mercredi 9 avril 2025
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Le pass Culture est loin du compte

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L’idée avait été jetée en quelques lignes dans le programme présidentiel de 2017 d’Emmanuel Macron : « Nous créerons un “Pass Culture”. Il permettra à chaque Français de 18 ans d’effectuer 500 euros de dépenses culturelles (cinéma, théâtre, livres…). Nous ne retirerons pas un euro au budget du ministère de la Culture. » L’objectif : démocratiser l’accès à la culture des jeunes, sans peser sur le budget de l’État. Mais la réalité est tout autre. Dans son rapport publié le 17 décembre 2024, la Cour des comptes pointe les nombreuses dérives du dispositif : il est coûteux, d’une portée limitée, et – fidèle à la politique macronienne –enrichit les plus riches.

Un coût énorme, des gains limités

« Un modèle financier tout à fait original ». Voilà comment Frédéric Jousset, mécène multimillionnaire chargé de la mise en place du Pass Culture, présentait en 2018 le dispositif. À l’époque, il devait être financé à hauteur de 80 % par le secteur privé. Dix ans plus tard, et après cinq années d’exercice du pass, le rapport de la Cour des comptes indique que la part du privé n’atteint pas même les 10%. Pire, l’argent du ministère utilisé pour le dispositifbénéficie principalement à une petite oligarchie de l’industrie culturelle : 100 millions d’euros en cinq ans ont été versés à la seule Fnac, et 10 entreprises privées se partagent 270 millions sur la même durée. « C’est un système d’aide d’État à l’industrie culturelle, alors même que l’on a des difficultés pour financer le service public » dénonce Ghislain Gautier, secrétaire général de la CGT-Spectacle. « C’est clairement un scandale d’État » poursuit-il. 

Faute de financement privé, le déploiement du pass Culture a fait croître chaque année son budget, passant de 91 millions d’euros en 2019 à 244 en 2024. La Cour des comptes estime pourtant que les objectifs affichés sont loin d’être remplis. D’abord sur ses bénéficiaires. Si 80% des jeunes d’une classe d’âge activent leur pass, c’est seulement 68% pour ceux issus des classes populaires. Sur son utilisation aussi : l’absence de médiation culturelle crée une forte inégalité dans son utilisation (entre 42 et 55% du pass est utilisé pour le livre, 7% pour le spectacle vivant – hors musique). Exit la volonté de diversifier l’activité culturelle des jeunes,puisque comme le souligne la juridiction financière, « le principal impact du pass Culture […] se traduit plutôt par une intensification des pratiques culturelles déjà bien établies chez les jeunes. » Pour Ghislain Gauthier, le pass ne serait « qu’un chèque à la consommation, mais pas un outil pour ouvrir la jeunesse vers de nouvelles pratiques culturelles ».

Un problème de gouvernance 

La Cour appuie aussi sur un autre problème, le choix d’une société par action simplifiée pour mettre en œuvre le dispositif : la SAS pass Culture. Alors même que celle-ci est financée par plus de 90% d’argent public, sa forme juridique ne permet pas au Parlement d’avoir un droit de regard sur celle-ci. Ni la masse salariale des 176 équivalents temps plein (en 2024)mobilisés, ni l’utilisation de son budget ne sont contrôlés. Pour la Cour des comptes « la transformation de la société pass Culture en opérateur de l’État doit être effective dès 2025 ». En réponse via communiqué, la SAS pass Culture explique – sans rire – que son « autonomie est un levier clef de son succès ». 

Une ministre « préoccupée »

Depuis sa nomination au ministère de la Culture en janvier 2024, Rachida Dati n’a jamais caché ses doutes sur le pass. Devant la Commission des affaires culturelles en mars dernier, elle disait avoir des « réserves » sur celui-ci, estimant qu’il reproduisait « les inégalités sociales et culturelles ». Même son de cloche en octobre, quand elle annonce vouloir réformer le dispositif pour cibler les bénéficiaires les plus modestes, et réserver une part du pass au spectacle vivant. Facile alors pour la ministre de « partager les préoccupations » de la Cour des comptes à la suite de la publication du rapport. Mais si le secrétaire général de la CGT-Spectacle salue la lucidité de la ministre, il doute sur sa capacité à le réformer. Rien n’indique qu’une distinction entre le spectacle vivant public et privé soit effectuée, rien non plus sur la mise en place d’une éventuelle médiation culturelle ou sa méthode.

La réforme du pass arrive en outre à un moment où la culture connaît une profonde crise de financement. Les tours de vis des collectivités territoriales ont largement tapé dans les budgets culture (coupes de 70% en Région Pays de la Loire, 20% en Île-de-France ou 10% en Paca…). Et la politique de la demande voulue par Emmanuel Macron dans la culture pourrait se fracasser sur un mur que tout le monde voit venir : un affaiblissement sans précédent de l’offre culturelle en France.   

NICOLAS SANTUCCI


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Avignon, Terre de culture débute en cirque

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La Cie Ilotopie et leur spectacle Fous de Bassin © Steve Eggleton

« Faire d’Avignon une exception culturelle pour tous ». Cécile Helle, maire d’une ville au patrimoine et au Festival sans conteste exceptionnels, ne veut pas se contenter d’être capitale un mois par an, et étape de touristes émerveillés par le Palais des Papes. La Ville se réjouit évidemment d’être un carrefour culturel incontesté, et Avignon Terre de Culture célèbre l’anniversaire de l’année Capitale Culturelle 2000, mémorable comme son expo sur La Beauté

Mais 25 ans après ses habitants et habitantes sont appelés à s’emparer au quotidien de la question culturelle avignonnaise, dans les musées, les bibliothèques, les espaces et bâtiments publics, à l’intérieur mais surtout à l’extérieur des remparts. Les projets pour un accès gratuit et partagé aux collections des musées et aux ressources des bibliothèques, ainsi qu’aux pratiques artistiques et aux festivals différents comme C’est pas du Luxe ou Tous artistes, ont transformé le rapport que les Avignonnais entretiennent avec les propositions culturelles, qu’ils envisagent aujourd’hui davantage comme un patrimoine leur appartenant, aussi.

Ainsi l’année débute par l’inauguration de la médiathèque Renaud-Barrault, (anciennement Jean-Louis Barrault) dans le quartier populaire de la Rocade. Entièrement reconstruite, ambitieuse et offrant des espaces multimédias innovants, elle est recouverte d’une gigantesque canopée sur laquelle Benoît Brune, fildefériste, se livrera à une performance suspendue (le 11 janvier à 15 h). À 17h30, sur le parvis de la Gare centre lui aussi rénové, Tensegrity, la danse de six grands tubes fluorescents qui, vibrent et changent de tons. Puis les créatures géantes de Planète Vapeur avec leur impressionnant Pégase, emmèneront le public de la gare vers le Rhône où l’attend, sur l’eau, la création d’Ilotopie, Noeurhône, à 19 h.

La Biac à Champfleury

Le dimanche sera tout aussi chargé, et tout entier cirque ! Pour la première fois la Biennale, qui s’était arrêtée aux portes du Vaucluse à Cavaillon, monte jusqu’à la capitale du département et organise une journée exceptionnelle avec un village circassien déployé à Champfleury. Au programme, tout au long de la journée, des ateliers de Parkour (cie PK show) de jonglage (cie Sombra) et de funambule (cie Zim zam) ouverts à tous et toutes, un labo cirque par l’école de cirque d’Avignon, une O.N.D.E (Objet Nodulaire Dérivant Esthétiquement) qui déploie ses fantaisies dans l’espace, animée par cinq jardiniers…

Le matin, le Récit des yeux de Carlos Munoz, un spectacle de jonglage cinétique. À 15h30 un spectacle exceptionnel : Bleu Tenace, solo aérien écrit par Chloé Moglia (Cie Rhizôme) pour Fanny Austry, danseuse des airs, version musclée. À six mètres du sol, accrochée à deux barres élancées en forme de potence bleue, toute de bleu elle aussi vêtue, avec pour seul décor la couleur du ciel et la musique de Marielle Chatain elle évolue, lentement, majestueusement, par une main seule accrochée, la tête en bas, comme un idéogramme dessiné dans l’espace… 

Histoire de famille

Sous chapiteau le final du week-end : Le cabaret renversé de la Faux Populaire – que Zébuline a vu le 21 décembre 2024 au Pôle de La Seyne-sur-Mer – est un festival de cruauté pour rire, et de complicité pour le meilleur. Entre deux, trois, quatre verres de vin (bons !) offerts au public (ou de sirop, pour les enfants…) Monsieur et Madame se livrent à des acrobaties et des jeux d’adresse insensés. Lui semble maladroit et réussit des exploits avec des verres empilés, des ballons gonflés, des couteaux jetés, un violon dont il joue dans les positions les plus impossibles, tandis que sa femme, sadique, accumule les obstacles… Le jeu entre eux est théâtral et drôle, avec quelques beaux exploits sur le fil, à vélo ou en trapèze, avant qu’elle n’entraîne des spectateurs (volontaires et qui ont répété !) dans des numéros aériens d’une belle poésie… Le spectacle se conclut avec un clin d’œil familier. Leur fils et leur chien, brefs acteurs de ce Cabaret renversé qui viennent saluer avec eux, comme s’ils nous avaient accueillis à la maison…

Un bel esprit partagé pour cette année culturelle qui débute !

AgnÈs Freschel

Avignon, Terre de culture 2025
Week-end inaugural
11 et 12 janvier
biennale-cirque.com
avignon2025.fr

Cirque : en piste pour la Biac 

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Rouge Merveille, Cie Rhizome © Christophe Acker

Depuis 2015, la Biac a assis sa renommée. Ce qui lui permet, d’édition en édition, d’accueillir de plus en plus de premières et de têtes d’affiche. Ce sera le cas cette année du 11 janvier au 9 février dans toute la région, avec comme point de départ un grand week end d’ouverture à la Friche la Belle de Mai de Marseille ces 11 et 12 janvier. 

À l’affiche, la nouvelle création de Circus Baobab. Après avoir triomphé en 2023 avec Yé !, un cri d’alarme goguenard en faveur de l’environnement, la compagnie africaine nous présente les premières mondiales de Yongoyély (le 10 et le 11 janvier à 19h30), traitant de la condition et de la place de la femme africaine – le titre du spectacle signifie « l’exciseuse » en langue soussou. Mis en scène par l’iconoclaste Yann Ecauvre – directeur du Cirque Inextremiste, adepte des spectacles explosifs à base de bouteilles de gaz – les 9 acrobates virtuoses (6 femmes et 3 hommes) s’inspirent de l’énergie des rues de Conakry, et en rapportent des agrès et accessoires emblématiques : des grumes, sortes de petits troncs d’arbres utilisés par les archers traditionnels, à la fois souples et très résistants, mais aussi des fouets, présents dans les villages guinéens pour effaroucher les oiseaux. Minimaliste, la scénographie laisse toute la place à la technique : suspension, portés de têtes, hula-hoop, voltige, main à main, krump… 

À ciel ouvert 

En journée, la Friche et ses dédales abritent à ciel ouvert des propositions originales et audacieuses, alternant acrobaties intimistes et performances de grande hauteur. Sur les paysages électro contemplatifs de Marielle Chatain, la voltigeuse Mélusine Lavinet-Drouet nous offre un poème circassien suspendu sur mât chinois (Cie Rhizome, Rouge merveille). Enserrée dans un tube à essai géant, la talentueuse Alice Rende rejoue quant à elle son époustouflante performance Passages : ses contorsions se font le reflet de nos émotions intérieures, entre tempête silencieuse et fou rire muet…  (Cie AR, Passages). Autre tonalité avec Feu, de Fanny Alvarez : créée au Festival d’Avignon 2023, cette pièce pour une acrobate et deux musiciens oscille entre performance bruitiste et sportive, au milieu d’un ring fantasmé et d’un déluge d’instruments. Enfin, un final en beauté : personne n’a oublié les déhanchements entêtant de la nonchalante et explosive Tatiana-Mosio Bongonga, perchée sur son fil à plus de 20 mètres de hauteur, lors de l’ouverture de la Biac 2019. La funambule revient avec une performance collaborative, où la traversée sur le fil se fait grâce au concours du public (Cie Basinga, Soka Tira Osoa). 

Enfin, n’oubliez pas d’arriver tôt ! Au fil des ans, le succès de ce lancement est de plus en plus fulgurant, et même si la programmation tente de répartir au mieux les flux, il est parfois difficile de se frayer une place. À noter : pour ceux qui voudraient humer d’une autre manière le fumet du cirque, qui planera durant 1 mois sur la Région Sud, en route vers des formes plus intimistes : au Mucem (Blizzard Concept, Jazz Magic, le 11 à 14h et 17h), ou encore à la Garance de Cavaillon, pour l’avant-première d’un spectacle jeune public (IRRooTTaa de Grensgeval & Circus Katoen (le 11 à 11h et 15h) [lire ci-dessous].

Et ensuite… 

La Biac se poursuit jusqu’au 9 février, à Marseille et dans six départements. Cette édition se veut résolument féminine, un motif de fierté pour Raquel Rache de Andrade, codirectrice d’Archaos, la structure organisatrice de l’événement : « 50% de la programmation est portée par des femmes. Enfin la parité, ouf ! ». Parmi les artistes accueillies, un focus Raphaëlle Boitel – soit 4 spectacles, permettant de suivre son évolution en 10 ans –, mais aussi Fanny Molliens, à la tête de la Cie Rasposo, ou encore la Brésilienne Maïra de Oliveira Aggio. Et toujours, à foison : du très contemporain – MMF au Zef, Miettes et Armour à Klap, Alexander Vantournhout au 3BisF –, quelques étrangetés – Trilokia à l’Étang des Aulnes –, une forme intimiste de montagne (Failles de La féroce, du 13 au 17 janvier dans les Hautes-Alpes), comme du grand spectacle sous la toile, avec l’ouverture du village de quatre chapiteaux sur les plages du Prado le 16 janvier… On en reparlera chaque semaine ! 

JULIE BORDENAVE

Week-end d’ouverture de la Biac
11 et 12 janvier 
Friche Belle de Mai, Marseille.

Puis jusqu’au 9 février, Marseille et Région Sud
biennale-cirque.com 

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Marion Rampal : « Il faut se battre, se blinder »

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Marion Rampal © Alice Lemarin

Zébuline. En 2024 vous avez beaucoup tourné avec votre dernier album, Oizel, un opus assez personnel. Quel ressenti avez-vous de sa version live ? 

Marion Rampal. Ce qui a été difficile, c’est faire le lien entre un album si intime et sauvage et le retour sur scène. Aussi, j’ai vécu le décès de mon père à l’été 2023, retourner sur scène avec ce deuil a été assez compliqué. Petit à petit, avec pas mal de volonté et la bienveillance du trio de musiciens très solide qui m’entoure, j’ai trouvé un nouveau plaisir à partager mes chansons sur scène. J’ai mis du temps à démêler ce qu’il fallait ramener du disque sur scène : j’ai conservé l’intimité dans mes chansons et la voix, mais me suis concentrée sur le plaisir du moment et de la musique dans mon rapport au public. Maintenant que le show est rodé, c’est très agréable !

Voilà maintenant deux albums que vous collaborez à la composition avec le guitariste Matthis Pascaud, qui vous accompagne également sur scène. Avez-vous de futurs projets communs ? 

Avec le trio, nous travaillons actuellement autour de la chanteuse Abbey Lincoln. Ses chansons sont incroyables, et elle est assez peu reprise. Je retourne donc vers l’anglais et remobilise au niveau stylistique ce que j’ai appris au contact d’Archie Shepp et pendant mes années de jazz. Je deviens passeuse et transmets les textes écrits par une femme de jazz, qui était une poétesse extraordinaire très proche de Maya Angelou. 

Vous jouerez Petite Maison, le 25 janvier à la Mesón. Pouvez-vous nous parler de ce nouveau projet ? 

Ma musique est très influencée par le français d’Amérique. En 2022, on a eu la chance d’avoir une aide du Conseil des arts du Canada pour faire un échange avec des musiciens traditionnels et des essais en studio avec des musiciens jazz de Montréal. L’idée, c’était de partir à la chasse aux trésors : il y a des chansons qui me plaisent et m’obsèdent depuis longtemps, qui ont circulé dans les campagnes depuis l’âge médiéval, et se sont transformées, embellies, métamorphosées en traversant le temps et l’Atlantique. Au contact de ce répertoire, il y a de la composition, de l’arrangement, de l’improvisation. C’est une première mouture live, avec une formation franco-québécoise. 

Le milieu de la musique, du jazz particulièrement, est encore assez masculin. Si vous aviez un message à faire passer aux jeunes artistes, quel serait-il ? 

Il faut se battre, se blinder. La porte est un petit peu plus ouverte aux femmes aujourd’hui, mais ce n’est pas évident. Dans le jazz, on reste sur un milieu très masculin dans les écoles et grandes écoles. Plusieurs dispositifs portent leurs fruits, pour aider les musiciennes à impulser leur carrière plus tôt que ce que j’ai pu le faire. Je recommande de mixer au maximum les équipes, à tous les postes, de pousser et défendre la mixité. On est au début de débusquer des abus systémiques, ce sont des transformations anthropologiques, dont on parle. Il faut écouter ses aînées, avoir de la sororité, mais la mise en concurrence a toujours joué contre ça. 

Quels projets avez-vous envie de mettre sur pied en 2025 ? 

Un livre ! Rassembler des chansons des quatre ou cinq dernières années, puis écrire des choses qui sont plus de l’ordre de la prose que du roman, sans doute encore autour de la figure de l’oiseau, que je file dans Oizel

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUCIE PONTHIEUX BERTRAM

À venir
14 janvier
Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban 

25 janvier
La Mesón, Marseille 

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Hautes-Alpes : La Passerelle, en piste pour l’hiver 

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Ombres Portées, Cie L’Oublié(e) © Pierre Planchenault

Pas moins de six spectacles sont programmés par La Passerelle à Gap en ce mois de janvier : du cirque contemporain programmé dans le cadre de la Biennale Internationale des Arts du Cirque, mais aussi un ciné-concert augmenté, du théâtre engagé, du théâtre secret, du théâtre familial, et une performance musicale. Une belle occasion de cultiver ses sorties à la montagne !

De la musique

Le 10 janvier, un « ciné-concert augmenté » de la Cie Tendres Bourreaux avec la projection de Palombella Rossa (Nanni Moretti), comédie délirante dans laquelle un match de water-polo devient une parabole du communisme italien. Les musiciens partagent la scène avec des comédien·ne·s, qui inventent un doublage, drôle et poétique, des personnages à l’écran. Musique et texte également le 22 janvier (au centre culturel Le Tempo) avec Ottilie [B], compositrice associée de La Passerelle, proposant régulièrement des performances musicales sous le titre 1+Hein ?. Pour celle-ci, elle sera en compagnie de Yoanna, auteure-compositeure-interprète féministe, accordéoniste aux chansons aussi fragiles que brutales. 

Du théâtre

Le 15 janvier, 1983 de La Compagnie Nova : spectacle écrit par Alice Carré, mis en scène par Margaux Eskenazi, troisième volet de leur triptyque Écrire en pays dominé. Toutes deux se sont penchées cette fois-ci sur les années traversées par « Touche pas à mon pote » et la « Marche pour l’égalité et contre le racisme », marquant l’espoir d’une nouvelle fraternité. Dont les lendemains ont vite déchanté… Elles ont, comme à leur habitude, mené un long travail d’enquête et de recherche, rencontré des témoins. Leur proposition qui, en décryptant un rendez-vous manqué, cherche à éclairer le présent, est portée par des comédien·ne·s explosif·ve·s.

Du 27 au 31 janvier (le 27 à la Médiathèque d’Espinasses, le 30 janvier à la Médiathèque de Barcelonnette, le 31 à la Médiathèque de Saint-Bonnet-en-Champsaur) c’est In Petto – Au secret des cœurs, de la Cie Chabraque. Un spectacle qui s’est construit sur le territoire des Hautes-Alpes, à la rencontre d’habitants de tous âges, et autour de leurs secrets, qu’ils soient petits ou grands, anciens ou contemporains. Enfin, les 28 et 29 janvier, Vaisseau Familles du Collectif Marthe s’appuie sur des récits intimes, des témoignages, des écrits théoriques, pour entrelacer fiction et pensée, verbe et corps, objets et matériaux, autour de la notion de famille.

En cirque

La famille est également au centre d’Ombres Portées de la Compagnie L’Oublié(e) – Raphaëlle Boitel, artiste dont les créations évoluent à la frontière du cirque, du théâtre, du cinéma et de la danse. Une famille est tapie dans l’obscurité (père et enfants), minée de l’intérieur par un secret familial, qui va provoquer le mouvement. Un spectacle aux images hautement métaphoriques et marquantes, conjuguant violence, burlesque et tragi-comique, porté par des interprètes la fois danseurs, acteurs et acrobates.

MARC VOIRY

La Passerelle, scène nationale de Gap

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Une Petite Sirène en eau trouble 

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Petite Sirène sur la scène, du compositeur Regis Campo
La Petite Sirène © D. Jaussein

Zébuline. Pouvez-vous nous parler du spectacle La Petite Sirène ?
Régis Campo.
 C’est un spectacle à géométrie variable qui s’adapte aux lieux et aux configurations orchestrales. La création a été donnée à Nice en mars et décembre dernier et nous reprenons cet opéra dans une version spécialement réécrite pour l’Ensemble Télémaque. J’en ai écrit la musique et le livret.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce conte d’Andersen ?
La coproduction – les opéras de Nice, Avignon, Toulon, Marseille, la compagnie Arcal et l’ensemble Télémaque – m’avait proposé de mettre un conte en musique. La Petite Sirène m’intéressait pour l’aspect onirique de l’océan et puis il s’agit d’une merveilleuse histoire d’amour que l’on peut interpréter comme un récit initiatique qui met l’accent sur l’émancipation de la famille, l’attrait de l’étranger, la prise de risques. C’est un passage de l’adolescence à l’âge adulte qui se déroule très difficilement : Ariel est maladroite avec ses nouvelles jambes, elle ne parvient ni à marcher, ni à danser. 

C’est une histoire terrible.
Oui comme le sont en général les contes.  Nous n’avons pas voulu l’édulcorer comme a pu le faire Walt Disney. Je suis resté fidèle à l’histoire de cette petite sirène qui pour avoir des jambes et rejoindre le prince qu’elle aime, accepte qu’on lui coupe la langue et renonce à sa voix. Je n’ai pas souhaité rajouter d’autres personnages que ceux qu’Andersen avait imaginé : la sorcière, la sœur d’Ariel, Ariel et le prince.

Une histoire machiste aussi.
On peut le lire ainsi dans cette notion de sacrifice absolu à un homme, fut-ce-t-il prince. Celui-ci, en l’occurrence, n’est pas méchant mais plutôt béta. On pense plutôt aujourd’hui qu’Andersen souhaitait parler à la fois de manière universelle des amours impossibles mais aussi de sa vie personnelle. Il ne pouvait pas vivre au grand jour son homosexualité. Transgresser, c’était se taire. Il était aussi amoureux d’un homme qui ne l’était pas en retour, tout comme le prince n’aime pas Ariel.

Quels sont les partis pris de cette mise en scène ?
La mise en scène a été réalisée par Bérénice Collet. Nous avons travaillé en osmose dès la première esquisse musicale. Son univers pourrait faire penser à celui de Tim Burton pour le côté fantastique. Il y a aussi des scènes très drôles dignes d’Offenbach. La musique, fait appel à des registres multiples. On touche à la comédie musicale avec des ritournelles, d’autres morceaux pourraient faire penser au Maurice Ravel de l’Enfant et les sortilègesL’air de la mélancolie que le public adore est d’inspiration baroque. Quant à la chanson d’amour de la petite sirène, c’est un morceau pop, très simple. 

Pour la prochaine représentation, c’est donc l’ensemble Télémaque dirigé par Raoul Lay qui va interpréter votre musique.
Tout à fait et j’en suis ravi. J’apprécie énormément Raoul Lay qui est lui-même compositeur et un ami depuis plus de trente ans. Comme moi, il adore le chant et la mélodie. Nous avons beaucoup discuté lors de la réécriture de la partition adaptée à son Ensemble. Je lui fais entièrement confiance.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNE-MARIE THOMAZEAU

La Petite Sirène
11 janvier
Les Salins, scène nationale de Martigues 

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Un Funambule qui tombe à plat  

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Scène du Funambule de Genet et Torrenton à la Friche Belle de Mai
Le Funambule © Pascale Cholette

C’est sur le grand plateau de La Friche la Belle de Mai que le Théâtre du Gymnase accueillait fin décembre et hors-les-murs l’adaptation théâtrale du Funambule de Jean Genet par Philippe Torreton, accompagné du circassien Julien Posada et du musicien Boris Boublil. Dans un décor de chapiteau de cirque un peu déglingué : en haut cerceau et barre de trapèze de travers, en bas sol gris rongé par de la mousse verte, du mobilier bric et broc rouge, un vélo, un gros ballon, un coin pour lancers des couteaux, des bouteilles d’alcool vidées ici et là, un coin pour le musicien à côté d’un téléphone fixe, des planches, des bacs plastiques pour bouteilles. Le fil tendu est installé au centre, pas très loin du lit duquel Torreton-Genet s’approche pour assister au réveil du funambule.

Allumer le feu

Le texte de Genet, publié en 1958, est une méditation poétique, un essai-rêverie sur l’art ouvrant au fil de son avancée des vertiges, nourri par un regard amoureux sur Abdallah, le circassien et amant de Genet. Le funambule s’y dessine à mesure de l’avancée des mots, à travers des passages à la grâce fulgurante. Dans cette adaptation théâtrale, aucune grâce. Le funambule est déjà là, condamné à illustrer le texte que Philippe Torreton, tel un coach sportif étouffant, lui assène, très près de lui, sans discontinuer ou presque, l’assommant de mots, de phrases. Ou tel un professeur-conférencier, avec tremblements des bras et des mains, pour haranguer le public. Pendant ce temps-là, en silence, le funambule, blessé au talon, boite, boit de l’alcool, fait le faux-maladroit, puis quelques acrobaties adroites, sur le fil, avant d’aller se recoucher, à la fin. La musique live alterne, de façon presque systématique, un piano hésitant entre le mièvre et le doux-amer, des nappes de synthétiseur aux accents d’orgues d’église, et une guitare cinématographique façon Dead Man de Jim Jarmusch. Genet, s’adressant au funambule, dit qu’il n’est pas là pour lui donner des leçons, mais pour l’enflammer. Torreton semble faire tout le contraire.

MARC VOIRY

Le Funambule était présenté à La Friche la Belle de Mai par le Théâtre du Gymnase hors-les-murs du 17 au 21 décembre.

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Le Pôle : un Grand soir trop attendu ?

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danseurs du spectacle en attendant le grand soir du pôle national du cirque
En attendant le Grand soir © Ian Grandjean

Ils sont neuf sur piste : 6 acrobates, 2 danseurs, 1 musicien clown performeur. Mais de fait ils sont tous danseurs, et ne sont pas d’emblée sur la piste, et finiront bien plus nombreux… Il est difficile  de poser des mots, de tracer des lignes pour décrire ce Grand soir qui se joue des frontières. Assis dans le public, les interprètes en surgissent et y reviennent, et leurs déséquilibres ludiques se succèdent, Otto, le DJ années 1970, faisant dans le burlesque assez franc, les autres travaillant à créer une ambiance conviviale, et invitant peu à peu leurs voisins, puis la totalité du public, à partager la danse à la fin du spectacle en les rejoignant : le spectacle, répété et créé pendant le Covid, refuse les désespoirs du confinement. 

La progression douce vers le partage final est ponctuée de quelques numéros poétiques où les portés très acrobatiques sont prétexte à ballet dans les airs, à valse oblique. Otto, lui fait un hilarant numéro de bruitage de type beat box en mimant une scène de rencontre avec un crapaud peu charmant. Ces beaux moments se nichent pourtant dans un ensemble trop étiré et répétitif, en particulier quand l’ensemble du public a rejoint la scène et dansé la farandole ensemble. Décidément, le Grand soir prend son temps.

AGNÈS FRESCHEL

En attendant le grand soir a été joué les 20 et 21 décembre au Pôle national du Cirque, la Seyne-sur-Mer.

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Le monde inceste 

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La Doloriade

Trois adultes et une floppée d’enfants constituent une famille dont les tares consanguines se concentrent sur certaines infirmités, telles qu’absence de jambes et déficits cognitifs… Une sœur et un frère, seuls survivants, ont le projet de perpétuer la vie. Le repeuplement ne peut se faire que sur la base de la généralisation de l’inceste, dernier tabou transgressé. La question de la transmission et de la tradition se donne sous les traits d’un maître d’école, sans doute stérile, dont l’apport est inapte et inepte. Car dans ce monde, c’est le corps, informe et difforme, souffrant et enfantant, celui de la Matriarche comme celui de sa fille Dolores, qui a le premier et le dernier mot ; d’où l’ordre matriarcal qui y prédomine.

Corps et esprit, même combat 

Rien n’est précisé par Missouri Williams de ce qui a provoqué le cataclysme, déluge de Lumière, car tout est écrit en temps réel : le temps dense des pensées balbutiantes ou obsédantes et des agissements stratégiques ou hasardeux des personnages. Le régime narratif, qui se focalise sur tel ou tel personnage, selon une trame serrée, porte ainsi lui-même les stigmates de ce monde dénué de sens.

Cette continuité souligne une tension au sein même de l’écriture qui apparie de manière singulière mots crus et prose poétique, trivialité et spiritualité. Ce qui amortit le malaise conféré par la lecture de ce roman est que les descriptions violentes, abjectes et cyniques, court-circuitent le travail de l’imagination et de l’identification aux personnages. La langue retient son propos dans sa matière propre, comme si elle cherchait à hypnotiser le lecteur, à la fois fasciné et troublé par l’ampleur de la déchéance humaine. 

Et c’est peut-être cela qui constitue l’apport propre du roman. À l’inverse de la littérature gothique, la lecture ne plonge pas dans les visions d’horreur et reste à la surface des mots pour mieux soumettre à réflexion les grandes questions posées en sous-texte, notamment sur la nature du lien social, de la vérité, du pouvoir et de la pulsion de vie.

FLORENCE LETHURGEZ

La Doloriade, de Missouri Williams
Christian Bourgois
Paru le 22 août 2024

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Toulon en mode Broadway

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photo de la scène de Broadway au Palais Neptune à Toulon
Classical Broadway ©

« Willkommen, bienvenue, welcome, fremde, étranger, stranger… » C’est avec cette chanson mondialement connue du film Cabaret de Bob Fosse qui immortalisa Liza Minnelli que Jasmine Roy, spécialiste française de la comédie musicale, pénètre sur scène, pleine d’humour et de charisme dans une combinaison strassée. Elle lance le top départ d’une soirée riche en gaieté. En une heure et demie, quatre solistes accompagnés par un orchestre de l’Opéra de Toulon endiablé sous la baguette de l’américain Larry Blank, chef incontournable du genre, vont dérouler 150 ans de théâtre chanté. « L’opéra est l’ancêtre de la comédie musicale », explique Jasmine Roy souhaitant réinscrire ce registre musical dans sa filiation. 

Et arrive le jazz

La preuve par l’exemple avec une exécution brillante du Largo al factotum du Barbier de Séville de Rossini par le baryton Guillaume Andrieux, suivie par le Mi Chiamano Mimi de La Bohème de Puccini, interprété par la gracieuse Beate Mordal. Si on a toujours un peu de mal à apprécier des extraits d’opéras sortis de leur dramaturgie, les deux artistes lyriques ontcependant illustrés à merveille le jeu théâtral commun aux deux univers musicaux. C’est dans les années 1920 que la comédie musicale prend son envol avec des musiciens comme Cole Porter qui vont métisser leur musique classique avec le jazz qu’ils aiment aller écouter au Cotton Club à Harlem. 

George Gershwin est honoré avec le morceau Shall we Dance dans lequel les trois solistes rejoints par le jeune et impétueux Sinan Bertrand, dans les pas de Fred Astaire, s’en donnent à cœur joie, ou avec le légendaire Summertime de Porgy and Bess, que l’on peut qualifier de premier opéra afro-américain, proposé par Beate Mordal dans une singulière version lyrique. Les morceaux s’enchaînent : medley de Judy Garland, chansons de Barbara Streisand, en solo, duo, trios, avec brio, fantaisie, jeux de scènes, claquettes et pas de danse. C’est drôle, réjouissant, d’une légèreté savamment maitrisée. En bis, la version polyphonique de quand on a que l’amour de Jacques Brel est un moment de grâce. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Spectacle donné le 28 décembre au Palais Neptune, Toulon.
Une programmation de l’Opéra de Toulon.

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