vendredi 4 juillet 2025
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Zingaro : 40 ans à cheval 

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Zingaro © X-DR

Ce sont 110 photos, signées d’Alain Sauvan, Alfons Alt et Antoine Poupel, qui sont exposées au premier étage du Musée Ziem. Trois photographes qui entretiennent des liens privilégiés avec le théâtre Zingaro et son créateur, Bartabas, metteur en scène et écuyer, réalisateur et auteur, inventeur au début des années 1980 d’une forme de spectacle équestre poétique et esthétique, qui depuis a fait des petits. 

Trois salles, trois regards

Alain Sauvan, est le premier photographe « officiel » de Zingaro, de 1979 à 1985. Ses photographies, en noir et blanc, exposées dans un petit espace circulaire, documentent la vie de la troupe par des séries d’une dizaine de clichés liés à des lieux : Avignon, Arènes et friche AGEI de Nîmes, Camargue, terrain vague Jaurès à Paris. On y voit en plans larges ou serrés des instants de travail et du quotidien, des poses de troupe ou de famille, et on y sent une énergie et une détermination sans faille. Parmi d’autres, Bartabas, au regard intense, quelquefois souriant, en compagnie de sa femme, leur bébé et leur faucon, et quelques mises en scène acrobatiques, notamment un cheval monté par le maître des lieux sautant au milieu des membres de la troupe et au-dessus d’une table d’un repas en cours.

Antoine Poupel a lui photographié les spectacles de la compagnie entre 1994 et 2015 : Chimère, Eclipse, Triptyk, Loungta, Battuta, Darshan, Calacas et On achève bien les anges (élégies). Sa trentaine de photographies couleurs, sur lesquelles il intervient avec des rajouts de pastel, accentuent le caractère d’apparitions fugaces oniriques, fantastiques, épiques des scènes conçues par Bartabas. Quant à Alfons Alt, qui accompagne la troupe depuis le début des années 1980, une trentaine de ses « altotypes », selon le nom qu’il a donné à son procédé de fabrication (conjuguant photographie, gravure et peinture) occupent les murs de la troisième salle. De grands et petits formats, aux accents temporels dix-neuvièmistes, proposant la plupart du temps des portraits, posés ou capturés sur l’instant, en noir et blanc sur fonds de couleurs, de membres de la troupe, faisant corps avec les chevaux et autres animaux de la famille Zingaro.

MARC VOIRY

Zingaro
Jusqu’au 9 mars
Musée Ziem, Martigues

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[Berlinale 2025] : « 1001 Frames », terreur sur un plateau

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Le personnage de Shéhérazade hante la réalisatrice irano-américaine Mehrnoush Alia. Elle en avait fait le sujet d’un court métrage en 2015. On retrouve en 2025, la princesse persane à Berlin dans son premier long métrage, en compétition, Section Panorama sous le titre anglais : 1001 frames (1001 cadres). Un film au dispositif radical construit en trompe l’œil, dans un crescendo dramatique, proche de celui d’un thriller.

Un réalisateur célèbre Mohammad Aghebati s’occupe du casting de son film Shéhérazade. Il veut croiser les genres du merveilleux et de l’horreur. Rien de bien surprenant si on y réfléchit ! Si Shéhérazade prend l’ascendant sur le Sultan par son intelligence et la puissance de ses récits, elle ne fait que repousser, nuit après nuit, la mort promise. Avant elle, d’autres jeunes femmes ont été sacrifiées après avoir été déflorées par le cruel souverain omnipotent.

Alia filme le décor nu d’un studio. Sol de béton, câbles, échelles et échafaudages. Au milieu du cadre, une chaise sur laquelle vont s’asseoir successivement les jeunes candidates au rôle des Vierges mortes et deux actrices plus âgées –l’ex femme et une amie du réalisateur. Celui-ci reste hors champ. A peine entrevoit-on sa jambe et son bras au 2/3 du film. On entend sa voix, ses questions, ses ordres : sourire, pleurer, se tourner, se voiler, vider son sac, se mettre à quatre pattes, faire le chat, la grenouille… Les jeunes auditionnées prêtes à tout pour obtenir un rôle se soumettent. Mais devant des directives de plus en plus dérangeantes qui leur sont données, questionnent, demandent justification, se rebellent. Le casting, ici, est non seulement le sujet du film mais le film lui-même. On se met à douter de ce qu’on voit. Est-ce vrai ? Est-ce une représentation du réel, comme un enregistrement documentaire à charge de véritables auditions ? Ou le réalisateur interprété par le vrai Mohammad Aghebati, acteur, metteur en scène reconnu, et partenaire de la production du film d’Alia, joue-t-il à jouer ? Est-ce du théâtre dans le théâtre ? Et les candidates sont-elles complices ou ignorantes du subterfuge ?

La réalisatrice donne à voir une manipulation malsaine et met en scène le pouvoir autocratique d’un homme, associé en filigrane au pouvoir des hommes en général dans l’Iran contemporain comme dans celui des Mille et une Nuits. Et au-delà des frontières de l’Iran, au passé comme au présent. Jouant sur l’échelle des plans fixes, elle fait ressentir l’oppression subie par ces femmes, de plus en plus violente, faisant naître chez le spectateur horreur et empathie.

ELISE PADOVANI

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Couper la parole 

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Dans le petit bourg montagnard de C., isolé du reste du monde pendant l’hiver, les habitants ne reçoivent pas de nom propre, mais une « appellation » définissant leur « occupation » : Passeur, Aventurier, Écrivain, Fossoyeur, etc. L’individu n’est identifié que par rapport à sa contribution au Tout. L’organisation de la société repose sur la Destitution, quand un plus jeune met au défi un plus ancien, afin de le remplacer, sous la forme d’un combat à mort. 

Dans cet univers clos, la question de la survie n’est jamais loin, et les individus, en mal de sens et de lien, sont à la fois équivalents et étrangers les uns aux autres, ainsi qu’à eux-mêmes. Or, des vestiges d’un Ancien Langage, attestent d’un passé lointain où les individus recevaient un nom, communiquaient entre eux et dans lequel la Destitution n’existait pas. Un mystérieux personnage, informé de la lettre et de l’esprit de ce langage, revient à C., après trente ans d’absence. Quel sera le sens de ce retour ? De quoi témoignera-il ?

Un récit à deux vitesses

Le propos du roman reflète les préoccupations de l’autrice, diplômée en langues romanes et en sciences politiques, mais sous la forme d’un récit haletant et immersif. La prose est subtilement rythmée, l’écriture se faisant source d’énergie, puisant peut-être dans celle de l’Ancien Langage… Un rythme rapide et précis rend compte des interactions les plus directes entre les personnages et leur milieu de vie, la poésie surgissant d’une description sensorielle de la nature, la crudité d’une description anatomique et concrète des corps. 

Un rythme lent leste les mots du poids de la tradition, celle d’une société qui n’avance pas, soumise à la seule rotation des Destitutions. Il traduit l’errance intérieure de personnages en quête de sens et de conscience. Ce rythme lent traduit également la naissance et la persistance du sentiment amoureux, éprouvé intensément, qui peut-être plus que l’Ancien Langage, est la véritable clé… mais le saura-t-on ? 

FLORENCE LETHURGEZ

La Saison du silence, Claire Mathot
Actes Sud – 18 €
Paru le 2 janvier

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Portrait d’un jeune exilé 

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Le titre du livre, Je ne voulais pas partir, va volontairement à l’encontre des représentations malheureusement répandues de l’exil comme choix motivé par la commodité ou l’argent facile. Le jeune Abdoulaye est contraint de quitter sa ville natale pour des raisons familiales, entrelacées à la situation politique en Guinée : après la mort soudaine de ses parents, son demi-frère, proche du pouvoir en place, menace de l’assassiner. 

Le jeune homme raconte le périple qui l’a conduit en France, un peu par hasard, et les multiples drames survenus sur la route : l’épuisant trajet au milieu du désert, les prisons libyennes, la traversée de la Méditerranée à bord d’une embarcation surchargée, les tentatives d’échapper aux garde-côtes financés par l’Union européenne pour repousser les personnes migrantes…

Un témoignage salutaire

Cette narration constitue un témoignage poignant d’un parcours qui est malheureusement semblable à celui de beaucoup d’autres, de toutes origines, comme s’en étonne Abdoulaye Soumah. Il mérite d’être lu, partagé, discuté, pour aboutir à une meilleure compréhension de la situation des personnes exilées et à une prise de conscience de la nécessité d’agir. La postface, écrite par l’un des membres de l’association qui a accueilli le jeune homme dans les Cévennes, prend le relais de l’auteur pour évoquer les difficultés administratives et judiciaires auxquelles il a dû faire face des mois durant. Abdoulaye vit et travaille aujourd’hui non loin de Marseille. 

GABRIELLE BONNET

Je ne voulais pas partir, Abdoulaye Soumah
Grasset – 17 €
Paru le 15 janvier 

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Les fils perdus

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Le début et la fin du roman se déroulent le même jour. Entre les deux, dix-sept années sont évoquées, chargées de moments heureux et de douleurs. C’est dans le désordre que Nasim Marashi retrace les épisodes de la vie d’un couple heureux, que le désastre de la guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988) a peu à peu précipité dans une irrémédiable désespérance. 

Le récit est fractionné, présent et souvenirs du passé se succèdent sans transitions, au rythme des événements, des morts et des souvenirs de Naval, mère meurtrie, et de son mari, Rassoul, déboussolé. Aussi un retour dans les pages se fait-il parfois nécessaire pour reconstituer la chronologie et éclairer peu à peu l’enchaînement des événements… Rassoul et leur fils Mahziar arrivent dans une zone de marais pour rejoindre un village uniquement habité par des femmes, qui essaient de survivre au milieu de palmiers calcinés et de bufflones estropiées. Naval y a trouvé refuge, effondrée par la mort de son premier fils de trois ans tombé sous un bombardement à Khorramcharh, et jamais vraiment rétablie malgré la naissance d’autres enfants. Rassoul veut la faire revenir dans leur foyer pour tenter de reconstruire une vie familiale.

« Sortir du cercle de la mort »

Naval avait voulu un autre fils « pour remplacer tous les hommes que la guerre lui avait pris ». Mais à la naissance de Mahziar, elle l’avait repoussé. Perdue, presque folle, elle s’enfuit dans le village des femmes, y trouve un apaisement en veillant à la repousse des palmiers, tandis que Rassoul, aidé de sa mère et de ses sœurs, veille à l’éducation des enfants… Nasim Marashi offre avec ce récit de vies blessées une parabole qui montre comment la politique bouleverse les existences en dressant deux portraits attachants dans un roman bouleversant, très maîtrisé.

CHRIS BOURGUE

La mère des palmiers de Nasim Marashi
Traduit du persan par Julie Devigneau
Zulma - 22 €

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La Belle Hélène : un opéra-bouffe avec à boire et à manger 

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La Belle Hélène © Christian Dresse

Dès son ouverture, La Belle Hélène porte fièrement ses couleurs, certesun brin délavées. L’opus a de quoi séduire : argument malicieux, partition pétillante et livret délicieusement absurde. L’orchestre, jovial, inspiré mais parfois flottant, se met vite au diapason de la direction engagée de Didier Benetti. Direction qui fait notamment honneur à la belle prestation du Chœur Phocéen, dont les interventions invariablement burlesques demeureront audibles et compréhensibles quasiment tout du long, et ce malgré l’absence de surtitres. Le chœur demeurant un élément crucial de cette machine à tubes s’apparentant avant tout à une farce : il commente avec délice les actions, tourments et questionnements de personnages bien peu crédibles ou admirables. 

C’est qu’on demeure ici sur le terrain familier de l’opéra-bouffe : voix enjouées, gags fréquents, entrées et sorties de scène tonitruantes. La mise en scène de Bernard Pisani accuse un peu son âge, surtout dans son (non- ?)choix de costumes et de décors. Toges, sandales ailées, colonnes en carton-pâte attestent ici d’un choix de tourner la monumentalité du mythe en ridicule, à l’instar d’Offenbach lui-même ; mais le tout finit par manquer du panache nécessaire. La faute à une distribution, ou surtout à une direction d’acteurs, trop ronronnante ? 

Hélène version cagole

Mais les bonnes surprises sont nombreuses. Frédéric Cornille incarne notamment un Achille plus balourd que belliqueux. Son interprétation pleine d’énergie, alliant puissance et brio comique, fait de son personnage un adorable mélange d’héroïsme et de parodie. Laurence Janot campe sans peine une Hélène phénoménalement cagolesque, surmaquillée, minaudière, poseuse et insolente, mais encore en maîtrise de sa voix vibrante et généreuse. Et puis, il y a le ténor de rigueur, le fringant Pâris – un Matthieu Justine vocalement solide mais théâtralement coincé dans une caractérisation d’un autre âge, et privé d’une fantaisie qu’il semble pourtant posséder. Marc Barrard (Agamemnon) et Philippe Ermelier (Calchas) cabotinent avec plus ou moins de grâce, mais rappellent à leur tour la solidité et la rondeur de leurs instruments.

SUZANNE CANESSA

Spectacle donné les 22 et 23 février au Théâtre de l’Odéon, Marseille.

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La Criée : « Cru, violent et consanguin comme le capitalisme »

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Célébration © Hervé Bellamy

Zébuline. Vous venez de créer Célébration à Besançon, et vous le jouez à La Criée. Pourquoi le choix de cette pièce d’Harold Pinter ? 

Hubert Colas. C’est un projet ancien. Célébration est la dernière pièce de Pinter. Il l’a écrite en 1999, un an avant sa mort. Après mon travail sur Martin Crimp, qui a une filiation évidente avec Pinter, il y a une quinzaine d’années, la Comédie-Française et le Festival d’Avignon m’avaient proposé une production commune de la pièce. Les directions ont changé, la production ne s’est pas faite, mais j’en ai gardé l’idée. Que je trouve particulièrement actuelle aujourd’hui. 

Vous avez donc commencé par commander une nouvelle traduction…

Oui, la traduction de 2000 était une production de son époque, avec certaines minéralités. Louise Bartlett, qui est aussi la traductrice de Kae Tempest par exemple, rend la langue de Pinter plus directe et vivante. D’autant qu’elle a travaillé avec les acteurs l’oralité du français. 

En dehors de cette traduction, en quoi cette pièce est elle plus « actuelle » qu’il y a 25 ans ? 

Le rapport au public est facile, l’auteur Pinter est connu, Prix Nobel, le public français a une idée floue de son théâtre mais connaît son nom davantage que ceux des auteurs que j’ai pu mettre en scène. Cette popularité permet d’être très directement politique : la pièce répond aujourd’hui à la violente reprise en main du monde par le capitalisme sauvage, et à la part belle qui lui est faite dans les discours, et en politique, partout dans le monde. En plus de ce sujet très actuel, et de façon moins consciente sans doute, Pinter pointe les rapports d’assujettissement des femmes. C’est écrit avant #Metoo, le masculinisme n’est pas dénoncé explicitement, mais on le voit à l’œuvre dans le comportement des couples. La seule égalité que les femmes revendiquent est celle que les hommes énoncent, et qui les enferme dans des stéréotypes de femmes bourgeoises et dans un schéma violemment patriarcal. 

Comment ce capitalisme sauvage est-il, consciemment donc, dénoncé ? 

Ce sont trois couples bourgeois qui sont au restaurant. Un jeune couple qui vient tenter de se réconcilier, et un couple de nantis qui fête son anniversaire de mariage avec un autre couple. C’est tout de suite cru, violent et consanguin, comme le capitalisme. Ils sont entourés de trois serveurs qui illustrent aussi, de l’autre côté, la domination de classe. Nous avons accentué l’importance de ces trois figures de serveurs, en particulier dans le prologue.

Comment ? 

Vous verrez, j’aimerais bien que cela demeure un surprise… Mais pour mettre en évidence que ces relations relèvent d’un schéma général, d’un ordre social artificiel, nous jouons tout cela comme un jeu de rôles que des acteurs endossent, faisant alterner non des personnages mais des figures : ils arrivent en tant qu’acteurs pour dénoncer l’ordre capitaliste à l’œuvre.

Vous dites « nous », et vos acteurs fétiches, Thierry Raynaut, Manuel Vallade, Isabelle Mouchard… ont collaboré à la traduction. Dans quelle mesure ce travail est-il collectif ? 

Toute création au théâtre est collective, avec un fil que le metteur en scène tient mais de fait les écritures du texte et de scène se croisent, le jeu s’en mêle et change, l’espace et la musique aussi…  

Vous avez mis en scène Sarah Kane, Martin Crimp, Shakespeare, Pinter…  Avez vous une affinité particulière avec le théâtre anglais ? 

Non je ne crois pas [un temps] mais peut être oui, en fait ! Sans doute un humour, même dans Shakespeare. Et une solitude par rapport au monde, un isolement mal compris par ceux qui le vivent, auquel je suis sensible.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Célébration
Du 27 février au 1er mars 
Salle Ouranos, La Criée
Dans le cadre de la programmation du Théâtre du Gymnase hors les murs.

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Le Makeda fête ses 5 ans   

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© Keuj

Il y a cinq ans, on était en 2019, à quelques mois du début de la pandémie. Pas facile de lancer une nouvelle aventure musicale et festive dans ces conditions. Mais un quinquennat plus tard, le Makeda est toujours là, toujours tenu par son duo féminin Francine Ouedraogo Bonnot /Aude Straub, et la salle du centre ville de Marseille a bien l’intention de fêter ça. Du 2 au 15 mars, concerts, tables rondes, ateliers, performances, exposition… se bousculent à l’affiche. 

Taper le carton 

C’est par un bingo que le Makeda a choisi de lancer les festivités le 2 mars. Mais attention, il ne s’agit pas de rester sagement derrière son carton à attendre que le boulier selle votre destin, ici il sera animé par le collectif drag House of belles plantes, qui promet show et DJ set, le tout sous le signe de la lutte pour les droits des femmes [Lire ici].

Après le bingo, la danse. Le 4 mars, dès 17 heures 30, une table ronde s’intéressera au geste chorégraphique « comme outil de ré-appropriation du corps » avec les artistes Yanaka Saint Laurent, Bérénice Menteyne et Poom Poom. La suite, une initiation au waacking, cette danse née dans les clubs LGBT américains des années 1970, et enfin un DJ set signé Pipa Wave, artiste hip-hop aux accents afro-caribéen (de quoi bien mettre en pratique les leçons apprises).  

L’anniversaire est aussi ponctué par une série de concerts, avec la brutal pop de Sun (5 mars), la chanteuse rock américain Shannon Wright (6 mars), ou Mathilde le 14 mars. On note aussi une session de roller-disco le 15 à la Friche la Belle de Mai ou encore l’exposition intitulée Le Makeda sort ses elles, à découvrir dès le 3 mars. 

NICOLAS SANTUCCI 

Le High-Five du Makeda
Du 2 au 15 mars
Marseille
lemakeda.com

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Le narcotrafic, au passé

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© X-DR

Le personnage que campe Belkacem Tir, mis en scène par Dominique Sicilia (Éclosion13), évoque l’itinéraire d’un jeune fils d’immigrés, né dans les cités de transit des années 1960 puis habitant d’une HLM des quartiers Nord de Marseille. Il revient sur le récit sensible et brut d’une période où le rejet prend la forme des contrôles au faciès et conjugue au quotidien violences et micro-agressions. Une France des années 1980, où l’immigration est perçue comme une présence temporaire. En résonance au récit, la musique rythme le flow de cette génération, avec funk et disco plutôt que rap, sous la batterie d’Ahmad Compaoré

Des représentants des forces de l’ordre, à ceux de l’éducation nationale (l’instituteur est inspiré de Jean-Bruno Finochietti, l’enseignant impliqué dans l’affaire de la tuerie d’Auriol de 1981), aucune institution n’accorde de répit aux jeunes des cités, que l’on préfère circonscrire à leur quartier, avec la volonté féroce de les encadrer pour ne les croiser ni sur les plages, ni dans les cinémas et autres espaces culturels ou de loisirs. 

Immigration et délinquance

À 17 ans, c’est le premier braquage au côté de son frère Shems, plus jeune délinquant des Baumettes, qui lui offre sa première poussée d’adrénaline. Une première occasion d’échapper aux « condés ». Le business s’installe ensuite dans l’euphorie des premières entrées de cash. L’inévitable case prison sera l’occasion d’écrire, de revenir sur un parcours symptomatique. 

Le sentiment d’injustice d’une génération sacrifiée ne doit rien à l’engrenage délinquant : après la guerre d’Algérie, la société française traite « l’arabe » par un apartheid social et mental importé du modèle colonial. On s’interroge cependant : le récit intimiste élargit peu à la question collective et revient sur la réalité des années 1980 où le narcotrafic gagne les cités d’habitat populaires. Bien loin de l’actualité que connaissent les jeunes d’aujourd’hui, enrôlés à 12 ans dans des mafias hyper violentes. Un Combat d’arrière-garde ? 

SAMIA CHABANI

Combat
Jusqu’au 28 février  
Friche la Belle de Mai, Marseille

15 mars
La Distillerie, Aubagne

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Les Suds multiples du Philharmonique

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© A.F.

Il est quelques partitions que les chefs redoutent. Les difficultés rythmiques de Stravinsky peuvent en faire partie, ou au contraire les équilibres fragiles de Ravel, les galopades endiablées de De Falla. Valentin Uryupin, délaissant sa baguette quand l’orchestre se réduit, donnant des indications caressantes aux solistes, ouvrant grand les bras pour animer Petrouchka, a fait sonner l’orchestre en force et en nuances, en élans collectifs et en soli merveilleux, faisant naître un plaisir visible sur le visage de chaque instrumentiste. 

Il faut dire que le programme était particulièrement bien conçu, reposant sur des pièces écrites au début du XXe siècle, par des compositeurs regardant chacun vers son Sud. Manuel de Falla fait sonner son Andalousie dans le Tricorne, écrit pour les Ballets russes en 1919 et dont la Suite en trois parties a donné le ton d’un concert haut en couleurs sonores. 

La soprano Marina Monzó vient ensuite pigmenter encore ces paysages, entre France et Espagne : la sublime Vocalise de Ravel fait entendre, sans parole, l’attrait du français pour la habanera et les timbres ensoleillés ; Les quatre chansons françaises de Britten, composées lorsqu’il étaitado et épris de poésie française (Hugo, Verlaine…), font preuve d’une maîtrise orchestrale étonnante ; les Cuatro madrigales amatorio de Joaquin Rodrigo retournent en Espagne, avec des souvenirs baroques et une modernité retenue, tandis que Les Filles de Cadix de Léo Delibes couronnent ce voyage en Andalousie d’espagnolades flamboyantes débordant d’exotisme débridé. La soprano de Valencia, à l’aise dans ces zones frontalières géographiques et musicales, captive l’émotion de la salle de ses aigus clairs et sonores, et de sa magnifique conduite des phrases, dans chacun des registres… 

Mais le clou du concert est sans aucun doute le Petrouchka, composé par Stravinsky à Paris pour les Ballets russes. La formidable modernité de ce ballet à argument écrit entre L’Oiseau de Feu et le Sacre du Printemps étonnetoujours, plus d’un siècle après son écriture. Les collages, les citations et réminiscences, les parties solistes acrobatiques, les polyrythmies, les tritons du diable et les quartes augmentées… inscrivent la musique dans un autre espace, un autre temps, que les pièces précédentes. Le pantin Petrouchka grince, se bat, aime, les forces s’affrontent, les récits perdent pied et le combat devient épique et jubilatoire. Toute la force d’un magnifique orchestre, sur scène, applaudi à tout rompre par une salle pleine d’un public renouvelé !

AGNÈS FRESCHEL

Le concert de l’orchestre philharmonique de Marseille a été joué le 26 février à l’Opéra.

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