LESBICEPS : Le choc des gaté·es : l’événement, organisé par Morgane Sanspeur et Cix Trinh Dinh tous·tes deux employé·e·s au Centre LGBTQIA+ de Marseille, est inspiré des concours de bras de fer de la Mutinerie à Paris et du collectif La gouine de fer. Il consistait samedi, en une suite de concours et compétitions acharnées, visant à désigner les champion·nes de bièrepong/softpong et babyfoot locales, la·e propriétaire du plus beau mousqueton « celui qui brille, celui qui tient bon sous la tempête », et la·e gagnant·e des convoitées Clé-à-molette-à-paillettes et Boucle d’oreille à boulons, prix du fameux concours de bras de fer et clou de la soirée.
Adressé à un vaste public trans-pédé-gouine-queer+, Lesbiceps avait de quoi marquer les esprits. En s’emparant d’un stéréotype de l’imagerie viriliste, ces olympiades célébraient pour la première fois, dans une ville hyper-dominée par l’engouement sportif masculin, la force des corps féminins, minorisés, trans, pédé, queer, et leur absolue capacité à susciter l’enthousiasme de la foule.
Bientôt le classico
Les hurlements admiratifs provenaient d’un public de plusieurs générations de queers, et qui comptait également leur lot d’hommes cis blancs, pédés ou arrivés là peut-être par hasard, eux aussi décidément emportés par la rage de voir leur compétitrice favorite vaincre d’une poigne de fer. L’exceptionnel succès de Lesbiceps tient évidemment à la qualité de son organisation et de son accueil au centre LGBTQIA+, mais également à son grand pouvoir de réappropriation et de réparation pour tous·tes les participant·es et spectateu·ices. L’événement, devenu incontournable du premier coup, comptera sans le moindre doute de nouvelles éditions. Dont un classico Marseille Paris bientôt !
NEMO TURBANT
LESBICEPS : Le choc des gaté·es a eu lieu le 22 février au Centre LGBTQIA+ de Marseille.
I agries meres mas/ Nos jours sauvages de Vasilis Kekatos
C’est dans une station service que se produit pour Chloé une rencontre qui va changer sa vie dans le film de Vasilis Kekatos : un lieu que le cinéaste doit apprécier : le même que dans son court métrage, La distance entre le ciel et nous, Palme d’Or du court métrage à Cannes en 2019. Chloe ( lumineuse Daphné Patakia) la vingtaine, quitte la maison, de nuit, après une grave dispute familiale. Elle décide d’aller voir sa sœur à Evros Elle est prise en voiture par un homme qui ne lui veut pas vraiment du bien. Enfermée dans le véhicule, lors d’une pause, elle est sauvée par Sofia (Eva Samioti) et ses amis qui vivent dans un mobil home. Elle s’embarque avec eux le long des routes grecques. Ils sont jeunes, font la fête, boivent, dansent. Ils sont libres et au fil des villages traversés, lavent le linge des pauvres dans les machines qu’ils ont installées dans leur camping-car. Chloé apprend peu à peu les rituels de cette tribu qui devient la sienne : faire les loups dans la forêt, subtiliser des objets dans des maisons inhabitées, se baigner nus. Tombée amoureuse de l’un des garçons, Aris (Nikolakis Zegkinoglou) elle va vivre un premier chagrin d’amour. Sa sœur, enceinte, qu’elle retrouve à Evros, désapprouve complètement la vie qu’elle s’est choisie. Un film à la fois joyeux grâce aux images remplies de couleurs, à la chaleur du groupe, à la force de l’amitié, à la musique de Kostis Maraveyas mais aussi plein de la mélancolie d’un road movie qui va se terminer un jour.
O ultimo azul/The Blue Trail de Gabriel Mascaro
Dans une petite ville d’Amazonie Téresa 77 ans qui a toujours travaillé et a élevé sa fille, apprend qu’elle est licenciée. Elle a atteint l’âge limite : le gouvernement impose aux personnes de plus de 75 ans d’aller vivre dans une colonie isolée pour personnes âgées. Pas question pour Teresa d’accepter ce destin imposé ; elle a un rêve : prendre l’avion ; cela se révèle plus difficile que prévu : pour prendre un billet pour n’importe où, il lui faut l’autorisation de sa fille qui ne la lui donne pas. Pas question de baisser les bras. Embarquée dans une voiture fourrière jusqu’au bus de transport, munie d’un joli sac à dos fourni aux personnes âgées de la colonie et rempli de couches pour adultes, elle s’échappe pour tenter de ivre son rêve : voler. Elle a appris qu’elle pouvait trouver un vol illégal à Itacoatiara. Il lui reste à trouver un « passeur ». Ce sera Cadu (Rodrigo Santoro) un marin étrange. Quand il trouve un escargot dont la bave bleue, utilisée comme collyre éclairerait le chemin vers l’avenir, il l’essaye, devient brûlant de fièvre et ne peut plus diriger l’embarcation. Téresa apprend vite et prend le gouvernail quand la voie est libre. Elle va désormais mener sa barque. Elle fait une rencontre qui va changer sa vie : Roberta (Miriam Socarrás), une femme de son âge, exubérante, libre, athée, qui navigue le long de l’Amazonie et vend des Bibles numériques aux communautés fluviales. Roberta lui apprend à faire des nœuds marins et surtout que la seule chose en laquelle il vaut la peine de croire est la liberté .Ensemble, elles boivent, dansent, vivent. Le corps même de Teresa semble transformé, lumineux. L’interprétation de Denise Weinberg est superbe et mériterait un prix.Les paysages de ce road movie sont d’une grande beauté ; les jungles verdoyantes, les ondulations du fleuve, les rives sinueuses sont magnifiées par le directeur de la photographie Guillermo Garza.
On sort rempli d’espoir et de foi dans la résilience humaine à tout âge de ce film de Gabriel Mascaro, qui vient de recevoir l’Ours d’Argent du Grand Jury
.Il a obtenu aussi le Prix du Jury Œcuménique et le Prix des lecteurs du Berliner Morgenpost
Imaginez 45 bébés de 1 à 4 ans, marchant à peine ou pas encore, dans les bras de leur parent (presqu’exclusivement des mamans). Face à eux, tout près et à leur hauteur, deux danseuses et un musicien emploient des trésors d’intelligence pour parvenir à capter, et garder, leur attention. Miracle premier du théâtre, ils y parviennent. Et durant 45 minutes, une éternité pour un bébé ! On avait prévenu les parents : n’hésitez pas à quitter l’espace, à revenir, à suivre le rythme de l’enfant. Aucun pourtant, n’est parti, même si une est montée brièvement sur scène.
Il faut dire que le spectacle de Christine Fricker est savamment minuté : les séquences pour les yeux succèdent à celles pour les oreilles, les lumières et les rythmes changent, s’adoucissent ou s’emballent, pour calmer ou stimuler. Les formes incongrues attirent l’œil, les timbres des instrument sonnent ou claquent, les lumières, les gestes, les ombres, créent des profondeurs. Aucun récit mais les corps approchent, appellent. Lorsqu’un court instant le rythme peine, (à peine) les bébés s’agitent, veulent échapper aux bras qui les câlinent… Un vrai public décidément, qui prendra plaisir à danser sur scène à la fin, autorisé à bouger pour rejoindre l’espace magique du premier spectacle.
AGNÈS FRESCHEL
Little cailloux a été joué au Mucem les 20 et 21 février.
« Vous allez voir le spectacle aux Salins ? Vous allez vous régaler ! », entend-on au Rallumeur d’Étoiles, sympathique café associatif posé au bord du Quai Brescon à Martigues. Révolte, ou tentatives de l’échec donne des envies de rallumer les étoiles, pour citer Apollinaire, à l’heure où les artistes sont plus que jamais menacés d’extinction. « La révolte résonne comme un combat pour exister, pour faire entendre sa voix » mentionne la feuille de salle, une fois arrivé au théâtre. La compagnie Les Filles du Renard Pâle, menée par Johanne Humblet, présente le troisième volet de sa trilogie après Résiste et Respire. Porté par une musique originale, jouée live par deux musiciennes, Révolte délivre en une heure un sentiment d’urgence viscérale de vivre et de s’opposer.
Grand fracas
Dès le départ, dans un clair-obscur enfumé, une artiste se lance dans une course effrénée, à l’intérieur d’une roue. Au-dessus d’elle, deux femmes progressent sur un fil et abandonnent progressivement leur harnais de sécurité pour se projeter sur un vaste filet, auquel elles tentent de s’agripper, chutant et recommençant sans cesse sans jamais renoncer. Au sol les musiciennes, les yeux rivés sur les circassiennes, accompagnent leurs tentatives et leurs échecs. Même si l’une est cause de la chute de l’autre, on est plus fortes à deux, la confiance s’installe, la sororité aussi, l’échec ne fait plus peur et on continue à marcher et à avancer même sur un fil ténu, même lorsque la pluie se met à tomber sur le plateau, même lorsque la structure s’effondre avec un grand fracas.
La femme prise dans sa roue giratoire est bientôt délivrée par ses compagnes, galvanisées par la musique qui célèbre l’empouvoirement féminin. Menées par la funambule, accrochée telle une étoile au ciel du théâtre, les quatre femmes prennent alors le chemin de la liberté. On reste médusé, incrédule, les yeux mouillés et infiniment reconnaissant d’avoir pu partager une telle équipée sauvage.
ISABELLE RAINALDI
Spectacle donné les 18 et 19 février aux Salins, Scène nationale de Martigues.
Dans le grand espace d’exposition sont installés deux ensembles circulaires de tulle ajouré, et sur les tracés de couture apparaissent le bas d’un visage féminin et le col d’un chemisier. De l’autre côté de la structure, une main féminine coud. Ce sont des œuvres d’Éléonore False, dont le Frac Sud propose avec Le Fil de chaîne une exposition monographique, témoignage de sa recherche entre art et artisanat, elle qui a suivi un double cursus aux Beaux-arts de Paris et en textile à l’école nationale supérieur en arts appliqués Olivier-de-Serre.
Plusieurs œuvres-tableaux sont des collages à partir d’anciens patrons de couture, empruntés à la revue Modes et Travaux. Il s’agit de modèles souvent floraux sur lesquels l’artiste « colle » des images découpées de pelage d’animaux ou de mains, invitant à une rêverie fantaisiste. Plus loin, on découvre un travail sur la tapisserie (Métaboliques 2022). Là aussi, le végétal et le corporel sur le mode du collage se rejoignent, et le tissu se fait corps.
Au rez-de chaussée, une autre tapisserie témoigne de ses recherches formelles. À partir d’un peigne photographié, elle reproduit sa forme sur le tissage, créant ainsi l’univers de la sirène, être à moitié humain et animal ; et ce, recto-verso, sur le panneau de tapisserie. D’autres collages sur des vases complètent cette entreprise artistique où art et artisanat se répondent. De petits visages humains de la série Harpa, photographies argentiques et impression à jet d’encre sur papier, font jaillir à leur tour une esthétique de l’hybridation.
MARIE DU CREST
Le Fil de chaîne Jusqu’au 31 août Frac Sud, Marseille
À lire Pour compléter l’exposition, l’éditeur Empire publie Ensembles, premier ouvrage monographique sur le travail d’Eléonore False (2024, en coédition avec le Frac Sud)
Créé en 2020, passé par le Théâtre Joliette en 2022, ou par La Garance la saison dernière, Abysses n’est pas le premier texte de Davide Enia porté par Solal Bouloudnine et mis en scène par Alexandra Tobelaim. Leur premier travail commun, Italie Brésil 3 à 2, avait été créé à actoral en 2011 : celle qui est devenue depuis 2020 directrice du Centre dramatique national de Thionville était jusqu’alors directrice de la compagnie Tandaim, basée à Cannes puis à Marseille. Formée comme Solal Bouloudnine à l’Eracm, et même si son Centre dramatique national du Nord-Est lorrain est transfrontalier, ses références restent méditerranéennes.
Long poème
Abysses explore un des versants les plus tragiques de Mare nostrum. Il y est question des noyés échoués à Lampedusa, et des survivants. Le texte de Davide Enia est un long poème désespérant, mais pas désespéré, sur les naufrages qui se répètent infiniment sur nos côtes. On y croise des élans humains remarquables, ceux d’un gardien de cimetière qui refuse de céder à l’anonymisation des cadavres. Ceux d’un père et de son fils, l’auteur narrateur, s’énoncent aussi dans les creux des naufrages. Ceux des sauveteurs surtout, qui laissent les spectateurs avec un sentiment de révolte. Plus constructif que l’empathie, explique la metteuse en scène.
Claire Vallier, chanteuse et musicienne, porte également le texte et concourt à la partition subtile de son tissu d’émotion. Aucun autre décor n’est nécessaire.
AGNÈS FRESCHEL
Abysses Du 26 février au 1er mars Salle Démeter, La Criée Centre dramatique national de Marseille
DiasporiK. En tant que journaliste d’investigation et essayiste, vous êtes coutumier des dossiers chauds et des relations franco-africaines, qu’est ce qui a attiré votre attention sur l’affaire Ben Barka?
David Servenay. Effectivement, j’ai été journaliste pendant 25 ans à RFI et j’ai couvert différentes affaires de corruption internationale, ainsi que des affaires plus franco-françaises, telles que l’affaire Balkany ou celles du patronat français, ces hommes qui ont construit le capitalisme français de l’après-guerre. L’affaire Ben Barka est une vieille affaire sur laquelle j’ai été sollicité par son fils qui avait 15 ans quand son père est mort. Il se bat depuis des années pour connaître les angles morts de l’assassinat de son père. Ce dossier, à la fois complexe et foisonnant, reste un cold case judiciaire criminel non élucidé et faisant l’objet d’un classement sans suite.
Évidemment pour Bachir Ben Barka, son père est un héros. Surnommé le Jean-Jaurès marocain, il est une figure à la fois emblématique de l’Indépendance, mais aussi controversée. Un progressiste de gauche, et un politique manœuvrier impliqué dans la branche armée indépendantiste.
Ses idées ont été inspirantes pour la jeunesse marocaine. Issu de la gauche révolutionnaire, il prône la réforme agraire, la révolution sociale pour instaurer des idées telles que l’abolition du capitalisme, la lutte contre la pauvreté… Ces perspectives sont incompatibles avec le règne de Hassan II, alors même que Ben Barka, surnommé monsieur Dynamo, proche du roi Mohamed V, voulait une monarchie à l’anglaise avec un roi qui règne mais ne gouverne pas.
Exilé définitivement à Paris en 1963, condamné à mort au Maroc, il est proche des grandes figures panafricaines œuvrant en faveur de la solidarité internationale. À Alger, il rencontre Che Guevara, Amílcar Cabral et Malcolm X, tentant de fédérer les mouvements révolutionnaires du tiers-monde en vue de la Conférence tricontinentale de janvier 1966 à La Havane.
Les faits Le 29 octobre 1965 le leader indépendantiste, principal opposant d’Hassan II, roi du Maroc depuis 1961, a rendez-vous avec trois personnes : Philippe Bernier, journaliste, Georges Franju, cinéaste, et Georges Figon, producteur. Ils doivent finaliser la production d’un film sur les luttes anticoloniales écrit par Marguerite Duras. Ben Barka est interpellé, sur le trottoir, par deux hommes qui se présentent comme des policiers et qui l’embarquent dans une Peugeot 403. On ne le reverra jamais plus…
Quel a été le rôle des services secrets occidentaux et en particulier français ?
On ne sait pas précisément comment Mehdi Ben Barka a été tué et par qui. On n’a jamais retrouvé son corps. Les services secrets occidentaux l’avaient catalogué comme révolutionnaire indépendantiste, il a d’ailleurs fait deux ans de prison pendant la Seconde Guerre mondiale car il était signataire du manifeste de l’Istiqlal en 1945, en faveur de l’Indépendance. Il a été poursuivi par la puissance coloniale.
Disons que beaucoup de gens avaient intérêt à le voir disparaître : il est condamné à mort par contumace au Maroc au moment de son enlèvement, mais le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage français (SDECE, devenu depuis DGSE) est directement en lien avec le général Oufkir, et impliqué dans l’affaire.
Aucun président français n’a évoqué cet assassinat depuis le général De Gaulle qui parlait d’« une affaire bizarre dont il est sûr qu’il faudra établir la vérité et tirer toutes les conséquences… » C’est pourtant une opération commanditée au plus haut de l’État français. Le rapprochement récent entre la France et le Maroc n’a pas suscité l’occasion de rouvrir le dossier. Mais pour l’historien René Galissot, « c’est dans cet élan révolutionnaire de la Tricontinentale que se trouve la cause profonde de l’enlèvement et de l’assassinat de Ben Barka. »
Ben barka La disparition
Ben barka La disparition
Ben barka La disparition
Quelle était votre intention en racontant cette disparition sous forme de bande dessinée, et en vous associant à Jacques Raynal?
Le livre dessiné permet de revenir sur l’affaire en rendant accessible les éléments de l’enquête qui restent à révéler, avec la force du dessin noir et blanc de Jacques Raynal. Il se prête très bien à cette affaire qui est un véritable polar. L’enjeu de nos collaborations est de transmettre un récit sur des enquêtes complexes, documentées, en levant les écrans de fumée présents dans le traitement médiatique. Faute d’accès aux archives, toujours classées secret défense, certains éléments circulant sur les conditions de la disparition de Ben Barka ont donné lieu à toutes sortes d’hypothèses invérifiables.
Nous sommes restés sur les faits avérés en mettant à distance les interprétations douteuses. On s’approche du 60e anniversaire de l’affaire et on peut regretter que l’instance de réconciliation mise en œuvre avec l’accès au trône du roi Mohamed VI n’ait pas permis d’ouvrir les archives des services secrets.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SAMIA CHABANI
Ben Barka, la disparition Récit de David Servenay et dessin de Jacques Raynal Futuropolis – 19 €
L’auteur David Servenay est journaliste. Après avoir travaillé à RFI, Rue89, OWNI.fr et La Revue dessinée, il est aujourd'hui indépendant. Il a publié au Seuil et à La Découverte plusieurs livres d'enquête sur le Parti socialiste dans le Nord-Pas-de-Calais, sur le génocide des Tutsi au Rwanda et sur l'histoire du patronat français. Il a aussi scénarisé Une affaire d'État, album dessiné par Thierry Martin (Soleil, 2017).
La compagnie La volige, alias le conteur Nicolas Bonneau et la musicienne comédienne Fanny Chériaux, revisitent Le Comte de Monte-Cristo, accompagné par le guitariste Mathias Castagné. Une adaptation libre de ce roman monumental (1600 pages) de la vengeance d’Edmond Dantès, accusé à tort et emprisonné au Château d’If pendant 14 ans, d’où il s’évadera, qu’Alexandre Dumas avait fait paraître à partir de 1844 sous forme de roman-feuilleton. Transformé par La Volige en « polar radiophonique à regarder », aux allures « tarantinesques » et aux accents « morriconiens » ». Car la musique pop-rock (voix, piano, accordéon, violoncelle, guitares, percussions, bruitages) composée spécialement pour ce Monte-Cristo est un personnage à part entière de cette épopée terrible.
Création à l’affiche de Châteauvallon, Makbeth par le Munstrum Théâtre, avec neuf comédien·ne·s sur scène dont Louis Arène, co-fondateur de la compagnie, qui signe également la mise en scène. Une adaptation de la pièce de Shakespeare : trois sorcières ont prédit à Macbeth qu’il deviendrait roi d’Écosse. Pour faire advenir la prophétie, il assassine le souverain en place, déclenchant une spirale de violence qui le conduit jusqu’à la folie. Traité souvent comme une farce politique, absurde et féroce, pour son Makbeth le MunstrumThéâtre s’est penché sur le « plaisir de l’horreur, qui n’est pas sans rapport avec l’excitation et l’amusement que nous pouvons ressentir devant un film d’horreur ou un thriller fantastique ». Sans omettre de scruter nos ténèbres collectives et individuelles d’aujourd’hui.
MARC VOIRY
26 au 28 février Châteauvallon, Scène nationale d’Ollioules
Zébuline. L’an dernier, vous avez présenté des longs métrages sur l’émancipation, la quête de la liberté, des films qui repoussent les frontières face à une société étriquée. Quelles thématiques se dégagent pour cette 14e édition ? Sylvia Vaudano. Il y a dans tous les films un fil, une quête de sens de l’existence, la question du combat pour sortir de toutes les frontières, intimes et autres. Des personnages qui luttent pour la liberté, des héros et héroïnes des temps modernes. Il y a une variété de genres, un biopic, un thriller, un film musical… des films coup de poing qui nous amènent à réfléchir et à rêver quelque chose d’un peu mieux. Le cinéma et la culture, c’est fait pour ça, non ?
La séance de courts métrages était centrée autour des utopies. Est-ce-que l’on retrouve cette thématique cette année ? Dans le format court, il y a toujours un instantané de nos problématiques actuelles. Des films qui ouvrent de nouveaux horizons, qui ont du souffle et nous emmènent vers un ailleurs. Ils viennent cette année d’Iran, de Bulgarie, de Belgique et de France.
La dernière édition était en octobre 2024, pourquoi cette 14e arrive-t-elle si vite ? Avez-vous réduit le nombre de films ? En fait on reprend nos dates « historiques » modifiées au moment du Covid pour sauver une édition. Les dates à la rentrée avec un été au milieu c’était compliqué. On a eu le courage de changer cette année, en guettant les films pendant qu’on programmait pour octobre… un vrai challenge ! On maintient le même nombre de séances sauf celle à l’Université qu’on ne peut refaire. Il y a sept avant premières et un inédit.
Pourquoi avoir choisi Mikado de Baya Kasmi en ouverture ? C’est une cinéaste que l’on suit. On l’avait découverte au festival Court Bouillon avec son court J’aurais pu être une pute – qu’on projettera aussi –, puis avec son premier long Youssef a du sucés, programmé dans notre rendez-vous mensuel du Club nouv.o.monde. On aime bien ce ton léger qui la caractérise. Mikado commence comme un road movie. Une famille qui vit en marge et qui, en panne sur la route, va être accueillie par une autre famille. Toutes leur certitudes vont en être ébranlées. Des problématiques actuelles abordées avec délicatesse.
Un film français pour commencer : quels autres pays sont représentés ? Une dizaine de pays. Par exemple l’Iran, avec un très joli film de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi, Au pays de nos frères. D’Afghanistan aussi, avec Le diable n’existe pas, un film en trois parties sur des migrants afghans, que l’on suit sur trois générations. Une merveille de réalisation. Il y aura aussi un film irlandais, Kneecap de Rich Peppiatt :une forme déjantée qui soulève une thématique actuelle : la préservation de son identité culturelle avec un groupe de musiciens qui se bat pour pouvoir rapper dans sa langue natale. Une fiction inspirée par le réel, destinée à toutes les générations.
La rencontre avec le public est très importante à nouv.o.monde et les films sont toujours accompagnés. Quel·le·s seront vos invité·e·s ?
On a le plaisir d’accueillir Faouzi Bensaïdi avec un film inédit, Jours d’été, une adaptation de La Cerisaie de Tchékhov. Son cinéma me surprend toujours avec cette virtuosité de mise en scène qu’on lui connait. Une façon de filmer où on sent son appartenance au théâtre. On recevra le comédien Bruno Raffaelli, qui joue dans Bergers de la réalisatrice canadienne Sophie Deraspe. C’est l’histoire d’un jeune homme qui décide de lâcher son métier de publicitaire au Canada pour devenir berger en Provence. Marielle Gros, productrice et réalisatrice, animera la rencontre avec le comédien et une bergère, qui, pour la première fois, voyait un film aussi juste sur son métier. Julie Rocton, spécialiste du Sri Lanka, viendra pour Little Jaffna, le superbe film de Lawrence Valin, un thriller dans la communauté tamoule.
La dernière question, toujours la plus difficile : quel est votre coup de cœur ? Le film iranien m’a bouleversée et les films de Faouzi Bensaidi : il y a un peu de Jacques Tati et quelque chose du cinéma italien (Dino Risi, Ettore Scola…). Je suis sensible à cet humour grinçant… Mais je les aime tous, ces films !