samedi 5 juillet 2025
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La Friche repense son environnement

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environnement
© Coralie Filippini

Dans les anciens locaux du groupe dunes, la Friche la Belle de Mai a installé son LaboFriche, « lieu ressource ouvert à tous ceux qui s’intéressent aux transitions », selon les mots du directeur, Alban Corbier-Labasse. Congratulé, lors de l’inauguration officielle le 5 mars, par l’adjoint à la Culture de la Ville de Marseille, Jean-Marc Coppola, pour qui cette initiative démontre le dynamisme de la Friche, « pionnier des tiers-lieux culturels en France », plus de 30 ans après sa création. 

Redirection écologique

L’idée est d’accueillir dans cet espace scientifiques, artistes, entreprises et énergies citoyennes pour « faire face collectivement aux enjeux contemporains, particulièrement en matière d’écologie et de droits culturels ». Depuis juin 2023, s’y tiennent des laboratoires pluridisciplinaires ; à l’automne, une session abordait par exemple la gestion de l’eau en milieu urbain, amenée à changer radicalement de stratégie pour s’adapter au contexte climatique. Débétonniser afin de limiter les risques d’inondation, végétaliser comme recours contre la canicule… La Friche, à mesure qu’elle se distancie de son héritage industriel très minéral – c’est une ancienne manufacture de tabac, construite dans les années 1860 – donne l’exemple. En s’inspirant de trois chercheurs, le philosophe Alexandre MonninDiego Landivar, économiste et anthropologue, et le géographe Emmanuel Bonnet, à l’origine du concept de « redirection écologique », la structure repense sa consommation d’eau ou d’énergie et ses déchets, en tentant de les maintenir dans les limites de l’habitabilité de la terre.

Reverdie culturelle

Parking du pôle Friche la Belle de Mai à Marseille par Kristelle Filotico

Si le LaboFriche a été aménagé pour recevoir des rendez-vous réguliers autour de ces urgences contemporaines (ateliers, conférences, journées d’étude, projets de recherche-action…), c’est toute la Friche qui muscle son engagement écologique. Avec une programmation culturelle au diapason :  certains résidents s’y sont mis depuis longtemps, comme le Théâtre Massalia qui attire régulièrement l’attention de son jeune public sur ces thématiques, mais d’autres s’en emparent, y compris l’art contemporain [lire le retour sur l’exposition en cours Âmes vertes].

Lauréate d’Alternatives Vertes 2, dispositif de l’État visant à accélérer la transition écologique des entreprises culturelles*, La Friche renature à tour de bras ses 45 000 m2 au sol (imperméabilisé à 92 %) avec l’ambition de « créer une zone refuge pour les habitant·e·s d’un quartier fortement urbanisé au sein de l’îlot de chaleur marseillais ». Pour les humains, mais pas que : l’objectif est aussi de devenir un havre de biodiversité pour les oiseaux, les insectes et les petits mammifères. Un endroit où il fera bon vivre et se cultiver, en somme, sous l’influence bénéfique des arbres.

GAËLLE CLOAREC

*Le financement apporté à la Friche par le dispositif AV2 est de 1 300 000 euros pour 3 ans.

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La musique est votre amie

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musique et cerveau
Rolling String Quintet © Giovanna Ungaro

L’impact des arts et particulièrement de la musique sur le cerveau est un sujet qui intéresse depuis longtemps les chercheurs en neurosciences. Cette semaine, le Grenier à sel dédie quatre jours à ce champ de la recherche avec L’Odyssée musicale du cerveau, un festival de vulgarisation supervisé par Emmanuel Bigand, musicien et professeur de psychologie cognitive à l’Institut universitaire de France. 

Chaque après-midi se compose d’une rencontre animée par Bigand, suivie par une expérimentation avec le public. Puis d’un atelier animé par les musiciens du Rolling String Quintet : les participants – qui sont invités à venir avec leurs instruments – sont installés à l’intérieur d’une structure représentant un cerveau qui réagit aux stimulations musicales avec des signaux lumineux. Le Rolling Spring Quintet donnera également un concert-spectacle chaque soir du festival, à part le mercredi. 

Les rencontres s’intéressent au bénéfice possible de la musique dans l’éducation, le monde de l’entreprise, la santé et dans la formation des musiciens.

Musique et utilitarisme

Une approche qui témoigne d’un rapport utilitariste à la musique, mise au service d’objectifs plus ou moins émancipateurs, notamment pour les deux premières discussions. Il est ainsi question de « limiter le coût économique considérable de l’échec scolaire » et de favoriser la « performance » en entreprise. 

© Giovanna Ungaro

La liste des invités interpelle également. Pour « La musique face aux grands défis de l’entreprise » (jeudi 13 mars), Emmanuel Bigand convie des spécialistes du nudge management, une technique managériale visant à influencer le comportement et la motivation des employés via leur environnement de travail. Une pratique qui a donné naissance au Nudge-music management qu’enseigne Frédéric Parmentier, l’un des invités.

Pour ce qui est des autres panels, Bigand s’entoure d’un inspecteur académique et d’un chef d’orchestre pour évoquer l’usage de la musique dans le domaine éducatif, d’un neurologue et du Président de la Haute Autorité de Santé Lionel Collet pour son usage dans le domaine médical, et de directeur·ices de Conservatoire pour aborder l’intérêt de la recherche neuroscientifique dans la formation des musiciens.

CHLOÉ MACAIRE 

Du 12 au 15 mars 
Grenier à sel, Avignon

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Lorgues  une ville au rythme du cinéma

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Aicha (C) Jour2Fete

Ce festival créé en partenariat entre Cinébleu et la cité Scolaire Thomas Edison rapproche la  jeunesse du 7e art, permet de rencontrer des professionnels et veut redonner le goût de vivre le cinéma en salles. Si les élèves voient les films dans la journée, le public peut chaque soir à partir de 18 heures profiter de cette riche programmation et rencontrer cinéastes et distributeurs. En tout, 10 films dont 8 avant premières.

En ouverture le 21 mars à 20h, Aïcha, en présence de Mehdi M. Barsaoui (…) . Mais les Lorguais e les Lorguaises pourront voir aussi Berlin, été 42 d’ Andreas Dresen , une histoire d’amour en pleine lutte clandestine contre les nazis, Simon de la Montana de Federico Luis que présentera Cédric Lépine, anthropologue et journaliste. Le cinéaste Alireza Ghasemi sera là pour Au pays de nos frères, l’odyssée sur trois décennies d’une famille d’Afghans et Giulio Callegari viendra parler de son film Un monde merveilleux.  On pourra voir aussi Familia de Francesco Costabile, une histoire de famille compliquée ; Mexico 66 de César Díaz, la trajectoire d’une militante révolutionnaire guatémaltèque qui vit depuis des années exilée à Mexico, où elle poursuit son action politique et Ollie d’Antoine Besse, une histoire de skate à la campagne. Deux films emmèneront lycéens et habitants de Lorgues en Irlande : Small things like these de Tim Mielants et Kneecap de Rich Peppiatt, prix du public au Festival de Sundance et qui a représenté l’Irlande aux Oscars Pour clôturer le festival, après le vin d’honneur offert par la Mairie, le public pourra attribuer son prix à l’un des courts métrages réalisés par les élèves de Thomas Edison.

Et pour ceux qui n’habitent pas à Lorgues, une manifestation qui donnera sans doute l’envie d’aller y faire un tour !

Annie Gava

Aïcha © Jour2fête

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Rodolphe Menguy enchante Marseille

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Rodolphe Menguy

À 27 ans, Rodolphe Menguy a déjà une très belle carrière à son actif. En Région Sud, on a pu l’entendre au Festival international de piano à La Roque d’Anthéron et à Lourmarin. Il n’était jamais venu à Marseille. Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître car le jeune pianiste a littéralement conquis le public marseillais réuni salle Musicatreize. 

Sa maturité étonne lorsqu’il présente avec force détails les deux sonates en si mineur qu’il va interpréter : « Deux œuvres complexes et profondes. Celle de Chopin a été composée un an avant sa mort. Il était déjà gravement malade. Elle est emplie de noirceur mais avec des moments lumineux intenses. Celle de Liszt est titanesque ».

Le pianiste débute son concert avec le Prélude op.45, à la légèreté évanescente puis enchaîne sur Nocturnes op 62. Sa finesse de jeu, sa jeunesse, sa grande élégance et son agilité impressionnante se prêtent à ce répertoire qu’il joue droit, sans aspérité, sans pathos inutile ou superflu, mais avec une intelligence joueuse et avec une parfaite fluidité. C’est juste, efficace. Le résultat est magnifique.

Puis le pianiste se lance dans la Sonate N°3 en si mineur de Chopin. La première, la moins connue, est une œuvre de jeunesse, la seconde Op.35 est très célèbre notamment pour sa Marche funèbre, la 3e est pour Menguy la plus intéressante, la plus monumentale, la plus construite aussi avec ses quatre mouvements : un Allegro, un Scherzo, un Largo qui évoque les Nocturnes et un Final « déchirant qui semble emmener vers la mort ». 

Une sonate Blockbuster

Menguy introduit la seconde partie avec une berceuse onirique de Liszt puis annonce la sonate en si mineur du compositeur expliquant comment à 17 ans, il s’est perdu dedans « tellement il y a à explorer, travailler, découvrir. Cette sonate est un Blockbuster, l’œuvre des superlatifs qui demande une rigueur toute particulière pour être à sa hauteur ». La plupart des pianistes s’attaquent jeunes à cette œuvre, quand leurs moyens physiques et pianistiques leurs permettent de suivre le rythme époustouflant de cette cavalcade ininterrompue. Plusieurs interprétations ont été donné a cette sonate, la seule de Liszt : elle représenterait le bien contre le mal, le paradis versus l’enfer. D’autres y voient le mythe de Faust et de Méphistophélès. 

Elle débute par trois Sol répétés, les plus graves du clavier, comme annonçant le début d’une représentation, puis c’est l’explosion, un train musical lancé si rapidement que l’on peine à suivre les mains du pianiste devenues floues et qui évoluent comme en accéléré. Avec d’immenses expirations Menguy va chercher la canalisation et la concentration de l’énergie. Dans la salle, le public retient son souffle comme devant une représentation de trapèze volant. C’est une vraie claque. A la note finale, c’est l’ovation, méritée. Mercy Menguy.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le concert s’est déroulé le 6 mars salle Musicatreize, Marseille. 

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Le bleu comme fil rouge

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bleu
©-MdM-J.-L.-Mabit

Devenu en 2013 le musée des Arts décoratifs, de la Faience et de la Mode, le Château Borélyréunit en un seul lieu des collections de céramique, mobilier, verre, tapisserie, objets d’art, mode, du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Et propose des expositions jouant de correspondances entre ses différentes familles d’objets. Après Le Grand bain ou comment bien se (dé)vêtir au soleil 1940 – 2000, présentée dans le cadre des Olympiades culturelles [lire sur journalzebuline.fr], voici venu le temps de Infiniment bleu : 130 œuvres en faïence, arts graphiques, bijoux, et mode, autour de la couleur bleue.

Château Borély. Salle Théodore Deck © MdM R.Chipault & B. Soligny

Les Blanc-Bleu

Le parcours de l’exposition commence par des pièces en faïence au rez-de-chaussée, dans le salon d’honneur : Les Blanc-Bleu de Marseille et Moustiers aux XVIIe et XVIIIe siècles. Majoritairement produites par la fabrique Clérissy, fondée en 1679 et située dans la vallée de l’Huveaune, elles sont disposées sur différents socles sur un îlot central et tout autour dans des vitrines murales : mascarons, vase de pharmacie, rafraîchissoir à bouteilles, encrier pique-plumes, plats oblongs aux motifs orientaux, scènes de chasse ou scènes galantes, dessins d’armoiries…

Le tout est accompagné de panneaux explicatifs sur l’histoire, les sources d’inspiration, les techniques (notamment du grand feu). L’autre « spot faïence » de l’exposition se trouve au premier étage dans la salle Théodore Deck, du nom du céramiste (1823-1891) qui fut directeur de la manufacture nationale de Sèvres, et qui a donné son nom au « bleu Deck » : un bleu turquoise, lié à sa redécouverte des céramiques iznik (du nom d’une ville en Turquie), lui valant d’être récompensé en 1861 à l’Exposition universelle des arts industriels de Paris. Une quarantaine de vases variés, plats, assiettes conçus par Deck, exposés au mur sur de petits socles individuels, en une constellation charmante.

Bleu Denim

Hormis ces deux endroits consacrés à la céramique, et hormis la clôture du parcours avec un Service de Fables en porcelaine de Sèvres de l’artiste Françoise Petrovich, la grande majorité du parcours est constituée d’expositions de pièces de mode. De façon isolée dans le Salon doré, avec une robe-fourreau sirène signée du norvégien Per Spock et un ensemble débardeur-jupe longue de Guy Laroche, et dans la chapelle, avec un ensemble cape à capuche et robe longue de Loris Azzaro. De façon collective dans la Chambre des invités, une petite vingtainede manteaux, robes, tailleurs de ville aux bleus layette, cobalt, pétrole, etc. (signés Schiaparelli, Alaïa, Lanvin, Balmain, Cardin, Chanel, Courèges, …) des années 1940 aux années 2000. 

Et bien sûr dans les trois espaces du département mode : tout un parcours autour du jean, « objet de mode emblématique de notre vestiaire collectif et du phénomène de globalisation ». Qui a inspiré des pièces étonnantes (sous-vêtements, chaussures, chemise et short déconstruits, robe longue aux manches bouffantes… ) à une jeune garde méditerranéenne et africaine, préoccupé d’impact social et environnemental, et lauréat·e·s du Fonds de dotation Maison Mode Méditerranée, partenaire du Château Borély.

MARC VOIRY

Infiniment Bleu 
Jusqu’au 15 février 2026
Château Borely, Musée des Arts decoratifs, de la Faience et de la Mode, Marseille

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Impudente, Draguignan danse !

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imprudanse
© Patrick Berger

Mêlant têtes d’affiches et participation de tous·tes, L’ImpruDanse affirme, année après année, que la danse est une pratique et un art, et qu’à ce double titre elle explore l’intime et le monde, la connaissance de soi et la rencontre de l’autre. Ainsi, la neuvième édition du festival varois, du 15 mars au 5 avril, ne se contente pas de proposer des spectacles : ses deux expositions photographiques On y danse (Gaël Delaite) et Mouvements (Shirley Dorino) explorent la danse au quotidien, et carte blanche est donnée aux écoles de danse de Dracénie pour trois spectacles dans le hall du Théâtre de l’Esplanade.

Les chorégraphes invités proposent de nombreux ateliers, le Conservatoire présente une restitution de ses cours incluDanse pour les personnes en situation de handicap, et le premier samedi (le 15 mars) enchaîne brunch gourmand, déambulation dansée, concours photo et maquillage, flashmobgéant et DJ set, précédé du grand spectacle néo-classique de d’Alonzo KingDeep River [notre retour sur journalzebuline.fr].

Trois autres DJ set sont prévus chaque samedi soir, un Cui cui cuiz culturel et musical sera proposé dans un bus, et les jeudis à 19 h trois Docus danse sur Cunningham, Mourad Merzouki et Radio Maniok seront projetés au nouveau Musée des beaux-arts. 

Les spectacles

La programmation reflète, comme le revendique Maria Claverie-Ricard, directrice de Théâtres en Dracénie, « une forte variété de formes » et d’esthétiques : après l’élévation et les pointes extrémistes d’Alonzo King, la danse se joue Du Bout des doigts : Gabriella Iacono et Grégory Grosjean filment des mains qui dansent, véritables ballerines habitées (le 18 mars). 

Le samedi 22 mars, Balkis Moutashar logera au Musée des beaux arts, pour trois performances d’Attitudes habillées en lien avec les collections (11 h, 15 h, 19 h). À 17 h Joanne Leighton fera l’éloge du rassemblement [The Gathering, voir p.III] et à 21 h Leïla Ka fera vibrer le théâtre avec Maldonne, quintette féministe époustouflant [voir journalzebuline.fr]. 

Le 26 mars, les danseurs de la Coline (formation professionnelle) créeront deux pièces d’Arno Schuitemaker et Bui Ngoc Quan, écrites pour eux. Avant un samedi 29 mars où le hip-hop s’emmêle : Séverine Bidaud et sa pièce magique Faraëkoto, conte africain narré en acrobaties ; puis Phénix de Mourad Merzouki, où il associe sa danse hip-hop désormais classique avec une viole de gambe tout à fait baroque ; et le soir, Mehdi Kerkouche et ses huit danseurs aux techniques diverses explorent dans Portrait le mouvement commun et les divergences. Haletant jusqu’au bout du souffle.

Le 1er avril, une surprise, L’ImpruDanse accueille du cirque : la compagnie réunionnaise CirquonsFlex raconte en corps, acrobatique, le quotidien et la mémoire de l’île, dans Radio Maniok

Le dernier samedi (5 avril) sera débordant d’énergie, avec Thisispain d’Hillel Kogan, qui revisite le flamenco, mais surtout ses clichés touristiques et ses excès ; pour conclure en apothéose avec Rave Lucid de la Cie Mazelfreten, une course folle, techno et transe, où 10 danseurs venus de toutes les danses urbaines jouent une partition athlétique et frontale. 

AGNÈS FRESCHEL

L’ImpruDanse
Du 15 mars au 5 avril
Théâtre de l’Esplanade ; Musée des Beaux-Arts ; Auditorium Chabran, Draguignan

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Pour un flamenco universel

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flamenco
Ana Pérez © Alain Scherer

Zébuline. Le festival, associé au Centre Soléa, à Marseille, a été créé en 2019. Comment a-t-il émergé ? 

Maria Pérez. Le Centre Soléa est né en 1994, et après des années de création d’événements, j’ai été contactée par  l’école de flamenco d’Andalousie, pour que Soléa soit le siège officiel de cette fédération en France. Une reconnaissance exceptionnelle, depuis l’Espagne, d’un lieu de formation professionnelle et de création. C’est lui qui m’a poussé à lancer le festival en 2017, quand il a réalisé que Marseille était un point d’ancrage vers l’Europe. J’ai voulu que ce soit un festival régional. C’est pour cela que ça dure un mois et qu’on se produit à Marseille,  Digne, Aix, Arles, Niolon, Avignon, Istres, Martigues et Ollioules. 

La culture flamenca a-t-elle évolué ces dernières années ?
Le flamenco est un phénomène mondial en mutation constante. Un art issu d’un peuple analphabète composé de juifs, de gitans, d’arabes et de noirs africains. Exploités et exclus par la nouvelle Espagne catholique et blanche, ils ont créé la culture flamenca, qui est une des expressions artistiques les plus abouties du pourtour méditerranéen. À Marseille, ville  cosmopolite, bourrée d’artistes, elle trouve un écho, et s’ancre dans une culture de solidarité : on a un projet A Pulso, auprès de femmes migrantes et en détresse sociale, un autre auprès de trisomiques.

Quels spectacles pour cette édition ? Des créations ? 
Pas de création mondiale mais des spectacles récents, en particulier à la Friche Après vous Madame et l’Envol du Tacon et à la Cité de la Musique En Casa de Los Bolecos. C’est notre spectacle d’ouverture, et on en est très fiers ! Le guitariste Manuel Gomez, issu d’une lignée de gitans qu’on appelle Los Bolecos, a fait venir deux artistes de Séville Pepe de Pura et Juan José Villar. Los Bolecos sont héritiers, depuis des générations, d’un style très particulier. D’ailleurs, le thème de cette 7e édition « Créateurs de styles », rend hommage à toutes les avant-gardes. On le retrouve à Istres avec David Coria, ou avec les jeunes femmes à la Friche qui sont des créatrices de style. 

Justement Ana Pérez, votre fille, est très en vogue en ce moment…
Elle est l’artiste phare de la tribu Soléa, et une figure emblématique de Marseille puisqu’elle a du sang cap-verdien, antillais et espagnol. Elle a une ouverture contemporaine et une fibre africaine, avec une technique flamenca très poussée parce qu’elle a vécu 8 ans à Séville. Elle a sa signature, et danse comme personne. Paula Comitre est de cet acabit aussi, elle va danser, seule avec un pianiste, dans une robe rouge et une matière gonflable complètement organique. On a l’impression qu’il y a un animal sur scène !

Que doit-on attendre de la journée de clôture ? 
La gare désaffectée de Niolon a été louée à T’CAP21, une association de parents de trisomiques. On commence à 11h, on danse sur le port au bord de l’eau, on remonte pour la paëlla géante, puis on fait un tablao avec La Repompa, qui donnera une masterclass. Finir ainsi, c’est une chance.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LILLI BERTON FOUCHET

Flamenco Azul
Du 15 mars au 13 avril
Divers lieux, Région Sud

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Les Chroniqu’heureuses rencontrent Khara

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khara
© L.P.B.

Les minots. Quelle est l’importance du chant dans ta vie ? Comment as-tu commencé ? 

Khara. Centrale. C’est ce qui a donné du sens à ma vie, de comprendre pourquoi, potentiellement, j’existais. Le chant m’est venu car j’aimais bien mettre des notes sur mes cris. 

Comment te sens-tu en tant qu’artiste féminine dans le milieu du rap ? 

Je crois que la question du genre n’est pas très importante. La société voudrait que ce soit beaucoup dans nos têtes, mais je me sens juste artiste, et j’aime l’être. 

Pourquoi avoir choisi le nom de scène Khara ? 

Khara est un mélange des deux prénoms de ma mère et de ma grand-mère. 

On lit et on entend souvent le mot « canines » dans tes textes et ta communication. Que représente-t-il pour toi ? 

Quand j’étais petite, ma dentition était un sujet de moquerie ;  je tends à penser que si tu parles en premier de quelque chose, les gens n’ont plus matière à le faire. Du coup, au lieu d’avoir honte, c’est devenu mon symbole !

Dans la chanson Marie, pourquoi choisir de parler de l’enfance ? 

Marie, c’est mon vrai prénom. Quand j’étais petite, on me chantait tout le temps la chanson de Johnny Hallyday. J’en reprends le refrain et le transforme. Dans l’originale, Johnny parle à la vierge, et moi je suis agnostique. J’ai donc décidé de parler à l’enfant en moi qui, je pense, ne disparaît jamais. 

Pourquoi utiliser une arme pour te défendre dans le clip de Marie 

C’est métaphorique : j’ai trouvé intéressant de représenter que c’est Marie, enfant, qui protège Khara adulte. L’enfant donne la force d’affronter des situations compliquées telles que faire face à des milliers de gens, ou bien à tous les reproches qu’on reçoit en tant qu’artiste. 

Comment as-tu été sélectionnée par le festival Marsatac ? 

J’ai sorti un projet, mais je n’avais pas les moyens financiers de défendre. Je n’ai rien fait d’autre que l’envoyer sur les plateformes de streaming. Un jour, j’ai reçu un appel de Marsatac qui me proposait de jouer sur la scène La Frappe, en 2022. C’était génial ! Je viens d’une famille plutôt modeste et je n’avais jamais eu l’occasion d’aller à Marsatac, alors que mes amis y aillaient tous les ans. Y aller pour la première fois en tant qu’artiste, c’était drôle !

Comment est composée la partie instrumentale de tes morceaux ? 

Ça dépend de mes humeurs et des personnes qui m’entourent. Dario Della Noce, avec qui j’ai sorti le morceau Président, m’aide à construire mes prods. On essaye de se servir de toutes les énergies nous animent le jour J pour construire des choses. 

Comment imagines-tu ton avenir musical ? 

J’espère un jour aller encore plus loin, mais je ne veux pas avoir des idées fixes pour ne pas être déçue. Je continue d’espérer que les choses iront dans le bon sens. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR YAMINA, HIMDA, MAME BOUSSO ET VICTOR.

PROPOS RECUEILLIS PAR LUCIE PONTHIEUX BERTRAM

Le concert donné au Makeda, le 7 mars, à Marseille 

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À nouv.o.monde, une vie de berger

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(C) Pyramide distriburion

Il pleuvait fort en ce dimanche 9 mars mais cela n’a pas empêché le public de venir à Rousset et la salle Emilien Ventre était comble pour la séance de clôture. Le film Bergers de la Québécoise Sophie Deraspe a enthousiasmé les spectateurs et la rencontre avec l’éleveuse- bergère Pauline Arnaudet et le comédien Bruno Raffaelli a éclairé les thèmes de ce récit initiatique.  

Librement inspiré du roman auto fictionnel de Mathyas Lefebure, D’où viens-tu berger?, paru en 2006, Bergers commence par un rêve : celui de Mathyas (Félix-Antoine Duval) un jeune publicitaire montréalais. Sa voix off précise qu’il ne va pas rentrer chez lui. Il est à la fenêtre d’un hôtel à Arles, avec vue sur les Arènes. « J’ai peur que mon cœur s’arrête ! » Sa décision est prise : il va devenir berger. Il démissionne avec un message vocal. Il se documente, achète des livres sur la transhumance, un couteau, un chapeau, une vieille besace en cuir et, cherchant à se faire embaucher comme apprenti, va à la rencontre des éleveurs et bergers qui au, bistrot du coin boivent leur « jaune ».

Longue marche

Tous se moquent gentiment de ce « berger » qui n’a pas encore gardé ! Mais l’un d’entre eux qui manque de main-d’œuvre le prend à l’essai. Un essai non concluant et Mathyas se retrouve alors chez Tellier (Bruno Raffaelli), un éleveur endetté, violent et colérique. Il commence à garder avec Ahmed (Michel Benizri), un berger marocain, qui n’aime pas les moutons : « Les moutons, il faut les mater » et a peu de considération pour les femmes.

Mathyas a entamé une correspondance avec une jeune fonctionnaire, Elise (Solène Rigot)  rencontrée lors d’une démarche administrative. Lorsqu’ Elise, séduite par ce qu’il lui raconte, à son tour démissionne et le rejoint, c’est l’expérience de la transhumance et de l’estive qu’ils vont partager : la longue et dure marche vers l’herbe verte des montagnes et la liberté.

Sophie Deraspe, à travers son Candide romantique, montre le métier de berger dans toute sa rudesse, les cabanes plus que sommaires, le travail harassant, les difficultés économiques. La caméra de Vincent Gonneville filme superbement les corps et les visages fatigués, les gestes du travail, bêtes qu’on marque, qu’on soigne, les troupeaux qui traversent les villages. La beauté des paysages baignés de lumière, la violence des orages, la montagne au lever du jour.

ANNIE GAVA

Bergers a remporté le Prix du meilleur film canadien au Toronto International Film Festival.

© Pyramide Distribution

Trois bras et un couteau

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Par Grands Vents © Matthieu Delcourt

Aventure rocambolesque de trois apprentis-aventuriers à la recherche d’un palais en ruines, ou création d’un lieu touristique lucratif au détriment de vestiges archéologiques ? D’autres pistes seraient possibles, il suffit de se laisser emporter par la douce folie de situations inattendues et de personnages inventifs et rêveurs. 

Le spectacle commence dans le noir. Une voix hésitante appelle : « Simone ! », « oui Stan », répond-elle (enthousiaste Elena Doratiotto). Tous deux arrivent dans un espace nu et désert. Ils voient (nous pas) les restes d’un palais en ruines, découvrent avec plaisir un emplacement humide et très vite installent robinets et tuyaux. Aussi jouent-ils avec l’eau, tels des enfants. Ils ont chacun un petit livre avec une traduction de Sophocle, mais, oh surprise, ils s’aperçoivent que leurs traductions sont totalement opposées. Ne peut-on avoir confiance dans les traducteurs ? Tandis que Stan s’étonne de la valeur et du poids des mots tel le Candide ahuri de Voltaire (délicieux Tom Geels), le troisième comparse (Benoît Piret du Raoul Collectif) leur parle d’une fresque qui représente le moment où Abraham est sur le point se sacrifier son fils sur l’injonction de Dieu mais dont le bras est arrêté par un ange. 

Encore une question de lexique, un bras qui tient et un bras qui retient. Quelle issue ? Le problème de la violence est posé. Surgit enfin un homme (impayable Bastien Montes) qui leur demande de partir car le site va être exploité comme lieu touristique, des colonnes vont être érigées, une route bitumée. Préservation du patrimoine ou modernité affirmée ?

L’évocation de l’Antiquité prend la forme d’un messager – en fait une messagère qui a mal aux pieds (Marthe Wetzel en rangers) – laissant bien derrière elle l’image ailée d’Hermès. Des rebondissements farfelus qui laissent le public amusé, étonné par ce regard candide sur un monde ancien et oublié qui questionne celui dans lequel nous vivons.

CHRIS BOURGUE

Par grands vents s’est joué au Théâtre Joliette les 7 et 8 mars

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