jeudi 28 novembre 2024
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Accueil Blog Page 42

Déambulation artistique à Digne-les-Bains

0
Fragmentin Endangered (artificial) herbarium, 2023 Kornhaus Forum, Berne, Suisse Installation 180 x 210 x 180 cm Acrylique, câbles élecrtiques, pinces en alluminium, lampes spots, gélatine pourpre © Fragmentin

Apian / Abelhat au Cairn

Apian est le nom du ministère des Abeilles, fondé par l’artiste Aladin Borioli en 2014, pour aider à la préservation de ces insectes, très souvent victimes de la société capitaliste. Abelhat signifie « ruche habitée » en occitan. Deux mots qui donnent le titre à la nouvelle exposition présentée au Cairn jusqu’au 3 novembre 2024, « qui dépeint les possibles apicultures de demain, entre savoirs traditionnels et science fiction ». Dans le parcours, on découvre des « ruches futuristes », imaginées par le collectif d’artistes suisses Fragmentin, mais aussi le travail de recherche de Nicolas Césard, ethnologue au Museum national d’histoire naturelle de Paris. Au Cairn, il documente et révèle la pratique des cueilleurs de miel à la cordée dans les Gorges du Verdon. Cette technique, aujourd’hui disparue, et unique dans l’histoire récente européenne, l’exposition en présente les derniers témoignages. 

Lucioles, l’art de l’enfance au Musée Gassendi

Après les abeilles, les lucioles – et pas pour n’importe qui. Pratique artistique souvent négligée dans le milieu de l’art contemporain, le Musée Gassendi propose cet été une exposition destinée à la jeunesse. Avec Lucioles, l’art de l’enfance, le centre d’art de Digne présente le travail de plusieurs dizaines d’artistes et designers mettant « en lumière le lien intime qui peut se nouer entre le jeu et l’apprentissage et, plus profondément encore, comment l’imagination, mère de l’invention, peut être une clé pour comprendre des phénomènes complexes. » Un foisonnement d’œuvres issues du fonds de l’association Les Trois Ourses, mises en dialogue avec celles du Centre national des arts plastiques. 

Maison Alexandra David-Néel

Alexandra David-Néel est en tout point une femme d’exception : elle était tibétologue, chanteuse d’opéra, journaliste, écrivaine, exploratrice, féministe, anarchiste, franc-maçonne et bouddhiste. Surtout, elle voyagea pendant une quarantaine d’années, à pied, à travers l’Inde, la Chine, le Japon et le Tibet… où elle fut la première occidentale à se rendre dans la ville sainte de Lhassa. De ce parcours hors-norme, la Maison Alexandra David-Néel à Digne-les-Bains – où elle vécut et mourut à 101 ans en 1969 – en garde la mémoire. Photographies, correspondances et objets rapportés lors de ses voyages permettent de saisir l’incroyable récit de sa vie, sa modernité, et sa complexité. 

NICOLAS SANTUCCI

Apian / Abelhat
Jusqu’au 3 novembre 
Cairn

Lucioles, l’art de l’enfance
Jusqu’au 25 février 2025
Musée Gassendi 
Digne-les-Bains

À Arles, sous les étoiles

0
L'Histoire de Souleymane © Pyramide films

Après une ouverture en fanfare de cette 8e édition des Rencontres cinématographiques d’Arles avec Lady Maga et les Sax Toys,le 22 juillet à 21 h, ce sera le film d’Emmanuel Courcol, En fanfare (Sélection officielle festival de Cannes) qui débutera la manifestation. Une  comédie qui rend optimiste avec Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco. Le lendemain, à 21h45, Thierry de Peretti présentera son dernier opus, À son image (Quinzaine des cinéastes), adapté du roman de Jérôme Ferrari : l’histoire de la Corse de la fin du XXe siècle à travers le destin d’Antonia (Clara-Maria Laredo) une jeune photographe de presse amoureuse d’un indépendantiste. Le 24 juillet à 22 h, un film de Boris Lojkine, L’Histoire de Souleymane (Un certain regard) avec Abou Sangaré qui a reçu pour son rôle d’un demandeur d’asile le Prix du Jury et du Meilleur acteur. Le lendemain, ce sera le film de Jacques Audiard, Emilia Perez qui a obtenu le Prix du jury et le Prix d’interprétation féminine pour l’ensemble des actrices. Un polar en forme de comédie musicale, librement adapté de l’œuvre de Boris Razon. Et pour terminer cette réjouissante programmation, Emma Benestan viendra présenter sa dernière réalisation, Animale (Semaine de la Critique) : l’histoire de Nejma qui s’entraine dur pour réaliser son rêve et remporter la prochaine course camarguaise avec la talentueuse Oulaya Amamra. Tous ces films seront présentés sous les étoiles, à Croisière. Et les enfants ne seront pas oubliés puisqu’une projection aura lieu pour eux, (mais pas que !) au Cinéma Le Méjean le 23 juillet à 14 h. Et quel film ! Flow (Un Certain regard) le film d’animation de Gints Zilbalodis en avant-première, Prix du jury et prix du public au Festival d’Annecy 2024. Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau.

ANNIE GAVA

Rencontres cinématographiques d’Arles
Du 22 au 26 juillet

Dans la peau

0

Pascal Tessaud est né à Paris – nobody is perfect. Milieu ouvrier. Premier bachelier de sa famille. Études de cinéma puis réalisation de courts métrages, de doc musicaux , de clips. Dans la mouvance de ces cinéastes nés dans des banlieues décriées dont ils mettent en valeur la richesse créatrice. Brooklyn, son premier long métrage de fiction, se déroulait en Seine Saint-Denis et suivait une jeune rappeuse suisse . Dans la peau, né d’un atelier de direction d’acteurs à l’Académie La Moovida de Marseille, créée par l’Association Ph’art et Balises, a pour cadre la cité phocéenne, et raconte l’itinéraire d’un danseur de Krump des Quartiers Nord.  

Kaleem (Wilfried Blé) rencontre Marie (Almaz Papatakis). Il est d’origine africaine, sort de 5 ans de taule, vit à la Savine, travaille comme manœuvre sur les chantiers pour ne pas replonger. Elle est d’origine grecque, architecte, vit en Centre ville . Elle écoute du neo kyma, lui du rap. Leurs musiques vont pourtant s’accorder comme leurs corps, si différents et si semblables dans leurs blessures familiales respectives.

Entre contrôle et explosion

Ce n’est pas tant dans les grandes lignes de son scénario qu’il faut chercher l’originalité de ce film 100% marseillais. Le retour du taulard. La protection empoisonnée de Rachad, le caïd du coin à qui on est redevable. Les armes planquées dans les placards. La petite sœur à protéger. Les jeunes guetteurs au pied des immeubles et les minots jouant au foot. La collusion plus ou moins imposée avec les responsables politiques locaux. Les familles immigrées attachées à leurs traditions comme une identité et une dignité. Et même la rédemption du héros. Tout cela, a  déjà été raconté maintes fois.

Ici, cela passera très vite à l’arrière-plan cinématographique. Ce qui importe c’est l’irruption-éruption d’un amour et le rêve têtu de Kaleem de créer une salle multisports dans le quartier, vivre de et pour la danse. Les séquences de Krump, filmées en très gros plans, nous immergent dans l’incroyable gestuelle de cette discipline, entre contrôle et explosion. Le film de Tessaud communique cette énergie-là, y puise sa tension.

Et puis, il y a Marseille. Des toits des cités avec vue sur la Méditerranée aux rochers de Malmousque, d’une piscine désaffectée à celle privée où on s’ébat. Fluidité urbaine en bus,  voiture, scooter, qu’on aimerait plus sociale. Des ghettos communautaires noirs, blancs ou gris, il ne resterait alors que le bleu du ciel et de la mer en trait d’union. Un rêve debout, quand l’avenir se teinte de brun.

ÉLISE PADOVANI

Dans la Peau a été présenté en avant-première mondiale le 8 juin 2024 au 27e Brooklyn International Film Festival. Seul long-métrage français sur les 159 films en compétition, il a remporté le prestigieux Spirit Award du meilleur long métrage

Explosives créatures

0

Du 1er juillet au 1er septembre et tous les week-ends du mois de septembre, la Friche de l’Escalette propose des visites guidées. 

Au programme : promenade caillouteuse (escarpins à éviter), jalonnée par les œuvres permanentes héritées des précédentes expositions (dont les cités fantastiques en cérastone de Jean Amado, les jarres baroques de Traquandi, une cabane perchée de Marjolaine Dégrémont, les totems de François Stalhy…). Pause au bungalow du Cameroun de Jean Prouvé et découverte de la nouvelle proposition : cet été, c’est au tour de Germaine Richier, « la Méditerranéenne » de faire escale dans ce repli minéral du Parc National des Calanques.

Usine de plomb

L’histoire est connue de cette usine de plomb installée là, au milieu du 19e siècle pour limiter la pollution en ville, son développement organique dans la caillasse, ses étranges cheminées rampantes sur la colline, son déclin rapide, sa longue notoriété de royaume des ferrailleurs, de cimetière automobile, et puis son acquisition par le galeriste Eric Touchaleaume, au début des années 2010. Un (très) gros nettoyage, la préservation scrupuleuse de la végétation, une mise en sécurité réglementaire. Et le site se transforme peu à peu, au fil des aménagements des espaces clos et des mises en valeur minimalistes des traces du bâti historique résiduel, en lieu d’exposition de sculptures contemporaines et d’architecture légères du XXème siècle.

Golems

Les 13 créatures de Germaine Richier ne sont pas exposées au cœur de cette nature maritime tourmentée, comme l’aurait sans doute souhaité l’artiste provençale. Mais elles y ont été opportunément photographiées, et tout visiteur pourra en garder le souvenir grâce à l’élégant fascicule mis à la disposition par l’organisateur. Les œuvres sont présentées pour la plupart dans un ensemble bâti clos et couvert, lui-même très découpé, très segmenté, sans régularité, sans homogénéité. Sur leurs socles de bois brut, chacune de ces sculptures a son propre espace, ses propres perspectives et résonances, au gré des dimensions toujours diverses, et éclairages aléatoires.

Des œuvres noires, écorchées, hirsutes, golems brutalement extraits. Richier et Giacometti, son illustre contemporain, traitent pareillement la matière. Mais quand les personnages de celui-ci semblent plus souvent inviter à la méditation, au mystère et à la lenteur, ceux de Richier, pas toujours identifiables, humains ou hybrides, mythologiques, puissants et dégingandés, préfèrent de loin l’explosivité et l’expressivité. On s’arrache en gesticulant de la lave en fusion et c’est joyeux !

MAURICE PADOVANI

Germaine Richier : La Méditerranéene

Jusqu’au 29 septembre

Friche de l’Escalette, Marseille

De  Gaveau à la Sainte-Victoire 

0

Point commun entre les trois œuvres au programme, elles ont été créées à Paris, dans la mythique salle Gaveau. En ouverture, histoire de « se chauffer les doigts », la Sonate en sol mineur L.140 de Claude Debussy déclinait la mosaïque de ses thèmes. Le compositeur, alors très malade, écrivant pendant la guerre, voulait obtenir un « joyeux tumulte », parcouru de frémissements douloureux, « comme si on écoutait une âme quittant son corps en agonie », commente Bilal Alnemr. 

Autre drame en trois actes, la Sonate FP 119 de Francis Poulenc éblouissait par sa précision d’orfèvre. Créée en juin 1943,  malgré sa détestation pour cette forme dont il disait « le violon prima donna sur piano arpège me fait vomir », Poulenc la composa à la demande insistante de la  violoniste Ginette Neveu. Hommage à Lorca, la partition très contrastée avec des passages rythmiques violents et des mélodies proches de la chanson donne à voir une Espagne fantasmée nimbée d’une poésie onirique. Les sanglots du violon sont aussi ceux de Poulenc qui écrit en exergue du deuxième mouvement le vers du poète assassiné « la guitare fait pleurer les songes ». Le « presto tragico » semble être une véritable course à l’abîme en une technique de collages où l’on retrouve des emprunts à Rachmaninov, Tchaïkovski et un délicieux pied de nez à « tea for two » avant le couperet final, terrible, où les derniers pizzicati du violon scellent la sentence de mort du poète et résonnent dans le dernier accord du piano comme un coup de feu. 

Enfin, symbole d’une passion fatale d’après Tolstoï, était jouée la pièce maîtresse par sa taille, la célèbre Sonate n° 9 en la majeur de Beethoven, dite Sonate à Kreutzer . Le ton fougueux, parfois déclamatoire, la force dramatique de l’ensemble, sa capacité à peindre les mouvements d’une âme, la multiplicité des registres, trouvaient dans l’interprétation très juste et fine des deux musiciens un écrin particulièrement sensible. 

MARYVONNE COLOMBANI

Le 21 juin, parvis de la mairie de Vauvenargues

Dans le Bain !

0

Formée à la danse contemporaine dans l’effervescence des années 80 à Paris et à New-York, la chorégraphe Catherine Contour, qui se présente comme « artiste-exploratrice » se joue des codes et réinvente l’art du spectacle qu’elle se refuse à envisager comme « spectaculaire ».  Elle instaure ainsi une relation nouvelle entre les artistes, les publics et le cadre dans lequel ils se trouvent. 

Bains est le nom du laboratoire artistique qu’elle a initié dans les années 2000 afin d’élaborer un « outil hypnotique pour la création » et développer le « Danser brut », une pratique chorégraphique inédite qui permet d’appréhender notre relation au monde, en expérimentant l’hypnose comme nouveau média.  

Premier temps

L’expérimentation menée avec les publics au 3bisf s’immisçait le 20 juin dans les jardins du pavillon de Vendôme. Au fil des arrivées, se constituaient de petits groupes autour d’un ou d’une meneur/meneuse de jeu tandis que trois drapeaux -des couvertures de survie déployées au bout de longs bambous- flottaient au vent. Leur frémissement aquatique installait comme une sphère sonore dans l’espace du parc. Chaque participant, suivant les indications données, laissait sa propre couverture de survie « décider » du lieu propice où il se laisserait aller à expérimenter sa propre pesanteur, sur le dos, le ventre, le flanc. Les gouttes de pluie incitaient à s’envelopper dans la matière dorée et argentée, à regarder le paysage à travers, dessiné alors en ombres… moment de lâcher prise qui se conclut par une initiative inattendue : le bassin se trouva recouvert de couvertures brillantes qui furent ensuite ôtées, repliées, rendues. 

Glisser hors du temps

Une démarche  simple, presque enfantine, comme elle le sera lors de la deuxième étape : ce Bain#2  est scandé en temps de pause, d’observation, de déambulation, d’écoute avec une bassine puis des bocks transparents remplis à moitié d’eau et d’objets autour desquels on a joué, évalué, rêvé. L’étonnant est que l’on se prend au jeu, on se laisse aller à ces activités hors du temps. Une fascination s’exerce alors sur l’infime, les détails, les éléments, et le mouvement naît : les artistes dansent, non pour faire preuve d’une technique au service d’un propos mais dans une harmonie de gestes qui épousent la fragilité de l’instant. Une histoire poétique de résonance et d’écoute…

MARYVONNE COLOMBANI

Les 20 et 22 juin, Pavillon de Vendôme et 3bisf, Aix-en-Provence

La musique, c’est de l’amour 

0
Concert de la mezzo-soprano Lea Desandre et de Thomas Dunford, archiluth. Le 8 juillet 2024 au conservatoire Darius Milhaud. Festival d’Aix-en-Provence. Photographies de Vincent Beaume.

FESTIVAL D’AIX

Tant pis pour le récital Monteverdi, Purcell, Händel… Après la défection pour raisons familiales du baryton Huw Montague Rendall, Léa Desandre et Thomas Dunford remontaient un programme autour de leur dernier album, Idylle, une exploration du répertoire de la chanson d’amour du XVIIe baroque au XXe siècle, célébrant avec tendresse les dix ans de leur rencontre. « On s’est amusés à divaguer avec des pièces que l’on donnait en bis : toutes ces chansons parlent de thèmes universels », expliquait la mezzo-soprano. 

Les amours se nouent et se dénouent au fil du concert, profitent du « doux silence de nos bois » d’Honoré d’Ambruis. Les bosquets sont d’ailleurs propices aux amours que l’on retrouve sous la plume de Marc-Antoine Charpentier « sans frayeur dans ce bois » ou celle de Sébastien Le Camus, « on n’entend rien dans ce bocage », tandis que les danses viennent enchanter les corps dans une sarabande de Robert de Visée, une chaconne ou une chanson à danser de Charpentier. Thomas Dunford rappelle que « les meilleures chansons sont les plus désespérées et les plus mauvaises, rigolotes et farfelues, mais que ce sont des œuvres de chansonniers, qui souvent les composent très vite ». On sourit à J’ai deux amants, extrait de la comédie musicale d’André Messager. Espiègle, Léa Desandre joue avec l’instrumentiste qui plus tard lâchera un aboiement lorsqu’elle entonnera l’aria Ma bergère est fidèle de Michel Lambert. Ombre de mon amant de ce compositeur bouleversera ensuite par sa profondeur et la finesse des nuances vocales de la jeune interprète. 

Quatorze cordes à son art 

Les poèmes de Leconte de Lisle ou de Théophile de Viau mis en musique par Reynaldo Hahn lui permettent de renouer avec la voix lyrique que la chanteuse sait mesurer, déployant ses vibratos, les retenant dans les pièces baroques au profit de leurs ornementations, et offrant un timbre naturel pour les « chansons de variété » de Barbara, Dis quand reviendras-tu ? ou de Françoise Hardy, Le premier bonheur du jourLe temps de l’amour. Cette dernière chanson sera reprise en conclusion de la soirée, chantée en chœur par la mezzo, le luthiste et le public. « Il nous faut de l’amour, comme le disaient les anglais de Liverpool », plaisante Thomas Dunford qui fait sonner les quatorze cordes de son archiluth avec une virtuose élégance, passant des sonorités baroques, perlées et lumineuses, à la guitare acoustique, aux élans pop rockabilly, répondant aux graves sublimes et aux aigus de cristal de sa complice. Entrelacés aux chants, des échos de Satie, Gnossienne et Gymnopédie, nimbent l’ensemble d’une tendre mélancolie. Bonheurs !

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 8 juillet au Conservatoire Darius Milhaud, Aix-en-Provence.

Hors des sentiers battus 

0
© X-DR

Directeurs artistiques de Côté Cour, Marie Laforge et Léo Doumène, amoureux de la Provence, ont souhaité un festival de musique de chambre dessiné hors des grandes scènes, dans des lieux choisis, aimés pour leur histoire, leur charme, leur beauté. De la place de Puyricard à la cour du Musée Granet ou à l’amphithéâtre de la Manufacture, quatre jours de concerts permettront d’écouter de jeunes et talentueux artistes, tous amis, ce qui accorde aux interprétations une aisance nouvelle, une complicité réelle et une entente fine. L’originalité de cette manifestation réside dans ses répétitions ouvertes tous les matins au public. Cette démarche permet une autre familiarité avec les œuvres, les règles de la composition, de l’interprétation, des capacités des instruments, de la recherche d’équilibre entre eux. 

Pour les enfants aussi

La variété des programmes esquisse un large panorama de l’écriture chambriste, allant de Schubert à Prokofiev, Bizet à Piazzolla, sans compter le contemporain Joseph Jongen. Marion Jacquard (piano), Lauriane Maudry (clarinette), Alexis Derouin (violoncelle), Oriane Pocard Kieny (alto), Florian Perret, Laetitia Amblard (violons), Vincent Lamiot (contrebasse), Félix Polet (cor), Antoine Berquet (basson), Coline Prouvost (hautbois), conjugueront leur talent à celui des deux fondateurs du festival pour une promenade éblouie au cœur de la musique de chambre. Un peu d’intimité en marge des grandes formations menées par les autres festivals de la même période. Friandise destinée aux enfants des Centres de Loisirs de la Ville d’Aix-en-Provence, un concert pédagogique s’appuiera sur L’Histoire de Babar de Poulenc le 19 juillet à 10h30.

MARYVONNE COLOMBANI

Côté Cour
Du 16 au 21 juillet
Divers lieux, Aix-en-Provence
festivalcôtécour.fr

Vague brune dans le Sud

0

Notre terre de festivals fait grise mine dans une nation qui a su résister, avec panache, à l’extrême droite. En dehors des grandes villes qui envoient à l’Assemblée quelques députés de gauche(s), la vague RN dans le Sud n’épargne aucun territoire. Sans un changement de cap, les prochaines élections municipales verront des villes nombreuses basculer dans le giron de l’extrême droite. 

Les raisons en sont multiples, mais la diabolisation irresponsable de la gauche par la droite locale en est une, de même que le parallèle délirant entre « les extrêmes » et la défense d’une culture identitariste et enracinée, comme au Rocher Mistral. Nier le multiculturalisme de la France, appeler wokisme tout ce qui remet en cause le patriarcat, ses violences et ses inégalités systémiques, essentialiser les différences entre les genres, les origines géographiques et sociales, les (non)croyances et religions, conduit à des hiérarchisations entre les êtres humains qui rappellent le Travail Famille Patrie de Vichy, et les grandes épurations racistes de l’histoire, du massacre des Natifs américains à la Shoah, en passant par la traite négrière et les colonisations.

Reconstruire une culture plurielle et commune

Mais si la vague brune submerge le Sud, le sursaut national épargne pour l’heure le pays et laisse quelques mois pour construire une alternative à l’inexorable montée en nombre du vote Rassemblement national. La souffrance sociale, la disparition des services publics et les réformes des retraites et du chômage imposées à marche forcée sont clairement des raisons de la colère des Français contre Macron et ses gouvernements. Les records de distribution de capital en 2023, (près d’une fois et demi le budget de l’État en actions et dividendes), creusent des inégalités insensées : si les revenus du capital étaient un tant soit peu taxés, et même beaucoup moins que les revenus du travail, tous les services publics, les financements sociaux et les caisses de retraites pourraient sortir du déficit, et remettre sur la voie d’une saine croissance, partagée, l’ensemble du pays, jeunes et vieux, femmes et hommes, racisé·e·s et enracinés « de souche », citadins, périurbains et campagnards.

Presse et culture publiques

Pour cela, il s’agit de créer et diffuser du lien et de l’intelligence. D’en finir avec la disparition annoncée de la presse et de ses réseaux physiques de diffusion, de lutter efficacement contre les Gafam en leur imposant de rémunérer leur usage de contenus, et d’afficher et contrôler leurs sources, de faire taire les médias braillards qui popularisent les idées rances et sont régulièrement condamnés pour racisme. De ne plus leur donner d’autorisation d’émettre, et plus de financement public. D’interdire efficacement la concentration des médias et de soutenir les médias publics, en particulier leurs antennes régionales, indispensables au fonctionnement démocratique local.

La gauche, si elle veut rester fidèle à son histoire et ses fondamentaux, doit refonder le service public de la Culture, centralisé et pressuré par l’État et certaines collectivités. C’est en remettant de la finesse au cœur du politique, en sortant du oui/non binaire qui interdit aujourd’hui toute pensée complexe et dialectique, mais aussi en laissant fleurir dans nos vies la joie et le partage, les concerts et les festivals, que nous pourrons lutter contre les racornissements inexorables que l’on nous promettait comme seul horizon.

Nous ne sommes pas sortis d’affaire. Alors, faites vos choix dans ces pages, naviguez, partagez, éprouvez. Nous vous souhaitons un bon été de festivals, de luttes, de joie et de résistance. 

AGNES FRESCHEL

AVIGNON OFF : Pourquoi imposer un sexe ?

0
Herculine Barbin © Pierre_PLANCHENAU

Le questionnement sur le genre a une histoire. Un de ses pans passe par la découverte, par Michel Foucault, du récit autobiographique d’Herculine Barbin, écrit en 1868. Récit qui donna naissance au questionnement du philosophe sur le « vrai sexe », à l’idée, reprise par Judith Butler, qu’il est possible, souhaitable, envisageable, de renoncer à l’assignation binaire d’un sexe F ou M à la naissance. 

A-t-on vraiment besoin d’un vrai sexe ? demande le sous-titre du spectacle, reprenant la préface de Michel Foucault. La question est posée à travers une invitation empathique à partager un récit d’expérience, ouvrant ainsi les portes de l’évidence à celleux qui n’auraient pas compris les souffrances intimes que produisent les assignations inadéquates ou forcées

Herculine, qui s’appelle Camille dans les Souvenirs qu’iel a laissé avant de se suicider, ne vivait pas dans un corps impossible, mais dans une société inapte à admettre l’hermaphrodisme, l’indécision sexuelle. Une société tout aussi inapte à imaginer qu’une femme, puisqu’il avait été décidé qu’iel en était une, puisse en aimer et en désirer une autre. Plutôt décider qu’il y avait eu erreur et qu’Herculine était en fait Abel, un homme. Une transition et un choix imposé, qui l’a tué·e.

Un travail d’orfèvre

Mettre en scène le récit d’Herculine Barbet 150 ans plus tard nécessite toujours de la délicatesse. Ses Mémoires ont donné lieu à des adaptations romanesques ou cinématographiques qui en manquaient singulièrement, légitimant l’autodétermination de  genre et la non-binarité par une « anomalie » physiologique, un hermaphrodisme génital. Adaptations qui rendent aujourd’hui la tâche peu aisée, alors que les trans et les queers revendiquent de tenir une parole située, qu’iels détiennent.

Face à ces difficultés, la mise en scène de Catherine Marnas fait dans la dentelle la plus subtile. La plus solide aussi, portée par une scénographie et une création sonore qui font vibrer l’espace de sensations fugitives. Les deux acteurs sont remarquables. Yuming Hey incarne celle qui s’appelle Alexina parfois, Camille souvent, puis Abel, avec tout l’art d’un comédien d’exception. Genderfluid, il rend sensible les émois de cette jeune fille qui ne se connaît pas, aime, au cœur des couvents où elle est élevée, puis de l’école où elle est institutrice, la compagnie de ses compagnes… qu’elle désire. Iel danse ses découvertes et ses élans, ses défaites, jouissances et évanouissements, ses terreurs, ses douleurs. Chaque murmure, inflexion, nuance est délivré comme un joaillier dépose ses feuilles d’or, comme un musicien travaille ses phrases. L’écriture d’Herculine Barbin est précieuse et belle et le récit, au souffle puissant, donne cops à des personnages et devient dramatique dans les bras de Mickael Pelissier, qui accompagne Camille, joue sa mère, son amante, les religieuses et les collégiennes, le médecin et le juge, portant Yuming Hey, l’enserrant, le soutenant, le regardant sans cesse, donnant à Herculine la visibilité qui lui a tant manquée avec une attention qui avive celle du spectateur, une empathie qui se diffuse, une justesse qui lui fait croire qu’il est Lisa puis Sara, les jeunes filles tant aimées.

Puis les draps blancs, fluides et doux, protecteurs, disparaissent, laissant place à un déguisement d’homme, comme une absurde castration. Vraiment, décider d’un vrai sexe est une aberration… 

AGNÈS  FRESCHEL

Herculine Barbin 
Du 29 juin au 21 juillet à 17h30
Le Palace, Avignon