mercredi 5 novembre 2025
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« Mamie-Sitting » : quatre mères sur les bras

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@BFI

Il y a les mères juives, les mamme italiennes et … les mothers irlandaises avec ce deuxième long métrage de Darren Thornton. Quatre pour le même homme quand une seule, c’était déjà beaucoup !

Edward (James Mc Ardle) vit dans une banlieue pavillonnaire de Dublin, seul avec Alma ( Fionnula Flanagan) sa maman, veuve et en perte d’autonomie. Depuis son AVC, elle n’a plus l’usage de la parole, communique à l’aide d’un Ipad qui fait entendre une voix synthétique de GPS et…des ordres. La volonté de la vieille dame s’exprime aussi par un regard éloquent, à l’impératif catégorique. Edward est gay, célibataire, et au bord de la crise de nerf, comme ses copains homos, en charge comme lui de leurs mères octo ou nonagénaires. Entre toilette, préparation des repas et du pilulier, visite au cimetière d’un père qui on le devine n’a pas toujours été tendre, Edward doit faire la promotion de son roman – une histoire d’amours homosexuelles, qui vient de sortir aux USA. On lui propose une attractive tournée là-bas. Mais il devra placer sa mère dans une maison de retraite pendant 15 jours. Le voilà dans les affres de la culpabilité, incapable de dire ni oui ni non- ni d’en parler à la principale intéressée. Tandis qu’il tergiverse, ses potes moins indécis que lui, profitant lâchement de sa faiblesse et de sa gentillesse, maladives, lui laissent leurs mères à l’improviste et partent en Espagne s’éclater à la Maspalomas Pride. Edward a quadruplé son problème, appelle à l’aide un ex-amant et c’est très drôle. Comique de situation avec décalages et dérapages parfaitement contrôlés et rythmés. Comique de caractère soutenu par l’interprétation impeccable des acteurs.

Inspiré d’un film de Gianni Di Gregorio Le Déjeuner du 15 août, le scénario co-écrit par le réalisateur et son frère Colin, se nourrit de leur expérience avec leur propre mère dont ils ont dû s’occuper à la fin de sa vie. Comme toute comédie réussie, Mamie-Sitting extrait le rire de la tragédie, ancre les personnages dans une société et un temps donnés tout en les rendant universels. Portraits de mères aux personnalités différentes, dont on devine par touches discrètes, le parcours de femmes, les questions face à l’homosexualité de leur fils dans cette très catholique Irlande, la solitude, la peur ou la révolte face à la dépendance. Tyranniques, vulnérables, un peu foldingues ou revêches, parfois indignes, jamais caricaturées.

Il se dégage de ce film une infinie tendresse et une confiance en la vie qui font du bien.

ELISE PADOVANI

Prix du Public au BFI London Film Festival 2024 et Silver Q-Hugo au 60ème Festival International du Film de Chicago.

Sortie en salles, le 2 juillet

Arles met le thermostat 30

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©R Parent

Les Suds, à Arles, célébreront comme il se doit la trentième édition d’un festival inscrit au patrimoine sudiste des émotions, du 14 au 20 juillet. Au fil des ans, le rendez-vous a su fidéliser un public nombreux et hétéroclite à la force de choix artistiques singuliers, de formats très multiples et, bien sûr, dans l’environnement unique d’une Arles chauffée par le soleil mais rafraîchie par le mistral, et l’ambiance piquante d’un mois de juillet camarguais. 

Si l’équipe, sous la direction de Stéphane Krasniewski, satisfait les désirs musicaux oniriques comme festifs, les propositions de programmation des Suds naissent d’une profonde réflexion autour de vecteurs communs : ouverture, curiosité et humanité. Nombre de projets issus de pays en guerre ou dans des détresses sociales profondes ont ainsi été invités à faire résonner la beauté de territoires en souffrance, d’en parler autrement. Plus largement, la singularité des Suds réside dans son attachement aux musiques de notre monde, en les offrant à entendre, à s’y essayer par la pratique, à se rencontrer. 

Pension complète 

Expérience et longévité auront permis au festival d’inscrire à son programme des rendez-vous devenus typiques, associant un horaire du jour ou de la nuit, au charme particulier d’un lieu de la ville. 

C’est ainsi que tous les matins sera servi au bureau du festival un petit déjeuner oriental, afin de (re)prendre des forces avant de filer dans la très jolie cour de l’Espace van Gogh, pour écouter la Radio des Suds, boire un verre de Cristal les pieds dans la fontaine au son des « Apéros découverte » puis de se laisser aller à une « Sieste musicale » dans l’herbe.

En fin d’après-midi, la place Voltaire et son ambiance bistrot accueilleront les concerts gratuits de PoplitêRaffut, Elektre ou Ferrago. En début de soirée, les « Moments Précieux » empliront l’espace Croisière, la cour de l’Archevêché ou les Alyscamps des notes tout aussi précieuses de Dal:umYom & CeccaldiMandy Lerouge, du quatuor Rokh

Ces soirées-là

Temps forts, les « Soirées Suds » réunissent entre les pierres chargées d’histoire du Théâtre Antique de grands artistes, à l’image des concerts de Seu Jorge, de Salif Keïta, du Trio Joubran ou de Birds on a Wire, cette année. 

Et parce que la fête a toujours estampillé le festival, les afters des « Nuits Suds »parachèveront le sentiment de plénitude en chacun. En cette année anniversaire, c’est dès l’ouverture que les Suds seront fêtés, au rythme d’une grand soirée bal(s), le 14 juillet. 

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Les Suds, à Arles
Du 14 au 20 juillet 2025
Divers lieux, Arles 

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Suivre le fil de Claude Como

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como
© X-DR

L’histoire des arts est aussi affaire de tissage. La tapisserie a connu une très longue histoire depuis le Moyen Âge, elle a raconté des exploits souvent guerriers, célébré des héros littéraires, décoré de natures enchanteresses de hauts murs… Depuis le XXe siècle, elle est sortie des arts décoratifs pour rejoindre les arts majuscules. Lurçat a marqué ce tournant et de grands artistes, souvent des hommes, peintres et sculpteurs (Braque, Calder, Ernst…) ont avec leurs cartons renouvelé ce geste.  

Puis les femmes s’en sont à nouveau mêlées : les masques de Marie-Rose Lortet, personnages grotesques ou enfantins tricotés et tressés ; les fils rouges de Chiharu Shiota récemment exposés à Aix-en-Provence et au Grand Palais (Paris) ; les créations d’Eléonore False au Frac Sud sont autant de manifestations de ce regain de l’art textile, au sens le plus large du terme.Dans la même lignée, l’exposition Grandeur Nature au centre d’art Gallifet à Aix-en-Provence révèle le travail récent et monumental de l’artiste marseillaise Claude Como.

Laine touffetée

Les premières salles sont consacrées à des toiles qui s’avouent héritières de la peinture de la Renaissance italienne. Depuis les portraits de psychopathes (Szonzi test) et les séries de roses de Rosacerdocele parcours se conçoit comme une recherche libératrice qui depuis 2019s’affranchit à la fois de la peinture à l’huile mais aussi du format, entre installation et fresque murale. Le toucher, l’épaisseur ont leur place dans cette nouvelle approche.

Les pièces de tapisserie sont réalisées avec la technique de la laine touffetée, au pistolet.  L’espace de l’œuvre se définit par l’architecture des salles : hauteur de plusieurs mètres, surfaces élargies… Certaines œuvres absentes ici peuvent ramper au sol. Des plantes, des ramages, des feuillages, des spores s’élancent, retombent ; éclatant jardin d’hiver où dominent des chatoiements rouges et orangés. Murs végétaux fantasques d’une « supernature ».  

MARIE DU CREST

Grandeur Nature
Jusqu’au 15 juin
Hôtel Galiffet, Aix-en-Provence 

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Briser le passé, sculpter l’avenir  

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© Nicolas Santucci

La Villa Datris est un lieu qui détonne. À L’Isle-sur-la-Sorgue, au cœur d’un territoire où le Rassemblement national fait des scores historiquement hauts, où l’on n’a plus peur d’accrocher à ses fenêtres des drapeaux célébrant Marine Le Pen ou Jordan Bardella, elle offre chaque année des expositions à rebours du mauvais vent ambiant. L’an dernier, elle présentait Faire corps, une étude artistique sur le corps, souvent féminin, et ses représentations. Cette année on y découvre Engagées, qui met en lumière le travail de 64 artistes femmes du monde entier, dans des sculptures aux discours politique, militant et rebelle. 

Une volonté que Danièle Marcovici, fondatrice de la Villa et curatrice de l’exposition, affiche dès les premières lignes de son édito : « Longtemps ignorées et privées de reconnaissance, les femmes artistes ont été dominées par des sociétés patriarcales et éclipsées de l’histoire de l’art ». Si le constat est connu et n’a rien de révolutionnaire, la Villa joint la parole aux actes, et met en symphonie une centaine d’œuvres qui interrogent, avec joie ou colère, les démons d’une société patriarcale et capitaliste. 

Femmes objets et femmes au foyer

L’exposition débute en extérieur, avec une série d’œuvres qui pourrait facilement passer inaperçue. Car si l’œil est d’abord attiré vers un immense et magnifique escarpin construit en ustensiles de cuisine (casseroles, couvercles…), derrière se cachent les statues plus discrètes de Céline Cléron. Ce sont des cariatides, finement sculptées, qui ne portent pas un entablement sur la tête, mais une belle dose de charge mentale : un immense cabas pour les courses, une pile de bouquins, une petite maison de bois. Intitulé Ce qui pèse, l’ambiance est donnée pour le reste de la visite. 

À l’intérieur, chaque espace répond à une problématique que pose la société capitalo-patriarcale : et pour tous les accueillir, la Villa n’est heureusement pas un modeste T2… Ainsi les pièces s’intéressent à l’oppression des femmes, de la planète, la représentation du corps féminin… et accueillent les visiteurs avec un « tract » imprimé, où l’on peut lire notamment : Femmes objets, Femmes au foyer, Soumises/Opprimées, Hystériques/Rebelles. 

Fil barbelé 

À l’image de la scène artistique contemporaine, l’art textile est présent dans de nombreuses œuvres présentées. La scénographie offre d’ailleurs un hommage à l’une des révolutionnaires de cette technique, la Polonaise Magdalena Abakanowicz, qui fut la première à sculpter le textile, rompant ainsi la tradition, cassant le passé, après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Son Ange noir, présenté à la Villa, est une immense sculpture de sisal tissé en trois dimensions, qui demande que l’on s’arrête quelques minutes, pour en admirer toutes les circonvolutions, et le travail vertigineux de l’artiste.   

Du fil toujours, avec Ghada Amer et son tableau Three Lines for Shirpa. L’artiste égyptienne – dont on a pu admirer le travail au Mucem – vient broder au fil une toile tendue, et y dessine des femmes nues, aux positions suggestives, inspirées de magazines pornographiques ou de tableaux classiques ( !). Elle dénonce ainsi le « regard historiquement porté sur les femmes dans l’art et dans la société tout en célébrant la sexualité et le plaisir féminin. »

À l’étage, le fil devient social et politique avec Suzanne Husky. Dans Euro War Rug, elle tisse un immense tapis qui vient conter, telle la Tapisserie de Bayeux, les affrontements entre les forces de l’ordre et les occupants de la Zad du Testet, qui luttaient contre la construction du barrage de Sivens. Les CRS se mêlent aux tractopelles, aux arbres, aux militants arrêtés. Autour, des armes brodées, une référence directe aux artisans afghans qui ajoutaient des motifs d’armes de guerre à leurs tapis pendant l’invasion soviétique de leur pays. 

64 artistes engagées 

Mais ce qui fait la force de cette exposition, derrière son propos politique, c’est aussi la profusion d’œuvres exposées. Et on dirait volontiers que l’on en a pour son argent si ce n’était pas gratuit. 

Aussi on sourit devant les grands panneaux siglés « Annie Warhol » et « Marcelle Duchamp » d’Agnès Thurnauer ; on regarde inquiets les bâtons de dynamite au timer défaillant de Pilar Albarracin ; et on est petits devant le travail d’Anila Rubika, qui est allée à la rencontre des femmes emprisonnées pour s’être défendues de leurs maris tortionnaires. L’entreprise de l’artiste, et la parole qu’elle a donnée à ces femmes, a eu un effet notoire dans son pays, et a permis à plusieurs d’entre elles d’être graciées par le gouvernement albanais. Un bel exemple du pouvoir performatif de l’art dans la société… et de se rappeler que le rôle d’une Villa Datris – comme tant d’autres acteurs culturels – est loin d’être anodin sur un territoire gagné par des forces obscurantistes.  

NICOLAS SANTUCCI 

Engagées 
Jusqu’au 2 novembre
Villa Datris, L’Isle-sur-la-Sorgue 

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Shooting de monde

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rencontres arles
Claudia Andujar. Essai photographique sur les homo- sexuels pour le magazine Realidade, São Paulo, 1967. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Instituto Moreira Salles.

Sur l’affiche, un jeune homme déguisé en super-héros, sur une vieille carcasse de voiture. Casque sur la tête façon Marvel, bouclier en carton, cape en sac poubelle, il trône fier, figé en contre-plongée. Une image « indocile », comme le veut le titre de cette nouvelle édition. Les optimistes la verront comme un pied-de-nez aux puissants de ce monde… aux pessimistes de voir l’impuissance des petits face aux géants. 

À lire son édito, le directeur des Rencontres d’Arles Christoph Wiesner se range peut-être dans la première catégorie. Pour lui, cette édition offre « un contrepoint essentiel aux discours dominants » que sont la « montée des nationalismes » et « l’essor du nihilisme ». Il convoque aussi l’œuvre du philosophe Édouard Glissant, dont on peut voir le concept de « Tout-monde » transparaître dans bien des propositions. Décoloniale beaucoup, la photographie de cette édition 2025 se fait aussi sociale, humaniste, ou archive, dans les dizaines d’expositions à découvrir du 7 juillet au 5 octobre, à Arles, mais aussi dans plusieurs villes de la région. 

Australie-Brésil

L’exploration commence en Australie avec On Country, porté à la fois par le festival d’Arles et Photo Australia de Melbourne. Une dizaine de photographes, autochtones et non-autochtones, explorent les liens complexes qui unissent les hommes, les femmes, à leur terre, dans des images qui reflètent la diversité de ce pays marqué par deux siècles et demi de colonisation. 

D’Australie, le parcours s’en va ensuite vers le Brésil à l’église des Trinitaires. Y est présenté Futurs ancestraux, une exposition collective portée principalement par de jeunes artistes, qui passent au crible le passé raciste, colonial et homophobe de leur pays. Le tout dans des pièces qui allient photographie contemporaine, archives, collages, vidéo et même intelligence artificielle. 

Des focus artistes

Les Rencontres ouvrent également l’œuvre de la photographe Claudia Andujar. Née en Suisse en 1931, survivante de la Shoah, elle s’installe finalement au Brésil et mène une grande carrière de photoreporter. Incursions forestières, photos de rue, réflexion sur la féminité, l’exposition présentée à la Maison des peintres met en lumière nombre de ses travaux, éclectiques, et d’une justesse graphique saisissante.


Letizia Battaglia. Quartier Cala. La jeune fille au ballon, Palerme, 1980. Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia, Palerme

Avec Letizia Battaglia, c’est une autre immense photo journaliste que présente le festival. Sicilienne, elle a documenté l’horreur de la mafia italienne, loin des clichés souvent véhiculés par le cinéma. Elle est ici montrée dans sa réalité la plus abjecte : les morts qui jonchent le sol, les mères qui pleurent leurs enfants, le visage des meurtriers. Photographe humaniste et sociale, son travail saisit aussi la vie quotidienne, les corps frêles de la misère, et la beauté des regards. 


Letizia Battaglia. Giorgio Boris Giuliano, le chef de la Brigade mobile, sur le lieu d’un assassinat, Piazza del Carmine, Palerme, 1978.Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia, Palerme

Des habitué·e·s d’Arles 

S’il y a beaucoup de jeunes talents à découvrir dans cette édition – il faudra voir l’exposition de Laurence Kubski, celle des élèves de l’ENSP, et passer dans l’Espace Monoprix qui concentrera la plupart des artistes émergent·e·s – Arles n’oublie pas ses « vieux » compagnons de route. On retrouve ainsi Nan Goldin qui vient avec son Syndrome de Stendhal. Une série de diaporamas qui mettent en dialogue des chefs d’œuvres de l’art classique, avec ses proches, ou ses amours. 


Nan Goldin. Diane au bain, 2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Gagosian

Moins célèbre peut-être, mais déjà passé par les RencontresTodd Hido présentera à l’espace van Gogh la beauté crue des paysages qu’il aime capter : une maison enneigée aux vitres éclairées, un coucher de soleil embué, des ballons de baudruches aux tons passés… Le photographe américain parvient à saisir la beauté dans l’ennui, et le chaud dans le froid. 

Grand Arles Express

Les Rencontres d’Arles s’exportent également dans les communes de la région avec son programme Grand Arles Express. À la Maison européenne de la photographie (Aix-en-Provence), on peut voir Extérieurs – Annie Ernaux et la Photographie, qui revient sur les liens étroits qui unissent la prix Nobel 2022 et ce média – on pense à son ouvrage Les années, où la photo tient une place centrale. 


Laurence Kubski.
Reconstitution d’un souvenir d’enfance, le concours de vitesse d’escargots, 2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Citons également Lost and Found de Elsa et Johanna au Centre Photo Marseille, qui entend « placer le spectateur dans un espace d’exposition totalement repensé », ou encore Et qu’on ne vienne pas nous dire que le vent chasse tout de Paul Cabanes et Nina Patin, qui se sont aventurés dans le Golfe de Fos et ses paysages industrialo-désertiques. 

NICOLAS SANTUCCI

Les Rencontres d’Arles
Du 7 juillet au 5 octobre
Arles et Région Sud

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La tête dans les étoiles

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mucem
Des étoiles plein les yeux © Fanny Dreyer / Mucem

La nouvelle grande exposition du Mucem, Lire le ciel, ouvre le 9 juillet, pour six mois. Avec des prêts d’œuvres majeures, se réjouit Pierre-Olivier Costa, son président. Il y aura notamment L’Astronome, tableau de Johannes Vermeer, lequel sortira exceptionnellement du Louvre pour s’offrir aux yeux du public marseillais (attention, jusqu’en octobre seulement). Enguerrand Lacosl et Juliette Bessette, co-commissaires, promettent un parcours très riche, qui mobilise archéologie, ethnographie, histoire et histoire de l’art, pour éclairer le rapport au ciel en Méditerranée, de l’Antiquité à nos jours. 

Certaines passions comme l’astronomie et l’astrologie ne se démentent pas, siècle après siècle. Elles ont été l’occasion d’échanges culturels féconds. « Nos noms de constellations sont hérités de la Grèce antique, nos noms d’étoiles du monde arabo-musulman. C’est un héritage commun, dont témoigne l’astrolabe Perse qui figure sur le chef-d’œuvre de Vermeer, signe d’un dialogue entre les rives de la Méditerranée. » À quoi s’ajoutent aujourd’hui des préoccupations environnementales : l’exposition abordera la pollution lumineuse, si dommageable aux espèces animales et au sommeil des humains, ou la pollution spatiale (les scientifiques estiment qu’il y a 10 000 tonnes de déchets dans le ciel, envahi de satellites).

Autour de l’expo

Cécile Dumoulin, responsable du développement culturel et des publics au Mucem, a prévu nombre de rendez-vous reliés à l’exposition, dont beaucoup en plein air (« Cela s’imposait, avec cette thématique ! »). En particulier, tous les mercredis soir, des séances de cinéma en accès libre, du 16 juillet au 27 août. L’occasion d’en prendre plein les yeux dans le cadre somptueux du fort Saint-Jean, avec 2001, l’Odyssée de l’espaceLe Château dans le cielPremier contact ou encore Interstellar

Le temps fort de l’été, une Semaine sous les étoiles, aura lieu du 6 au 10 août. Pour commencer, un ciné-concert : 90 minutes de transe jazz jouée par le saxophoniste Guillaume Perret autour du film 16 levers de soleil (Pierre-Emmanuel Le Goff, 2018). Puis des sessions de musique électronique : DJ sets (Bonnie BananeDJ Mystique), et concert de Pierre-Alexandre Busson, alias Yuksek

Clou de la semaine, pour célébrer la pleine lune, une grande Full Moon Party se tiendra toute la nuit du samedi 9. Mis en jambes par un concert de Walter Astral et Étienne de Crécy, le public se verra proposer tatouages flashs, coupes de cheveux (ça repousse plus dru, ces soirs-là, paraît-il !), déambulations d’étoiles géantes par le collectif Aérosculptures, et autres festivités.

Le jeune public n’est pas oublié. Tout l’été, des visites en famille sont organisées : sensorielles, contées, voire… couplées à un atelier yoga (« Chien tête en bas », à partir de 5 ans,
avec la Cie Pièces détachée). De quoi baisser encore la moyenne d’âge des visiteurs du Mucem, passée sous la barre des 40 ans, précisait Pierre-Olivier Costa, lors de la conférence de presse d’annonce de la programmation. « On l’a rajeunie de 3 ans ! »

GAËLLE CLOAREC

Lire le ciel - Sous les étoiles en Méditerranée
Du 9 juillet au 5 janvier
Semaine sous les étoiles
Du 6 au 10 août
Mucem, Marseille

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Le temps des Rencontres

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Tous les sexes tombent du ciel, Léa Katherine Meier © Emmanuelle Bayart

L’émotion s’affiche comme la priorité des Rencontres d’été de La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. Directrice du monument qui abrite le Centre national des écritures du spectacle, Marianne Clevy signe un calendrier estival qui juxtapose des spectacles, lectures, séminaires et exposition du 5 au 25 juillet. 

En scène

Cet été, il sera possible d’enchaîner les représentations des trois spectacles, hôtes de la Chartreuse. Accompagné par La Suisse en Avignon, Tous les sexes tombent du ciel désigne le « conte pour enfant à destination des adultes », écrit et interprété par Léa Katherine Meier (par ailleurs signataire de l’affiche des Rencontres). 

Affaires familiales de Émilie Rousset réitère le partenariat historique avec le Festival d’Avignon. La proposition restitue le quotidien d’un cabinet d’avocates spécialisées en droit des familles. Réaménagé, le tinel devient une cour d’assises où les conflits intimes se diluent dans les dossiers judiciaires (9-17 juillet,18 h).

Retour au seule en scène à 22 h. Une maison de poupée devient l’asile où Henriette passera une large partie de son existence. Rédigée (à La Chartreuse), dirigée et interprétée par Cyrille AtlanHenriette ou la fabrique des folles, combine texte et théâtre d’objets. Cette réflexion sur l’enfermement et l’art brut confirme le partenariat avec Villeneuve en scène, en lice du 8 au 20 juillet. 

Des lectures et une exposition

Par ailleurs, La Chartreuse affiche quatre « Grandes lectures ». En lien avec la langue arabe, invitée par le Festival d’AvignonLe Mur ou l’éternité d’un massacre de Hatem Hadawi évoque les exactions commises en 2012 par l’armée du régime de Bachar el-Assad contre les rebelles de Deir ez-Zor (15 juillet). 

Marseille et la Camargue demeurent le point d’attache de 65 rue d’Aubagne et L’Hacienda signées Laurie Guin et Mathilde Aurier. Enfin, le 19 juillet, Déclaration d’amour de Louis Hee à John Ah-Oui, texte du chorégraphe-dramaturge Nicolas Barry, sera restitué dans un espace plongé dans le noir, avec comme seul repère une signeuse ou un signeur. Ce rendez-vous immersif entre en résonance avec Déranger l’écriture, colloque autour de l’accessibilité. (22 et 23 juillet). 

Enfin une exposition. Celle de Jimmy Richer, dessinateur-tatoueur, qui dispose dans l’abbatiale ses Étranges Pulpes, où se croisent iconographie médiévale, figures du tarot et ornements de science-fiction. 

MICHEL FLANDRIN

Rencontres d’été 
Du 5 au 25 juillet
La Chartreuse, Centre national des écritures du spectacle
Villeneuve-lez-Avignon

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Voyage en achronie

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Chroniques, Peeping Tom © Virginia Rota

Au début des années 2000, la première trilogie de Peeping Tom bouleversait le paysage chorégraphique et théâtral émergent. Une danse théâtrale inconnue, loin de Pina Bausch, entrait dans les intimités familiales et les fantasmes noirs, nourrie de mythes et appuyée sur une danse virtuose. 25 ans après Gabriella Carrizo et Franck Chartier, le duo fondateur franco-italien, est toujours à la tête de la compagnie belge au nom subversif : un « peeping tom » est, en anglais, un voyeur. Institutionnel, international, porté par un succès public, le duo crée aujourd’hui séparément et ces Chroniques sont portées par la chorégraphe italienne.

On y retrouve sa noirceur onirique, la beauté plastique, son amour des corps masculins. Les cinq danseurs hommes semblent retenus dans un espace atemporel peuplé de mythes plus ou moins identifiables : une genèse au Japon, Sisyphe qui roule son rocher, écrasé mais aussi écrasant les autres ; puis de gentils Ewoks et une sorte de Darth Vador qui jette des rayons mortels de ses mains. 

Chercher la couleur

Mais tous se relèvent : la mort, pas plus que le temps, n’a cours, sur cette Olympe sombre où les dieux cherchent des remèdes à l’ennui dans la violence et la domination, une partie de foot avec une main coupée, le déplacement d’inutiles rochers, le jeu avec des automates qui exécutent des mouvements absurdes.

Vision d’une éternité non binaire qui ne serait ni infernale ni paradisiaque, Chroniques est d’une beauté crépusculaire, déclinant des espaces qui s’ouvrent et se ferment, s’éclairent et s’éteignent, se déploient en hauteur ou rasent le sol, les murs, les blocs. Le couple n’y existe pas – sauf une mariée qui se fait descendre – et les individus s’allient aléatoirement contre le dominant, sans faire pour autant cause commune. Tout semble vain. Les danseurs, stupéfiants, sont des élastiques d’une infinie souplesse. Ils reçoivent les chocs qu’ils répercutent comme des ondes liquides sur chaque articulation, en des rotations hallucinantes d’amplitude.

Au terme du voyage ils abandonnent la scène aux robots qui répandent au sol des traînées de couleur pure. Comme au début la genèse peignait des estampes sur les murs. Une sublimation artistique possible hors des limbes ? 

AgnÈs Freschel

Chroniques a été joué du 18 au 20 juin à La Criée, centre dramatique national de Marseille, dans le cadre du Festival de Marseille

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Kat Válastur : un court d’assise 

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Dive into You, Kat VaÌstur © Dieter Hartwig

Le Festival de Marseille a su mettre en évidence des grands projets collaboratifs comme Mère(s) et ses 90 intervenants ou la Manifête et ses 400 enfants défilant dans le centre ville. Changement d’ambiance ce 22 juin à Klap – Maison pour la danse avec Kat Válastur. L’artiste, qui vit entre Berlin et Athènes, présentait Dive into you, un solo de danse qui ne trouvera de complicité que dans la musique, la scénographie, la lumière, et l’adhésion du public. 

Elle est donc seule. Assise sur un siège qui repose lui-même sur un parquet ovoïde. Autour du parquet du gravier brun, et des tubes de néon qui ponctueront le spectacle d’épisodes stroboscopiques. L’ensemble est épuré, minéral, et comme un bon vin, c’est dans la longueur que la performance se laissera apprécier.

Kat Válastur se lance dans une danse frénétique, convulsive, spasmodique ; le regard dissimulé derrière sa frange. Et même si elle reste vissée sur sa chaise, la débauche d’énergie est tout sauf avare. Elle joue fort du pied, sur le parquet qui a été sonorisé par plusieurs micros, qui feront résonner les coups tantôt rythmiques tantôt arythmiques dans l’ensemble de la salle. Il y a la musique aussi, signée Aho Ssan, qui sied parfaitement à l’ambiance : nappes électroniques et mimiques bruitistes, on entend aussi la voix pré-enregistrée de Kat Valastur, mais également son essoufflement, puisqu’elle est équipée d’un micro discret à l’oreille. 

La nature humaine est ainsi faite que l’on s’habitue à tout. Et la frustration générée par cette énergie immobile trouvera ensuite du réconfort. Pour le public, mais pour la danseuse aussi. Le mouvement se fait parfois plus lent, et la lumière proposera des superbes tableaux sur une performeuse qui jouera de poses profilées. À la fin, bien des choses changeront. La lumière, la danse. Puis le public se lèvera, mais la danseuse aussi ? 

NICOLAS SANTUCCI 

Le spectacle a été donné les 21 et 22 juin à Klap – Maison pour la danse, dans le cadre du Festival de Marseille

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Prenez la vague !

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© Caroline Doutre

Six-Fours-les-Plages déroule le tapis rouge à la musique classique. Durant toute la saison touristique et jusqu’au 21 septembre, le festival investit des lieux chargés d’histoire de la ville varoise comme la Collégiale Saint-Pierre, la Villa Simone, le Parc de la Méditerranée, pour un concert en plein air, ou la Maison du Cygne, centre d’art niché au cœur d’un jardinécologique labellisé « remarquable » offrant une proximité rare entre artistes et public.  

L’excellence de la scène classique

C’est dans cette maison que l’on pourra entendre du « bon », du très bon, de l’excellentmême. Le 20 juin, Yulianna Avdeeva fera vibrer Chopin en offrant au public un moment d’intimité autour des œuvres majeures du compositeur, de la Polonaise-fantaisie aux 24Préludes. La pianiste russe est l’une des grandes spécialistes du musicien romantique, ayant acquis une notoriété mondiale en remportant le Premier Prix du Concours international de piano Frédéric-Chopin à Varsovie en 2010 et devenant ainsi la seconde femme à obtenir ce prix depuis Martha Argerich en 1965. 

Le lendemain, place à la chaleur latine avec Serenata Latina. Le contre-ténor franco-mexicain Rolando Villazón et le harpiste Xavier de Maistre (originaire de Toulon, il est ici comme chez lui) invitent à un voyage musical aux accents hispaniques, mêlant le compositeur argentin Alberto Ginastera, le colombien Luis-Antonio Calvo et l’Andalous Manuel de Falla.Ce programme de chansons traditionnelles a fait l’objet d’un disque publié chez Deutsche Grammophon.

Norma sous les étoiles

La fin de week-end se déroulera en plein air au Parc de la Méditerranée qui se transformera en un théâtre naturel pour accueillir les airs les plus envoûtants de Norma de Bellini comme le célébrissime Casta Diva. Portée par la voix incandescente de la soprano colorature tchèque Zuzana Marková et accompagnée du chœur et de l’orchestre de l’Opéra de Toulon sous la baguette du chef italien Andrea Sanguineti, cette soirée gratuite promet d’être magique carl’entrée en scène se fera au coucher du soleil et sera suivie par un feu d’artifice. 

Juillet poursuit cette effervescence artistique. La Villa Simone devient un lieu de rencontre entre jazz et classique avec Les Amants du Jazz, réunissant le pianiste Kim Bernard (premier lauréat en 2021 de la Fondation Gauthier Capuçon) et la chanteuse Na-Kyung Lee, qui revisitent des standards de Duke Ellington ou Charles Trenet. Le 12 juillet, le Paul Lay Trio, accompagné de la chanteuse Isabel Sörling et du contrebassiste Simon Tailleu, invite à une soirée mêlant compositions originales et influences jazz.

Le festival investit ensuite la Collégiale Saint-Pierre pour trois soirées avec l’ensemble Matheus, sous la direction de Jean-Christophe Spinosi. Ils mélangent les genres avec bonheur : pur classicisme avec des œuvres de Mozart, de Haydn et de Beethoven, baroqueavec Les Vêpres de la Vierge de Monteverdi (17 juillet) et Bel Canto flamboyant avec un gala Rossini, (19 juillet).

En parallèle, une exposition à la Villa Simone met à l’honneur tout l’été la photographe Marianne Rosentiehl, dont les portraits vibrants ont saisi l’âme des plus grandes figures culturelles de notre époque.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

La Vague Classique
Jusqu’au 21 septembre
Divers lieux, Six-Fours-les-Plages

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