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Les Trocks : 50 ans entre drag et Bolchoi 

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Trocks
© Roberto Ricci

Créée en 1974, les Ballets Trockadero de Monte-Carlo fêtaient l’année dernière leurs 50 ans. L’occasion pour la célèbre compagnie de ballet comique composée exclusivement d’hommes de réaliser une tournée mondiale pour proposer le meilleur de leur répertoire. Ce spectacle, intituléBest Of, est composé du deuxième acte du Lac des Cygnes, du Pas de quatre de Puccini, de La Mort du Cygne et La nuit de Walpurgis. Ce dernier acte, tiré du Faust de Gounod, est chorégraphié par la danseuse russe Elena Kunikova, avec qui les Trocks collaborent étroitement depuis 20 ans.

Tableau après tableau, les Trocks enchaînent les gaffes, les chutes, et les grimaces sous les rires du public. Et redoublent devant la Mort du Cygne qui, vacillant sur ses pointes, perd les plumes qui composent son tutu. Le brio des Ballets Trockadero repose sur l’équilibre entre cet humour parodique, largement inspiré par le slapstick et le burlesque, et la parfaite maîtrise technique.  

Un peu d’histoire 

Au début des années 1970, la communauté LGBTQ+ et en particulier la scène drag new-yorkaise est en pleine effervescence suite aux émeutes de Stonewall, un violent soulèvement de cettecommunauté contre la répression policière dont elle était victime. C’est dans ce contexte que sont créés les Ballets Trockadero. Sans le revendiquer, le directeur artistique des Ballets Tory Dobrin affirme le lien des Trocks avec l’art du drag. Un drag théâtral, dit-il, dans lequel il n’est pas question « dimiter des femmes » mais d’incarner des personnages féminins inspirés par les grandes divas du ballet traditionnel russe.

CHLOÉ MACAIRE 

Le spectacle a été joué les 25 et 26 mars au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.

Retrouvez nos articles Scènes ici

Corps de filles ?

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Toxic (C) les Alchimistes

Dans un vestiaire tout en longueur, une jeune fille tout en jambes. Hors champ des voix de filles qui se moquent : « T’as vu comment elle marche avec son maillot de bébé ? C’est une boiteuse ! »

La « boiteuse » c’est Marija, 13 ans, (Vesta Matulytė). Confiée à sa grand-mère par sa mère qui n’a pas de place pour elle, elle vient d’arriver dans cette ville grise, post-industrielle, à l’horizon barré de tours et d’installations électriques. Sur une place délabrée, des jeunes envoient un ballon dans un panier de basket. Marija qui s’en approche se fait rejeter par les filles. La plus virulente est Kristina (Ieva Rupeikaitė), avec qui elle se bat sauvagement en pleine rue. Cette inimitié instinctive se transforme quand un événement est annoncé dans cette ville terne que la centrale électrique semble encercler et enfermer : un casting pour une école de mannequinat. Marija et Kristina vont devenir inséparables pour tenter d’être sélectionnées.

Elles sont prêtes à tout pour quitter cet univers qui les étouffe. Prêtes à tout pour correspondre aux critères de poids imposés : sauter des repas, se faire vomir, ingérer des vers solitaires que Kristina fait commander sur le dark web. Elle se procure aussi des piercings et quand, par erreur, en arrive un prévu pour la langue, Kristina est prête à souffrir. Et le spectateur aussi pour cette séquence filmée en gros plan. Des plans plus larges, et fixes, filment les paysages ; parfois à travers des grillages, avec un ciel si bas qu’il semble les écraser.

Une claque

On l’aura compris, Toxic, le premier long métrage de la Lituanienne Saulė Bliuvaitė, porté par l’excellente interprétation de ses comédiennes principales, n’est pas un film confortable. On y voit des corps maltraités, ceux de filles entre enfance et adolescence pour qui c’est l’unique porte de sortie. Un corps qui doit diminuer de volume, se faire liane, tige, changer. 

« Toxic comme les standards de beauté toxiques, les relations toxiques, le paysage toxique, la masculinité toxique… Et je pensais à toutes ces toxicités auxquelles on est exposé quand on est jeune concernant les réseaux sociaux, les premières fois, les premiers baisers »a précisé la réalisatrice,récompensée du Léopard d’Or au dernier festival de Locarno. Un film comme une claque !

ANNIE GAVA

Toxic, de Saulė Bliuvaitė
En salles le 16 avril

7 semaines en Ouzbékistan

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Dans un petit village de la campagne ouzbek, un couple de paysans âgés. La femme allume un brasero, et l’homme se repose. À la nuit tombée, ils s’occupent de leurs bêtes ; et regardent la télé. Une vie ordinaire, tranquille, rude, loin de l’agitation de la vie de la vie moderne que vont venir bouleverser les deux fils, en particulier le plus jeune : il va se marier et compte démolir la maison pour en construire une nouvelle. Il a réussi à l’étranger, et peu à peu, va introduire dans cette vie simple la « modernité ».

C’est le quotidien de ce couple, durant sept semaines, que dépeint superbement le jeune cinéaste ouzbek Shokir Kholikov dans son premier long métrage, Dimanches. Un quotidien rythmé par la livraison « surprise », et pas souhaitée, d’appareils ménagers qui remplacent ceux qu’ils utilisent depuis des années. Des séquences traitées avec délicatesse et une touche d’humour. Difficile d’utiliser la nouvelle gazinière qui fonctionne sans allumettes, la télécommande qui dispense de se lever pour changer de chaine, le réfrigérateur qui ne fait pas de bruit !

« Il en fera quand il vieillira » commente le vieil homme, superbement interprété par Abdurakhmon Yusufaliyev. Son visage exprime tour à tour l’étonnement, la colère, l’indignation devant cette technologie qui vient perturber leur quotidien paisible, frugal mais riche de valeurs humaines. Le vieil homme est certes bourru, taiseux, machiste, mais la caméra bienveillante du cinéaste nous fait comprendre sa détresse. Sa femme, extraordinaire Roza Piyazova, courageuse, tenace, essaie de concilier la volonté de ses fils et son attachement à sa terre ainsi qu’à son mari : « Ce sont eux qui restent ».

Une métamorphose

La caméra du directeur de la photographie, Diyor Ismatov, a su saisir la beauté des gestes traditionnels : resteront en mémoire le travail de la laine, le filage, la teinture des fils, rouges jaunes, noirs, bruns, qu’on accroche dans la cour, contrastant avec le bleu des portes, le tissage sur un métier à tisser des plus rudimentaires. Et une des plus belles séquences du film, la fabrication de la pakhsa (sorte de pisé) pour réparer les murs malgré la destruction annoncée de la maison.

À la fois scénariste, réalisateur et monteur, Kholikov sait rendre la beauté de cette vie hors du temps dans un style poétique qui fait parfois penser aux premiers films de Kiarostami. Il fait aussi réfléchir au temps qui passe, à notre époque où « seul le résultat compte ». Il donne à voir un monde qui se transforme, même dans les territoires les plus excentrés, et pense les répercussions de ces changements de normes sur les croyances enracinées. Mais plus fondamentalement de « plonger dans la profonde métamorphose de l’esprit humain. »

ANNIE GAVA

Dimanches, de Shokir Kholikov
En salles le 12 mars

Retrouvez nos articles Cinéma ici!

Oxana  « Sans combat il n’y a pas de vie »

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Oxana(C)Diaphana

En exergue, on peut lire ; «  ce film est librement inspiré de la vie d’Oksana Chatchko » . C’est à partir de rencontres, de témoignages, en particulier du documentaire d’Alain Margot, Je suis Femen, que Charlène Favier la réalisatrice de Slalom, a fait le portrait de cette femme, co- fondatrice avec Anna Hutsol et Oleksandra Chevtchenko, du mouvement FEMEN en avril 2008 et  qui a mis fin à ses jours le 23 juillet 2023 à l’âge de 31 ans.

Une fête traditionnelle, des feux, des bougies sur des couronnes, des fillettes qui dansent, images floutées, dans des couleurs chaudes ; la fête de Kupala et une petite fille qui murmure « Je veux épouser Dieu ». Juste avant le titre OXANA. C’est son trajet, son combat que va nous retracer la cinéaste, de 2002 à Khmelnytskyï en Ukraine au 23 juillet 2018 19h à Paris. En passant par Kiev,Minsk , Moscou. Allers retours entre son adolescence marquée par les traumatismes familiaux et la pauvreté, sa relation avec la religion orthodoxe, son activité de peintre d’icônes, son désir de liberté, sa prise de conscience et pour finir a solitude, son désarroi, son désespoir.

Un beau portrait

Par petites touches, Charlène Favier construit son Oxana : « Je raconte l’Oxana habitée, l’Oxana christique, l’Oxana mystique, l’Oxana qui est un peu alchimiste. Aussi la créatrice, l’artiste »  Se peint ainsi peu à peu le portrait de cette femme avec toutes ses ambigüités. Des plans comme des tableaux : couleurs chaudes des scènes  où les trois fondatrices, Oxana et ses amies, Lada (Lada Korovai) et Anna ( Oksana Zhdanova) construisent leur mouvement  FEMEN, leurs combats, et préparent leurs actions contre l’oppression. Couleurs sombres des séquences où elles se font arrêter et torturer. Couleurs froides des rues de Paris où Oxana traine sa solitude après avoir été mise de côté par Inna Shevchencko (MarinaKoshkina) .Et le visage d’Oxana , souvent filmé, en gros plan, lumineux, comme incandescent, visage christique. Une icône comme celles qu’elle peint, transforme, détourne et qui vont être exposées  à Paris. Un film sous le signe de la peinture : on découvre  les toiles d’Oxana puis celles d’ Apolonia Sokol ( Noée Abita , Lyz dans Slalom) qui devient son amie. On voit les « seins qui  attirent l’attention » et qui, dénudés, peints de slogans deviennent des objets qui protestent .Le corps même d’Oxana devient tableau tels les artistes du body painting. « You are fake » lance t-elle à la fin…Un message adressé au monde qui ne réagit pas face aux dictateurs qui violent les droits humains mais aussi à tous ceux qui se mettent en avant au détriment du combat

 « .Faire ce film, c’était aussi une manière pour moi de  rendre justice à Oxana  visionnaire, artistiquement mais aussi politiquement. Son engagement et celui des Femen n’a malheureusement jamais été d’autant d’actualité. » précise  Charlène Favier.  Certain.e.s pourraient lui reprocher de ne pas avoir décrit assez précisément  les actions du mouvement femen  « l’un des mouvements les plus importants du XXIe siécle » comme indiqué dans le synopsis. D’autres d’avoir fait une icône de celle qui croyait surtout à la lutte collective. Et pourquoi pas ? Oxana  est  le portrait réussi d’une femme qui s’est battue, superbement interprétée par Albina Korzh,  que la musique de Delphine Malaussena accompagner avec élégance et justesse.

Annie Gava

Le film sort en salles le 16 avril

Attentifs, ensemble 

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HANATSUmiroir Attentifs, ensemble © Gregory Massat

Avant le festival Propagations, son grand rendez-vous annuel, le GMEM poursuit l’accueil d’artistes novateurs, qui détricotent la musique pour mieux la restituer. Ce 15 avril à la Friche la Belle de Mai, le Centre national de création musicale propose la création Attentifs, ensemble, menée par la compositrice Elsa Bitton et l’ensemble strasbourgeois HANATSUmiroir.

Pour cette pièce, les artistes entendent partager le « faire-musique » avec les auditeurs·ices, par l’intermédiaire d’un texte projeté. Une expérience « pour modifier la consistance de la réalité, en faisant émerger la sensation d’un corps collectif ». Beaucoup de mots, vivement la musique.

NICOLAS SANTUCCI

15 avril
Friche la Belle de Mai (petit plateau)

Un certain goût de la fête

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Festa major (C) La traverse

« Je pense à ce village qui m’apporte ma part d’éternité ». Ce village, c’est Fillols, en pays Catalan, au pied du Canigou. Jean-Baptiste Alazard y vit toute l’année, y écrivant ses films qu’il tourne en 16mm.

Fillols vit au rythme d’une fête, la Festa major, que les Fillolois préparent durant six mois et dont ils se souviennent tout l’hiver. Une fête plus que centenaire, où durant trois jours et trois nuits tout le village respire au rythme de la musique et de la danse. Et ceux qui n’habitent  plus dans le village, « en exil pour le travail »,y reviennent vivre des moments de convivialité et de vie différente.

Et la cuisson des escargots

Jean-Baptiste Alazard a voulu partager cette célébration de la vie et plonge le spectateur en immersion totale dans la fête : des séquences tournées en 2022 et 2023, habilement montées. Il est à la caméra, accompagné de Vincent Le Port et ils ont su rendre palpable la liesse, la ferveur de tous ceux, hommes et femmes, vieux et jeunes qui dansent, chantent, boivent, mangent, oubliant tout ce qui n’est pas dans l’instant, une invitation au lâcher prise.

Une célébration de la vie par la couleur, la lumière, et les sons. On assiste aux préparatifs : le transport de troncs, le collage d’affiches, les discussions sur la cuisson des escargots, la finition des costumes et des coiffes, la mise en place des chaudrons, la répétition des orchestres.

Puis vient la fête. Danses modernes ou anciennes, rondes autour de l’arbre au centre du village. On regarde une photo ancienne et on évoque des souvenirs, on espère voir le rayon vert… Un feu d’artifice de couleurs et une explosion de musique. Rendez-vous à Fillols l’été prochain ?

ANNIE GAVA

Festa Major, de Jean-Baptiste Alazard
En salles le 16 avril

Stans 

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Ana Perez ©️Audrey Chazelle

Ana Perez, magnifique danseuse flamenca tient fermes ses appuis. Elle est debout – comme l’indique le nom de la pièce en latin, Stans – pas forcément Mater dolorosa, mais obstinée, et foudroyante de ses talons sur le sol. Reprenant la figure de la mère qui ne fléchit pas face à la crucifixion de son fils, la danseuse réinvente un flamenco qui se nourrit de danse contemporaine et de récits universels. 

Tout comme José Sanchez réinvente le théorbe, instrument de la Renaissance italienne, frère de tous les luths méditerranéens au double manche démesuré. Un duo grave, qui fait émerger le passé comme une forme nouvelle.

AGNÈ!S FRESCHEL

15 avril
Klap - Maison pour la danse, Marseille

La littérature en résistance

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Lire Lolita à Téhéran de l’autrice iranienne Azar Nafisi, a été publié en 2003 aux États-Unis, rapidement traduit en une vingtaine de langues. Réédité l’an dernier, son adaptation cinématographique vient de sortir sur nos écrans. Franchement autobiographique, il nous plonge dans l’horreur de la période révolutionnaire islamique des années 1980 et son régime de totalitaire.

Dans les premières pages, Azar Nafisi confronte deux photos : celle des sept étudiantes couvertes de noir de la tête aux pieds, l’autre les montrant cheveux lâchés, ongles peints, vêtus de couleurs vives. Une dichotomie saisissante. Obligées de mentir à leur famille pour suivre, de 1995 à 1997, le séminaire proposé par leur professeure à son domicile et dans le secret, elles analysent avec passion les rapports entre leur réalité et les fictions, et s’encouragent à la rébellion, fût-elle minime. Les romans sont, entre autres, Lolita de Nabokov, Orgueil et Préjugés de Jane Austen, Gatsby le Magnifique de Fitzgerald.

Retrouver un espace de liberté

​Le texte a été écrit après l’exil définitif de l’autrice pour les États-Unis en 1997. Sans respecter la chronologie, elle évoque par vagues les moments importants de son parcours. Revenue des États-Unis en 1979 après la chute du Shah, elle enseigne à l’Université de Téhéran qu’elle quitte suite à l’injonction qui lui avait été faite de porter le voile.

Cependant elle acceptera plus tard un poste dans une université plus libérale, consentantfinalement au voile. L’important n’est-il pas qu’elle enseigne et éclaircisse l’horizon de ses étudiants ? Azar Nafisi met en lumière les pouvoirs de la littérature qui libère l’imaginaire malgré la fermeture des librairies, les exécutions, les dénonciations. Si le récit est parfois un peu lourd, chargé de trop de détails, on ne peut que respecter son engagement et rendre hommage à son auteure.

CHRIS BOURGUE

Lire Lolita à Téhéran de Azar Nafisi
Zulma - 21,50 €
Traduit de l’anglais par Marie-Hélène Dumas

« Sebastian » : Juste un gigolo ?

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Il est de tous les plans Maxime (Ruaridh Mollica), connu sous le nom de Sebastian sur Dreamyguys, un site de rencontres homo. Un visage doux presque enfantin, des lèvres sensuelles, un regard trouble et troublant. On regarde son corps jeune, vêtu ou dévêtu, en société, au banc de musculation, en boîte, dans les chambres de ses clients, en train de faire l’amour.

On voit le jeune homme pianoter sur son ordinateur, se doucher, se raser, se regarder aux miroirs des salles de bain. « Parle-moi de toi », lui demande un amant. « Qui es-tu ? D’où viens-tu ? » Max a 25 ans et rêve de gloire littéraire. Il a quitté sa famille écossaise pour Londres où il travaille en free lance dans un magazine. Il a déjà publié des nouvelles, est en train de rédiger son premier roman qui traite de la prostitution masculine 2.0. Ses admirations vont vers Zadie Smith ou Bret Easton Ellis – qu’il doit interviewer, ou encore vers le Collard des Nuits fauves.

Une question de sincérité

Il s’interroge : faut-il avoir vécu ce qu’on écrit ? Son éditrice, qui ignore que les histoires qu’elle lit ont vraiment eu lieu, pour des raisons plus mercantiles qu’artistiques, le fait glisser du « il » au « je ». Et Max décrit fidèlement, au geste et au mot près, les aventures sexuelles de Sebastian, date après date. Il mène méthodiquement sa double vie. Succession répétitive de scènes crues, loin du cinéma porno, avec des hommes le plus souvent âgés. Un sexe professionnel et « propre », que le réalisateur stylise et ne montre plus quand Max, soucieux de faire évoluer son roman, accepte de prendre davantage de risques.

Mikko Mäkelä questionne le rapport complexe, entre vie et fiction. Max se pense honnête en n’écrivant que ce qui a été ; il n’est pourtant qu’un faussaire, jouant au gigolo sans en être un, truquant par là-même, la donne. Forcément insatisfait, car la description, fût-elle virtuose et détaillée jusqu’au vertige (comme chez Easton Ellis), suffit-elle à dire quelque chose sur le monde ? À faire vrai ? À faire œuvre ?

Max reprendra la main sur Sebastian grâce à une vraie rencontre avec Nicholas (Jonathan Hyde), un vieux professeur de littérature qui lui ouvrira la voie de la sincérité et donnera au scénario une touche feel-good. Si Mikko Mäkeä est loin de la violence entre gifle et caresse de A nos Amours, qu’il cite au détour d’une séquence, Suzanne, l’héroïne de Pialat, et Maxime, le pseudo gigolo écossais, dans leur parcours initiatique, ont un cousinage certain.

  ÉLISE PADOVANI

Sebastian, de Mikko Mäkelä 

En salles le 9 avril

« Her Story » : Leçons de féminisme à la chinoise

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Ce n’est pas le lion de la Metro-Goldwyn-Mayer qui rugit au générique d’ouverture de Her Story de Yihui Shao. Ce sont les statues dorées des prolétaires, faucille et gerbe de blé en mains, dans le plus pur style du réalisme socialiste, qui montrent la voie vers un avenir radieux. On est en Chine, un pays millénaire qui a fait une révolution mais demeure traditionnellement et viscéralement patriarcal.

Le présent du XXIe siècle n’est toujours pas si radieux pour les femmes chinoises qui représentent plus de la moitié de la population active. Salaires inférieurs, « plafond de verre » pour leurs carrières, inégalités des taches domestiques dans les couples. Elles divorcent de plus en plus mais sont alors stigmatisées et considérées comme « biens endommagés » Dans ce contexte, un film qui brosse le portrait valorisant de femmes autonomes, met sur le tapis les tabous sociétaux et traite ces sujets sérieux sous la forme d’une comédie urbaine romantique, ne pouvait que rencontrer ce public. Premier au box office chinois, ce « blockbuster féministe » qu’on a pu rapprocher du Barbie de Greta Gerwig, est un phénomène.

Trois générations

On est à Shanghai. Wang Tiemei (Song Jia), ancienne journaliste d’investigation, divorcée, a perdu son emploi. Elle trouve un nouveau job et déménage dans un immeuble ancien sans ascenseur avec sa fille de 12 ans, Moli (Mumei Zeng). Elle rencontre sa voisine Ye (Elaine Zhong), une jeune chanteuse dépressive et fleur bleue, amoureuse d’un ophtalmo peu clairvoyant sur ses propres sentiments. Tiemei, Ye et Moli se lient d’amitié, s’entraident, partagent leurs repas, leurs bricolages, leurs joies, leurs peines. L’ex-mari de Tiemei, père de Moli, « s’inscruste » alors qu’un musicien, ami de Ye, devient l’amant de Tiemei.

Trois générations de filles sont représentées ici, trois caractères aussi. Tiemei, en mère célibataire responsable, met la barre très haut visant à n’avoir besoin de personne. Ye, un peu fofolle et bohème, veut encore croire au couple romantique. Entre les deux, Moli cherche sa voie parmi les injonctions sociales, scolaires, maternelles et paternelles. Fera-t-elle de la batterie ? De la boxe ? Ou écrira-t-elle des romans ?

Maladroits et patauds, un peu dépassés, pour séduire ces femmes émancipées, les personnages masculins ravalent leur machisme qui revient comme le naturel au triple galop : vasectomie remise aux calendes grecques, préjugés machistes, jalousie, et concours de virilité. Les scènes s’enchaînent, déclinant les sujets comme la menstruation, la maternité, l’éducation, l’amitié, la dépression. Plus vaguement, la liberté de la presse. Mais les plus jolis moments sont sans doute ceux où le discours n’est pas trop pesant et ne tourne pas à la leçon. Le jeu entre Ye et Moli, par exemple, où la fillette, les yeux fermés, devine l’origine des sons qu’elle entend, et transfigure par son imagination l’univers domestique.

Le titre original du film Hao Dong Xi signifie « une bonne chose ». Et sans nul doute, ce film est une bonne chose pour des millions de Chinoises en quête de représentation ainsi que pour un public plus large, qui découvrira une Chine en phase avec cette lutte internationale des femmes pour l’égalité des droits.

ÉLISE PADOVANI

Her Story, de Yihui Shao

En salles le 9 avril