vendredi 29 novembre 2024
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Les répétitions de l’histoire

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Il est le cofondateur de la maison d’édition L’Ecailler et un des pionniers du polar marseillais ; son Marseille Confidential (2018), inspiré et parrainé par James Ellroy, a ancré le roman noir sous fond de décor mafieux phocéen. La Reine des Sirènes s’ancre dans la même époque, le Front Populaire, pour en mesurer les effets dans une mini-dystopie, l’essentiel du roman se déroulant en 2028.

Le roman s’articule en courts chapitres qui dessinent une mosaïque composite : prélude en 1938 en Catalogne ; le récit 90 ans après, toujours à Cadaquès, de la rencontre d’un poète avec une femme mystérieuse, et sa quête sur une lignée de sirènes, interrompue par des poèmes rimés, des digressions sur la mer et des notices biographiques ; des extraits d’un journal de bord d’un autre narrateur, dont le lien avec le premier n’apparaît qu’au fil de l’histoire, et qui relate  la résistance d’une « ville sans nom » qui a fait sécession (Marseille?) pour s’opposer à un état fasciste.

Évidemment ces intrigues se tissent et se recoupent, entretenant ce qu’il faut d’interrogations et de suspense. Les mêmes histoires de trahison, de filiation, de fascination amoureuse et de violence, d’exécution, traversent les époques et les lieux. La résistance dans la « Ville sans nom » s’apprête à perdre la bataille, comme 90 ans auparavant le Front Populaire en Espagne. Que faire, dans ce contexte ? Exécuter les fascistes, sacrifier un compagnon, disparaître ? En finir avec la violence et se retirer face à la mer, plonger dans l’amour et la vie naissante ? 

Si La reine des Sirènes se nourrit de Picasso et Garcia Lorca, Dali n’est jamais loin non plus : son surréalisme onirique survit, sirènes et dauphins mêlés, à la violence des Noces de Sang et de Guernica. Le sable des plages, contrairement à celui des déserts misanthropes, a un goût d’avenir,  nourri du désir des mers.

AGNÈS FRESCHEL

La Reine des Sirènes de François Thomazeau 
L’écailler - 15 €

L’histoire avec un grand Iel 

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© KapFilms

C’est par un procès que s’ouvre et se ferme, le premier long métrage de Jean-Claude Monod, Un jour fille. Le premier intenté à Anne Grandjean, née fille et garçon – intersexe comme on dit aujourd’hui, hermaphrodite, comme on disait alors, et qui aboutit à une condamnation. Le second, en appel, dont on ne dévoilera pas l’issue. Entre les deux, un long flash back reconstitue l’histoire d’Anne. 

Déclarée fille par les médecins à sa naissance, en 1732, élevée comme telle, Anne Grandjean revêt l’habit d’homme à l’adolescence sur ordre de son confesseur (André Marcon) à qui elle avoue son attirance pour les femmes. Elle devient alors Jean-Baptiste. Mais sa vie se complique au village : sa mère (Isild Le Besco) croit sa fille possédée par le Diable et son père (Yannick Renier) bien qu’aimant, demeure incapable de protéger son nouveau garçon des moqueries des autres. Jean-Baptiste fuit. 

C’est en homme qu’il s’installe à Lyon comme apprenti tailleur. Cachant sa « particularité », il épouse l’innocente Mathilde (Iris Bry), fille de son employeur avec laquelle il forme un couple amoureux et heureux. C’est pour cet acte-là qu’Anne/Jean-Baptiste Grandjean, dénoncé·e, est traîné·e devant le tribunal. Dans ce XVIIIe siècle où les Lumières peinent à percer l’obscurantisme religieux, un hermaphrodite doit avoir une « dominante » certifiée par la Faculté. Incapables de penser autrement que binaire, les juges et les religieux raisonnent simplement : si physiologiquement Grandjean est plus femme qu’homme, alors « elle » ne peut épouser une femme car ce serait légaliser le lesbianisme. 

Bien sûr, cette incroyable affaire que Jean-Claude Monod a trouvée dans un des cours de Michel Foucault résonne très fort avec les débats récents sur le mariage pour tous, le droit à la parentalité pour les couples de même sexe et avec notre réflexion contemporaine sur le genre. Le XVIIIe siècle qui bouscule toutes les notions données comme immuables, habille les hommes de dentelles et de satin, cultive le libertinage, entérine avec Rousseau le droit aux larmes pour tous, questionne avec d’Alembert et Diderot la perméabilité entre masculin et féminin, a un côté « gender fluid » face à un puissant ordre moral encore très rigide qui s’exprime encore hélas aujourd’hui.

Héro-ïne

Le réalisateur reconstitue par la lumière un décor à la Watteau, travaillant son héro-ïne comme un personnage de son temps et de son milieu, pieux, respectueux des institutions, sans revendications autre que celle de vivre caché et heureux. Dans le rôle principal, Marie Toscan rayonne d’innocence, nous offrant son visage de chérubin, sa douceur solaire et ses yeux presque transparents. Anachronique par nature, le film d’époque pense et parle au présent. Vermeil, l’avocat d’Anne (Thibault de Montalembert) dans son procès en appel, finira sa plaidoirie en citant – à notre grande surprise –, Paul Eluard et la terrible image de la « victime raisonnable au regard d’enfant perdu. ». Se rappellent alors à notre souvenir, toute la haine et la violence, passées et présentes, qui ne cessent de se déployer partout et toujours contre l’amour.

ELISE PADOVANI

Un jour fille, de Jean-Claude Monod
En salles depuis le 8 mai

Jaune, bleu et rouge : le Sud

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L’action se déroule dans la région de Toulon dont l’auteur est originaire. Il rassemble ses découvertes d’enfant, ses émois adolescents, dans une crique où vit un microcosme dans des cabanons aménagés. Un couple de femmes appelé La Douane joue le rôle de gardien du temple, donnant des consignes sur la façon de fréquenter le lieu et de le respecter. Une buvette est tenue par Cascade, arrivé là par hasard, mais jamais reparti. Il est ami avec Coco, le fils d’un pêcheur mort en mer qui a pris la suite de son père sur son pointu et vend les produits de sa pêche. Et puis il y a Nine, sauvage, véritable fille du soleil, mais qui rêve néanmoins d’horizons plus larges. Elle compte bien profiter de ses 18 ans tout neufs pour partir sans demander la permission. Ce n’est pas le baiser qu’elle échange avec Coco qui l’en empêchera !

Lumière et solidarité

Le danger des étés de plus en plus chauds et secs survient alors. Le feu ! La panique, l’organisation des secours, les Canadair. Le style de Rémi Baille se fait court et haletant, nous accroche, tout comme ses préoccupations pour la sauvegarde des espaces naturels de plus en plus menacés. Finalement le vent tourne, la crique est sauvée. Mais le feu dure encore dans les têtes et les cœurs. Retour en arrière : Nine s’éloigne, rencontre des ados de son âge, va en boîte. Puis la nostalgie la prend. Elle rebrousse chemin. Et découvre le désastre : un cimetière de troncs calcinés. Ses parents, les voisins l’accusent d’avoir mis le feu. La tragédie est évitée grâce à La Douane qui sait trouver les mots de l’apaisement. La brebis égarée ne sera pas un bouc émissaire. La reconstruction est en cours, la solidarité fera son office. Les amoureux de nos calanques se retrouveront dans ce récit placé sous le signe de la lumière qui évoque parfois Pagnol.

CHRIS BOURGUE

Les enfants de la crique de Rémi Baille
Le bruit du monde – 19 €

D’où vient le sport ?

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Marseille, Archives municipales. Fonds des excursionnistes marseillais. 33 Fi 3030. Marseille (Bouches-du-Rhône) : une course cycliste sur la piste de l’hippodrome de Borély ; les spectateurs et les juges regardent passer le peloton. [vers 1900]. Photographie positive. 8,5 x 10 cm.

Il n’est que d’entendre, les soirs de match, la rumeur du stade qui enfle, pour mesurer la ferveur sportive des marseillais. On ne saurait pourtant réduire la ville au football : si le ballon est partout, vissé au pied des minots en bas d’immeuble, si les couleurs blanches et bleues de l’OM sont omniprésentes, partout aussi les corps s’ébattent, qui courant, qui fendant les flots, qui boxant, qui soulevant de la fonte, qui en trail dans les Calanques. Le sport est populaire ici, hormis dans certains Cercles comme celui des Nageurs, ou dans les pratiques nécessitant un équipement onéreux.

Héritage antique

Un engouement qui ne s’inscrit pas seulement dans le culte contemporain de l’apparence « Instagramable », mais a des racines profondes. Les Archives municipales, à l’occasion des Jeux olympiques 2024, ont choisi de « poser des jalons pour comprendre comment l’héritage de l’Antiquité gréco-romaine a compté dans la conception moderne du sport », peut-on lire sur les cartels dès l’entrée de l’exposition Champion !. Le Gymnase, comme le Théâtre ou l’Agora, était l’un des lieux de sociabilité les plus importants des cités méditerranéennes, traversé d’enjeux aussi politiques que militaires ou sanitaires, sans, bien-sûr, « exclure le divertissement ». La première Olympiade a eu lieu en – 776. Les Jeux ont, apprend-on, été interdits par l’empereur Théodose 1er en 393, lorsque ces cérémonies païennes sont devenues dérangeantes dans un monde christianisé.

Champions et exploits homériques

Près de douze siècles durant, les compétitions avaient servi à impressionner le voisin, exactement comme aujourd’hui. Un exemplaire de L’Odyssée, issu du fonds ancien de la Bibliothèque de l’Alcazar, ouvert à la bonne page, souligne explicitement cette dimension du sport : « Étonnons l’étranger, écrit Homère ; qu’il puisse, en son pays, raconter notre gloire, et dire à ses amis que nuls mortels sur nous n’auraient la préférence, pour la lutte, ou la course, ou le disque ou la danse ». L’exposition fait entrer en résonance les stades antiques, tels qu’ils ont été représentés sur des mosaïques, et le Vélodrome d’aujourd’hui. Avec ses strates intermédiaires : sur les images d’archives prises par le photographe Marcel de Renzis dans les années 1930, il était encore très dépouillé et à taille humaine ; la version de 1998, lorsqu’il fut agrandi de 45 000 à 60 000 places, en maquette. Aujourd’hui, il en fait 67 000, ce qui en dit long sur le besoin d’épater la galerie… Et n’est probablement pas très bon signe sur le moral des citoyens : quand on est bien, pas la peine d’en rajouter.

GAËLLE CLOAREC

Champion ! Une histoire populaire du sport
Jusqu'au 27 septembre
Archives municipales de Marseille

L’Algérie à l’honneur au Cratère 

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Ferraj © X-DR

Porté par le chorégraphe David Djilali Wampach et son association Achles, le projet rime avec pluridisciplinarité et inventivité. Le lancement de la semaine se fera avec l’inauguration du « salon algérien », mis en place par l’association musicale Melting Pop et destiné à l’accueil convivial des visiteurs du Cratère. Les deux premiers jours du temps fort seront exclusivement dédiés à la danse, en solo d’abord dans Juste au-dessus du silence, où l’interprète Yasmine Youcef délivrera une chorégraphie intimiste. Puis en duo dans Algeria Alegria, où David Wampach et sa comparse Dalia Khatir danseront la joie algérienne, teintée de la mystériosité propre aux rituels dansés du pays. Les concerts ont aussi leur place dans la programmation, qu’il s’agisse d’un orchestre traditionnel à cheval entre musiques d’Andalousie et d’Algérie (le 15 mai), ou d’un groupe de rock aux influences jazz-funk et blues du désert (le 18). Et pour celleux qui voudraient goûter à tous les genres, deux soirées cabaret déjantées sont prévues, tant traditionnelles que modernes, avec danse, chant et performances (les 16 et 17). Les deux repas de couscous qui se tiendront au Cratère et à la Berline (les 16 et 17) témoignent aussi de l’importance de la cuisine dans la représentation de la culture algérienne. 

Focale sur le film documentaire 

La journée du 18 marque la fin du temps fort qui se conclut par la projection de deux films au Cinéplanet d’Alès. Le premier, Nnuba, est un moyen-métrage de la réalisatrice et photographe Sonia At Qasi-Kessi qui vit et travaille en Haute-Kabylie. Ce film est né d’un atelier de création du film documentaire organisé par le Collectif Cinéma et Mémoire et Kaïna Cinéma, sous la direction de la militante algérienne pour les droits des femmes Habiba Djahinne. Nnuba transmet donc la mémoire d’une ancienne organisation sociale d’entraide féminine dont le rôle est de s’occuper du bétail du village. Quant au deuxième film, il s’agit d’un documentaire long-métrage du réalisateur algérien Hassen Ferhani. 143 rue du désert (la tôlière du désert) raconte l’histoire d’une femme qui accueille en plein désert, en échange d’un simple café, différentes personnes dans le besoin. Une ode à l’entraide et à la fraternité, comme l’ensemble de ce temps fort Algérie. 

RENAUD GUISSANI

Temps fort Algérie, 
du 13 au 18 mai 
Le Cratère, Alès

OCCITANIE : BAM ! Sète et Thau ont 20 ans !

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Les « Douches » de Jean-Michel Othoniel sur la PLce Victor Hugo © X-DR

L’archipel de Thau et la ville de Sète offrent une variété de paysages et d’environnements propres à susciter l’intérêt des artistes. La liste des artistes du territoire est longue et prestigieuse -Combas, Othoniel, Di Rosa,  Pétrovitch, Fantozzi…- et c’est assez naturellement que Robert Commeinhes,  maire de Sète et président de l’agglopôle, a élaboré cette « opération artistique et urbanistique » qui vise à « faire naître des regards nouveaux sur les paysages si diversifiés de notre agglomération entre mer et étang, garrigues et vignobles, villes et villages. »

Mais attention, le but n’est pas de « produire davantage de tourisme ». « Nous ne voulons pas créer des dégradations environnementales, mais mettre en valeur les projets d’aménagement ou de réhabilitation de chaque commune », précise Christophe Durand, vice-président délégué à la culture. Si ces BAM étaient initialement conçues pour s’insérer dans le projet de capitale culturelle européenne, elles ont une ambition autonome, et un budget propre de 2 millions d’euros répartis sur quatre exercices, pour 20 commandes publiques qui verront le jour d’ici 3 ans. 

Tout Thau

Les premières seront installées durant les prochaines semaines : la grande sculpture de bronze Dans mes mains de Françoise Pétrovitch, destinée au pont de la gare de Sète, ou les cinq pièces d’André Cervera qui racontent, comme dans une BD colorée retrouvant une ligne claire d’acier, l’histoire de Poussan où le peintre sétois vit et travaille désormais. 

Les œuvres d’Hervé di Rosa, Victoria Klotz, Richard di Rosa leur succèderont d’ici la fin 2024, puis celles d’Elisa Fantozzi, Robert Combas,  Agnès Rossé, Céleste Boursier-Mougenot… au rythme de six par an, afin de prévoir au terme du projet quatre parcours aux vocations différentes : un autour des étangs, avec une prédominance des abris et un rapport affirmé à la vie animale, un sur les versants de Thau et son patrimoine historique, un autre sur les rivages de Thau, ses huîtres, ses garrigues et ses parcs populaires, et un à Sète, plus urbain.

« L’œuvre est adaptée à chaque site patrimonial ou naturel et trace le lien sensible du vivant. Je n’ai pas conçu mon travail comme pour une exposition, explique Salvador Garcia, commissaire du BAM, mais comme l’association d’un artiste avec un aménagement naturel ou urbain. Souvent avec des artistes, hommes et femmes, qui y vivent, et des maires qui prennent à cœur le projet, qui défendent l’idée d’investir dans des œuvres qui ne font pas l’unanimité, puisqu’une œuvre d’art contemporain n’y parvient jamais. »

Femme de Françoise Pétrovitch © X-DR

Huit à Sète

La capitale de l’agglo, outre le bronze de Françoise Pétrovitch, accueillera les totems d’acier de la marseillaise Chourouk Hriech, pour une promenade entre terre et mer, vide et plein ; une sculpture imposante d’oiseau de mer face aux embruns du site Saint Pierre de Johan Creten, une fontaine à Bears vert et rouge de Fabrice Hyber, sur la place Aristide Briand et son projet controversé de parking souterrain. La salle polyvalente Brassens, fermée pour vétusté depuis 2019, y sera entièrement reconstruite, pour offrir ses 1100m² aux associations de la ville, et offrir à tous une fresque de Robert Combas, qu’il veut « très colorée, qui tienne avec le temps, soit entièrement visible de l’extérieur et parle de Brassens »

Plusieurs œuvres des artistes de ces BAM ont pris d’ores et déjà pris leur place dans l’espace public sétois : le pont des Arts de Jean Denant, au trajet courbe, voiles d’inox et empreintes de filets de pêche, ouvre désormais un des accès à la ville et les plaques en émail de Francois Lugori déclinent sur les murs du parking Victor Hugo leur vision colorée de la création du monde. 

Sur la place au-dessus la Fontaine des fleurs mouvantes sublime le rouge et bleu de Sète, comme des coquelicots flottant sur la mer, offrant aux enfants la possibilité de la fraîcheur et, le soir, la majesté des jets d’eaux illuminés : Jean Michel Othoniel, d’ici fin 2025, restaurera également le Pavillon des bains de la place, en l’ornant de fresques au sol, aux murs sans doute. Un projet qui bénéficie d’une commande d’État.

AGNÈS FRESCHEL

La caserne  miraculeuse… 

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Face à la faillite du projet urbain « Quartiers Libres », piloté par la Métropole d’Aix-Marseille Provence, depuis 2010, les associations ont repris le flambeau et se sont réunies pour une présentation le 11 avril 2024 à CinéFabrique. Les partenaires, qui ont travaillé ensemble à l’écriture du projet, comptent la Fondation Abbé Pierre, Yes We Camp, JUST, Artagon, Parallèle, AN02/CH03 et CinéFabrique. Ces acteurs, qui interviennent dans des champs complémentaires, sociaux et culturels, apportent une haute valeur ajoutée, technique et participative, au 3e arrondissement de Marseille. 

Un arrondissement qui constitue le quartier le plus pauvre en France (Hors Dom-Tom). et qui continue de s’appauvrir considérablement. Une réalité socio-économique qui repose sur une histoire de peuplement.

Désindustrialisation

La Belle de Mai porte l’histoire de vagues migratoires et ouvrières structurelles du peuplement de Marseille, reposant sur la notoriété emblématique de grandes entreprises comme la Manufacture des Tabacs, les usines de raffinement de sucre (Sucres Saint-Charles 1830) et de fabrication d’allumettes : le déclin industriel a laissé d’immenses friches industrielles, doublées de friches militaires. 

Si certaines ont su se convertir en friche culturelle telle que la Friche de la Belle de Mai, d’autres bâtiments restent en partie inoccupés, alors même que les besoins d’espaces de vie sociale, de développement économique et de mise à l’abri manquent cruellement à Marseille. C’est dans une dynamique d’urbanisme d’amorçage que Nicolas Détrie, directeur de Yes we camp imagine le développement d’un nouveau tiers lieu au service des habitants et des institutions. 

Renouveau de l’action collective !

Éric Semerdjian, conseiller municipal en charge de l’innovation sociale et la coproduction de l’action publique, s’appuie sur le bilan de Coco Velten pour soutenir l’initiative. L’expérience de la Porte d’Aix a fait ses preuves depuis 2019, et a laissé la place au projet de pérennisation portée par la ville, alliant mixité sociale et mixité d’usages sur 4000 m2 de logement social, d’hébergement d’urgence, et d’actions sociales et culturelles. Eric Semerdjian attend désormais que les autres collectivités, l’État et les entreprises suivent.     

Pour Francis Vernède de la Fondation Abbé Pierre, il s’agit de valoriser l’implication de la société civile en répondant aux besoins d’hébergement d’urgence. Plus de justice sociale, d’insertion professionnelle, soutien aux pratiques artistiques émergentes et de contribution des habitants, tous.tes s’engagent à veiller à la défense et la promotion des actions en faveur des habitants du 3e et du développement de leur territoire. 

La question de la dimension éphémère du projet est évoquée pour indiquer l’urgence et la nécessité de projets durables dans un contexte économique où tous les indicateurs sont au rouge.  Il y a urgence à élaborer au plus vite, dans la perspective de pérenniser.

Samia Chabani

« La France, tu l’aimes mais tu la quittes ! »

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Après avoir longtemps traité du déni des discriminations en France, dans ses recherches et notamment sa publication A l’épreuve des discriminations, Julien Talpin, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du racisme et des quartiers populaires revient sur la question, avec la nouvelle enquête sur la diaspora française musulmane, « La France, tu l’aimes mais tu la quittes », aux côtés Alice Picard, chercheuse et d’Olivier Esteves, spécialiste de l’immigration du monde anglophone. 

Publiée au Seuil, les parcours de re-expatriation de Mourad, Samira, Sandrine, Vincent… sont édifiants. Nés en France, diplômés de l’enseignement supérieur, , stigmatisés pour leur religion, leurs noms ou leurs origines, tous.tes ont subi en France une discrimination sur le marché de l’emploi, et se sont installés à Londres, Dubaï, Casablanca, Montréal ou Bruxelles, pour une meilleure prise en compte de leurs compétences. 

Anywhere without discrimination

Sont-ils simplement emblématiques des nouveaux profils des « anywhere », qui sont en mesure de travailler de n’importe où avec un ordinateur connecté, contrairement aux « somewhere », ancrés dans leur terroir, ou représentent-ils également un malaise lié au rejet de l’enracinement durable de musulmans en France ?

Les « deux clans » décrits par David Goodhart, illustrent  l’une des formes de la nouvelle fracture mondiale avec un clivage fondé sur la mobilité comme compétence et aptitude professionnelle : il s’agit bien là d’une partition gagnants versus perdants de la mondialisation. Ainsi en s’exilant, ces Français de culture ou de confession musulmane, trouvent à l’étranger l’ascension sociale qui leur était refusée en France. 

Des polémiques remettent en cause la méthode, la durée ou l’échantillon quantitatif de plus de 1000 personnes. Pourtant cette enquête sociologique confirme pourtant ce que les enquêtes Trajectoires et origines (Brinbaum et Primon, 2013 ; Meurs, 2017) menées sous la direction de Patrick Simon, illustrent de longue date . : il y a de fortes inégalités sont objectivement observées dans l’éducation, l’accès à l’emploi ou les niveaux de revenus, au détriment des minorités visibles d’origine maghrébine, subsaharienne ou turque notamment.

 Exception française

En interrogeant les élites minoritaires, l’étude détaille leurs formations, comment elles sont assignées à un islam réel ou supposé, les raisons de leur départ, le choix des destinations, l’expérience de l’installation et de la vie à l’étranger, le regard qu’elles portent sur la France, leurs perspectives de retour… Mais ce n’est pas seulement une fuite des cerveaux que l’ouvrage documente : se révèlent en creux les effets délétères de l’islamophobie qui, vus d’ailleurs, semblent bel et bien constituer une exception française.

SAMIA CHABANI

Flamme poétique

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Nadine Agostini © Antoine Gallardo

Au fil des ans ou des eaux de l’Argens qui mènent de Barjols à la côte toulonnaise, le festival des Eauditives s’est affirmé comme le temps fort poétique du printemps. Y est rendu visible le travail effectué par les membres de la Zone d’Intérêt Poétique (ZIP) de Barjols auprès des scolaires, depuis l’école primaire au lycée grâce aux restitutions de leurs ateliers

Cette année sont à l’œuvre le poète performeur, et fondateur de la revue Freeing our body, Yoann Sarrat, du poète et performeur Dominique Massaut, de la plasticienne et auteure Nicole Benkemoun, le peintre et plasticien Guy Ibanez, la poétesse et comédienne Laurence Vielle et des poètes, plasticiens, performeurs, éditeurs (éditions Plaine Page) et fondateurs des Eauditives, Claudie Lenzi et Éric Blanco. Comme tous les ans, sous la houlette de leurs professeurs, les étudiant.e.s de l’Ecole Supérieure Art et Design proposeront leur déambulation  poétique avec les Furoshiki, une  technique de pliage et nouage de tissu  détournée pour envelopper des créations plastiques construites autour des textes des auteurs en présence. Ils s’adonneront aussi aux performances baptisées Poessonies, mot qui unit poésie, son et eau.

Dominique Massaut © John Sellekaers

Subtils éclairages

S’orchestrent des rencontres d’auteurs, Yoann Sarrat, Nadine Agostini, Frédérique Guétat-Liviani pour son livre 4 de chiffre et Sarah Keryna qui évoquera son nouvel opus Ligne directe, paru cette année aux éditions Plaine Page. 

Conférence, lectures, performances, vernissages d’expositions précèdent le dernier évènement de la manifestation : une journée consacrée aux écritures sourdes, qui s’achèvera par une table ronde sur le thème des Générations créatrices avec quatre femmes, Chantal Liennel, Emmanuelle Laborit, Zohra Abdelgheffar et Marine Comte. Ici, selon Éric Blanco, « mieux qu’une seule flamme spectaculaire et médiatisée, plusieurs lumières de poche ou bougies de proximité, relient et croisent les différences, connectent les œuvres, les textes et les idées ». 

MARYVONNE COLOMBANI

Les Eauditives
Du 14 mai au 1e juin
Barjols, Châteauvert, Toulon, Brignoles, La Garde, Saint-Raphaël

Citadelle de Marseille : quand le présent s’empare de l’Histoire 

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©Citadelle de Marseille - Jean-Charles Verchère

Zébuline. Qu’est ce qui vous a donné envie de diriger ce projet ?

Mathilde Rubinstein. Beaucoup de choses. C’est une chance inouïe de travailler sur un site patrimonial de cette envergure, avec une dimension mémorielle aussi forte. La dimension d’économie sociale et solidaire  m’a également paru essentielle : je travaille dans la culture depuis très longtemps et je me préoccupe de la diversification du public. Travailler dans une structure d’ESS, et construire directement avec un public empêché, c’était un vrai défi. 

Vous avez été directrice adjointe des Théâtres puis coordinatrice générale de Manifesta. Qu’est ce qui différencie le projet de la Citadelle des différentes missions que vous avez menées jusqu’à présent ?

Jusqu’alors j’ai travaillé dans la création, dans le domaine du patrimoine on n’est pas dans la même dynamique professionnelle, en terme de logique de production. Ici, on développe un projet culturel en co-construction, que ce soit avec les publics ou les acteurs artistiques.  J’assume la direction artistique mais je la partage autant que possible. Ce n’est pas un projet que l’on peut diriger seule : la dimension du site dépasse l’individualité. Le patrimoine c’est un bien commun à protéger, il faut donc travailler avec le commun. 

Quand vous parlez aux Marseillais, comment perçoivent-ils ce lieu ?

Ce que je sais, c’est que les Marseillais le voient comme un site patrimonial qui leur a été interdit, et qu’ils peuvent redécouvrir. C’est aussi pour eux l’occasion de réentendre l’histoire de Marseille, le développement de cette ville et de son rapport avec le pouvoir central et la Méditerranée. Cela répond à une attente et des questionnements des Marseillais. J’espère que l’on incarne aussi un lieu de création, de vie, de culture, ouvert sur la ville.

Mathilde Rubinstein © Citadelle de Marseille

Justement, comment assure-t-on l’accueil du public, dans un lieu qui a été conçu pour le repousser ? 

Les contraintes que nous avons dû surmonter sont celles de sa mise en sécurité, sa mise aux normes. Évidemment, dans un fort du XVIIe siècle, rien n’était prévu pour l’électricité également : on a dû construire toute l’infrastructure sur ce site de cinq hectares, je vous laisse imaginer l’investissement colossal que cela représente… Aujourd’hui ce que l’on a du mal à aborder de manière satisfaisante c’est l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite : on est sur un éperon rocher avec des pentes à 8%, un monument historique avec des calades au sol très inconfortables pour rouler dessus. Nous avons poussé au maximum ce que l’on pouvait faire (accessibilité des toilettes, de l’accueil), mais nous espérons avoir des mécènes pour trouver d’autres solutions, comme des petites voiturettes pour assurer une accessibilité convenable à ces personnes. 

La Citadelle a déjà accueilli des spectacles ces derniers mois, en partenariat avec La Criée ou le Festival de Marseille. Quels retours avez-vous eu des artistes et des opérateurs culturels ?

Ces programmations sont nées d’un désir et d’un engagement partagés, y compris financier. Ce n’est pas simple de programmer ici, on n’est pas dans une salle classique, où tout l’équipement est sur place. Mais on a eu des retours excellents, parce que le site est inspirant, et pour les artistes ce n’est pas rien de créer, de jouer ici. Je pense à Aina Alegre pour l’ouverture du Festival de Marseille en 2023, ou aux Trois Mousquetaires qui ont trouvé ici un décor parfait. Ce sont des projets qui rencontrent nos valeurs, en terme d’ouverture au public, de qualité, et de transmission…

Vous avez dessiné une belle programmation estivale, la Citadelle a-t-elle vocation à accueillir des événements en hiver aussi ?

Oui, mais ce sera pour la saison 2025/26. On est encore très contraints par le fait d’être essentiellement un établissement de plein air. On travaille à aménager des espaces en intérieur pour pouvoir répondre à cela, mais nos plus grandes salles font 50 m2, c’est un peu notre talon d’Achille. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI

Succès public pour le week-end d’ouverture 

5, 4, 3, 2, 1… Les membres de l’équipe fébriles ont entamé le compte à rebours. Il est midi tapante ce samedi 4 mai quand ils donnent le top pour activer les lourdes portes en fer qui s’ouvrent dans un grincement. Derrière la grille, des dizaines de personnes se pressent. Marseillais, mais aussi touristes veulent être les premiers à fouler le sol en pierre du fort Saint-Nicolas. Ils seront 9 100 dans le week-end à découvrir le monument fermé au public depuis… 360 ans. 

Ce lieu exceptionnel a été confié par la ville à l’association La Citadelle de Marseille.Il s’agit d’abord d’un projet social en partenariat avec l’association Acta Vista qui pilote la restauration du fort et encadre un chantier d’insertion qui a déjà formé aux métiers du patrimoine quatre cents personnes éloignées de l’emploi. C’est aussi un tiers lieu culturel qui accueillera en résidence des artistes, plasticiens, photographes, écrivains… du monde entier. L’accès aux jardins, 1,5 hectare face à la mer, est gratuit. L’occasion d’y découvrir l’exposition à ciel ouvert de Franck Pourcel sur le football masculin et féminin, un parcours sonore, « l’île aux chiens » qui plonge dans les mystères d’un épisode méconnu de la vie du fort : son occupation par des centaines d’animaux sous l’égide du service de santé et vétérinaire des armées de 1978 à 2011. 

La Citadelle accueillera aussi des concerts : La Valentina, MachinE, Perlla et Abstraxion ont enflammé le fort pour sa soirée d’ouverture, des collaborations avec des festivals entre autres Le Bon Air, Oh les beaux jours, Explore et le Conservatoire Pierre Barbizet dont les élèves et professeurs donneront un grand concert pour la fête de la musique. Une guinguette pour se restaurer et des activités payantes sont aussi proposées aux Marseillais : visites guidées, ateliers pour enfants – actuellement le jeu de piste la grande évasion (8-12 ans) – ainsi que des visites scolaires.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Ouverture les week-ends en mai et du mercredi au dimanche tout l’été de 12 à 22 heures.