samedi 5 juillet 2025
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L’humanité en peinture

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humanité
© MiVaGo

MiVaGo, alias Michèle Van Goethem Villain, est une artiste-peintre autodidacte aux influences nombreuses : initialement attirée par la peinture dite classique, mais parfois déjà quelque peu subversive pour son temps, à l’instar de celle de Jérôme Bosch, elle s’est ensuite intéressée aux œuvres de David, de Delacroix, de Gustave Moreau, … du XIXème en général, avant de porter une attention particulière aux artistes modernes que furent les Fauves et les Expressionnistes. Matisse, Bonnard, Soutine, Ensor sont devenus pour elle des références. Travaillant par séries, sa pratique artistique se rapproche de l’expressionnisme, avec des personnages non réalistes, parfois difformes, traduisant une certaine forme de grotesque social, et flirtant parfois avec le non figuratif. 

Contrastes et harmonie

Après une exposition monographique l’été dernier à La Galerie à Pierrefeu du Var, sa nouvelle exposition personnelle a lieu au Pôle des Arts Visuels de l’Estaque, du 15 au 25 mars. L’artiste y « interroge la société et ses conventions, offrant une vision à la fois poétique et critique du monde contemporain ». Avec un travail à l’huile sur toile ou sur papier, portant une attention particulière au travail des contrastes thème / couleur, et à l’équilibre composition / couleur. Le tout comme un antidote à la mélancolie inhérente au thème qu’elle aborde : « L’humanité est-elle réellement enchantée, ou bien désenchantée ? ».

MARC VOIRY

Humanité Enchantée
Du 15 au 25 mars
Pôle des Arts Visuels de l’Estaque, Marseille

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Trois minutes de plaisir

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ricardo
© Claire Gaby

Dans le cadre de son projet Aller vers…, qui invite le spectacle vivant dans des lieux non dédiés, le Théâtre du Gymnase a commandé au jongleur et circassien Ricardo S. Mendes un parcours de 17 numéros, à travers 17 lieux marseillais. Intitulé À fond de balles !, cette carte blanche commençait ce vendredi 7 mars en plein centre ville, au Kiosque à musique de la Canebière, avec un format inattendu, et intimiste malgré le cadre. 

Le bon équilibre 

Par petits groupes, les spectateurs sont invités à monter les marches du kiosque pour assister à une performance de trois minutes, au plus près de l’artiste. « Vous préférez quelque chose de plutôt dynamique ou de plutôt doux ? » demande Ricardo à chaque nouveau groupe, après avoir serré la main de tout le monde, créant une complicité avec et dans le public. « Il est fatigué, demandez lui plutôt du doux », lancent les membre d’un groupe aux suivants. Juri Bisegna, son complice musicien déguisé en balle jaune, adapte le rythme sur sa petite table de mixage selon les demandes du public, et Ricardo S. Mendes adapte sa performance. Il y incorpore des mouvements de break-dance et de capoeira, descend au sol, se laisse glisser sur le carré de pelouse artificielle sur lequel il est installé, ou au contraire envoie ses longues jambes en l’air. Ses numéros « doux » sont d’autant plus impressionnants lorsqu’il fait voler ses balles tout en lenteur. Il y a dans ces moments quelque chose de poétique, mais jamais de très sérieux. De presque magique aussi, quand il fait tenir six balles en équilibre sur son visage. 

© Claire Gaby

Le but recherché est avant tout le lien avec le public plutôt que la perfection technique. Joueur, l’artiste commente d’ailleurs ses quelques ratés sans jamais s’interrompre. Un premier spectacle plein de complicité et d’humour, qui donne envie de connaitre les autres tours qu’a Ricardo dans son sac. 

CHLOÉ MACAIRE

À fond de balles ! continue jusqu’au 16 mars dans différents lieux de Marseille.
Dans le cadre de la programmation Hors-les-murs du Théâtre du Gymnase.

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Étranger à sa terre

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stranger

Dans la famille Stranger, vivent quatre générations de femmes. Annie, dit Mamère, qui, dans la grande maison décrépie du North-End, quartier défavorisé de Winnipeg dans la province de Manitoba au Canada, a pris sous son aile protectrice sa fille Margareth qui rêvait d’être avocate mais a dû renoncer après être tombée enceinte d’un « blanc » qui l’a abandonnée. EtElsie, sa petite fille, maman de Phoenix et Cedar, deux jeunes adolescentes, dont les pères, plus souvent en prison que dehors, ne se sont jamais occupés. 

Tragédie sociale

Quand Mamère décède, Margaret jette sa fille Elsie à la rue. Cette dernière tombe dans la toxicomanie et ses filles passent de famille d’accueil en famille d’accueil. Si Cédar parvient à intégrer l’université et à s’en sortir, sa grande sœur, Phoenix enceinte à 15 ans, rongée par la colère et la tristesse, est emprisonnée à la suite de délits. Elle entre elle aussi dans la tragédie sociale vécue par un grand nombre de membres des communautés amérindiennes locales.

Les Autochtones, Métis ou « sang mêlés », déracinés, déshérités acculturés, sont victimes au Canada d’un racisme systémique qui en fait des communautés fragilisées à l’extrême malgré les lois sensées les protéger. « Les enfants autochtones se suicident plus que n’importe quel groupe dans le monde, s’indigne Phoenix, les anciens nous apprennent que nous sommes sacrés […] ce n’est pas notre faute si on est aussi triste. C’est à cause de tout ce qui se passe autour de nous, de tout ce qu’on nous fait ». 

Frères, oncles, fils, les hommes Stranger parcourent le roman, dans le meilleur des cas, de leur inutilité, le plus souvent en imposant au groupe leurs comportements nuisibles ettoxiques. Ils sont ceux par qui les problèmes et les drames arrivent, à l’exception de Ben, vieil homme médecine indien qui visite chaque semaine Phoenix dans sa prison et tente de la guérir de cette haine qui l’habite et la détruit. 

© Vanda Fleury

Autochtone, Katherena Vermette a grandi à Winnipeg. En quelques livres couronnés par plusieurs prix, elle est devenue l’une des voix les plus fortes et singulières de la littérature canadienne contemporaine.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Les filles de la Famille Stranger, de Katherera Vernette  
Albin Michel - 23,9 €

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Girl in a band est de retour

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girl in a band
Avenoir © X-DR

Quand on a une bonne idée, il est bon de s’y tenir. C’est ce que fait le festival Girl in a Band, qui après un premier essai en 2024 très réussi, est de retour ce printemps pour une nouvelle édition. Sa marque de fabrique reste donc la même : mettre en avant les artistes femmes dans les cultures rock. Ici, tous les groupes alignés doivent compter au moins une femme dans la formation. Même chose derrière les platines, ou sur les murs pour une grande exposition. Seul changement à noter, il quitte le Leda Atomica et s’installe non loin de-là, à la Maison Hantée – ou plutôt dans sa salle adjacente qui ouvrira pour l’occasion (oui, oui) – les 14 et 15 mars.

Pastis Agressif 

Le vendredi, plusieurs noms bien connus de la scène marseillaise se pointent. Avenoir et sa charismatique chanteuse Sacha, la psyché-post-punk de Venus as a Boy, ou encore Offman, porté par le fraternel duo Marie-Fleur et David Hofman. On attend aussi le nouveau groupe Pastis Agressif, dont on espère que la musique sera aussi réjouissante que le nom, ou le retour de la pop-shoegaze des Parigo-Marseillais de Picture of my Dog. Une courte nuit plus tard, cinq autres groupes débarquent avec notamment Catchy Peril, nouvelle figure de la scène punk marseillaise, les puissant·e·s Belphegorz, le duo Clameurs, ou la nouvelle formation Ciao

Outre les formations, de nombreuses surprises sont attendues pendant deux jours. Des DJs passeront dans une cabine confectionnée et décorée pour l’occasion, le collectif féminin Antichambre sera une nouvelle fois présent pour des sessions photos… et les illustres lasagnes de la Maison Hantée laisseront place à une recette spécialement conçue pour le rendez-vous. 

NICOLAS SANTUCCI 

Girl in a band
14 et 15 mars
La Maison Hantée, Marseille

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Le festival « nouv.o.monde » s’ouvre sur un « Mikado » plein d’adresse

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Une course entre les vignes sous le soleil estival : le film de Baya Kasmi commence sur les chapeaux de roue par une scène haletante et fébrile. Un gendarme apporte une assignation à comparaître au tribunal de Marseille à Michaël Gozzi alias Mikado qui arrive à bout de souffle, au moment où le représentant de l’ordre questionne un petit garçon laissé seul dans la pinède, sur l’identité de ses parents. Non ce n’est pas mon fils, c’est celui d’un voisin,  affirme Mikado avant de l’étreindre après le départ du gendarme, anxieux de ce qu’a pu dire l’enfant qui l’appelle papa. L’explication de cette attitude étrange viendra assez vite et l’histoire de Mikado et de sa petite tribu se dévoilera progressivement.

Mikado (Félix Moati), sa femme Lætitia (Vimala Pons), leur fille adolescente Nuage (Patience Munchenbach) et leur jeune fils Zéphyr (Louis Obry) vivent dans un vieux van bricolé. Ils font la route joyeusement vers le sud, tremblant à chaque contrôle routier comme des hors-la-loi, cachant, dès qu’un képi apparaît, leurs enfants, sous une couverture. On apprend qu’ils ne les ont jamais déclarés, ne les ont jamais scolarisés. Mikado et Lætitia sont des cabossés de l’enfance. Lui, traumatisé par l’abandon de sa mère et les maltraitances d’une famille d’accueil. Elle qui a également connu les foyers de la DDdass. Tous deux veulent protéger leurs petits d’une société qui n’a pas su le faire pour eux.

Une pause à la villa

Mikado est toujours en colère, sur le qui vive, tenaillé par la peur d’être exclu. Son surnom vient-il de la déformation de son prénom ? Du jeu d’adresse qu’il garde sur lui ? Ou de son instabilité sensible ?

La panne de leur van et la rencontre d’un professeur de lettres, Vincent (Ramzy Bedia), veuf, père de Théa (Saül Benchetrit), une ado de l’âge de Nuage, va arrêter cette fuite en avant et bouleverser les vies de chacun. Dans la belle villa de Vincent où ils font halte, les points de vue se croisent : chacun va mieux comprendre l’autre et apprendre à l’apprivoiser.

Mikado finit par réaliser que les enfants, on les croit heureux parce qu’ils vous sourient mais qu’ils ne peuvent pas faire autrement car ils ne décident de rien. Pas même de leurs prénoms. Ceux des siens les vouent à la légèreté et l’instabilité de l’air mais ni Nuage, ni Zéphyr n’ont choisi d’être marginalisés, précarisés, déscolarisés, invisibilisés. L’amour des parents, indispensable, ne suffit pas pour se construire une vie. Nuage rêve de « normalité » et Zéphyr est heureux de se poser.

Chronique sociale, récit d’apprentissage, le film de Baya Kasmi, superbement éclairé par  Romain Le Bonniec, bénéficie d’un casting impeccable. C’est beau et triste comme la chanson de Nino Ferrer, La Rua Madureira, que la famille entonne en chœur dans le van. Une bossanova qui caresse et déchire, flottant dans la tête longtemps après le générique de fin.

ELISE PADOVANI

En salle le 9 avril

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La tempête des passions mauvaises

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charles Berling
C'est si simple l'amour © Vincent Berenger

L’écriture du dramaturge suédois, emporté par le Covid en 2021, est d’une hallucinante virtuosité. Comme peu d’auteurs dramatiques savent le faire, il laisse reposer la compréhension de ses pièces sur les seuls dialogues entre les personnages. Ici deux couples, Alma et Robert, acteurs qui viennent de jouer une première, et Hedda et Jonas, leurs amis. 

Dans le huis clos d’un salon bourgeois ils se déchirent, le temps d’une nuit, et se révèlent, s’agressent, se soutiennent, s’aiment et se haïssent, sans que l’on sache vraiment, au fond, ce qu’ils jouent et ce qu’ils vivent, quand ils mentent, fantasment, ou parlent vrai, et quelle est la réalité des sentiments qu’ils éprouvent. « Je plaisante… », disent-ils quand ils sont allés trop loin, c’est à dire dès les premières répliques. Puis le whisky aidant, les paroles sortent sans retenue, au-delà des frontières de l’irréparable. Qui adviendra, on le sait tous, mais comment ?

Les sentiments fusent 

La mise en scène de Charles Berling est d’une simplicité qui a tout de l’évidence : plaçant une partie du public sur scène, et une autre tout prêt, il sature l’espace de regards et de corps, reflétés encore par des surfaces métalliques réfléchissantes, fausses fenêtres où la pluie glisse mais dont aucun air ne provient. Ainsi, il enferme ses acteurs dans un enclos irrespirable. Et les laisse se débattre comme des tigres en cage, lui même jouant Robert, acteur maladivement jaloux de son épouse maladivement sarcastique. 

Au plus près, les spectateurs frémissent d’un verre qui se brise, d’un mouvement brutal. Le rire fuse aussi, comme un soulagement, les dialogues laissant aussi surgir un comique ironique salvateur. La violence sexuelle, l’échec et le renoncement, l’amertume, l’ennui, la jalousie surtout, du succès et du corps, de l’amour et de l’envie, tous les sentiments, les souvenirs, strient l’espace, comme habité aussi par un traumatisme historique. Alma, porte en elle une pulsion de mort et Lars Norén, qui déclarait regretter de ne pas être juif, n’échappe pas au stéréotype de la belle artiste juive intellectuelle ténébreuse et stérile. Bérengère Warluzel, judicieusement et constamment excessive, l’incarne à fleur de peau, entourée par Alain Fromager monstrueux mais constamment délicat, Caroline Proust frustrée et drôle jusqu’à l’épouvante, et Charles Berling, souverain de distance, et de colère. 

AGNÈS FRESCHEL

C’est si simple l’amour a été créé le 5 mars au Théâtre Liberté, Scène nationale de Toulon. Il est donné jusqu’au 21 mars.

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Ces Marseillaises qui ont fait l’histoire

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Marseillaises Le Dictionnaire

Initié dès 1989 par l’association Les Femmes et la Ville composée de chercheuses – et de quelques chercheurs – promotrices de l’histoire des femmes, le Dictionnaire des Marseillaises revient dans une troisième édition enrichie. Il rend visible celles qui ont marqué la ville. Par leur naissance, comme l’égérie révolutionnaire Cavale, leur vie, comme la militante anticolonialiste Baya Jurquet, leur passage – Simone de Beauvoir et tant d’autres –, ou leur mort, comme Louise Michel en 1905. Justice enfin, quand durant des siècles, l’histoire n’a gardé que la biographie des « grands hommes ». 

Le « dico » déroule des centaines de figures individuelles, illustres comme Désirée Clary, Zizi Jeanmaire ou inconnues du grand public, surprenantes comme Béatrice Turelli, grand-mère maternelle de Nostradamus, ou Tante, première championne de « boules ». On y raconte aussi des aventures collectives comme celles des employées des Nouvelles Galeries dont 56 périrent dans l’incendie du 28 octobre 1938, celle des « Empoisonneuses », trois femmes qui, en 1868, sont accusées d’avoir assassiné leur mari dans le quartier du Panier… ou celles des mayrig « petite maman » en arménien qui, après le génocide, se réfugièrent à Marseille et y restèrent. 

De l’ombre à la lumière 

Une large attention est portée aux créatrices dans les arts et les lettres, comme la pianiste Youra, l’écrivaine Anna Seghers, aux femmes qui ont œuvré pour l’éducation des filles, à celles qui ont accédé de haute lutte aux métiers du journalisme (Zoé Laponneraye première signature féminine dans La Voix du Peuple en 1848), du barreau (Marie Thérèse Isnard en 1909), de la médecine, de la recherche, aux militantes syndicalistes, féministes, membres de partis politiques, aux résistantes comme Bertie Albrecht, Fifi Turin ou Mireille Lauze. 

Impossible bien sûr de les citer toutes. Cet ouvrage magistral de 500 pages, magnifiquement illustré de photos, de cartes postales ou d’affiches donne envie de le dévorer d’un seul coup. On peut aussi préférer y picorer au fil du temps des biographies de ces femmes inspirantes qui, la plupart du temps dans l’ombre, ont œuvré à la construction d’une ville qui se conjugue au féminin.   

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le Dictionnaire des Marseillaises : Gaussen éditions, sous la direction de Renée Deay-Bensousan, Hélène Échinard, Catherine Marand-Fouquet et Éliane Richard, avec 118 contributeurs, 502 pages, 35 €.

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La Culture se met au vert

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culture vert
Festival Chaillol © Alexandre chevillard

Le monde de la culture est impacté de plein fouet par la crise politique, budgétaire et écologique. Porteur de valeurs et souvent tributaire de fonds publics, il doit s’adapter rapidement aux bouleversements mondiaux. Pour réfléchir à ces questions, le Cercle de Midi, association de 39 programmateurs en Région Sud a organisé à Gap le débat « Culture, ruralité et transition écologique : trouver un chemin ensemble »

En Région Sud, les institutions financées par le ministère de la Culture vont adhérer en 2025 au Pacte d’engagement national de transition écologique. Pour les autres, le texte demeure de portée générale mais inévitablement, ils devront faire évoluer leurs pratiques. « Avec le programme Transitions en scènes, ce pacte veut accompagner le secteur de la création dans ses mutations », explique Jérémie Choukroun, référent transition écologique à la Drac. Il s’agit de diminuer l’empreinte environnementale du spectacle vivant, premier secteur culturel de la région – 1000 festivals par an – très impactant écologiquement en raison des mobilités qu’il induit.

Certains ont devancés l’appel. 39 structures parmi les plus emblématiques comme Les Rencontres d’ArlesMarseille Jazz des cinq continents, le Festival de Marseille se sont associées il y a déjà dix ans au sein du collectif COFEES et mènent des actions innovantes. Ainsi en 2024, 30 compagnies d’Île-de-France participant au festival Off d’Avignon se sont organisées pour faire acheminer les scénographies par fret ferroviaire mutualisé. Ce qui a permis d’éviter 50 000 km de transports par route (1,2 fois le tour de la Terre) et 23 tonnes de CO2. 

Pour les petites structures, le challenge est de taille. Comment explorer de nouvelles pistes quand on ne sait pas comment on va payer chaque mois les quelques salariés ou prestataires ? Dans la salle du Conseil départemental des Hautes-Alpes, ça s’agite dans les travées. Philippe Teillet, responsable du master « direction de projets culturels » à l’IEP de Grenoble n’est pas là pour rassurer. Il la joue cash (ou résigné) : « Les temps ont changé. N’imaginons pas que les élus, aussi bienveillants soient-ils, vont subventionner l’innovation. En revanche, on peut leur proposer de réfléchir ensemble de co-créer ». 

Territoire des possibles

De plus en plus de regards se tournent vers le monde rural avec ses territoires enclavés, peu peuplés. Laissés pour compte des politiques cultuelles, ils ont appris, par la force des choses,à inventer. C’est le cas de l’association Kaya, située à Embrun. « Nous avons amorcé un immense travail sur nos consommables. Nous récupérons le mobilier, avons recours aux circuits courts et utilisons un générateur solaire qui permet d’alimenter une scène autonome ».

Festival Chaillol © Alexandre chevillard

« Le monde rural n’est plus aujourd’hui un espace de relégation, c’est un territoire des possibles », s’enthousiaste Philippe Teillet. Comme l’est peut-être le Festival de Chaillol. Né en 1997 dans ce petit village, cette désormais « institution » propose chaque année une vaste programmation de concerts et un festival d’été, pour les habitants des Hautes Alpes. La miseen place de « résidences » permet aux artistes de s’intégrer dans le tissu local et de proposer plusieurs dates dans différents lieux. Ils se déplacent au cœur des villages des vallées haut-alpines et la coopération avec les collectivités et les acteurs du territoire est au cœur du projet.

« Les dynamiques mises en place dans le monde rural vont devenir un modèle et le travail en coopération obligatoire » estime Philippe Teillet qui ajoute : « le contexte géopolitique est inquiétant. L’affectation des finances publiques ne sera pas favorable à la culture. C’estpourquoi les gros évènements urbains en compétition les uns avec les autres vont devenir insoutenables ». Même les Chorégies d’Orange et le Festival d’Art Lyrique d’Aix en Provence, longtemps installés dans leur splendide isolement ont compris, à la suite des difficultés financières de 2024, l’intérêt de nouer des partenariats. La coopération n’est pas simple. C’est un état d’esprit jusqu’alors peu valorisé. Mais c’est un beau pari : modifier nos façons de créer, de produire, de diffuser, de travailler pour faire… ensemble.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

« Le monde rural est en avance »

Deux questions à Laurent Eyraud-Chaume, co-directeur de la compagnie du Pas de l’Oiseau (Veynes 05)

Pourquoi être membre du Cercle de midi ?
En tant que programmateur et directeur d’une compagnie, il me semble important de travailler collectivement afin que le secteur du spectacle ne soit pas qu’une jungle. On ne peut pas compter seulement sur Avignon pour repérer des artistes. Beaucoup, pourtant talentueux, n’y ont pas accès. Nous travaillons dans un souci d’équité.
Avec la crise, le monde rural peut-il ouvrir des pistes ?
Le monde rural a toujours été un lieu d’invention, de création, de proximité. Peu doté en équipements, en financements, nous avons depuis longtemps appris à mutualiser. Nous sommes moins dans la marchandisation. La « consommation » de spectacles, ce n’est pas pour nous. Les acteurs culturels du monde rural ont toujours organisé du lien social, des moments de rencontres, d’échanges. La culture est au cœur même de la vie rurale. En ce sens, je dirai que nous sommes en avance.

Découvrir des pépites

Rencontres en scènes permet de découvrir des spectacles choisis par trente programmateurs du réseau Le Cercle de midi

Le journal d’Anne Frank du Collectif Cocotte-Minute (13) : Immersion dans le quotidiende l’adolescente durant les deux ans où elle vécut cachée avec sa famille avant leur déportation. Le spectacle mêle lecture de Magali Fremin du Sartel, violon de Benjamin Balthazar et projection d’un film réalisé par le collectif. Bouleversant et pédagogique. (27 et 28 mars Festival Music & Cinema Marseille – Cinéma Le Gyptis – Marseille)

Tu connais la chanson ? du Collectif Animale (84) : C’est un blind test musical et poétique. Le comédien, pianiste et chanteur Louis Caratini propose un spectacle participatif et sacrément érudit dans lequel il retrace l’histoire de la « bonne » chanson française. (23 mai, théâtre Denis à Hyères)

David Lafore : Chanteur et guitariste à la maitrise parfaite, qui se qualifie lui-même de loufoque, il écrit des textes irrésistibles qui font rire et pleurer. On pourra l’entendreaccompagné du batteur Gildas Etevenard à La Mesón (Marseille) le 17 mai.

Little cailloux de la Compagnie Itinérrances : s’adresse aux tout-petits avec un spectacle qui exprime la liberté et la joie. 12 et 13 mars au Théâtre Comoedia, (Aubagne).

ANNE-MARIE THOMAZEAU

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Cosmogonie portative 

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Cosmogonie
© X-DR

Jean-Pierre Larroche reprend le poème de Raymond Queneau, Petite cosmogonie portative, dans une création avec marionnettes aux looks hors du commun, et à destination des enfants (à partir de 7 ans). Le poème reconstitue l’histoire de l’univers : de l’atome primitif aux ordinateurs. Une pièce de théâtre musicale animée et visuelle, où les films d’animation de Clémence Gandillot, en stop motion, se succèdent sur la musique et les bruitages de Julien Desprez. En direct sur le plateau, celui-ci est accompagné d’un matériel sonore « fait maison » : un instrumentarium de pédales associées à sa guitare électrique. À ses côtés, dans un castelet portatif, les comédien·ne·s de la compagnie Les ateliers du spectacle se posent des questions : « Pourquoi le Cachalot dans l’histoire de l’évolution ? »

LILLI BERTON FOUCHET

15 mars
Vélo Théâtre, Apt

Lucie Horsch et Justin Taylor

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Lucie Horsch
Lucie Horsch © X-DR

Lucie Horsch, grand nom de la flûte à bec, et Justin Taylor, claveciniste chevronné, uniront leurs forces pour un voyage musical au gré des continents et des époques samedi 15 mars à 18h. Leur programme, pensé par en partenariat avec Mars en Baroque, et donné au Palais du Pharo, traversera les siècles : la grâce de Telemann et Boismortier, la finesse ornementale de Couperin et Rameau, mais aussi l’élan expressif de Debussy et la modernité d’Isang Yun y seront célébrés. Par le prisme de la musique ancienne, mais aussi de ses résonances contemporaines, les pièces, données en duo mais aussi en solo, feront la part belle à des instruments dont le répertoire ne se limite pas au seul siècle baroque.

SUZANNE CANESSA

15 mars
Palais du Pharo, Marseille