jeudi 6 novembre 2025
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« Rock Bottom » :  vertiges et apnée

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L’album a cinquante ans. Il paraît en 1974, le jour où Robert Wyatt, ancien membre des Soft Machine, épouse la parolière et illustratrice Alfreda Benge. Il est alors paraplégique. Un an auparavant, il est tombé du 4étage depuis la fenêtre de la salle de bain de l’appartement londonien d’un ami.

C’est cette soirée noyée dans la drogue, le sexe et l’alcool qui ouvre le film, transposant l’action à New York, reconstituant les circonstances de l’accident, puis remontant au passé récent à Majorque où Richard (Bob) file un amour fusionnel avec Alfreda (dite Alfie ou Alif  qui par glissement pourrait bien devenir A life). Dans le scénario, Alif est réalisatrice de films expérimentaux. Elle crée des montages surréalistes où les volets et les portes s’ouvrent sur d’étranges créatures, elle peint ses pellicules. Lui compose. Tous deux doutent. L’île les reconnecte aux origines. La beauté sub et sous-marine les fascine, les inspire. Mais les deux artistes boivent beaucoup et se droguent de plus en plus. « Deux hérissons qui ne peuvent plus se rapprocher sans se déchirer ». De l’ambulance, et du lit d’hôpital où Richard est cloué, les flashes back ramènent à la maison villageoise, aux plages majorquines, aux fêtes, à la Guarda civile de Franco qui ferme les yeux sur ces hurluberlus anglais. Ils font revivre les baignades, les délires sous acides, les hallucinations, les affres du manque, la rupture. Good trip. Bad trip.

Restitution underground

Marie Trénor auquel Richard Wyatt a donné son accord, s’appuie sur six chansons remastérisées de l’album Rock Bottom –commencé avant son accident mais finalisé après, avec ses amis. Elle complète la BO par des morceaux enregistrés avec l’ancien groupe de Wyatt, Matching Mole. Les paroles n’ont aucun sens précis, dira Wyatt. Prosaïques, abstraites jusqu’à l’onomatopée, bouleversantes comme celles de Sea Song dédiées à Alfie, associées à l’image d’un couple qui rejoint la flore sous marine et s’y rejoint. Des mots entre haut et bas. Hit Rock Bottom signifie « toucher le fond » et dans  Little Red Robin Hood Hit the road, « Des taupes mortes gisent dans leurs trous et Les tunnels sans issue s’effondrent. »  Jazz planant, rock alternatif, recherches sonores et mélodiques, impros, la complexité de l’univers musical de Wyatt entre en écho avec la virtuosité de l’animation de Marie Trénor qui en varie les techniques et ouvre le champ des possibles avec une absolue liberté. 

La réalisatrice raconte une histoire d’amour, la naissance d’une œuvre, le moment de basculement de la carrière d’un grand artiste, elle reconstitue l’esthétique underground et surréaliste d’une époque, s’inscrit dans l’histoire de la musique. Elle écarte les petites fleurs hippies et les arcs en ciel radieux pour immerger le spectateur dans les mouvances psychédéliques, le maelström et le cri des couleurs. Loin d’un biopic, il s’agit ici d’ « accéder à un espace intérieur » fantasmé, onirique, déformé et réinventé.

ELISE PADOVANI

Rock Bottom de Maria Trénor

En salles le 9 juillet

La musique en pays antique

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© X-DR

Sous les étoiles de Saint-Rémy-de-Provence, depuis 10 ans, les concerts se déroulent en plein air au milieu des vestiges romains dans une scénographie de lumière qui souligne la magie de ce lieu exceptionnel. Pour cette édition anniversaire, le directeur artistique Mathieu Herzog signe une programmation à la hauteur de l’évènement.

Le festival débutera le 17 juillet avec le sublime -et unique- Concerto pour violon de Tchaïkovski, une des œuvres les plus célèbres du répertoire pour violon et orchestre, quintessence de l’esprit romantique, composé au printemps 1878 par un homme en pleine exaltation amoureuse au sortir d’une grave dépression. Ce concerto n’a cessé de fasciner les plus grands violonistes par sa puissance expressive. Il sera interprété par Maxim Vengerov. Artiste surdoué, couronné dès son plus jeune âge dans les concours internationaux les plus prestigieux, Vengerov est reconnu pour la puissance émotionnelle de son jeu et sa virtuosité flamboyante.  À ses côtés, l’Orchestre National Avignon-Provence sera dirigé par Debora Waldman, première femme à devenir, en 2019, cheffe titulaire d’un orchestre national en région. Formée en Argentine, au Brésil et en Israël, elle séduit par sa précision, son énergie et la profondeur de ses interprétations.

L’ouverture de la soirée déroulera un moment de grâce. Toujours sur la musique de Tchaïkovski, le Ballet de l’Ouest Parisien évoluera dans une chorégraphie spécialement imaginée pour Glanum.

De New York à L.A.

Le lendemain, le second concert transportera le public dans l’âge d’or de la comédie musicale, des lumières de Broadway aux fastes d’Hollywood. Deux voix complices porteront ce voyage musical : la jeune mezzo-soprano Naïma Naouri, au timbre riche et chaleureux, et le baryton Bastien Jacquemart, figure montante de la scène lyrique française. Ils seront accompagnés par un trio jazz de haut vol : Laurent Coulondre, pianiste surdoué et lauréat des Victoires du jazz, Jérémy Bruyère, contrebassiste et Matthieu Chazarenc, batteur au groove élégant. Le tout enrichi par les cuivres et cordes de l’Orchestre Appassionato, sous la baguette de Mathieu Herzog.

Mozart en apothéose

Pour clore cette 10ᵉ édition, le festival offrira une soirée consacrée aux plus beaux airs de Mozart juillet, mettant en dialogue voix et clarinette. Le compositeur a toujours entretenu un dialogue intime entre la voix et les instruments à vent. La clarinette, qu’il adorait, occupe une place toute particulière dans cette alchimie musicale, colorant ses mélodies d’une expressivité tour à tour tendre, mélancolique ou malicieuse. Portée par l’Orchestre Avignon-Provence, on pourra retrouver la mezzo-soprano Karine Deshayes, marraine de cœur du festival – elle avait enchanté la toute première édition-. Considérée comme l’une des plus grandes voix françaises, double lauréate des Victoires de la musique classique, elle allie virtuosité et émotion dans ses interprétations mozartiennes. Elle dialoguera avec Pierre Génisson, clarinettiste à la carrière internationale. Son interprétation du Concerto pour clarinette en la majeur, œuvre testamentaire de Mozart, promet un moment d’intense émotion. L’Orchestre National Avignon-Provence, à nouveau sous la direction inspirée de Debora Waldman, donnera toute sa richesse et sa délicatesse à cette soirée de clôture.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Festival de Glanum
du 17 au 19 juillet
Suint-Rémy-de-Provence 

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Croisière de luxe

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Nick Cave © Venetia Scott

Comme chaque année, Arles offre dès le mois de juillet pavés, monuments historiques, placettes ombragées et marché provençal à une foule bien plus fournie qu’à l’année. Lieu de rencontres photographiques, musicales et festives, la belle camarguaise bat alors au rythme effréné d’un tourisme multiple, et son Théâtre Antique en est un des témoins principaux, devenant à chaque haute saison l’auditorium préféré des organisateurs d’événements en tous genres. Il recevait d’ailleurs, le 10 juin, la liesse générale d’un public déchaîné et assoiffé de sensations rock, avec les prémices des Escales du Cargo, qui invitait pour l’occasion les excellents Fontaines D.C. à guichet fermé, avant l’édition officielle du 24 au 26 juillet.

L’événement, qui fêtait ses vingt ans l’an dernier, est imaginé chaque été par la salle de musiques actuelles le Cargo de Nuit : haut lieu de concerts et de fêtes de la ville qui souffle, lui, ses trente bougies. Pour l’occasion, il semble que l’organisation ait décidé de jouer la carte du gros nom unique par soir, accompagné d’invités.

Big bands 

Le 24 au soir, c’est ainsi le duo superstar de la french touch des années 2000 Air, qui offrira à un auditoire qu’on imagine fourni leur premier album : Moon Safari ! Sorti en 1998 et désormais anthologique, le voyage offert par cet opus doit son succès à un univers onirique : une « psychélectronica » sur les rives séductrices de mélodies aussi envoûtantes qu’entêtantes. Pour rappel, on y compte, entre autres, le méga tube Sexy Boy, la B.O. (du même nom) de Virgin Suicides, de Sofia Coppola, ou Ce si joli matin là. Il n’a même pas fallu à l’époque au binôme faire de promo, ou presque, pour qu’il explose, et l’objet sonore n’a pas pris une ride ! 

La talentueuse Jorja Smith, qui naissait tout juste à la sortie de Moon Safari, jouera le lendemain. La chanteuse britannique, qui a collaboré avec Drake, Kendrick Lamar ou Stormzy, marque grand public et critiques par une voix soul très groovée, et un univers balayant R’n’B, reggae, pop et hip-hop. 

Le 26, c’est Nick Cave himself qui clôturera le festival. Le chanteur australien, connu pour son lead charismatique de la super formation Nick Cave and the Bad Seeds, donnera pour l’occasion un live rétrospectif de sa belle carrière, en duo avec le bassiste Colin Greenwood

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Les Escales du Cargo
Du 24 au 26 juillet 
Théâtre Antique, Arles 

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Un  haut-lieu musical 

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Festival de Chaillol 2024 © Alexandre Chevillard

«Nous ne sommes pas un « grand » festival au sens d’Aix ou Avignon, mais nous pouvons dire que nous sommes un haut festival, explique Michaël Dian, son directeur artistique. Haut par l’altitude, mais aussi haut-lieu de la musique, espace de production et de création pour les artistes, de relations profondes entre musiciens et habitants ».

Un festival itinérant 

Pour rejoindre Chaillol en venant du Sud, il faut longer la Durance, dépasser Sisteron et sa citadelle, laisser les paysages de Giono et les douceurs de la Provence pour atteindre la Vallée du Champsaur. L’espace culturel de Chaillol et son festival y rayonnent sur une quarantaine de communes. Ici, les concerts ne sont pas achetés mais construits avec les habitants, les écoles, les associations, les Ehpad. A Chaillol, on ne consomme pas de la culture, on la vit. 

Un été entre héritage et création

La programmation 2025 invite à un périple musical où se mêlent création, patrimoine, jazz et récits. Le festival s’ouvrira sur un Prélude le 18 juillet à Saint-Michel-de-Chaillol, concert tout en douceur pour entrer dans l’été. Le lendemain, Trenet en passant, offrira une relecture audacieuse du répertoire du « fou chantant », portée par André Minvielle et ses complices le pianiste Guillaume de Chassy la saxophoniste Géraldine Laurent.

Le 21 et 22 juillet (Veynes, Montgardin), les musiciennes du Quatuor Fidelio nous transportent vers Quasi stellar (qui a l’apparence d’une étoile), sur une planète de musique de chambre liant quatuor de Ravel, premier quatuor de Charlotte Sohy (compositrice du début du XXe siècle) et Qasar, création imaginée par la franco-irlandaise Fiona Monbet. Le 22 toujours, à Ancelle cette fois, le photographe, écrivain Gérald Lucas et la clarinettiste Catherine Delaunay baladeront les amateurs dès le matin, pour un Tendre Demain.

Partir en voyage

A Chaillol, tout peut arriver, il n’est donc pas impossible de croiser un Loup Vert, celui du Julien Grassen Barbe Trio. L’animal poétique rend hommage à Chopin, Feldmann, Hancock mais aussi aux communautés juives ashkénazes d’Europe centrale (25 et 26 juillet à Tallard et Chaillol). 

Car ce Festival est un voyage. A chacun de choisir ses destinations. En Inde avec Sangata, spectacle fusion entre occident et hindoustanies, rythmes ancestraux et improvisation (23 et24 juillet à La Roche-des-Arnauds et St-Jean-St-Nicolas),  dans les Balkans avec Isabelle Courroy et ses flûtes Kaval qui composeront un Éloge à l’oblique (1er août, Chaillol), siciliennes avec les chants traditionnels de Julie Mathevet quartet qui narrent si bien la nostalgie et l’exil (4 et 5 août à Gap et La Rochette). D’autres opteront pour des résonances flamencas avec Dialectiques du compás, dialogue inédit entre le guitariste Maël Goldwaser et Frédéric Cavallin, maître des tablas (30 et 31 juillet à Bréziers et Chauffayer), Enfin, les aventuriers de contrées brumeuses rejoindront le 2 août à Tallard, O’er the Moor (par-dessus la lande) et ses huit solistes bercés de légendes celtiques fantastiques. 

Entre jazz et baroque

Les amoureux de jazz seront aussi de la fête avec le pianiste Jean-Marie Machado d’abord en conversation musicale avec Keyvan Chemirami, maître du Zarb et des percussions digitales, (8 août à Tallard), puis avec l’orchestre Danzas (9 août à Chaillol). 

Enfin, les aficionados de musiques anciennes pourront assister au récital d’orgue donné à la Cathédrale de Gap par Sarah Kim, australienne d’origine coréenne dans une sélection de pièces de Couperin, de Saint Saëns et du jeune et talentueux compositeur Grégoire Rolland (29 juillet). De leurs côtés Robin Pharo et Anaïs Bertrand feront vibrer viole et voix sur des transcriptions inédites de répertoires anciens jusqu’aux créations les plus contemporaines. (6 et 7 août La Beaune et La Bâtie neuve). Et puis, le festival se clôturera le 10 août à Saint-Bonnet avec un concert final en pleine nature.

Une tarification consciente 

Chaillol reste fidèle à ses valeurs : des jauges modestes, des lieux intimes et une tarification consciente. Chacun choisit son prix selon ses moyens, sans justificatif. Pour Michaël Dian « C’est un geste de confiance et de solidarité, pour reconnaître le travail accompli et la valeur du temps partagé ensemble, dans le silence et l’écoute. Ce qui, dans notre monde est de plus en plus rare ».

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Festival de Chaillol
Du 18 juillet au 10 août
Hautes-Alpes, divers lieux

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La culture du viol, une question esthétique et rhétorique

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viol
L'Enlèvement des Sabines © Nicolas Poussin

Zébuline : Ce nouvel ouvrage est très court et marqué par un ton plus familier qu’il n’est d’usage pour des travaux universitaires.  Pourquoi ce choix ? 

Bérénice Hamidi : Au vu des enjeux du sujet, il me paraissait important d’être dans un souci de diffusion de ces idées au plus large public possible. Le ton est direct, mais se veut aussi très clair et imagé, pour aider à comprendre des notions qui sont compliquées (culture du viol, male gaze…), parce qu’elles ne tombent pas sous le sens, et parce qu’elles peuvent être difficiles à accepter. 

La culture du viol repose sur l’écart énorme qui existe entre les valeurs d’égalité que l’on pense avoir tous intégrées, et d’autres, qui valorisent à l’opposé l’asymétrie des rôles de genre et la domination et qui sont toujours ancrées dans nos imaginaires, nos actions et nos réactions. Avec cet ouvrage, j’entends contribuer à nommer cet écart et, j’espère, à réduire un peu la tension qu’il cause. 

Vous choisissez vos exemples dans le cinéma, la littérature et la musique, très peu le théâtre. 

Ce sont les formes plus familières au grand public, qui font écho le plus immédiatement. L’autre raison est que ce livre s’inscrit dans un projet de recherche plus vaste que je mène depuis 2022 avec ma collègue Gaëlle Marti. Nous préparons un ouvrage collectif interdisciplinaire issu d’un colloque et nous avons aussi créé un spectacle de théâtre justement, un procès fictif participatif sur la culture du viol (performance notre procèsndlr).

Auriez-vous tout de même quelques exemples de représentations sexistes dans l’histoire récente du théâtre ?

Le théâtre est riche en exemples, hélas, à toutes les époques. Cela pose d’ailleurs des questions passionnantes : comment jouer aujourd’hui la tirade finale de La Mégère apprivoisée de Shakespeare qui fait l’éloge de la transformation d’une Amazone en épouse soumise ? 

Plus près de nous, le mouvement #MeToo Théâtre a commencé en 2016 par la dénonciation conjointe de faits de violences sexuelles dans les coulisses du festival La Mousson d’été et d’une programmation saturée d’une représentation complaisante de viols et d’agressions contre des personnages de femmes dont les rôles étaient par ailleurs réduits à la triade sexiste MèrA   

Dans un court passage au début du livre, vous tendez à relativiser l’impact de la pornographie sur ces représentations. 

Je ne pense pas le relativiser. Je cherche à contrer la tentation d’une analyse qui réduirait la violence misogyne à certains types de productions culturelles comme le porno et le rap. La stratégie esthétique du porno mainstream, qui consiste à assumer la violence, a le mérite d’être claire. Dans des scénarios où des hommes violent des femmes, les humilient, difficile de cacher/nier la violence et l’absence de consentement. Et le statut social de ces productions fait que les spectateurs ont plutôt conscience qu’elles ne sont pas réalistes. Le problème essentiel du porno, ce sont moins les images produites que leurs conditions de production. 

Ce qui me parait beaucoup plus problématique, en termes d’influence sur nos imaginaires, ce sont d’une part les œuvres qui dénoncent le viol tout en maniant un regard qui réduit les femmes à leur statut d’objet de désir voire de proie sexuelle ; et d’autre part, le « maquillage » des violences, leur sublimation en humour ou en amour, l’érotisation de la confusion désir et possession-prédation-emprise, et toutes les zones grises esthétiques qu’on trouve dans tant de films, chansons, romans. 

Le fait de limiter la critique à la production pornographique est-elle, pour citer l’une de vos formules, une manière « d’exotiser le viol » ?

Oui, et de l’altériser aussi. Aujourd’hui, on parle de violences sexuelles, ce qui est un mieux, mais on continue de faire comme si c’était l’anormalité par rapport à notre modèle de la bonne relation hétérosexuelle. Tous ces procédés de mise à distance des violences permettent de maintenir notre sentiment de sécurité par rapport à nos normes et nos valeurs et de cacher leurs contradictions. 

Il est aussi beaucoup question de l’invisibilisation des victimes. 

J’insiste plutôt sur un paradoxe, que j’appelle la charge de la visibilité : on surexpose les victimes, et on invisibilise les auteurs. Par exemple, on parle de « violences faites aux femmes » alors que ce serait tout aussi vrai statistiquement de généraliser du côté des auteurs en disant « violences commises par les hommes ». Et cela permettrait de cibler la cause du problème, et les mécanismes divers (impunité, normes de genre) qui poussent trop d’hommes à commettre de tels actes… et trop d’entre nous à les excuser.

On retrouve cette idée de renversement dans votre formule « les abus sexuels sont toujours des abus de langage ».

Oui. L’exemple de la formule « violence faite aux femmes » montre que même les mots de la lutte contre les VSS sont contaminés par une culture qui nous éduque à ne pas voir et ne pas dire les violences, pour préserver les dominants. Les abus de langage recouvrent aussi des stratégies de défense à la fois rhétoriques et psychiques, qui sont utilisées par les agresseurs, mais aussi par les entourages et l’ensemble de la société. Elles consistent à nier les faits, les euphémiser, ou les justifier en renversant la responsabilité sur les victimes.

Vous concluez tout de même l’ouvrage sur une note d’espoir, en promouvant d’autres représentations de masculinités

Oui, d’autres modèles de masculinités et d’autres modèles de scripts sexuels et relationnels existent et ont toujours existé ! Je travaille à nouvel ouvrage portant sur des œuvres qui soit qui dénoncent la culture du viol en préservant ce qui est attaqué par le viol : la pudeur et la dignité des victimes ; soit promeuvent des normes de liberté, d’égalité et de réciprocité du désir et du plaisir quels que soient le genre et l’orientation sexuelle des personnes. 

PROPOS RECUEILLIS PAR CHLOÉ MACAIRE 

Le viol, notre culture de Bérénice Hamidi, éditions du Croquant
À la Maison Jean Vilar… 

Bérénice Hamidi participera à la rencontre Représenter sans agresser : l’art au défi des violences sexuelles aux côté de Ronan Chéneau, Servane Dècle et Séphora Haymann, le 16 juillet. 

Un axe important de la programmation festivalière de la Maison Jean Vilar est consacré aux « Enjeux du présents ». Une voix est donnée aux cultures oppressées par la guerre et forcées à l’exil lors des rencontres et lectures Avignon avec l’Ukraine ! (le 15) et Voix palestiniennes - voix de résistance (le 18). 

L’importance de la culture dans la construction de la jeunesse sera aussi au cœur de plusieurs rencontres : Pourquoi est-il essentiel que la jeunesse vive un Festival tel celui d’Avignon aujourd’hui ? (le 14) et Évaluer l’éducation artistique et culturelle (le 19). C.M.

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Zar Electrik

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ZAR_ELECTRIK
© Aucepika

Une nouvelle fois, le Makeda invite à un voyage en Orient introduite par Adil Smaali, un artiste aux multiples facettes prônant le mélange des cultures. Il alterne avec un chant inspiré des traditions orales le guembri, le ngoni, la guitare et les percussions du Maghreb. 

Au tour ensuite de Zar Electrik, trois artistes marseillais qui font résonner les couleurs de l’Orient avec les voix d’Anass Zine et Arthur Penaneau chanteurs-instrumentistes au guembri, à l’oud et à la kora électrique, modernisées par les rythmes électro de Did Miosine. Ce sera l’occasion pour le trio de présenter leur nouvel album Koyo, une musique ancrée autour de la transe. L’odyssée orientale se termine avec KasbaH, DJ et producteur qui marie la culture underground avec les musiques ancestrales maghrébines. 

LILLI BERTON FOUCHET

28 mai
Makeda, Marseille

« C’est un défi physique pour toute la troupe »

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Baptiste Chabauty
Le Soulier de satin © Jean-Louis Fernandez

Zébuline : Quelle est votre relation au Festival d’Avignon, et comment envisagez-vous votre première performance dans la Cour d’honneur ?

Baptiste Chabauty : J’ai eu plusieurs expériences à Avignon. Mon premier Avignon, il y a une quinzaine d’années, était en off sur la Place de l’Horloge. Puis, il y a quatre ans, j’ai découvert le In avec le Nouveau Théâtre Populaire, ma première troupe, en jouant la trilogie Molière à la Cour Minérale, une expérience de sept heures ! 

Cette fois-ci, nous sommes à guichets fermés pour Le Soulier de Satin, ce qui est formidable. Personnellement, c’est ma première fois dans la Cour. C’est un espace bien plus grand : nous allons passer des 780 places de la Salle Richelieu à 2000 spectateurs. Nous sommes encore en répétition : nous travaillons avec des plans pour nous projeter dans cet espace que nous ne connaissons pas. Éric Ruf dit qu’il a l’impression de préparer le casse d’une banque ! (rires)

Nous essayons d’être le plus tranquille possible. La mise en scène abolit le quatrième mur ; il y a un échange très humain, très concret et chaleureux avec le public, initié par l’annoncier et l’annoncière qui racontent l’histoire entre les scènes. C’est un défi physique pour toute la troupe, qui est de tous âges. Les nuits de répétition, puis les représentations de 22h à 6h du matin, demandent une grande forme. Il peut faire très froid la nuit à Avignon. Nous allons tous devoir tenir et projeter notre énergie joyeusement pour ce public.

Comment avez-vous fait corps avec le personnage de Rodrigue ?

C’est un matériel incroyablement riche. J’ai eu l’occasion de monter Le Soulier de Satin il y a deux ans avec le Nouveau Théâtre Populaire, dans une version de cinq heures où je composais la musique, sans jouer les mêmes rôles. Claudel n’est pas forcément facile, certains ne l’aiment pas, je n’étais moi-même pas un claudélien de la première heure. Il y a un côté métaphysique, émotionnel, politique et religieux : maintenant, je l’adore ! 

Le corps est un grand sujet, surtout pour Rodrigue. Le matériau est tellement riche que j’ai l’impression d’en découvrir toujours plus. Et le personnage de Rodrigue est un cadeau. C’est un jeune garçon qui va traverser toute sa vie. La pièce s’ouvre sur son frère, le père Jésuite, qui prie pour lui, afin qu’il apprenne que la vie ne consiste pas seulement à conquérir, mais à se dépouiller, à être désiré plutôt que de désirer, à connaître le manque et l’amour. 

Au début, Rodrigue est défini comme un homme cruel et jaloux par le roi lui-même, qui le choisit pour sa tâche de vice-roi. Pourtant, il y a aussi la joie de l’amour, puis le conquérant, l’homme violent. C’est un homme avec des côtés très durs. La prière de son père Jésuite se réalise petit à petit, à travers des humiliations, jusqu’à ce qu’il devienne ce « vieillard céleste » qui peint des tableaux. Cette évolution, ces différentes périodes de sa vie, sont d’une richesse infinie et inépuisable. Je ne m’y ennuie jamais !

Propos recueillis par SUZANNE CANESSA

Du 19 au 25 juillet
Cour d’honneur du Palais des Papes

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Lumières d’été

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© Lana Beneteau

Voilà désormais cinq ans que le festival dirigé par la flûtiste Marie Laforge et le harpiste Léo Doumène s’impose dans le paysage aixois. Au fil de cinq jours et six lieux, la Camerata Côté Cour, jeune ensemble de douze musiciens aussi brillant qu’audacieux, fait dialoguer vents et cordes dans un programme exigeant, éclectique et vibrant, donné en plein air et encore nimbé des lumières du jour. Tout commence le 15 juillet à 20h, sur la place de l’Église de Puyricard, avec un concert d’ouverture festif et convivial : programme surprise, ambiance chaleureuse, entrée libre et pot convivial à l’issue du concert. En cas de pluie, la belle Église attenante ouvrira ses portes.

Tous publics

Le lendemain matin, à la Manufacture d’Aix-en-Provence, un rendez-vous pédagogique offert aux enfants des Centres Sociaux et de Loisirs de la Ville d’Aix-en-Provence : Pierre et le Loup de Prokofiev pour les enfants des centres de loisirs. Avant que la troupe ne rejoigne la Cathédrale souterraine de Saint-Martin-de-Pallières à 19h pour un programme autour de Charlotte Sohy, Debussy, et Ravel : une ode à la nature et aux couleurs.

Le 17 juillet, la Camerata fait escale à Pertuis. En matinée, Pierre et le Loup revient pour les plus jeunes, le temps d’un concert offert et réservé aux enfants des Centres de Loisirs de la Ville. Le soir à 20h, l’Espace de Croze de la Chapelle Saint-Jacques accueille un concert toutpublics : Pierre et le Loup y sera rejoint par Ma Mère L’Oye de Ravel, Rhapsody in Blue de Gershwin et les Danses Hongroises de Brahms. Une exposition des dessins des enfants du Centre de Loisirs accompagnera ce concert.

Le week-end à Aix-en-Provence, les 19 et 20 juillet, sera également riche en dialogues et correspondances. Dans le patio du Musée Granet, dès 21h, la musique dialoguera avec les œuvres de Paul Cézanne. Des œuvres de Clara Schumann, Mel Bonis, Brahms, Ravel et Charlotte Sohy, puis de Debussy, Ravel, Chausson et Jean Françaix y composeront des fresques chambristes en miroir d’une grande richesse. Les tarifs concerts incluent la visite libre de l’exposition Cézanne 2025 (de 19h30 à 20h45), pour une immersion complète.

SUZANNE CANESSA

Côté Cour
du 15 au 21 juillet
Pays d’Aix
Les musiciens

Joséphine Besançon – clarinette
Bastien Nouri – hautbois
Antoine Berquet – basson
Félix Polet – cor
Khoa-Nam Nguyen – violon
Roxanne Rabatti – violon
Laetitia Amblard – violon
Oriane Pocard-Kieny – alto
Paul-Marie Kuzma – violoncelle
Marion Jacquard – piano
Marie Laforge – flûte
Léo Doumène - harpe
Frédéric Daumas
 – percussions 

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Éclosion des corps 

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corps
© Thomas Bohl

22 heures, Marseille. Le chant des cigales retentit encore dans la verdure du parc François Billoux qui entoure le Théâtre de la Sucrière. Pour rompre cette B.O. estivale, les danseurs de la compagnie Kilaï, fondée par la chorégraphe Sandrine Lescourant arrivent sur scène, accompagnée d’une musique gospel composée par Abraham Diallo. Ils sont une vingtaine, presque au ralenti, bientôt rejoints par les membres des associations Ramina et Singa, qui ont répondu à l’invitation de la compagnie. 

Ce soir-là, leurs corps se délient peu à peu, et s’illustrent sur scène aussi bien le fracas de la solitude qu’un sentiment profond d’unité. Une narration s’esquisse : slam et chant, par roulement, se succèdent, racontant une histoire, immortalisant les liens. Les silences ont un sens, les respirations un rythme, tout compte sur scène. L’énergie circule.

En live, le beatmaker et beatboxer Cjm’s compose des sons sur un looper, et les corps se meuvent en symbiose sur les rythmes qu’il crée. S’y accorde la batterie de Jeremie Tshiala qui marque les pas organiques des danseurs, et chacun trouve peu à peu son flow.

Invitation au lâcher-prise 

La performance devient une interaction dans le réel, où l’on ressent une certaine liberté dans la fragilité de l’instant. Tranquillement, les danseurs se mélangent au public pour parler d’amour, « quelle est ta définition de l’amour ? ». Et la discussion reprend, avant que le public se laisse aller à danser sur scène. 

LILLI BERTON FOUCHET

Blossom s’est joué le 3 et 4 juillet au Théâtre de la Sucrière dans le cadre du Festival de Marseille. 

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Avant le soir – L’absurde ou l’amour, les deux ensemble

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PÉPITES - PINGOUIN © Olivier Quéro

Ce 4 juillet au Square Bertie Albercht, place était donnée aux jeunes comédien·nes de l’Eracm, dans une mise en scène signée Thomas FourneauBenoît BillonGarance Courtial dans Pingouin et Clarisse EnsenatAmélie Kierzenbaum dans Pépites. Deux pièces données quasi simultanément, puisqu’elles se répondaient en ping-pong pendant toute la durée du spectacle. 

Pour Pingouin, le duo vêtu comme des clowns se questionne sur les relations amoureuses, ses gênes, ses normes, les relations hétérosexuelles et homosexuelles. Amazone, une jeune fille, s’ennuie et veut jouer à l’amour. Un peu puérile et fausse naïve, elle poursuit Abélard. Mais celui-ci refuse car il a déjà une amoureuse…

Cette pièce clownesque, de poursuites et de retrouvailles, joue énormément sur les mots et le langage amoureux en questionnant par exemple le rôle des petits noms : chéri, mon choux… ou pingouin, qui lui donne ainsi son nom. Les acteurs jouent avec le public, viennent s’asseoir au milieu des spectateurs, choisissent des amoureux ou des amoureuses au gré de leurs envies. 

Dans le même temps, on assiste avec Pépites à la rencontre de Léo et Mia dans un parc. Il la renverse en courant, pour aller voir sa grand-mère. Au fil des jours de l’été sans école, l’amitié puis l’amour des deux collégiens se noue autour des pépites, ces moments de silence partagé qui permettent de figer le temps.

Les deux actrices sont drôles et touchantes dans leurs interprétations, d’autant plus que la pièce repose plus sur des silences que du dialogue. De la poésie toute en douceur à côté des deux clowns de Pingouins

LOLA FAORO

Spectacle donné le 4 juillet au square Bertie-Albrecht dans le cadre de la programmation Avant le soir, Marseille.

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