruments baroques que sont le clavecin, la viole de gambe ou le traverso s’harmonisent pourtant avec les impulsions des six danseurs. Noé Soulier, directeur du Centre national de danse contemporaine d’Angers, travaille une écriture du mouvement inédite qui vise à renouveler la perception du corps à partir d’actions pratiques.

Gros plans sur les gestes

Close Up s’échafaude autour de verbes d’actions du quotidien. Faire la planche, frapper ou s’élancer, sont autant de gestuelles gymnastiques précises et brutes qui coexistent avec les pièces contrapuntiques de Bach, dont la polyphonie se prête à une absence de narration. Les mouvements sont décomposés dans leur structure, puis recomposés lentement ou intempestivement. Grâce au dispositif vidéo, le public peut analyser en direct les gestes, délimités par le champ de la caméra, en gros plan sur un écran. La mise en scène, pensée en strates successives de rideaux qui s’ouvrent sur une installation retirée ensuite, n’existe plus à la fin du spectacle. Les danseurs investissent un plateau dépouillé de tout artifice, comme un voyage au centre du corps humain à travers les diverses couches de peau.

Porteurs d’une intention

Si les mouvements se fixent par la répétition, ils ne portent pas d’intention. Tout l’intérêt pour le spectateur est alors d’en saisir la nuance : le tonus ou la douceur, le dynamisme ou le délassement. Les danseurs sont en diagonale ou en parallèle, forment des structures hexagonales ou triangulaires, sont synchrones ou non dans leurs gestes, créant un dialogue à plusieurs voix. Leurs ruptures de rythme, leurs respirations saccadées et audibles lorsque la musique s’interrompt, confèrent à la danse une dimension organique et imprévisible. Dans le relâchement des mouvements précis amorcés se distinguent de nouvelles trajectoires personnelles : les pieds dévient, les muscles des bras se détendent et partent dans d’autres directions, se laissent guider par les impulsions données..

CONSTANCE STREBELLE

Close Up
Jusqu’au 20 juillet 
Opéra Grand Avignon

Samedis étoilés au Mucem

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Kyuka - Before Summer's End © Heretic

Depuis le 6 juillet et jusqu’au 31 août, une vraie odyssée cinématographique est proposée au public marseillais. Une occasion de voir ou revoir des films qui nous font voyager sur les rives de la Méditerranée. L’Avventura en Italie avec le chef d’œuvre d’Antonioni, Prix spécial du jury au Festival de Cannes en 1960 (20 juillet). En Egypte, à Alexandrie, pour revoir Omar Sharif dans Les Eaux noiresde Youssef Chahine (le 27 juillet). Toute la famille pourra partir sur les traces d’Akhesa, fille du pharaon Akhenaton et de Nefertiti, dans le film de Philippe Leclerc, La Reine Soleil (le 3 août). Les trois samedis suivants, ce sont trois réalisatrices qui invitent les spectateurs dans leur pays. Erige Sehiri nous transporte Sous les figues de la Tunisie rurale en compagnie des jeunes cueilleuses, nous faisant partager leur énergie et leur soif de vivre (10 août). Carla Simon nous fait découvrir la vie dans un village d’agriculteurs en Catalogne dans Nos Soleils, film qui a obtenu l’Ours d’Or à la 72e Berlinale en 2022. La cinéaste a d’ailleurs dédié ce prix aux « petites familles d’agriculteurs qui cultivent chaque jour leur terre pour remplir nos assiettes » (17 août). Un petit bijou ! Le 24 août, Nadine Labaki pousse la porte d’un institut de beauté de Beyrouth où cinq femmes se croisent régulièrement avec son film Caramel. Et pour finir le 31 août, les cinés étoilés accueilleront en avant-première le dernier film de Kostis Charamountanis, Kyuka – Before Summer’s End : sur l’île grecque de Poros, une famille en vacances se retrouve à déballer ses secrets. Un voyage doux-amer vers l’âge adulte. Une séance introduite par Clara Teper, du comité de programmation de l’ACID Cannes 2024 où le film a été projeté en ouverture.

ANNIE GAVA

Les cinés étoilés 
Jusqu’au 31 août
Fort Saint-Jean, Marseille 

AVIGNON OFF : L’Odyssée selon Tintin

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Joseph Gallet (le fils) et Élodie Wallace (la fille), à l'arrière, Jean Fornerod (le père) et Marie-Hélène Lentini (la mère) : une famille en or ! Photo © XDR

« L’argent ne fait pas le bonheur » ! Faux. Mais… pas le bonheur espéré.

L’appât d’un héritage convoité ou inattendu a nourri une multitude de romans et de films et le point de départ de cette Famille en or n’a rien d’original, sauf qu’il déclenche une cascade de péripéties aussi burlesques qu’hilarantes. Joseph Gallet s’intéresse à une famille contrainte de se rendre en Argentine pour toucher une somme rondelette léguée, on ne sait pourquoi, par un milliardaire inconnu. Un grain de sable grippe leur enthousiasme : il leur faut la signature de la sœur qui s’est sauvée à l’étranger sans laisser d’adresse. Comment dénicher la fugueuse ? C’est parce qu’elle était une inconditionnelle des aventures de Tintin qu’il sera leur guide dans un road-movie échevelé.

Quel plaisir d’applaudir une comédie sans vulgarité, ni bavardage pesant ou complaisance ! Les personnages, dessinés à grands traits, se déchainent face à des événements aussi déconcertants que farcesques. Le décor manipulé comme un jeu de cubes, permet de changer de pays, de grimper dans une voiture, de suggérer des paysages : Anne Bouvier fait confiance, dans sa mise en scène, à l’imagination du spectateur qui se laisse embarquer, fou-rire aux lèvres, dans cette course au trésor caracolante, porté par un quatuor de comédiens galvanisés par la quête de richesse de leur personnages : Jean Fornerod est un père pusillanime à souhait, Joseph Gallet, un fils  hors sol, Élodie Wallace est une rebelle sympathique, et Marie-Hélène Lentini, dégage un tonus et une mauvaise foi magnifiques. 

JEAN-LOUIS CHALES

Ma famille en or
Jusqu’au 21 juillet  
Théâtre du Roi René, Avignon

La culture est dans le jardin

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À la Bon'Heur ! © Mairie du 1/7

Elles sont quatre, pétulantes, tout sourire, et ont l’air de sortir d’une photographie en noir et blanc des années 1950 qui aurait été colorisée à l’arrache. Marianne SunerSofie SzonieckyCéline Defay et Sofy Jordan traversent le public nombreux du jardin Labadié ce 15 juillet pour rejoindre la scène d’Avant le soir ! Derrière l’élégance cheap des ensembles robes colorées, escarpins, coiffes, bijoux en toc et grosses fleurs, on devine que chacune peut concourir dans la catégorie « pas la dernière pour la déconnade ». 

Ukulélé et accordéon

L’accompagnement se fait au ukulélé et à l’accordéon, de temps en temps rejoints par une flûte traversière, tirée du sac à main, et une petite maraca. Entre les chansons, de courtes prises de paroles-sketches pour introduire la suite, le bonheur étant abordé en plusieurs tranches, accompagnées de mimiques amusées et de chorés dandinantes à la cool. Les quatre sirènes décontractées, se régalant régulièrement dans des aigus extravagants, entament cette traversée du bonheur par le couple, avec le tendre Il y a ta bouche des Ogres de Barback, et l’obsessionnel J’veux un mec d’Adrienne Pauly. Après un petit inventaire de bonheurs simples, voilà l’hymne plantigrade Il en faut peu pour être heureux. Le bonheur, c’est également possible en mode je m’en foutiste égoïste et décomplexé, exemple avec les ironiques Quand on est riche de R. WAN ou Quand la terre sera mourue de Frédéric Fromet. S’ensuivent l’ivresse du Rhum Pomme de Juliette, la « blasitude » de la La fac de lettres de Jacqueline Taieb. Et pour finir par une question : au fond, qu’est-ce qu’on cherche, dans la vie ? Des bisous réponse signée Philippe Katerine. Enfin, au rappel, enthousiaste, un mot d’ordre, signé Agnès Bihl, partagé avec conviction par les ex-Biceps : Faites l’amour pas la vaisselle !

Merci de l’avoir posée

Le lendemain, direction le square Berty Albrecht pour La piqure du taon – Socrate is back ! un éloge de la philosophie et de son père Socrate par la cie Hangar Palace. Quis’est déjà pliée à l’exercice en 2017 avec Éloge de l’amour présenté dans le Off d’Avignon, à partir du texte d’une conférence marquante du philosophe Alain Badiou. Dans ce nouveau spectacle « philosophique », de nombreuses questions philosophiques sont présentes, notamment celle-ci : à quoi ça sert de se poser des questions ? 

Prise de tête

« À rien : boire, manger, dormir ça suffit ! » si l’on en croit Sofia (Christine Gaya) assise dans le public, qui va perturber l’exposé d’Agatha (Caroline Ruiz), conférencière habitée par sa volonté de transmettre la passion philosophique. Sofia va se lever, réclamer du contexte historique (dont elle est spécialiste), reprocher à la conférencière ses écriteaux noirs à l’ancienne, moquer les intellos qui croient tout savoir, chanter Viser la lune d’Amel Bent (« Je n’ai qu’une philosophie, être accepté comme je suis »). Agatha se démène face à Sofia, mais aussi au mistral qui fait envoler ses accessoires et aux cloches de la cathédrale Saint-Victor, qui la réduisent au silence pendant plusieurs minutes ! Elle arrive néanmoins à placer du Socrate : « Tout ce que je sais c’est que je ne sais rien », et « Athènes est comme un cheval paresseux, et moi comme un taon qui essaie de la réveiller ». Et même à interpréter le père de la philosophie qui demande à un général ce qu’est le courage, et à un sophiste ce qu’est la beauté. Une conférence-spectacle qui se termine en mode participatif autour de l’allégorie de la caverne de Platon, et en bonus une question à emporter avec soi : ce serait quoi la caverne aujourd’hui ? 

MARC VOIRY

À la Bon’heur a été présenté le 15 juillet au jardin Labadié dans le cadre d’Avant le soir !

La piqûre du taon – Socrate is back ! a été donné le 16 juillet au square Berty Albrecht dans le cadre d’Avant le soir !
Prochaine représentation le 22 juillet au jardin Benedetti

S’accrocher à la Cour

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Elizabeth Costello © Magda Hueckel : Festival d’Avignon 2024

Un spectacle de 4h en polonais dans la Cour d’honneur, chacun des 2000 spectateurs sait ce que cela signifie : il faut essayer d’embrasser d’un seul regard la scène et le mur du lointain où sont projetées les paroles. Ainsi on ne perd ni le sens ni la vision globale…  d’autant que Warlikowski, comme la plupart des metteurs en scène confrontés à de vastes espaces scéniques, filme en direct, multiplie les images des acteurs en plus ou moins gros plans. Bref, aide à suivre le jeu et le texte, secours qui sont de sages précautions : le propos est complexe ! Une importante partie du public n’est pas revenue après l’entracte. L’autre, pourtant, était bouleversée de cette traversée où il fallait s’accrocher aux branches pour saisir le sens. Parce qu’il est éblouissant. 

Elizabeth Costello est une création littéraire, une romancière apparaissant à plusieurs âges de sa vie dans les romans de J.M. Coetzee, et particulièrement, vieillissante, dans le roman qui porte son nom en 2013, année où l’auteur a reçu le prix Nobel de littérature. Mais elle est aussi personnage fétiche de Warlikowski qui la cite dans plusieurs de ses spectacles. Il s’agit donc de donner chair, sur scène à un personnage particulier, double féminin du Prix Nobel de Littérature, différant pourtant de lui en bien des points : son âge, (il est né en 1940 elle en 1928), son genre, et sa nationalité puisqu’elle est australienne et non sud-africaine (lui est binational), son rapport à ses enfants (même s’il a comme elle un fils et une fille), au désir, au féminisme, à la vie animale (même il est comme elle végétarien). Et à l’Existence, au sens philosophique du terme. 

Poupées russes

Le metteur en scène polonais affronte cette identification trouble en assumant la difficulté de la tâche, rendant le fil narratif le plus visible possible, sans gommer la complexité du discours. Car l’essentiel d’Elizabeth Costello, le roman de Coetzee, repose sur des conférences ratées de la romancière en perte de notoriété, qui sont souvent les reprises, dramatisées, de conférence effectivement prononcées par… le romancier. Mais inversées. Pour exemple de ce système de poupées russes : le chef d’oeuvre d’Elizabeth Costello, fictif donc, écrit en 1969, reprend le personnage de Molly, la Pénélope de l’Ulysse de James Joyce.  Mais la Molly d’Elizabeth Costello est une Pénélope qui veut sortir du foyer, exactement à l’inverse du trajet d’Ulysse. Ainsi la question d’un roman féministe se pose dans un jeu de miroir qui intègre et reflète le point de vue de l’autre, quitte à le renverser.

Au fil du spectacle on traverse ainsi des questionnements, profonds, sur les points de vue narratifs, avec une réflexion sur les limites de l’incarnation romanesque du mal, ou une conférence sur le Singe à l’Académie de Kafka :  qui représente-t-il ? le peuple, le juif, l’animal ? La pièce se clôt sur un dialogue émouvant entre l’écrivaine et son fils : en visio ils évoquent Heidegger et l’existence, minimale, des poussins mâles exécutés à la naissance. Est ce que quelqu’un se préoccupe de leur sentiment d’exister ? 

Ironies et tendresses

Mais, et c’est là tout le sel ironique du spectacle, on traverse aussi des égarements drôles de la romancière fictive dont Coetzee se moque aussi, des analogies douteuses entre l’abattage des animaux et celui des humains, des curiosités malsaines, un pétage de plomb dans les toilettes ou sur la banquise. Ou une relation fils-mère particulièrement tendre dont on devine qu’elle est teinté par la mort réelle du fils de Coetzee. 

Sur scène aussi les frontières dramatiques se troublent, se dédoublent, s’interpénètrent, se superposent, s’enrichissent, se contredisent. Toutes les comédiennes et un comédien incarnent tour à tour la romancière, à plusieurs âges, dans plusieurs de degrés de fantasme. 

Au sortir, on a l’impression d’avoir enrichi nos imaginaires de nouveaux rapports à l’autre, bienveillants, inattendus. Heureux.se de s’être accroché.e aux branches.

AGNES FRESCHEL

Elizabeth Costello
Jusqu’au 21 juillet 
Cour d’Honneur du Palais des Papes, Avignon

Place(s) au jazz

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Jon & John Trio © DR

Nommé Jazz is Toulon à sa fondation en 1990, puis Jazz à Toulon depuis 1996, les fondamentaux de ce festival dont l’organisation et la programmation ont été confiées en 2022 à Toulon Métropole Événements & Congrès, sont toujours les mêmes : à l’adresse d’un large public, l’itinérance de place en place, et la gratuité. Désormais déclinées en deux temps : le « Off » à 19h30, qui met en lumière des talents locaux et régionaux chaque soir sur différentes petites places de la ville. Et les concerts de 21h30 avec des musiciens de stature internationale, sur les grandes places toulonnaises. 

Places du Off

Parmi les huit concerts du Off à l’heure de l’apéro, on trouve notamment place Camille Ledeau, Natema : cinq jeunes musiciens originaires de l’aire toulonnaise qui explorent les rythmes latinos (le 18). Place Victor Hugo, les Marseillais de Jon and John font sonner leurs trois principes jazz : improvisation, virtuosité et fun (le 20). Et place Puget, Alejandra Burgos (le 26) chanteuse, guitariste et compositrice argentine, avec une musique alliant blues, soul et pop-rock.

Places du In

Sur les grandes places de Toulon, on trouve quatre jazzwomen et cinq jazzmen. Les jazzwomen : la chanteuse Cécile McLorin Salvant accompagnée de Sullivan Fortner au piano) Yasushi Nakamura à la basse, Kyle Poole à la batterie (place de la Liberté – le 13). La saxophoniste néerlandaise superstar Candy Dulfer, accompagnée de son groupe dans le cadre de sa tournée We Funk Harder (place Vincent Raspail – le 18). Robin McKelle rend hommage à Ella Fitzgerald en reprenant les chansons de la musicienne légendaire (place de l’Équerre – le 21). Et Veronica Swift, aussi à l’aise dans un opéra de Gounod que dans une reprise de Nine Inch Nails ou dans le répertoire de Broadway (place Vincent Raspail – le 23).

Les jazzmen : Place Martin Bidouré (Pont du Las), le 15, le pianiste Christian Sands interprétera les titres de son dernier album Be water accompagné de Yasushi Nakamura (basse) Clarence Penn (batterie) Marvin Sewell (guitare). Le Toulonnais Tony Petrucciani rend hommage à son pianiste de fils Michel avec Elie Portal (piano) Pierre Boussaguet (contrebasse) et André Ceccarelli (batterie) le 17, place Saint-Jean. Daniel García, pianiste de la nouvelle génération du jazz espagnol, avec Reinier Elizarde « El Negrón » (contrebasse) et Shayan Fathi (batterie), place Bouzigues (4 chemins des Routes) le 20. 

Le 26, pour la clôture de Jazz à Toulon, direction les plages du Mourillon, avec un événement : la première française d’Irakere 50, reformation du groupe cubain mythique, fondé il y a cinquante ans par le pianiste Chucho Valdès : dix musiciens sur scène, et un invité exceptionnel : le trompettiste Arturo Sandoval.

MARC VOIRY

Jazz à Toulon
Jusqu’au 26 juillet
Divers lieux, Toulon  

Des hauteurs de Cimiez

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Marie-Josèphe Jude, directrice artistique du festival Nice Classic Live © Ferrante Ferranti

S’il fête cette année sa septième édition seulement, le Nice Classic Live est un rendez-vous qui remonte à loin. Quand il y a soixante ans, était créé l’Académie Internationale d’été de Nice. Toujours centrale dans le déroulé du festival, cette académie constituée de jeunes talents, encadrés par les enseignants du Conservatoire de Nice et de nombreux solistes et pédagogues de renom, se produira le 27 juillet et le 3 août dans le lieu emblématique du festival : le Cloître du monastère de Cimiez. De même que les étudiants de la classe de chant de Lorraine Nubar le 2 août.

Scènes et cinéma

Le festival s’ouvrira cette année le 18 juillet sur un programme singulier, conçu par deux compositrices japonaise – Noriko Baba et Misato Mochizuki – et trois compositeurs français – Yves Chauris, Aurélien Dumont et Yann Robin – autour du judo pour l’ensemble Multilatérale – le tout amplifié et diffusé électroniquement par le GMEM, et mis en scène par Ludovic Lagarde. Le 22 juillet, l’ensemble des huit pianistes sollicités pour l’académie, dont la directrice du festival Marie-Josèphe Jude, sa complice de toujours Claire Désert et Florent Boffard, pour ne citer qu’eux, se produiront dans un programme pensé autour des musiques de film. Le 24 juillet, l’orchestre Joseph Kosma, dirigé par Thierry Muller, interprètera des pièces souvent reprises associées cinéma : le concerto pour violoncelle d’Haydn, immortalisé par The lost City, Porgy and Bess réorchestré pour clarinette pour les besoins du film d’Otto Preminger, mais aussi deux pièces composées par le chef lui-même !

Célébrer les compositrices

Les compositrices seront particulièrement mises en lumière sur cette édition, notamment le 26 juillet avec les Solistes de Lausanne, ensemble dirigé par Xavier Phillipps qui interprètera des pièces de la trop méconnue Grazyna Bacewicz ainsi que la Sérénade de Tchaïkovski et le Concerto pour deux violoncelles de Vivaldi. Les concerts de midi donnés dans le cadre unique du Musée Matisse le 25 juillet et le 2 août permettront d’entendre, entre autres, Germaine Tailleferre et Clara Schumann, interprétées par la harpiste Marie-Pierre Langlamet et le pianiste Jean-Marie Cottet puis l’altiste Violaine Despeyroux et le pianiste Charles Heisser. Bien d’autres chefs-d’œuvres chambristes seront à retrouver au cours de ce festival riche en affiches prestigieuses, grands classiques et pépites méconnues. On fond notamment d’avance pour le programme Mozart et Saint-Saëns prévu le 4 août et réunissant Marie-Josèphe Jude, le clarinettiste Pierre Génisson et l’Orchestre Philharmonique de Nice sous la direction de Stéphanie-Marie Degand. Ainsi que pour la soirée dédiée au centenaire de Gabriel Fauré et porté, entre autres, par le Quatuor Rosamonde. Un bel été niçois s’annonce !

SUZANNE CANESSA

Nice Classic Live
Du 18 juillet au 11 août
Cloître du monastère de Cimiez, Nice