jeudi 28 novembre 2024
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Croquer les êtres et leurs mots

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Olivier Mariotti nous invite à découvrirLe génie des élèves, quatre opuscules, un volume par saison, au format de poche au sens propre, sous-titrés « cinq questions majeures en mode mineur ». Face à chaque portrait au crayon noir d’un·e adolescent·e (issu·e d’une classe de collège ou de lycée), se déclinent ses réponses sur cinq thèmes, toujours les mêmes : L’amour, L’école, La mode, L’art, Les réseaux sociaux. S’esquissent des réminiscences rimbaldiennes avec les poings dans les poches, un penchant pour la révolte avec des poings serrés, ou une angoisse existentielle lorsqu’ils se plaquent des deux côtés du front… Sept minutes de pause par dessin, c’est la contrainte que s’est posée le professeur, qui, à la fin de la séance pose les questions précitées, toujours dans le même ordre. L’écrit validé par l’élève viendra s’imprimer en regard de son portrait. Les questions ne font pas appel à des connaissances mais à une expérience, explique en préface l’auteur. Cette inscription dans le temps de l’autre, dans sa présence, est touchante de sincérité. Certaines réponses sont d’une profondeur émouvante. L’ensemble donne un panorama tendre et présente une vision sensible, nuancée et intelligente de la jeunesse actuelle. Une bouffée d’air frais alors que les dystopies rôdent…

M.C.

Le génie des élèves, de Olivier Mariotti
Éditions Les Enfants Rouges – 10 €

Entre traditions occidentales et orientales

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Il y a quelque chose qui relève de la gageure que de vouloir donner un portrait de l’auteur génialement prolifique qu’est Salman Rushdie. Guy Astic part de leur rencontre aux Écritures Croisées dont l’écrivain avait été l’invité d’honneur en 2008 grâce à la « fée littéraire d’Aix-en-Provence », Annie Terrier. Malgré la fatwa qui pesait déjà sur lui sous le prétexte que Les Versets Sataniques, paru en 1988 ridiculiseraient le Coran et Mahomet, il avait séduit l’auditoire par sa verve, son détachement, son sens de l’humour, sa finesse, son élégance, sa faculté à faire de tout un récit. « Il est resté, affirme Guy Astic, cette force qui va, vouée à l’art sans bornes du roman, foncièrement transgressif, qu’il ne cesse de régénérer ». Le critique, en une étude aussi passionnée que subtile, établit un ample réseau de références qui inscrivent Salman Rushdie dans la grande tradition de la littérature mondiale. On passe de « la lignée du poète ourdou pakistanais Faiz Ahmed Faiz (1911-1984) » à Pablo Neruda, Conrad, Tchekhov, Cervantès. Si « la littérature est un territoire de controverses », elle est aussi lieu de brassages. L’écrivain né dans l’Inde indépendante dans une ville bâtie par les Britanniques, elle-même « mélange d’Orient et d’Occident », a vu sa famille subir de plein fouet la partition entre les États du Pakistan et de l’Inde. Auteur post-colonial de fait, il mettra en pratique une écriture kaléidoscopique affirmant « qu’aucun ensemble d’idées n’est intouchable ». En neuf chapitres, l’œuvre est parcourue avec une gourmandise sans cesse renouvelée, de la « pollinisation croisée » à « l’imagination fractale », de « la langue sous la langue, ou l’anglais sens dessus dessous » au « roman protéen » puis « effervescent ». Les télescopages linguistiques, les collisions entre les langues et les histoires, nourrissent une « jubilation romanesque » dans laquelle on a hâte de se replonger.

MARYVONNE COLOMBANI

Salman Rushdie, La fièvre du roman, de Guy Astic
Éditions Rouge Profond – 20 €

En voiture Simone !

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Julien Gilles © Manon Pelouin

On avait une vague idée de ce que pourrait être Tout en Skaï et ses « chansons de voiture », mais rien ne préparait vraiment le public à la mise en scène délirante imaginée par Jeanne Béziers sur les compositions et arrangements de Martin Mabz. Invité à sortir du bâtiment de L’Ouvre-Boîte, le public se pressait sur le trottoir face à une vieille voiture recouverte de feuilles mortes,  pas ramassées à la pelle et débarrassées grossièrement par un acolyte, laissant voir derrière le tableau de bord, place conductrice, l’actrice nimbée des loupiotes en guirlande qui ornent l’habitacle.

« Ils sont de sortie les blaireaux », entonne-t-elle face à une assistance hilare et un petit crocodile empaillé derrière le pare-brise.  Qui l’eût cru ! la voiture permet, malgré l’étroitesse de ses possibilités une véritable chorégraphie : la comédienne sort par la fenêtre, agite les jambes, monte sur le capot, le mouvement échappe aux resserrements des lieux et exerce sa liberté où qu’il soit, à l’instar des mots des chansons et de leurs airs, familiers d’emblée et empreints d’un humour dévastateur et salutaire.

On rit à la mort, « enterrée dans le même cercueil que toi on se tiendrait froid », à la vie et ses tromperies « quand Claire ment, clairement, il ne faut pas la croire » … Les textes de Jeanne Béziers, férocement drôles, nous délectent !

Revenus  dans la salle on assisteà la représentation de Julien-Gilles avec Julien Perrier seul en scène pour un « monologue en roue libre ». Peu à peu le personnage de VRP sûr de lui au sourire vendeur, fier de sa voiture, symbolisée par un siège mobile afin de faire face au public en « quadri-frontal », voit son monde s’effriter. Le discours assuré qui repose sur les éléments de langage de la « réussite » sociale et familiale se délite et sombre dans l’abandon et la détresse infinie des « abandonnés du système ».

MARYVONNE COLOMBANI

Tout en skaï et Julien-Gilles ont été créés le 13 juin à L’Ouvre-Boîte, Aix-en-Provence

Conclusion chambriste

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Gautier Capuçon et Franck Braley © sixfoursvagueclassique

Le 11 juin fut un temps fort du festival par sa signature avec la Fondation Gautier Capuçon d’un partenariat prévoyant de recevoir chaque année sur scène des jeunes lauréats de cette institution et ce jusqu’en 2028. L’une de ces lauréates ouvrait le concert : la jeune pianiste Karen Kuronuma qui apporta son sens de la légèreté à une Sonate de Scarlatti et sa puissance expressive à la si difficile Valse de Ravel.

Complices depuis plus de vingt ans, le violoncelliste Gautier Capuçon et le pianiste Frank Braley proposaient en concert de clôture de la Vague Classique l’intégrale des Sonates pour violoncelle et piano de Beethoven, intégrale qu’ils ont enregistrée en 2016. Suivant l’ordre chronologique de composition, les deux interprètes livraient un aperçu de l’évolution du musicien qui passe pour avoir été « l’inventeur » de la sonate pour violoncelle et piano. Si Beethoven ne jouait pas du violoncelle lui-même, il sut en exploiter les ressources expressives en inaugurant l’ère de la sonate romantique avec violoncelle.

Les deux premières sonates datent des débuts du musicien qui les dédia à Frédéric-Guillaume II de Prusse, le « roi-violoncelliste ». Le piano et le violoncelle joutent à l’envi, portés par les élans d’une jeunesse et d’une fougue qui se parent de fantaisie et d’humour. Un regard, un buste qui se penche, une note qui attend imperceptiblement l’autre… Est-ce l’intimité du lieu, la proximité avec le public, le fait de jouer en plein air? Peu importe : on a l’impression d’assister à une réunion d’amis où l’un et l’autre se cherchent, improvisent.

Le monument de la Sonate n° 3 en la majeur apporte une profondeur nouvelle, ajoutant à la fluidité du jeu une irisation de sens, offrant au violoncelle une partition magistrale à l’égal de celle du piano. La n° 4 dessine de spirituels et rapides échanges. Enfin, l’univers se teinte de propos de plus en plus graves dans la 5e Sonate, en une structure équilibrée aux amples respirations. En bis la Méditation de Thaïs de Massenet venait clore de sa poésie cette parenthèse hors de la folie de nos temps.

MARYVONNE COLOMBANI

Ce concert a eu lieu le 11 juin, Maison du Cygne, Six-Fours-les-Plages

Aïchoucha : le bon son du bled

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Aïchoucha, Khalil Epi, Vieille-Charite © Pierre Gondard

Trois écrans géants nous accueillent dans la vaste cour de la Vieille Charité où la nuit peine à tomber. Sur le côté, Khalil Epi est derrière ses machines : synthétiseur, contrôleur de pad, table de mixage… devine-t-on depuis les sièges installés pour l’occasion. Les spectateurs sont venus nombreux pour assister à Aïchoucha, une performance visuelle et sonore de ce franco-tunisien, qui nous promet un voyage dans les terres et la musique de son pays natal. Une promesse largement surpassée.

Archive sensible

C’est à Tunis que l’itinérance débute. Des plans en hauteur sur la ville, de nuit, de jour, sur fond de musique électro. Puis Khalil Epi pose sa caméra sur une table où une bande d’amis discute gaiement. L’un deux se dit « trop saoul » pour chanter, mais il se lance. Sa voix prend tout à coup une puissance sonore remarquable, le talent de ce chanteur d’un soir d’abord, mais surtout le travail réalisé par l’artiste pour capter, mixer, et amplifier sa voix. Sur scène, Khalil Epi joue par dessus les images et la bande-son. Il envoie tantôt des kicks de basse, tantôt des mélodies au clavier, ou des vagues acoustiques – toujours en parfaite synchronisation avec les images. Le rendu est saisissant, et les sièges grincent tant il est difficile de rester immobile devant ce bijou musical.

Ce même ballet accompagne la suite du film, divisé en séquences pour autant de lieux et de chansons. Car Khalil Epi quitte vite Tunis, et c’est dans des villages isolés de la campagne tunisienne qu’il nous emmène. À chaque fois, on découvre derrière une image léchée, brulée de soleil, des pans de la culture populaire de ce pays. La musique bien sûr, mais aussi les costumes, les rites, les regards, l’intimité d’un patio familial.

Dans Aïchoucha, l’artiste propose en plus de son remarquable talent de vidéaste et de musicien une œuvre qui frise avec un travail d’archive sensible. Avec ces images et ces sons, il réussit à capter ce quelque chose d’immatériel qui fait la richesse d’un pays ou d’une culture. Et de saisir, volontairement ou non, ce sentiment de mélancolie que connaissent ceux qui ont quitté leur terre d’enfance.

NICOLAS SANTUCCI 

Aïchoucha a été donné le 14 juin à la Vielle Charité, Marseille.
Et ça continue...

C’est une semaine sous le signe de la création qui s’annonce, avec d’abord Freedom Sonata, lettre d’amour d’Emmanuel Gat à Marseille et à la liberté (les 20 et 21). Puis Benjamin Dupé s’installe tout le week-end dans la calanque de Morgiret avec (f)riou(l), un opéra maritime. Enfin, Maryam Kaba et Marie Kock présentent leur premier projet commun, Joie UltraLucide. Elles mêlent la danse aux mots pour exprimer la reconstruction des femmes victimes de violence (les 22 et 23).
Le Festival accueille également la première française de While we are here, rave hardcore tissée de danse folklorique de Lisa Vereertbrugghen (les 23 et 24).

Dans Anda, Diana, Diana Nepce évoque son chemin pour réapprendre à marcher après un accident qui l’a laissée paralysée (le 20). Malika Taneja présente Be Careful, performance politique créée en 2013 dans un contexte de débat national sur la situation des femmes en Inde (les 22 et 23).

Cette semaine est aussi l’occasion d’une journée dédiée à la place du handicap dans l’art, avec débat, projection, atelier et performance au Mucem (le 24), ainsi que quatre représentations de Age of Content de (La)Horde avec le Ballet National de Marseille (du 25 au 27). C.M.

Festival de Marseille
Du 20 au 27 juin
Divers lieux, Marseille

Afflux d’émotions du monde

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Robyn Orlin HOW IN SALT DESERT Valerian-Galy

Le public est là, le cœur serré, et l’angoisse est palpable dans les salles pleines. Que va t-il nous arriver demain ? La conversation politique est sur toutes les lèvres, et la programmation de cette première semaine y a apporté des réponses décalées, sensibles, pleines d’une humanité faite d’identités multiples et de réponses à l’oppression.

Au Nord de l’Afrique du Sud

À La Criée, Robyn Orlin. La chorégraphe Sud Africaine qui a commencé sa carrière alors que l’Apartheid régnait encore, sait fabriquer des images chocs, des rapports d’humanité queer qui renversent les dominations. Son spectacle How in salt deserts it is possible to blossom (Comment il est possible de fleurir/ s’épanouir dans un désert de sel) ne se pose pas comme une question mais comme une affirmation, forcenée, de la résilience et de la vie. De la guérison possible.

Les « coloured » d’Okiep, ancienne cité minière dont la population, pas assez blanche et pas assez noire, est laissée à sa pauvreté, voit chaque année le désert fleurir après les torrentielles pluies de juillet. La chorégraphe est allée à leur rencontre, et les cinq danseurs du Garage Dance Ensemble et les trois musiciens de uKhoiKhoi font véritablement fleurir la scène. Couverts d’épaisseurs de tissus ternes ils s’en dénudent peu à peu révélant leurs couches internes, colorées, leurs mouvements souples, puissants et tendres.

Des scènes se dessinent qui disent les dominations et les libérations. Celle d’un viol, brutal, sans regard complaisant, qui laisse la victime inerte dans les bras consolateurs de sa mère, est la plus violente ; mais tout aussi fortes sont celle de la transfiguration d’un homme qui se colore, s’assouplit et se féminise, ou l’épanouissement magique de la figure de la mère rendue belle, vivante, par ses enfants. La musique, à la fois joyeuse et grave, puissante et subtile, faite de loops et de samples vocaux, de souvenirs mélodiques et d’inventions, accompagne et précède souvent cette affirmation d’une confiance dans la force vitale, dans les paysages les plus arides, les histoires les plus sanglantes, les dénuements les plus extrêmes.

Destins jumeaux

À Klap, Hanin Tarek et Amina Abouelghar dansent en parallèle, ce qui est toujours fascinant. Les deux artistes égyptiennes, en un court duo, font la synthèse de gestuelles différentes, que les classements de la danse nommeraient orientale baladi, hip-hop waving, contemporaine slow motion… Exécutant la plupart du temps les mêmes mouvements, leurs corps pourtant assez similaires révèlent leurs différences, au creux d’un geste qui s’incurve différemment, d’une main qui s’ouvre davantage, d’un cou qui s’incline plus longtemps. Les deux femmes enchaînent dans des cercles de lumière, puis viennent saluer, un keffieh palestinien sur les épaules.

Au cœur de la tendresse

C’est à un voyage autrement émouvant que nous invite Malika Djardi. Si la relation des fils à leur mère est le sujet de la plupart des autobiographies, celle des filles est plus récente et s’inscrit rarement dans ces temps adultes où la mémoire s’éteint et où la disparition est proche. La mère de la danseuse chorégraphe était déjà au cœur de son spectacle précédent, qui alliait vidéo et performance : Marie-Bernadette, épouse d’un Algérien, convertie à l’Islam, est une mère courage attachante préservant ses enfants d’une famille raciste avec qui elle a coupé les ponts. On la retrouve ici en Ehpad, Martyre, malade d’Alzheimer, inventant des gestes, des danses, que sa fille attentive filme et reprend, comprend, et dont elle s’inspire pour sa danse. Les gestes échangés, mains qui s’étreignent, caresses sur une joue, rires et paroles, cœur qui se serre quand la mémoire disparaît trop vite, sont des moments d’une rare humanité. Le spectacle est trop long, la danseuse trop bavarde, mais Malika, enceinte, trace les lignes et les cercles, toujours au bord, d’une transmission de tendresse, de gentillesse, de bienveillance, d’amour, qui persiste au-delà de la maladie, comme une indélébile empreinte fondatrice. La musique joue aussi sur les souvenirs, de début de Schubert, d’un bout de Carmen, de chansons populaires. Une mémoire partagée qui reste, bribe sur bribe, la seule relation possible, encore et toujours désirée, d’une fille avec sa mère.

AGNÈS FRESCHEL

Tuba roi !

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Thomas Leleu © Piergab, Camille Charlier

Son instrument ne fait pas partie de ceux dont on applaudit les performances solistes lors d’un concert classique ! Le tuba a été génialement sorti du fond de l’orchestre par Thomas Leleu qui par le titre Outsider souligne avec humour la place habituelle de l’instrument. En dix pièces, le jeune tubiste livre son approche des univers musicaux, abolissant les frontières entre les genres, les espaces, dessinant un itinéraire mêlant de manière fusionnelle les multiples sources qui nourrissent son art.

Commencer par la fin est déjà un clin d’œil : la première plage du CD est baptisée The final Round. Festive, colorée, insouciante, elle renvoie malicieusement à Rocky… il a fallu aussi au tubiste un moral de champion pour imposer son instrument !  On fait un détour par des tonalités qui rappellent la pop des Bee Gees avec American Dream et son orchestration qui invite à la danse.

Le morceau éponyme du titre du CD, Outsider, prend un ton épique en une construction ample soutenue par une irrésistible montée en puissance que vient colorer le saxophone de François Chambert tandis que la batterie de Francis Arnaud apporte une tension que viennent éclairer des passages d’un foisonnant lyrisme.

L’introduction du piano (Laurent Elbaz) pour Goodbye Childhood, toute de délicatesse installe une vision en épure sur laquelle les tons d’automne du tuba se livrent à une évocation nuancée et nostalgique qui se résout en tempi brésiliens de bossa nova délicieusement chaloupés…

Le passage d’un continent à un autre symbolise la fin de l’enfance dont la dimension onirique semble se condenser dans les dernières notes liquides du piano. Le voyage ouvre de nouveaux mondes, celui des îles des Caraïbes de Tobaco Cays en une salsa qu’illuminent les cuivres, comme celui de la légèreté d’une place au soleil (A place in the sun).

Et si l’on retourne à Bach, c’est avec le jeu de mots Bach Tubach dont les strates naviguent entre les amples et élégants phrasés, les éclats de rock-métal et les duels jubilatoires et virtuoses entre tuba et basse (Kevin Reveyrand sur une composition de Jérôme Buigues) tandis que Walking after midnight renvoie à un dandysme où le tuba fredonne une mélodie veloutée digne des clubs de jazz de la New Orleans. L’hommage au saxophoniste Wayne Shorter disparu le 2 mars 2023, Wayne’s world se teinte de jazz fusion, rêve avec ses sonorités chaudes. Une pépite !

MARYVONNE COLOMBANI

Outsider, Thomas Leleu, chez Tuba French Touch (2024)
à venir
30 juin, Châteauneuf-Grasse
19 juillet, Sanary-sur-Mer
20 juillet, Le Cannet
20 août, Hyères

Bonjour joliesse

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Salut © Dan Warzy

Avant le Soir revient avec Salut

Voilà quatre ans que la mairie des 1er et 7e arrondissement décline l’Été Marseillais dans tous ses parcs sur un nombre accru de dates – plus de quarante cette année. Un rendez-vous toujours aussi prisé des habitués comme des curieux, célébré par le retour d’un duo théâtral créé en 2021 par deux comédiens revenus plusieurs fois sur les lieux : Joseph Lemarignier et Camille Dordoigne, alors à peine diplômés de l’ERACM.

Salut incarne presque à lui seul l’esprit de ces rendez-vous que les plus assidus comparent volontiers au Off d’Avignon, « en plus accueillant et gratuit ». Le talent de ses comédiens et auteurs, tout d’abord, est tangible tout au long de la représentation, malgré leur apparente et bienvenue décontraction. L’alchimie entre ces deux jeunes narrant les possibles du rendez-vous amoureux à l’heure des applications de rencontre demeure intacte : elle s’est même enrichie au fil de ces quelques années qui ont vu ce spectacle voyager depuis sa création. Les interactions avec un public mettant peu à peu sa timidité de côté pour se prêter au jeu sont nombreuses, de même que les moments d’improvisation, d’évocation de l’actualité, dont une jolie interprétation du Temps de l’amour au ukulélé par Joseph Lemarignier. Mais elles ne font pas oublier les qualités d’écriture de ce spectacle enlevé, souvent désopilant et habilement construit. Une certaine angoisse semble toujours pointer son nez derrière les énumérations absurdes et virtuoses de possibles points d’accord et de mésentente. En préambule de cette charmante recréation, ce sont d’autres jeunes pousses que l’on rencontre avec Le Vrai Direct, interview fictive écrite et interprétée par Aurélien Baré, Marie Champion et César Caire. À qui l’on souhaite de tout coeur, après une  rencontre posthume avec Johnny Hallyday, une aussi belle trajectoire que les deux comédiens de Salut.

SUZANNE CANESSA

A venir
Salut sera rejoué les 20 et 22 août au Square Labadié
Avant le soir s’offre une respiration avant que ne commence son marathon effréné le week-end prochain. La respiration en question est une Bulle chorégraphique proposée par la compagnie Mouvimento au Kiosque Canebière. Un solo dansé, chorégraphié par Julie Alamelle, co-directrice de la compagnie, dans lequel l’interprète, comme une statue en éveil, déploie ses mouvements lents au cœur de la ville. Le corps se tire, se recroqueville, accélère ou demeure en équilibre, offrant aux spectateurs et aux curieux un moment contemplatif, calme, hypnotique. Une forme courte qui s’inscrit à merveille dans l’ADN du festival. C.M.
23 juin, 2 et 11 juillet
Kiosque Canebière, Marseille

OCCITANIE : L’art de l’amitié

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Céleste Moneger, Toujours pas New-York, 2024, film, 28 minutes; stickers sur vitre et sublimation textile, dimensions variables. Crédits photographiques : Élise Ortiou Campion.

L’amour est une source intarissable de création et d’inspiration. Mais l’amitié, toute aussi essentielle, ne serait-elle pas reléguée à un rang secondaire ? Sous le commissariat de Morgane Baffier, l’exposition collective Amiex a choisi de donner une place artistique de premier plan à ce lien affectif, parfois totalitaire, qui nous unit à d’autres. Avec le désir de libérer l’amitié d’un imaginaire genré et bien trop caricatural. À la galerie Mécènes du Sud Montpellier-Sète-Béziers, en plein cœur de l’Écusson, Amiex se découvre comme un « après ». Que reste-t-il de nos amitiés ? De cette jeunesse partagée à deux avec intensité ? 

Traces et espaces

Ninon Hivert s’intéresse aux rituels célébrant l’amitié, entre sculptures et photographies, comme des indices que l’on essaierait d’interpréter et de remettre en contexte. Konstantinos Kyriakopoulos et Frank Zitzmann ont créé en duo créatif amical une architecture-mobilier qui, malgré sa froideur, apparaît comme une invitation à la rencontre. Flo*Souad Benaddi et Luna Petit ont eux choisi de mettre en lumière de manière ludique les traces de la solidarité (dessin, écriture) sur différents supports, dont la surface vitrée de la galerie. Morgane Baker utilise l’IA et un casque de VR pour s’amuser de l’amitié virtuelle à l’ère du métavers alors que Noémie Erb et Guillaume Tourscher déclinent une identité graphique thématisée. 

Gossip girl

Quant à Céleste Moneger, elle présente un court-métrage intitulé Toujours pas New-York. C’est le récit vidéo, en plusieurs chapitres, d’amitiés féminines nourries par la pop culture, notamment les séries pour ados, Gossip girl en tête, mais aussi la musique et les mangas. Exclusives et fusionnelles, ces relations amicales s’avèrent dévastatrices quand elles s’achèvent, souvent brutalement. Et bourrées de stéréotypes, survalorisant la société de consommation comme lieu d’épanouissement féminin. 

ALICE ROLLAND

Amiex
Jusqu’au 14 septembre
Mécènes du Sud, Montpellier

Au Mo.Co, une Méditerranée contemporaine

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Andreas Angelidakis, Post Ruin Bentivoglio, 2021, Palazzo Bentivoglio, Bologna ph Carlo Favero

Cet été, le Mo.Co et La Panacée proposent deux expositions qui ont de quoi attirer les férus d’art contemporain comme les passionnés de voyage. D’abord avec Être Méditerranée, une exposition qui regroupe les œuvres de 22 artistes (ou duo d’artistes) originaires ou habitants du pourtour méditerranéen. Les céramiques de la Turque Elif Uras côtoient ainsi les grandes peintures inspirées par la culture palestinienne de Aysha E Arar, les œuvres du duo Tarwuk, originaire de l’ex-Yougoslavie, ou encore celles de l’italienne Chiara Camoni. Les arts textiles, qui revêtent une importance particulière dans nombre de cultures méditerranéennes, ont naturellement une place importante dans l’exposition, avec des artistes comme Nour Jaouda, Teresa Lanceta ou Adrien Vescovi. Il en va de même avec les sculptures d’inspirations archéologique ou architecturale de Andreas Angelidakis ou de Diana Al-Hadid. Un foisonnement artistique organisé autour d’axes thématiques ayant attrait au patrimoine, aux mémoires et aux identités, qui vise à construire des ponts culturels sans ignorer la violence du contexte politique. 

Et pluie aussi 

En parallèle, le Mo.Co accueille Descente au Paradis, exposition dédiée à l’œuvre de Kader Attia, dont le vif engagement décolonial peut entrer en résonance avec les axes d’Être Méditerranée. Inspirée par l’architecture même du Mo.Co ainsi que par le ruissellement de la pluie, l’exposition entend interroger les dynamiques de verticalités. Ce questionnement est notamment illustré par deux œuvres inédites, l’une est composée de bâton de pluie, l’autre est une installation immersive organisée autour d’un film tourné en Thaïlande.

CHLOÉ MACAIRE

Être Méditerranée 
Mo.Co. Panacée, Montpellier 

Descente au Paradis 
Du 22 juin au 22 septembre
Mo.Co., Montpellier