jeudi 6 novembre 2025
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Billy Budd : mer agitée, désirs enchaînés

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The Story of Billy Budd, Sailor — Festival d'Aix-en-Provence 2025 © Jean-Louis Fernandez

Ted Huffman et Olivier Leith ont proposé à Aix-en-Provence en création mondiale, une adaptation en opéra de chambre de Billy Budd de Britten (1913-1976), œuvre elle-mêmeinspirée d’une nouvelle d’Herman Melville. Si cette production tient peu la comparaison avec la magistrale version originale avec orchestre, ce format, réduit, est cependant une bien belle réussite.

Cet opéra, exclusivement masculin, se déroule au XVIIIe siècle, à bord d’un navire de guerre britannique, L’indomptable, régi par des lois morales où émotions et désirs n’ont pas droit de cité. Britten, qui vit alors son homosexualité dans une Angleterre conservatrice où celle-ci est encore criminalisée, trouve ici un terrain d’expression symbolique.

Tragédie du non-dit

La force de cette pièce réside dans la dynamique entre trois personnages : le jeune Billy, d’une beauté et d’une innocence lumineuse, interprété par Ian Rucker, baryton à la voix claire et souple qui incarne le mousse désarmant, marqué par un bégaiement, illustrant, latragédie du non-dit, de la parole empêchée, de l’amour réprimé. 

Celui-ci est l’objet d’un désir trouble de la part de Claggart, capitaine d’armes, interprété avec une noire intensité par Joshua Bloomer. Ce dernier, incapable d’assumer l’attirance qu’il éprouve pour Billy préfère fomenter sa perte. Son aria central O beauty, O handsomenessgoodness! déploie une interprétation radicale, celle d’un personnage rongé par la frustrationqu’il détourne en haine.

Face à eux, le capitaine de navire Vere, campé par Christopher Sokolowski, semble droit dans ses bottes. Mais sa voix trahit l’ambiguïté. Il incarne cette figure du témoin déchiré entre sa fonction et sa tendresse pour Billy. Son grand monologue final, après l’injuste condamnation à mort de Billy, le montre hanté par la culpabilité de celui qui, lui non plus, n’a pu ni dire, ni sauver.

Le sommet émotionnel est atteint par Billy in the Darbies, solo de Billy juste avant son exécution, porté par le phrasé juvénile, presque enfantin de Rucker. Cette acceptation paisible de la mort, servie par la mise en scène, donne à Billy une dimension christique.

Si le livret, coécrit par Britten et E.M. Forster, n’évoque jamais explicitement l’homosexualité, tout le suggère. Ce « sous-texte » devient aujourd’hui central dans les lectures contemporaines. Cette création l’assume avec justesse et élégance. Soixante-dix ans après sa création, l’histoire de Billy Budd ne cesse de résonner.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Spectacle donné le 5 juillet au Théâtre du Jeu de Paume, dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence.

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Ayo : la musique est politique

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AYO © Sophie KOELLA

Zébuline. Dans Mami Wata, votre septième album, il est question d’eau, et de féminité. 
AyoOui, je l’ai dédié à l’océan et à la féminité, Mami Wata, c’est une déesse dans la religion yoruba, qui est aussi ma tribu et celle de mon père [au Nigéria, ndlr]. En tant que mère de trois enfants, je dis toujours que la vie commence dans l’eau, quand on est enceinte, c’est comme si on avait un océan en nous et pour moi c’est assez symbolique. Aussi, je parlais de féminité, il y a une chanson qui s’appelle Woman, qui donne une voix aux femmes qui n’en ont pas, qui ne sont pas entendues. Pour moi, c’est très important d’être solidaire avec une sœur, j’aime bien voir les femmes comme si nous étions toutes liées.

Il y a aussi un hommage à Mahsa Amini, l’étudiante assassinée par la police des mœurs iranienne. 
Oui, mais c’est aussi un hommage à toutes les autres femmes qui se font tuer par le régime iranien. C’est Mahsa qui m’a inspirée, c’est grâce à elle que j’ai fait des recherches sur ce sujet et tout ce que j’ai trouvé m’a tellement brisé le cœur. On est en 2025, et on parle encore de pays où certains n’ont pas le droit de s’exprimer ni de porter ce qu’ils veulent… On doit être tous ensemble, on ne doit pas faire comme si on ne voit pas ce qu’il se passe ailleurs. On ne peut pas dire que ça ne nous concerne pas. 

Vous parlez aussi des violences domestiques et sexuelles dans votre album, pour vous c’est important d’évoquer ces problématiques à travers la musique ? 
Très important. Je crois même que l’on connait tous quelqu’un qui a vécu ou qui a eu des problèmes à la maison… c’est presque normal. Il y a beaucoup de femmes qui se font violenterpar leur mari… alors, j’essaye trouver une façon de parler de ces sujets sans être trop dans le négatif. 

Vous parliez de cette inspiration de la culture de votre père, vous êtes né en Allemagne, est-ce une manière de vous reconnecter avec vos racines nigérianes ?
Je dis toujours que c’est presque comme si je n’ai pas vraiment besoin de me reconnecter à mes racines. Je suis née et j’ai grandi en Allemagne, mais il n’y avait pas un jour où quand j’allais à l’école je n’entendais pas les insultes racistes de la part d’autres enfants. On ne peut pas être déconnecté de nos racines, c’est plutôt l’opposé en fait, on se connecte encore plus. Aujourd’hui, je me sens comme une citoyenne du monde avec tous les endroits où j’ai vécus, les gens que je vois et tout ce que j’ai fait.  

C’était difficile pour vous en tant qu’artiste féminine afrodescendante de vous faire une place dans la scène musicale ? 
À mes débuts en France, on m’a dit « ah non, nous on a déjà un artiste noir », donc ils n’ont pas voulu me signer alors qu’on ne va jamais dire « j’ai déjà un artiste blanc ». Ça m’a choqué à l’époque. Aujourd’hui, je ris de ça, mais ce n’était pas facile, et je suis contente de voir qu’aujourd’hui ce n’est plus comme ça. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LILLI BERTON FOUCHET 

Les Nuits d’Istres 
Du 7 au 11 juillet 
Pavillon de Grignan, Istres

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Katerine et Kompromat prennent le Large

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Philippe Katerine @ Arthur Lacube

La pérégrination vers le Théâtre Silvain offre au festivalier une balade en bord de mer, et même la possibilité d’un avant-plouf, qui par le temps caniculaire qu’il faisait pendant le festival, était tout sauf un luxe ! 

L’écrin, amphithéâtre tout de pierres (chaudes), sera d’ailleurs l’objet d’un « c’est mon premier amphi ! », scandé sur scène par la magnétique Rebeka Warrior, qui s’y produit le jeudi 26 avec son projet Kompromat. Raison probable au guichet fermé ce soir-là, et à une excitation générale du public, à qui l’admiration pour le duo Warrior/Vitalic aura permis quelques heureuses découvertes, puisque le festival proposait chaque soir deux artistes de moindres renommées à côté de ses têtes d’affiche (La Flemme et Def Mama Def notamment).

La nuit (enfin) tombée, Kompromat entrait en scène, devant un public massé. Si le groupe est apprécié pour son univers froid, Rebeka Warrior a ce don rare d’attraper tous les regards, tous les sourires, et de chauffer la foule à coup de générosité scénique naturelle. En tout, une heure d’une techno affûtée ornée de textes tantôt prophétiques, tantôt militants. La chanteuse passera même un long moment à chanter depuis les bras tendus de ses fans d’auditeurs, leur demandant l’autorisation de se lever sur leurs mains. Un show ébouriffant, donc, dont beaucoup sortiront sonnés, et frustrés d’être lâchés dans la nature dans cet état. 

Phil good

Place ensuite à un autre temps fort de cette édition 2025 : Philippe Katerine. Quel que soit la connaissance de ses projets ou l’amour qu’on lui porte, on ne peut que lui reconnaître un grand art du spectacle. Bien sûr, les changements de costumes plus farfelus les uns que les autres – on le verra quasiment nu, en princesse gonflable, en boule géante… – et la scénographie spectaculaire y sont pour beaucoup. Ici, la présence d’une excellente formation musicale, que l’on devine très soudée, ajoute au show une dimension mélomane bienvenue, et sublime la prestation de l’ovni adulé. 

Car cet ovni-là fait preuve d’un partage avec le public qui semble être unique, installant une complicité qui donne à tous l’impression de le connaître depuis des lustres. Un concert comme une pause joyeuse, rêve absurde, ou pamphlet léger. Et, à l’écoute, on se rend compte sans problème que le bougre est bien meilleur chanteur que ce qu’il essaye de nous faire croire. 

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM

Le festival Au Large se tenait du 26 au 28 juin 2025 au Théâtre Silvain, Marseille.

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Un tourbillon d’humanité signé Mehdi Kerkouche

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© Julien Benhamou

Une communion en mouvement. C’est l’expérience que l’on vit avec 360Mehdi Kerkouche bouscule les codes traditionnels du spectacle vivant. Ici, pas de scène frontale, pas de gradins ni de quatrième mur : les huit danseurs évoluent au centre d’une tour placée sur une scène circulaire, surélevée au milieu du public. Une scénographie à 360 degrés. Ce dispositif place chacun sur un pied d’égalité – danseurs et spectateurs –  tous debout, libres de se mouvoir, d’observer, ou même de danser.

Avec Mehdi Kerkouche, le public n’est pas passif. Il vit l’expérience en même temps que les interprètes. Cette proximité, renforcée par les intrusions régulières des danseurs dans la foule, transforme la représentation en expérience collective. La musique de Lucie Antunes, mêlant textures électroniques et sons organiques, électrise le corps. Fumée et lumières stroboscopiques, le spectacle flirte parfois avec l’énergie d’une rave, d’une transe où l’humain se célèbre dans ce qu’il a de plus instinctif.

Vibrer ensemble

Dans cette œuvre sans narration linéaire, ce sont les émotions qui guident. Colère, euphorie, tendresse ou joie : chaque tableau est une image à ressentir. Dans une scène, deux danseurs tournent autour de la tour comme les aiguilles d’une montre. L’un marche, l’autre court. Un moment suspendu qui résonne comme la métaphore du temps qui passe, renforcée par le passage du jour à la nuit pendant la représentation. 

360 ne raconte pas une histoire, cela raconte l’humanité – dans ses conflits (des danseurs se battent et tombent au sol), dans sa beauté (la plateforme qui tourne sous l’effet des corps), et dans sa capacité à vibrer ensemble. Chaque applaudissement devient impulsion. Chaque vibration, langage. Une œuvre sensorielle, où le chorégraphe transforme la danse en purgatoire collectif, en miroir de nos existences.

MANON BRUNEL 

Spectacle donné du 25 au 27 juin au Centre de la Vieille Charité, dans le cadre du Festival de Marseille.  

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Année blanche

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Sept Prix Nobel d’économie, dans une tribune publiée dans Le Monde, rappellent que les milliardaires français possèdent 30% du PIB national, qu’ils n’ont jamais été aussi riches et que, grâce à des optimisations fiscales, ils contribuent très peu au budget de l’État. Ils exhortent à rééquilibrer le budget de l’État par une taxation des milliardaires.

Mais le gouvernement s’oriente plutôt vers l’idée d’une année blanche : en 2026 on gèle tout, les salaires et pensions, les dotations aux collectivités territoriales, les bourses, les allocations, primes d’activité et minimas sociaux, qui ne sont plus indexés sur l’inflation. On récupère ainsi quelques milliards de plus de la plus inégalitaire des façons : en dépouillant davantage les plus pauvres et les plus fragiles.

Pendant ce temps, la planète brûle, les incendies dévastent nos vies, la santé mentale et physique des Français se dégrade, et nous plongeons dans un avenir obscurci où la perspective de cette année blanche prend des allures de spectre menaçant. Nous allons manquer d’enseignants, de lits d’hôpitaux, de suivi psychiatrique, d’aides à l’emploi, au logement, d’aides sociales, de crédits pour la recherche, pour l’université, pour les étudiants, les réfugiés, les maltraité·e·s, les retraité·e·s, pour la transition énergétique, pour la protection du vivant.

D’or et d’argent

La ministre de la Culture représente parfaitement cet effort demandé aux plus démunis par un monde affichant son outrecuidante fortune : elle annonce 6 petits millions supplémentaires pour le spectacle vivant. Veut-elle ainsi déminer une fronde contre sa venue dans les festivals, et l’appel au boycott de la CGT spectacles ?  

Mise en examen pour « corruption passive » dans l’affaire Carlos Ghosn, elle vient de perdre son procès en diffamation contre Aurélie Filippetti, n’a pas déclaré 420 000 euros de bijoux (une paille) dans son patrimoine, et semble, d’après Complément d’enquête, avoir reçu 250 000 euros d’honoraires de GDF au moment où elle défendait l’industrie gazière au Parlement européen. Et  s’est attaquée violemment, en direct, à un journaliste qui osait l’interroger à ce propos. 

Mais si sa réforme de l’audiovisuel public n’est pas passée, elle reste aux commandes d’un ministère dont tous les dispositifs, tous les élans sont à l’arrêt. Qui saupoudre un plan camping, un plan ruralité, une restauration du patrimoine religieux… mais laisse les réseaux labellisés face aux résultats de 12 années blanches : sans indexation de leurs subventions sur l’inflation importante des coûts, sans rééquilibrage entre Paris et le reste du territoire. Une année blanche qui viendra s’ajouter aux baisses des dotations d’Etat aux collectivités, poussées à les répercuter sur les crédits culturels.

Défendons nos couleurs

Le temps du refus est advenu. Jamais le rainbow flag et toutes les déclinaisons LGBTQIA+ n’auront mieux agité leur résistance colorée que pour la Pride marseillaise historique du 5 juillet, destinée à « Briser la vague réactionnaire ». Jamais la diversité, la puissance, la fréquentation optimale de nos festivals ne se sera opposée avec tant de force aux accusations délirantes d’élitisme, de wokisme et de dispendiosité. 

Face aux années blanches et à la noirceur du monde, imposons nos couleurs.

AgnÈs Freschel


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À ce stade de la nuit

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nuit
© Guillaume Bosson

La compagnie marseillaise Ildi!Eldi! composée comme son nom l’indique d’un homme et d’une femme, Antoine Openheim et Sophie Catani, aime la littérature, la précision sonore, et cette émotion particulière qui surgit, fort, du murmure, d’une certaine lenteur et du dévoilement inattendu. 

C’est elle, mise en scène par lui, qui sera sur scène avec un autre « Il », le peintre Mahmood Peshawa, pour mettre en voix le court récit de Maylis de Kérangal. Écrit d’un trait en 2014 après le naufrage au large de Lampedusa, où plus de 350 migrants ont été engloutis à quelques centaines de mètres de la côte. 

Un texte d’une force rare, qui dans une langue limpide trace des parallèles inattendus entre Le Guépard – le film de Visconti est adapté du roman de Giuseppe di Lampedusa – et les naufragés, la fin de l’Europe des privilèges et les tragédies de l’histoire, la Méditerranée, la beauté et l’échec. Des  analogies dont le principe est au cœur même du travail d’Ildi!Eldi!, toujours joliment centré sur les liens inattendus que les mots, les sons et les images provoquent. 

AGNÈS FRESCHEL

Du 5 au 26 juillet, 16h15
Théâtre des Halles

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L’Étrangère

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© X-DR

S’il n’est reste qu’une… Marie reste la dernière élève d’un enseignant en littérature, à la pédagogie trop conventionnelle. Quoi qu’il en soit Marie est là, avec en mains un exemplaire annoté de L’Étranger

Pourquoi Meursault a-t-il vidé une arme qui ne lui appartient pas, sur un homme qu’il ne connaissait pas ? L’énigme amorce une enquête de voisinage au fil de laquelle l’on croise Sintès, le voisin souteneur, un juge perplexe, un aumônier prosélyte. Et Marie Cardona. A l’investigation se greffe un jeu de rôle où l’étudiante endosse le seul personnage féminin du roman.

Dans toutes les grandes œuvres, l’on ne sait pas tout.

Jean-Baptiste Barbuscia confie à Marion Bajot et Fabrice Lebert son approche oblique et féminine d’une œuvre phare de la littérature du XXe siècle. L’ardeur tenace et frémissante de Marion-Maria, l’utilisation d’accessoires basiques à l’image du vocabulaire propre à Camus, agrémentent ce suspense littéraire, doublé d’une entrée originale pour les publics adolescents et adultes, déroutés face à cet Étranger et sa complexe simplicité.

Se dessine encore un éloge de la transmission qui, au-delà du savoir, éveille la curiosité et stimule l’intelligence. 

MICHEL FLANDRIN

Du 5 au 26 juillet à 13h30
Théâtre du Balcon 

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La métamorphose

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métamorphose
© Liam Faes

Il aurait pu s’appeler Vies ce spectacle parce qu’il enchante de  bribes d’existences recueillies en interview et mises en théâtre. Elle n’est pas ordinaire cette  heure passée en compagnie de ces jeunes comédiens épatants et sincères du début à la fin. C’est original, drôle, avec des chorégraphies et des rendez-vous musicaux dont un grand moment d’ACDC  !

Vies donc parce que c’est vivant en diable, étonnant et jouissif. Mais le spectacle s’appelle La métamorphose ce qui lui va tout aussi bien. « Et toi Madame de 80 ans, si tu étais enfant tu voudrais revivre quoi ? Et toi petit garçon tu veux grandir ? Et toi l’ado boutonneux on galère ? » Le texte provient d’interview faites en écoles et en Ehpad, un théâtre Verbatim où le comédien se met au service de la personne qu’il a interviewée. Un cadre théorique qui a été éclaté et sublimé par la mise en scène et le décalage du jeu : le vrai n’est pas le plus vraisemblable disait Brecht, et doit être travesti pour obtenir ainsi c’est théâtre rare, fin, frais, jubilatoire  de la vie et sa métamorphose. 

RÉGIS VLACHOS

Du 5 au 26 juillet, 11h20
La Factory

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Deux rois(nos présidents)

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© Valentine CHAUVIN

Depuis le début de la Ve République, les présidents successifs ont su, à l’envi mais pas toujours à dessein, jouer de leur image. Peut-être est-ce d’ailleurs une nécessité dans un régime si fortement présidentiel, qui fait du chef de l’État le visage officiel du pays pour le temps de son mandat… Depuis 2019, Léo Cohen-Paperman de la Cie Les Animaux en Paradis s’intéresse à ces personnages médiatiques et politiques dans sa série théâtrale 8 Rois (nos présidents). Chaque épisode est consacré à un président, et explore par ce biais une époque. Le théâtre du Train Bleu accueille deux de ces pièces : Le Dîner chez les Français de V. Giscard-d’Estaing et Génération Mitterrand

La première est une comédie musicale déjantée qui met en scène « VGE » et son épouse Anne-Aymone, dans un de leurs repas chez des concitoyens – habitude prise par le couple pour « regarder la France au fond des yeux » selon les mots du président. Très vite, ce dîner s’avère être une métaphore de son mandat, et les conversations se font le reflet des tensions qui ont marqué l’époque (lire notre critique sur journalzebuline.com). 

La seconde donne la parole à trois personnages ayant, dans leur jeunesse, appartenu à la Génération Mitterrand et qui ont depuis emprunté des chemins idéologiques bien différents. Chacun·e d’entre eux livre son récit, son parcours, ses déceptions politiques, et donne à voir et à entendre sa version du président Mitterrand. 

CHLOÉ MACAIRE 

Génération Mitterrand 
Jours impairs, du 5 au 23 juillet 
Le Dîner chez les Français 
Du 5 au 24 juillet 
Théâtre du Train Bleu, Avignon

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Ulysse à Gaza

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ULYSSE A GAZA (Cie le bar de la poste) © Th. Vaude
ULYSSE A GAZA (Cie le bar de la poste) © Th. Vaude

La compagnie marseillaise Le Bar de la Poste présente Ulysse à Gaza, un appel théâtral écrit en 2010 par le dramaturge israélien Gilad Evron. Véritable cri d’alerte en direction de ses compatriotes, ce texte interroge la responsabilité morale et collective face au blocus imposé à la bande de Gaza, que l’auteur décrit comme « une prison à ciel ouvert ». « Comment accepter un siège qui, selon les faits et les documents officiels, dont certains issus de Tsahal même, ne laisse à cette population que le minimum d’approvisionnement et peu d’espoir de rêver à un avenir meilleur » écrivait l’auteur en… 2011. Quinze ans plus tard, cette œuvre, dépassée pa l’actualité, continue à questionner : comment continuer à vivre « normalement » aux portes, franchies, de l’inacceptable ? 

En choisissant de monter ce texte rare et engagé, La Compagnie marseillaise du Bar de la Poste poursuit son travail autour du théâtre documentaire et propose une mise en scène qui donne toute sa place à la complexité et à la force de la parole d’Evron. Entre tragédie, absurde et éclats de comédie humaine, la pièce interroge les mécanismes de l’oubli, du refoulement, mais aussi ceux de la Résistance. 

ANNE MARIE THOMAZEAU

Ulysse à Gaza
Du 5 au 15 juillet à 14h45 
Théâtre du Verbe Fou

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