mercredi 5 novembre 2025
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Yes We Camp s’installe à La Cômerie

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La Cômerie © X-DR

Inattendu peut-être, mais officiel. La Cômerie va se réinventer sous l’égide de Yes We Camp. Une convention d’occupation de trois ans a été signée entre l’association et la mairie, propriétaire des lieux. Depuis 2019, cet ancien couvent situé en haut de la rue Breteuil est un lieu de résidences artistiques de l’association actoral, qui y a transféré l’ensemble de ses activités en février 2024, après la perte de son lieu historique de Montévidéo. Mais, ne respectant pas les normes d’établissement recevant du public (ERP), le bâtiment avait une vocation purement professionnelle.

Ce ne sera plus le cas à partir de la rentrée. Implantée dans de nombreuses villes françaises, l’association Yes We Camp se donne pour principale mission la création de lieux temporaires, solidaires et collaboratifs. À Marseille, elle a notamment conduit ou participer à des projets comme Coco Velten ou le lieu d’hébergement d’urgence l’Auberge marseillaise. Elle a donc « un savoir-faire propre à Marseille » estime Olivia Fortin, maire des 6e et 8e arrondissements. 

« Notre proposition était de faire de cet ancien couvent un lieu que l’ensemble des habitants et des associations du quartier puissent investir et s’approprier, dans le prolongement de ce que fait déjà actoral » explique Suzanne Laqbeach, co-cheffe du projet de Yes We Camp. Depuis le 18 juin, l’association organise d’ailleurs des concertations avec les habitants et les associations voisines afin « d’entendre les envies de chacun·es » quant aux usages possibles du lieu. Ces concertations n’en sont qu’à leurs débuts, et se poursuivront dans le jardin du couvent tout au long du mois de juillet. L’ouverture du bâtiment se fera ensuite progressivement, car les travaux de mise en conformité d’ERP y sont toujours en cours. 

Ainsi, le rez-de-chaussée du bâtiment sera mis à disposition du public à partir de septembre, tandis que le reste du bâtiment ne devrait être qu’accessible qu’à partir de l’hiver 2026 – à l’exception du dernier étage, où actoral poursuivra ses activités. 

Et actoral ? 

L’arrivée de Yes We Camp n’induit pas pour autant le départ de son actuelle occupante. Au contraire, à l’initiative d’Olivia Fortin, les deux associations ont entrepris un rapprochement. Elles collaboreront sur certains projets, comme des ateliers ouverts au public avec des artistes accueillis par actoral. De plus, à l’automne, l’ensemble du rez-de-chaussée sera consacré au festival actoral, pour lequel Yes We Camp assurera l’accueil et la buvette. « On apprend à travailler ensemble, avec nos deux fonctionnements radicalement différents. C’est intéressant d’apprendre de l’expertise et de la façon de faire l’un de l’autre » explique Hubert Colas, fondateur et directeur d’actoral. Une collaboration fortuite, qui laisse espérer de belles choses pour l’avenir du lieu.  

CHLOÉ MACAIRE 


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Rester de grâce

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Coup de Grâce, Michel Kelemenis © Agnès Mellon

La reprise de Coup de Grâce de Michel Kéléménis confirme la force presque intemporelle de la pièce. Liée aux attentats de Paris, retraçant littéralement l’attaque d’une jeunesse en fête et la chute des victimes sous les tirs de mitraillettes, elle dépasse aujourd’hui le Bataclan, et affirme l’invicible force des corps libres. Qui dansent, se lient, s’embrassent, solitaires ou formant des couples temporaires, hétéro ou homosexuels, sensuels toujours, vivants sous les balles. 

La constante élégance de la danse, jusque dans ses tableaux arrêtés expressionnistes, prend place dans un écrin noir aussi nuancé qu’un tableau de Soulages : un rideau de perles laisse passer des rais de lumière, des projecteurs traquent les corps dans l’obscurité, les costumes noirs des sept danseurs font apparaître des corps beaux de leurs différences. La musique d’Angelos Liaros-Copola a elle aussi toute l’épaisseur sonore, toute la noirceur pâteuse, d’un noir qui n’est jamais uniforme. La grâce terrestre, réelle, résistante, aura toujours raison des fous de dieu.

Agnès Freschel

Coup de grâce a été recréé du 21 au 23 juin au Klap, Maison pour la danse de Marseille

En corps de la danse 

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Over and Over, Dan Daw Creative Projects-Candoco Dance Company© Hugo Glendinning

Palette d’émotions et de danseurs, Over and Over (and over again) invite à plonger dans la danse et le mouvement. Se battre, aimer, désirer, se relaxer, faire une pause… autant d’états que traversent les danseurs dans l’heure de représentation. Initiée par la Candoco Dance Company, qui fait danser des personnes handicapées et non handicapées ensemble, le spectacle invite encore une fois à l’inclusivité : sur scène des danseurs en fauteuil, sourds, racisés, porteurs d’handicaps invisibles – tous liés par une même énergie. 

L’artiste australien Dan Daw a monté cette performance entre danse et théâtre. Les danseurs parlent en langue des signes et échangent des sourires dans une ambiance bienveillante. Bienveillance qui dépasse la scène puisque des espaces de repos sont proposés tout au long de la performance pour le public qui est invité à bouger, sortir, faire du bruit… La scénographie, très colorée, s’appuie sur des jeux d’ombres et de lumières, projetant les silhouettes des danseurs, en fauteuil, petits ou grands à travers un rideau translucide et brillant.

Temitope Ajose entame la chorégraphie en tentant d’enlever sa veste. Elle se débat et lutte sur une musique électronique rapide, selon l’audio description visible sur des panneaux en hauteur. Rejointe dans sa lutte par les autres danseurs, qui se battent contre pantalons, chemises ou entre eux, le début de chorégraphie est rapide et bouillonnant. 

Duels, groupe ou solo, la chorégraphie exhibe les différences des cinq interprètes : Annie Edwards, danseuse de petite taille, se confronte à James Olivo. Il se met à genoux pour la regarder dans les yeux et offrir un duo-duel inspiré des battles hip-hop. Le spectacle propose un tableau par émotions, avec des changements de musique pour chaque partie. La danseuse Maiya Leeke évolue sur scène en fauteuil roulant et haut à paillettes. Centrale en début de chorégraphie, elle laisse peu à peu la place à ses compagnons. 

James Olivo a le mot de la fin de cette performance, sous le signe de la solitude. Il propose un solo époustouflant de technique et de fluidité : son corps entier semble lui être étranger, il danse en lutte avec lui-même dans un tourbillon sans fin entre hip-hop, danse contemporaine et transe hypnotique des derviches tourneurs. 

LOLA FAORO

Spectacle donné les 21 et 22 juin à Friche la Belle de Mai, dans le cadre du Festival de Marseille

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D’Adana à Samarcande, la douleur capitale

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Dans ce livre, l’écrivain franco-algérien Yahia Belaskri a souhaité mettre en lumière la persécution du peuple arménien par l’empire ottoman et, pour ce faire, a fait le déplacement jusqu’à Samarcande, en Ouzbékistan. Il confie que la ville l’a impressionné par la coexistence pacifique de communautés religieuses diverses ainsi que par son patrimoine historique. 

Carnets de fuite

N’oublie pas notre Arménie prend la forme de « carnets » rédigés par Maritsa, une jeune femme médecin dépêchée en avril 1909 à Adana dans le cadre d’une mission humanitaire. La ville, qui avait appartenu au royaume arménien de Cilicie est encore, en ce début de XXe siècle, un lieu refuge pour de nombreux Arméniens, bien qu’elle soit désormais sous domination ottomane. 

Peu après l’arrivée de la jeune femme, des Turcs nationalistes massacrent la population arménienne de la ville. Maritsa fuit en compagnie d’autres Arméniens et surtout du père Burak, d’abord en Syrie, puis toujours davantage vers l’Est. Au cours de cette errance tragique, les exilés sont accueillis avec hospitalité par des représentants de diverses communautés et prennent part aux échanges philosophiques et religieux sur le futur de l’empire ottoman et des peuples qu’il rassemble.  

Poésie et spiritualité

À la question portant sur le choix de cette thématique pour son nouveau roman, Yahia Belaskri répond simplement : « Tous les hommes et toutes les femmes sur terre qui souffrent sont les miens. »Dans ce carnet de route et de réflexions, le rapport à la spiritualité prend une place prégnante. Le texte est imprégné de poésie et de chants, à travers lesquels les Arméniens des pays traversés partagent leurs douleurs, leur nostalgie et leurs espoirs. Yahia Belaskri propose ainsi une réflexion sur la tolérance et le dialogue interreligieux, plus que jamais d’actualité. 

GABRIELLE BONNET

N’oublie pas notre Arménie, de Yahia Belaskri 
Éditions Zulma - 18,50 €

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Ça c’est FORTissimo !

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© X-DR

L’édition 2025 du Festival – l’un des plus anciens de France – s’ouvrira sous le signe de la solidarité avec l’Orchestre de la Musique de la Marine Nationale, dirigé par Marie Faucqueur (25 juin). Le programme, placé sous le thème du Japon, mêlera œuvres de compositeurs asiatiques et occidentaux, de Soichi Konagaya au Britannique Nigel Clarke, en passant par des évocations du cinéma d’animation de Hayao Miyazaki – Chihiro, Totoro et Ponyo seront là – avec des arrangements symphoniques des musiques de Joe Hisaishi. Un concert en partenariat avec l’association Entraide Marine-ADOSM au profit des familles de marins.

La Tour Royale abritera le Trio Wanderer (1er juillet) pour une soirée dédiée à trois chefs-d’œuvre de la musique de chambre. L’Archiduc de Beethoven ouvrira le bal, suivi de la délicate suite Soir ! Matin ! de la compositrice Mel Bonis (1858-1937) avant de se conclure avec le Trio en La mineur de Ravel, composé à l’aube de la Première Guerre mondiale.

Toujours à la Tour Royale, c’est la musique de Schubert qui résonnera lors d’un récital du Duo Geister consacré au piano à quatre mains (4 juillet). David Salmon et Manuel Vieillard incarneront cette formation si chère au compositeur autrichien et illustreront l’esprit d’amitié avec des œuvres comme la Fantaisie en fa mineur, dédiée à son amie Caroline Esterházy mais aussi des pièces plus légères comme les Six Grandes Marches.

Du Swing face à la mer

Changement d’ambiance le 8 juillet au fort Saint-Louis pour une parenthèse jazz au coucher du soleil. La contrebassiste France Duclairoir, accompagnée de Nina Gat (piano), Matthew Bumgardner (trombone) et Max Briard (batterie) nous emmèneront dans un voyage musical aux couleurs du swing et des musiques du monde.

Le fort Balaguier à La Seyne-sur-Mer vibrera lui au son des comédies musicales et des influences latines avec Gershwin, Bernstein, le cubain Lecuona et Florence Price, la première femme noire à avoir vu une symphonie jouée par un orchestre américain majeur. Le Quatuor Zahir, composé de quatre saxophonistes virtuoses, et le pianiste Jorge González Buajasan, entraîneront le public dans un tourbillon de rythmes avec la célèbre Rhapsody in Blue, des extraits de West Side Story et des danses afro-cubaines (10 juillet).

L’édition 2025 se clôturera en beauté, au fort du Pradeau, sur la presqu’île de Giens, aux sonorités graves du violoncelle (22 juillet). Autour des solistes Frédéric Audibert et Manuel Cartigny, le sextuor de violoncelles de l’IESM invoquera Vivaldi, Popper, Villa-Lobos, le compositeur sicilien contemporain Sollima, Piazzolla et Fauré. Un moment de partage entre générations, où maîtres et élèves se retrouvent dans un cadre naturel magnifique.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

FORTissimo
Du 25 juin au 2 juillet
Divers lieux, Toulon et alentours

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Pas de digues pour la musique 

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Philippe Katerine © X-DR

Offre festivalière phocéenne imaginée il y a déjà cinq ans, Au Large est un rendez-vous musical printanier qui s’est rapidement inscrit à la longue liste des incontournables de l’été marseillais. Et pour cause : l’événement est une proposition artistique d’une variété rare, poussant systématiquement l’auditoire à la découverte. Cadre et programmation aidant, il faut tout de même reconnaître à l’équipe – union des énergies de la Mesón et du Mounguy – une ténacité et un goût certain pour la prise de risques, allant puiser chaque année dans des combinaisons de programmation surprenantes, originales ou inédites. La preuve par l’exemple, du 26 au 28 juin passent notamment KompromatPhilippe Katerine et La Flemme ! 

Sur le pont

Si l’humeur est alimentée par une joie profonde de retrouver l’écrin onirique du Théâtre Silvain, à la Fausse Monnaie, elle n’en est pas moins à l’ambition ! Cette année, le choix est clair : à chacune des trois soirées, sa belle tête d’affiche. Et avec elle, une sélection d’artistes biberonnée au désir d’éclectisme et de mise en lumière des jeunes talents régionaux. 

Ce sont ainsi les très suivis Kompromat qui crèvent l’affiche, le 26 juin. Le duo formé par Rebeka Warrior et Vitalic remplissent les salles autant que les cœurs, du bout de leur électro wave punk mystique, de leur charisme scénique et de leur univers tout aussi sombre que délectable. 

Différemment explosives, les rappeuses dakaroises réunies dans le projet Def Mama Def titillent l’impatience de découverte d’un live aux atours cathartiques. Pour l’émergence, est proposé le live cosmique et transcendantal du duo de chanteuses multi-instrumentistes Exotica Lunatica, prix RiffX 2025.

vLe 27, changement d’ambiance. Si l’adulé Philippe Katerine fait passer son Zouzou Tour par le festival, et avec lui son univers décalé, déjanté et délicieux, la soirée est également l’occasion bienvenue de découvrir le monde singulier et voyageur du duo Walter Astral. Ce dernier invente une hybridation pop-psyché-électro ralliant Polo et Pan à Atlin-Gün, sur fond céleste. Hâte aussi de découvrir en live le punk-rock électro survolté et chaotique de Micro-Ondes, le même soir. 

Une dernière avant le départ 

L’ultime soirée, toujours plus fouineuse de genres musicaux variés, emmène le public dans le sillon rêveur, désabusé, nostalgique et si particulier d’Odezenne, qui s’émancipe depuis ses débuts des frontières du hip-hop. Le quatuor de Bristol Grandma’s House promet quant à lui son lot de riffs rock électrisant, tandis que les nouveaux chouchous de la scène rock marseillaise, La Flemme, s’enfuieront de leur quasi-domicile cours Julien/Plaine pour aller scander leurs tubes du côté de la Corniche.  

S’ajoutent à cela trois DJ sets, assurés chaque soir par Planet PhattNikoll ou Paula Soa

Un très beau programme, auquel s’adjoint la perspective délectable d’un pré ou post bain de mer, pour mieux encore prendre le large. 

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM  

Au Large 
Du 26 au 28 juin 
Théâtre Silvain, Marseille 

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Mise en bouche féérique

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Quatuor Diotima © Michel Nguyen

Avant l’ouverture du prestigieux festival de juillet, Aix-en-Provence se métamorphose en une scène vivante. Le temps d’un mois, artistes confirmés et talents émergents vont à la rencontre du public d’une manière plus intimiste et conviviale que lors de la grande messe de juillet. Ouverture en fanfare le 13 juin avec Panorama, grande soirée sur la place des Prêcheurs, qui dévoilera les grandes lignes du festival à venir, en compagnie des équipes et des artistes invités. 

Le 18 juin, le groupe GloBalKan embarque pour un voyage musical mêlant jazz et traditions balkaniques. Ce concert rassemble autour du maître du kaval Nedyalko Nedyalkov une palette d’instruments et de voix venus de Bulgarie, de Grèce ou des Balkans ottomans, portéepar des musiciens de haut vol. 

Place au théâtre à La Manufacture avec InSitu, création burlesque et lyrique. Deux personnages se croisent, se cherchent et se retrouvent au gré de péripéties mises en scène parla Britannique Emily Wilson et le Belge Jos Houben, déjà applaudis l’an passé pour la mécanique des sentiments. Le comédien Guy-Loup Boisneau et la soprano Lieselot DeWilde donneront corps et voix à cette histoire portée par la musique de Benjamin De la Fuente (du 19 au 25 juin).

L’Académie, laboratoire de demain

C’est l’un des moments que le public aixois attend avec impatience. Les jeunes artistes de l’Académie du festival donneront plusieurs concerts du 25 juin au 1er juillet. Sous l’égide de deux barytons, Darrell Babidge, professeur de chant à la Juilliard School à New York et le Français Stéphane Degout, la « Résidence voix » réunira douze chanteurs et trois pianistes dans deux programmes. Un récital d’airs d’opéra et une soirée dédiée au répertoire vocal français. 

Côté instrumental, l’ensemble Diotima et la compositrice Unsuk Chin guideront deux quatuors à cordes à travers un programme de musique de chambre. On pourra retrouver ces derniers le 1er juillet lors d’une soirée exceptionnelle dans le cadre de l’année Cézanne, qui se tiendra à la bastide du Jas de Bouffan, demeure familiale du peintre. Danseurs du ballet Preljocaj et musiciens uniront leurs langages pour rendre hommage au maître aixois. 

Pour finir en beauté, le festival investira le 30 juin, le cours Mirabeau avec Parade[s],déambulation musicale rassemblant artistes, musiciens amateurs et public dans une célébration collective sous la baguette de Marc Minkowski avec l’Orchestre de l’Opéra de Toulon et plusieurs solistes qui entraîneront Aix dans une effervescence joyeuse ; une mise en bouche savoureuse à la veille du grand rendez-vous de juillet.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Aix en juin
Du 13 juin au 1er juillet

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Nubya Garcia au MJ5C : un tourbillon arrive à Marseille

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Nubya Garcia @Danika Lawrence (2)
Nubya Garcia © Danika Lawrence

Zébuline. Vous êtes déjà venue au Marseille Jazz des Cinq Continents. Quel souvenir en gardez-vous ? 
Nubya Garcia. J’adore Marseille, et la dernière fois que je suis venue au festival c’était une expérience incroyable. J’y ai vu Gilberto Gil et j’ai découvert la communauté brésilienne sur place, donc je suis impatiente de revenir.

Comment décririez-vous votre travail ?
J’écris de la musique, je m’exprime à travers elle et j’ai un groupe avec lequel je peux explorer la musique que je compose. Je m’inspire de sons qui ont marqué ma vie. J’ai grandi au croisement du dub, du jazz, du garage, du UK funky, la Circa, du calypso et du reggae. Je dirais donc que ma musique se situe dans ce tourbillon de sons.

Vous venez de sortir votre dernier album Odyssey, qu’aimeriez-vous que les gens en retiennent ?
Je pense que le mantra de l’album, c’est que nous sommes un seul peuple. Il y a des choses qui nous séparent et d’autres qui nous rassemblent mais la manière dont chacun fait les choses est unique. Et toutes ces différences doivent être célébrées.

Comment raconte-t-on cela en musique ?
J’ai adopté une nouvelle méthode en écrivant tous les jours, là où avant j’entrais en studio eten cinq ou sept jours, je vidais tout ce que j’avais. Avec Odyssey, j’ai compris que je voulais avoir un maximum de matière pour raconter cette histoire. J’ai appris à entrer plus régulièrement dans un état de flow.

Il y a dans ce nouvel album beaucoup d’invités, comme Esperanza, Georgia et Richie.
C’était fou. Quand j’écris et travaille avec des invités, je compose le morceau mais je ne cherche pas juste une « collaboration », je cherche la personne. C’est pour ça que je les ai choisis. En plus d’aimer leur musique, j’aime aussi leur manière de créer. Et elles ont fait un travail absolument incroyable.

Tu as écrit les paroles de Triumphance, une première. Tu as aimé ça ?
Oui ! Au départ, je voulais demander à quelqu’un de toaster [du parlé-chanté, très rythmé et à la mélodie souvent monotone, sur les musiques reggae, dub, ragga, ndlr] – mais la personne n’était pas disponible. Kwes [son co-producteur] m’a suggéré de le faire moi-même. J’ai essayé, et c’est sorti comme une entrée de journal intime. Tout ce que j’avais en tête est ressorti, d’une façon que l’instrumental ne permettait pas.

Un des grands changements de cet album, c’est l’ajout des cordes dans ta musique. Pourquoi ce choix ? 
J’ai appris à écrire pour les cordes, et c’était un vrai défi. J’ai voulu le faire moi-même car j’avais déjà un son en tête. Le transmettre à quelqu’un d’autre aurait été très compliqué. Au départ, c’était juste pour un morceau, puis c’est devenu plus de la moitié de l’album. C’était une floraison d’idées, une nouvelle palette sonore.

Pour Source, vous aviez tout enregistré en groupe et en live, alors que pour Odyssey vous avez tout fait séparément. Qu’est-ce que cela a changé ?
Oui, pour Source on a enregistré tous ensemble, ce qui crée de la diaphonie ou « mic bleed »,et l’a rendu difficile à remixer. Pour Odyssey, je voulais que tout soit enregistré séparément pour avoir la possibilité de faire des remixes plus tard. J’ai aussi pris un rôle plus affirmé dans la production ; j’avais une vision précise du son. Et le résultat sonne exactement comme je le voulais. Le changement entre Source et Odyssey vient de tout ce que j’ai appris entre les deux albums.

ENTRETIEN RÉALISÉ ET TRADUIT PAR LAVINIA SCOTT

Au programme du Marseille Jazz des Cinq Continents :

1er juillet : Marie Carnage ; Poetic Ways & Divertimento, Centre de la Vieille Charité
2 juillet : Youn Sun Nah ; Salma Quartet, Centre de la Vieille Charité
3 juillet : Coline Siméone ; Nubya Garcia, Centre de la Vieille Charité
4 juillet : Tigran Hamasyan, La Citadelle 
5 juillet : Antonion Lizana ; Ludivine Issambourg, Théâtre de la Sucrière
8 juillet : Jeff Mills & Emile Parisien 4tet ; Angles Morts, Friche la Belle de Mai 
9 juillet : Caravan Palace ; Mino Cinelu, Théâtre Silvain
10 juillet : Sophye Soliveau ; Thee Sacred Souls, Théâtre Silvain
11 juillet : Anne Paceo ; Kokoroko, Théâtre Silvain
12 juillet : Erik Truffaz ; Dee Dee Bridgewater, Théâtre Silvain
13 juillet : Alune Wade ; Jocelyne Béroard & Tony Chasseur, Théâtre Silvain

Un article complet sur le Marseille Jazz des Cinq Continents est à lire dans notre premier magazine de l’été paru le 13 juin, et toujours disponible en kiosques. 

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Châteauvallon contre le fascisme

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châteauvallon
Charles Berling © Vincent Berenger

Zébuline. Vous commencez votre Festival d’été par un parcours qui retrace les 60 ans du lieu. Pourquoi célébrer cette mémoire ? 

Charles Berling. Parce qu’elle est importante. Ce lieu est né dans les années 1960, dans la lignée des festivals qui ont démocratisé la culture au sortir de la guerre. Un lieu qui a été pour moi un phare dès l’âge de 13 ans, j’y ai écouté du jazz, j’y ai découvert la danse contemporaine. Aujourd’hui nous fêtons les 60 ans d’une utopie politique faite pour augmenter nos capacités d’émotion et de réflexion. 

Est-elle devenue une réalité ?

En un sens oui. Cette cité des arts, de la science et de la nature était une anticipation de l’idéal de décloisonnement d’aujourd’hui. Elle est partie de presque rien, de l’amitié de deux couples…

Le peintre Henri Komatis et le journaliste Gérard Paquet, et leurs femmes, qui ont découvert et restauré la bastide initiale dans la pinède

Avec les citoyens qui ont fabriqué ce site de façon empirique et amoureuse, en particulier l’amphithéâtre. Ce lieu symbolise ce qu’il faut absolument garder : le passionnel, l’âme, l’esprit, la liberté.

Et qui est en danger ? 

Oui, c’est aujourd’hui violemment attaqué, nous restons sans remparts contre le productivisme et le totalitarisme. 

Le Front national qui a gagné les municipales en 1995 a mis fin à cette utopie… 

Oui, il a voulu détruire cette liberté de penser. C’est la même lutte qui est à l’œuvre aujourd’hui. Je ne sais pas ce qui va se passer dans l’agglomération toulonnaise mais nous devons absolument regrouper nos forces républicaines et ne pas laisser le RN reprendre la ville. 

La ville, l’agglomération, le département, la région, le danger du RN est partout… Que ferez-vous s’il accède au pourvoir ?

Je ne sais pas. Est-ce que je partirai, est-ce que je resterai pour lutter, il est trop tôt pour le dire.  Mais je sais deux choses : je résisterai jusqu’au bout pour que cela n’advienne pas. Et je continuerai à dialoguer avec ceux qui votent pour lui et ne savent pas ce qu’ils font. Mais le RN n’est pas le seul en cause dans ma peur du futur. 

C’est-à-dire ? 

La droite aussi veut détruire le service public de la culture. Ici on a 50 personnes qui travaillent à créer des liens. Les salles sont pleines, la population aime ce que nous faisons, mais la Région nous enlève 10%, le Département du Var aussi, et les autres depuis notre création n’ont pas indexé nos subventions. Ce qui fait que nous perdons 2 à 3 % par an. 

Pour quelle raison ? 

La classe politique est totalement désorientée. Je ne sens pas non plus à gauche, aujourd’hui, une conscience de l’importance de ce que nous faisons. Carole Delga elle aussi baisse les subventionsde 10 % en Occitanie. Je suis très inquiet pour l’avenir. 

Et en même temps… je suis très confiant dans le travail de fond que l’on fait ici. Nous avons restitué l’histoire de Léon Blum avec un succès unanime, nous avons emmené 30 jeunes issus de la diversité – je déteste ce mot – à Buchenwald pour travailler des textes de Semprun. Non les musulmans ne sont pas antisémites, ils sont émus par cette histoire et la rendent avec une incroyable émotion, pour peu qu’on leur donne la parole. C’est ce que nous faisons…

Les formes participatives sont de plus en plus nombreuses dans votre programmation… 

Oui, nous faisons un film avec des enfants qui se projettent sur 60 ans d’avenir. Nous apportons énormément à cette société qui croit que nous lui coûtons, et qui cède notre mémoire et nos arts à la voracité des Gafam qui nous décervellent. La culture publique est la seule à lutter contre les amalgames abrutissants de l’industrie du divertissement. Il faut relire Hannah Arendt, il faut retourner à cette pensée qui nous éclaire…

Vous avez fait un spectacle sur la philosophe. Que nous apprend-elle ?

Que le divertissement étourdit. Qu’un discours haineux simpliste est terriblement plus efficace pour convaincre qu’une pensée articulée et dialectique. Que les démocraties ne se battent pas à armes égales contre le fascisme. Hélas, on vit aujourd’hui des parallèles troublants avec cette époque.

ENTRETIEN REALISE PAR AGNES FRESCHEL

Festival d’été de Châteauvallon
Du 26 juin au 29 juillet

Soirée d’inauguration
Le 27 juin

Norma
Le 26 et 28 juin

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« Once upon a Time In Gaza » : à Gaza, on ne choisit pas son histoire

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@Dulac Distribution

On ne sait pas si les réalisateurs gazaouis auraient eu le courage de l’humour, même caustique, qui caractérise leur cinéma et ce dernier opus, si leur film avait été conçu après le 7 octobre. La comédie -même noire, dans la tragédie absolue aurait-elle encore pu se glisser là ? Les mots hallucinants de Trump, imaginant la Bande de Gaza  en « riviera du Moyen Orient », entendus en voix off au début du film, ont été ajoutés après le tournage. Mais face à la croisade exterminatrice menée par le gouvernement Netanyahu après le massacre perpétré par le Hamas, on ne peut même plus en rire.

Ironiquement, ce délire du 47è président des USA, relie le film palestinien à l’Amérique, et à son cinéma dont Arab et Tarzan Nasser utilisent les codes, affirmant leur cinéphilie tout en dynamitant de l’intérieur ses mythes et son idéologie. Once upon a Time in Gaza sera donc tour à tour un western, un polar, un film de guerre, mais aussi une comédie satirique, un conte philosophique et un pastiche.

Nous sommes en 2007. A Gaza. Le Hamas vient de prendre le pouvoir. Le blocus israélien s’est mis en place. Pour la population, un nouveau quotidien : des immeubles qui explosent sous les bombes; des enterrements de martyres mis en scène : drapeaux palestiniens dressés, photos grand format des défunts brandis par une foule encadrée de combattants qui mitraillent le ciel. Pénurie, inflation, interdictions d’aller en Israël même pour voir ses proches sans autorisation, propagande du gouvernement à la télé et dans les journaux; petits arrangements pour survivre. Aux plans larges de l’Histoire, s’opposent ceux plus resserrés plus intimes de ce quotidien-là, à hauteur d’hommes.

Fiction et balles réelles

Yahya (Nader Abd Alhay), étudiant, rêveur, sans grande assurance rencontre Ossama (Majd Eid), un homme plus âgé, grande gueule et peu enclin à se laisser marcher sur les pieds. Ossama engage le jeune homme dans son petit snack où certains falafels sont garnis de pilules anti-douleurs. Ordonnances volées, petit trafic modeste et « artisanal » qui ne les enrichit guère mais leur fait croiser la route de Abou Sami (Ramzi Maqdisi ), un flic palestinien ripou, chéri par sa hiérarchie. Ossama connait le passé corrompu de Sami qui va l’éliminer.

Plus tard, Yahya est casté pour tenir le rôle principal dans Le Rebelle un film commandé par le Ministère de la Culture (et de la propagande) afin de glorifier la résistance contre l’ennemi sioniste. Ce sera « le premier film d’action produit dans la bande de Gaza ». Pendant le tournage, Yahya croise à nouveau Sami plus puissant que jamais. Le néo-acteur jusqu’alors faible et pleutre, devenu à l’écran un Rambo palestinien, va se transformer en vengeur impitoyable. Les réalisateurs s’amusent de l’intention du Hamas de créer un Gazahood, de ce tournage sans moyens – puisqu’on y tire à balles réelles faute de pouvoir s’offrir des effets spéciaux, de la fabrique du héros au cinéma et en politique.

Ils choisissent, railleurs, ce titre, Le Rebelle, référence au chef d’œuvre de King Vidor, chantre de l’individualisme. Dans Il était une fois à Gaza, les écrans se multiplient comme pour feuilleter le réel et lui rendre, sans manichéisme, sa complexité. Il n’y a pas de rôles féminins dans ce scénario dans lequel la seule chose qui semble échapper à toute raillerie, et laisser un peu d’espoir, demeure l’amitié entre deux hommes, qui n’avaient pas choisi leur histoire.

ELISE PADOVANI

Once upon a Time in Gaza, Arab et Tarzan Nasser

Le film était en compétition à Cannes, Section Un Certain regard. Il a obtenu le Prix de la Mise en scène.

En salles le 25 juin