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Les Chroniqu’heureuses : Les minots rencontrent Baraka Merzaïa

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Baraka Merzaïa © X-DR

Cet automne, ce sont les jeunes de l’association Because U Art, à Noailles, qui ont étudié le projet de l’Algérienne Baraka Merzaïa, programmée au festival Jamais d’Eux sans Toi [voir notre article ici]proposé par l’A.M.I.. Artiste singulière, la musicienne originaire du sud du Sahara revendique ses orginines et sa culture à travers sa musique, bien sûr, mais aussi les tenues traditionnelles qu’elle arbore à chacune de ses apparitions publiques. Avec bienveillance, elle a répondu aux questions des apprentis journalistes après leur avoir interprété quelques morceaux en guitare/voix. 

Les minots. Qu’est ce qui t’a donné envie de commencer la musique ? 

Baraka Merzaïa. Enfant, on chantait devant nos parents chaque fin d’année, à l’école. J’ai toujours aimé ça, chanter en public. Dans le sud de l’Algérie, on a nos propres musiques : j’ai toujours voulu la partager, comme le fait le groupe Tinariwen, qui est très connu.

Au cours de ta carrière, as-tu été victime de discrimination ? 

Bien sûr ! Tous les Algériens, je pense [rires]. Je suis quasiment la seule femme venant du sud à faire de la création de contenu sur internet. J’ai eu du mal à me faire comprendre. J’ai aussi ressenti de la discrimination quant à ma couleur de peau dans le nord de l’Algérie, où les gens ont du mal à croire que je suis algérienne car ma peau est noire, alors que la leur est blanche. Là-bas, on me dit des choses bêtes en français ou en anglais. Quand je réponds en arabe, ça s’arrange. 

Quelle fut ta première expérience de chant ?

J’ai participé à la compétition Jeunes Talents Algérie, en 2016. Je n’avais que 16 ans et les autres participants avaient beaucoup d’expérience artistique. Ils m’ont appris beaucoup de choses et donné envie de me perfectionner. 

Qu’est ce qui te donne envie de revendiquer ta culture à travers la musique ? 

Peu de personnes montrent nos paysages, nos traditions, nos mariages… Je n’ai pas envie qu’on les garde juste pour nous. Quand je fais des vidéos sur internet, beaucoup m’envoient des remerciements ! Même des Algériens, qui préfèrent visiter l’Europe ou les États-Unis sans savoir qu’ils ont ça dans leur propre pays.

Comment choisis-tu ton répertoire ? 

Je choisis les chansons qui vont avec ma tessiture, ma couleur vocale. J’aime partager les sentiments grâce au chant : on peut toucher les auditeurs grâce à la musique, j’aime que les chansons aient un sens, soient éducatives. 

Te considères-tu influenceuse ? 

Ce terme est un peu lourd : un influenceur a une très grande responsabilité et doit faire attention à ce qu’il poste, tout le monde peut voir ses vidéos et cela peut avoir des impacts sur les personnes qui les regardent, surtout les enfants. Je suis une artiste et une créatrice de contenu. 

CETTE INTERVIEW A ÉTÉ RÉALISÉE PAR ALA, IZZA, ZINEB, IBRAHIM, YAMINA ET KHADIJA ET RETRANSCRITE PAR LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Baraka Merzaïa est en concert le 26 novembre au Petit Théâtre de la Friche la Belle de Mai.

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Noailles : le dessous des cartes  

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Une des soixante cartes réalisées par Elsa Noyons, ici un plan du cadastre © Elsa Noyons

Au départ, il y a son travail sur le quartier de la Goutte-d’Or réalisé à Paris entre 2018 et 2020. Ou l’obstination d’une artiste à vouloir cartographier un quartier sous toutes ses coutures. Il en est sorti un livre remarquable, Déplier l’ordinaire – récompensé par le prix Révélation Livre d’Artiste de l’ADAGP 2023 – avec plus de 70 cartes révélant en autant de couches l’identité, les fantasmes, et l’anatomie d’un territoire. Ce même travail, Elsa Noyons le livre cette fois dans la ville où elle a grandi, Marseille, avec pour sujet Noailles. Depuis 2021, l’artiste grenouille dans le quartier, ses cadastres, auprès de ses habitants. Un travail d’enquête et d’observation qui a donné lieu à une première restitution ce 14 novembre à Pièce A Part (Marseille), où elle a présenté ses cartes « sensibles », ou « narratives », qui seront réunies dans un ouvrage à paraître au printemps.

Matière grise

Qu’ont en commun le parcours du soleil à Noailles, le nombre de caméras de surveillance, le prix des locations Airbnb, ou les différentes variétés d’arbres présentes dans le quartier ? A priori pas grand chose, si ce n’est quand ces informations sont agglomérées, collectées, reliées, comme autant de détails d’une même photographie. Dans chaque carte, Elsa Noyons isole un sujet, un point de vue, et le dessine sur une planche au format A3. On y voit parfois l’absence et la rareté – le nombre d’écoles dans le quartier – ou l’abondance – le nombre de logements insalubres. D’autres sont plus légères, comme celles représentant certains des animaux de compagnie qui peuplent le territoire, ou la liste des rues classées par ordre croissant. Et certaines donnent la parole aux habitants, quand elle demande à Younès ou Julia de dessiner leurs propres frontières mentales du quartier. Mises bout à bout, elles dessinent un portrait créatif et saillant de Noailles, qui n’apparait ni blanc ni noir, mais dans la justesse de ces gris qui colorent ses planches. 

NICOLAS SANTUCCI

Cartographie narrative de Noailles
À découvrir jusqu’au 12 décembre à Pièce A Part, Marseille.
Un livre à paraître au printemps chez Amers Books et LJMTL éditions.

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Les « Procès du siècle » au Mucem visent l’utopie 

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Paloma Moritz, Saana Saitouli et Axelle Cuny, le 18 novembre pour l’ouverture des Procès de siècle © G.C.

Quatrième saison : les Procès du siècle sont une formule qui dure au Mucem. Il faut dire que ces rendez-vous hebdomadaires ont trouvé leur public ; chaque lundi à 19 h, l’auditorium Germaine Tillon ne désemplit pas. Sur le papier, ils se placent « au croisement du débat, du théâtre et de l’instruction judiciaire » pour former un espace de délibérations citoyennes. Dans les faits, il s’agit plus, pour les journalistes chargés d’animer la soirée, de dresser un état des lieux sur des questions de société, avec des invités réunis au plateau, puis de passer le micro dans la salle pour quelques questions. Un format somme toute assez classique, mais avec une spécificité : sont régulièrement « appelés à la barre » deux ou trois témoins, amenés lors d’un atelier collaboratif préalable à formuler argumentaires et témoignages. Ce qui donne lieu à des prises de parole parfois fortes, souvent émouvantes. Pour participer à ces « commissions d’enquête », pilotées par Grégoire Ingold (metteur en scène) et Fabienne Jullien (comédienne) le week-end précédant chaque Procès, il suffit de s’inscrire à l’adresse reservation@mucem.org.  

Nouvelle saison, nouveau thème

« Féminismes, genres, minorités », « Luttes en partage »… Chaque année amène son lot de problématiques intéressantes à aborder dans un musée de société, à mesure que les crises sociales et environnementales se corsent. Un processus souvent déprimant, tant les raisons de se réjouir manquent. De quoi donner envie de chercher, parmi toutes les actualités, quelques lueurs d’espoir d’un monde meilleur. Alors décidément, les grands esprits se rencontrent, comme le veut l’adage populaire, et l’utopie inspire bien des cycles de réflexion à Marseille. Après le festival de sciences sociales Allez Savoir, Opera Mundi, et l’Upop, le Mucem s’empare donc de ce terme, né au XVIe siècle sous la plume de l’humaniste anglais Thomas More pour désigner une représentation d’un système idéal, opposé aux systèmes réels imparfaits. Rappelons la définition qu’en donne le dictionnaire Le Robert : « Idéal, vue politique ou sociale qui ne tient pas compte de la réalité – Conception ou projet qui paraît irréalisable. » Un préalable à garder en tête, mais non destiné à tempérer l’enthousiasme de qui voudrait suivre les Procès du siècle de cette année, puisqu’ils proposent justement « d’explorer les utopies concrètes et réelles, les nouveaux modèles à inventer pour avancer vers plus de démocratie, plus d’écologie, plus de solidarité ». Tant il est vrai que garder les deux pieds ancrés dans le principe de réalité permet de voir suffisamment loin pour œuvrer.

L’utopie comme stimulant

Partir du réel, de l’existant, c’était bien l’objectif de l’ouverture de saison, le 18 novembre. L’écologie, un combat de riches ? Point du tout ! Pour traiter de ce sujet, Paloma Moritz, journaliste de Blast, était entourée de Sanaa Saitouli, cofondatrice de Banlieues Climat et Axelle Cuny, coordinatrice de Marseille PACA – Action contre la Faim. Deux femmes résolues, venues, sans se voiler la face sur les difficultés auxquelles elles sont confrontées, défendre l’action collective dans les quartiers populaires en matière écologique. Très émue de voir dans le public des représentants de L’Après M, emblématique « fast social food » des quartiers Nord de Marseille, la première invitée promeut une éducation aux enjeux écologiques dans les cités, avec une école ouverte cet automne à Saint-Ouen (93) qui ne demande qu’à essaimer. La seconde décrivait un marché bio et local implanté à La Viste (13015), lequel permet aux habitants d’accéder à d’excellents produits pour se nourrir, tout en garantissant aux paysans un revenu leur assurant de vivre dignement de leur activité. Deux projets nés de la société civile, qui pouvaient paraître improbables tant les pouvoirs publics peinent à prendre la mesure de l’urgence, mais qui démontrent qu’en visant l’utopie, on arrive à obtenir des résultats valables, stimulants, et partageables. De toutes façons, « il n’y a que l’entraide qui peut nous permettre de surmonter les chocs à venir », rappelait Paloma Moritz en conclusion. « La guerre de tous contre tous ne peut que nous enfoncer. »

GAËLLE CLOAREC

Les Procès du siècle – Oser l'utopie
Jusqu'au 17 mars 2025
Mucem, Marseille
Le prochain Procès, intitulé Moi aussi, ensemble, reviendra sur le mouvement Me Too et aura lieu le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale des violences faites aux femmes.

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Madama Butterfly : Papillon en vol, cœur en chute

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© photo Christian DRESSE 2024

Créée en 2019 à l’Opéra de Lorraine, la mise en scène signée Emmanuelle Bastet, fait une escale remarquée à l’Opéra Marseille. Le succès est déjà au rendez-vous pour cette maison d’opéra, avide de Puccini, et rêvant d’entendre son orchestre dans des pages aussi vibrantes d’émotions que riches en trouvailles, exigeantes et toujours signifiantes pour les instrumentistes. 

La direction de Paolo Arrivabeni se révèle dynamique, oscillant entre une énergie frénétique et un lyrisme subtil. Dès l’introduction, la fugue s’enchaîne dans un souffle continu, où la tension s’installe sans temps mort. Les manigances du premier acte se précisent avec densité et minutie, dans un tourbillon d’émotions contradictoires, entre légèreté et souffle tragique. Pinkerton, américain pressé de contracter un mariage d’un jour avec une geisha repentie, complote et négocie avec force argent avec le goguenard Goro (impeccable Philippe Do) et parade devant le consul Sharpless (subtil Marc Scoffoni), fier de son arrangement morbide ; il a ici les traits doucereux et la voix charmeuse du ténor français Thomas Bettinger, tour à tour séduisant et fuyant. 

Du rêve et des larmes

Pour la naïve Cio-Cio San, âgée d’à peine quinze ans, cette union devrait être une rédemption ; mais Pinkerton n’y voit qu’un prolongement de sa prostitution passée, et l’assouvissement de fantasmes d’Orient. Ardente, obstinée, entière, la Butterfly d’Alexandra Marchelier se refuse à ce simulacre : elle incarne une femme idéaliste, se consacrant corps et âme à son rêve d’amour. Toute en ampleur, vocalement comme théâtralement parlant, elle ouvre ses ailes de velours au premier acte avant d’exploser lors du second, prouvant qu’une belle carrière attend la lauréate des Victoires de la Musique 2023. La Suzuki de la talentueuse Eugénie Joneau se fait elle aussi joliment et fermement entendre, lorsqu’elle allie le geste à la parole pour sortir du simple carcan de la servante fidèle. Une expressivité qui fait plaisir à voir dans des rôles trop souvent essentialisés, et réduits à leur seule résignation. 

Riche d’une scénographie épurée, empruntant aux arts japonais et pensée par Tim Northam, la mise en scène d’Emmanuelle Bastet évite tout orientalisme en conjuguant simplicité, familiarité et une iconographie proche de la poésie – à l’instar de ces fleurs tombant du ciel pour signifier l’éclosion des sentiments. Entre abstraction et symbolisme, notamment dans son architecture ouverte et désajustée, elle abolit les frontières entre extérieur et intérieur, entre rêve et réalité. 

Saluée par une standing ovation, la première se conclut sur des larmes d’émotion, dans le public comme sur le plateau.

SUZANNE CANESSA

Madama Butterfly a été joué à l’Opéra de Marseille les 14, 17 et 19 novembre
A venir
Le 21 novembre à 20h
le 24 novembre à 14h30

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Dee Dee et ses Lady 

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© Niccolo Bruna

Pour le plus grand Bonheur d’un public venu en masse, Dee Dee Bridgewater ne fait pas la sieste le dimanche à 15 heures. À Aix-en-Provence ce dimanche, elle présentait son nouveau quartet « We Exist ! », soit une riposte féministe au machisme dans l’univers du jazz. Le répertoire aligne principalement des protest-songs. Sa présence scénique est plus incendiaire que jamais, avec cette voix à la tessiture et à l’amplitude rare, aux inflexions blues et gospel sans pareilles. Elle se plaît à solliciter ses partenaires de tournée : Carmen Staaf, (piano, orgue), Rosa Brunello (contrebasse, basse électrique) et Evita Polidoro (batterie), qui lui répondent avec délectation, dans des conversations musicales aux accents blues et soul débordant de sincérité, esquissant des expérimentations libres plus que bienvenues. The Danger Zone, que Percy Mayfield avait composé pour Ray Charles, prendra des allures de manifeste en ces temps troubles. Elle terminera une interprétation débridée de Mississippi Goddam (Nina Simone) en brandissant le poing à la manière du mouvement « Black Lives Matter ». En rappel, le groupe livrera une version chantée de Spain (Chick Corea), renversante d’émotion.

LAURENT DUSSUTOUR

Concert donné le 17 novembre au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence

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Oona Doherty : « La danse nous permet d’abattre les frontières »

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Specky clark © Luca Truffarelli

Zébuline. Vous êtes cette saison artiste associée au Centre chorégraphique. Pouvez-nous vous parler de votre relation avec ce lieu, et avec la France en général ?

Oona Doherty. La première fois que je suis venue au Pavillon Noir, nous y avions amené mon spectacle Hope Hunt, et Lazarus … Ensuite, j’ai amené mon spectacle Lady Magma et nous l’avons joué  en haut, dans le studio ici, le soir où le confinement a commencé. Donc, oui, j’ai présenté trois spectacles différents ici jusqu’à présent,  avec une immense joie. Hard to Be Soft, le spectacle que j’ai créé en 2017, sera joué ici le 1er mars 2025, et ensuite je créerai un nouveau spectacle avec le Ballet Junior, une nouvelle variation d’une chorégraphie créée avec la National Youth Dance Company, intitulée The Wall. Il y a beaucoup de chutes dedans, et la  bande sonore est une interview des danseurs et de leurs familles sur la nationalité et l’identité. 

Nous avions demandé à ces danseurs de 16 ans : « Qu’est-ce que cela fait d’être britannique ? Qu’est-ce qui est génial ou terrible en Grande-Bretagne ? ». Ils étaient si jeunes, et j’étais tellement contrariée par la Grande-Bretagne pour le Brexit … Et puis ils ont interviewé leurs grands-mères et leurs parents, et c’est ce qui a fait la bande sonore. Donc, je vais leur apprendre les mouvements, au Ballet Junior, mais je vais aussi leur demander ce que ça fait d’être français ou d’être en France, et nous allons faire la bande sonore à partir de leurs réponses. L’idée est de détruire les frontières dans notre tête, parce que… nous devenons juste chaque jour de plus en plus racistes et de plus en plus divisés. Donc, c’est une tentative de parler de ça.

Oona Doherty © Luca Truffarelli

Est-ce une question qui vous préoccupe particulièrement : le poids de l’identité et des origines ?

Je veux dire, surtout maintenant que j’ai déménagé à Marseille, je me sens vraiment irlandaise (rires). J’ai passé les premières années de ma vie en Angleterre, avant de revenir en Irlande : j’avais un accent londonien, ce qui n’était pas du tout apprécié par mes compatriotes ! Mais je me rends compte que j’ai la chance d’être avant tout une danseuse, et de côtoyer des gens de tous pays et tous horizons, tout en parlant avec eux le même langage, celui de la danse. Je pense que cet art a le pouvoir, plus que tout autre, d’abattre les frontières qui nous enferment.

Il est question, dans Specky Clark, votre dernière création, de folklore irlandais, et aussi de votre héritage familial …

Il est question de mon arrière-arrière-père, mais aussi de légendes puisées dans la base de données dédiée au folklore irlandais, The Dúchas, d’Orwell et de La ferme des animaux … et même de Billy Elliott ! La peinture, et même la narration, le texte, le spoken word, sont toujours présents dans mon travail. J’aime le nourrir d’influences diverses, venues de tous les horizons.

SUZANNE CANESSA

Specky Clark 
22 et 23 novembre
Pavillon Noir, Aix-en-Provence

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Du sel et des cicatrices 

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Quatrième ouvrage de l’autrice d’origine palestinienne Yara El-Ghadban, ce roman parue en 2023, fait écho à un poème, If I must die deRefaar Alareer, mort le 7 décembre de cette même année, sous les bombardements de Gaza. Par-delà la mort, la guerre, il faut continuer à vivre et à raconter des histoires, lancer un cerf-volant, dans le ciel.

La mer Morte est morte, évaporée et le sel a anéanti la région, a fait mourir des milliers et des milliers d’êtres humains. Il y a vingt ans de cela. Le sel a façonné des dunes. Le monde d’avant a disparu, celui de l’Occupation, des soldats des dominés et des dominants, des hauts murs, des stations balnéaires… Des flamands roses sont apparus, des hommes et des femmes ont survécu et forment la communauté de la vallée, que raconte un jeune narrateur Alef.

Ces derniers respectent la nature, les plantes, les arbres, les animaux et apprennent à s’adapter à ce lieu en apparence hostile, aux geysers de sel. Tous les Vivants « se parlent ». Mais derrière les monts, se dresse la ville-coupole, protectrice et militaire, sous son biodôme. Sa société dominée par les « biopurs » ne peut tolérer la présence d’Alef, qui se retrouve prisonnier d’un laboratoire et sujet de l’étude de Shaba, fille de l’Architecte de la cité, qui a élaboré la construction d’un canal permettant à partir de la Mer Rouge, de remplir la Mer Morte. Une rencontre Elle finira par comprendre que le monde d’Alef, celui des flamants roses, des ibex, des plantes, de l’araignée Ankabout est la vie.

Lire aujourd’hui ce très beau roman alors que la Palestine, Israël, vivent depuis un an, une guerre impitoyable, c’est rêver que vivre ensemble est possible, que le désespoir n’est pas absolu et que la littérature sauve un peu l’humanité.

MARIE DU CREST

La danse des flamants roses de Yara El Ghadban
Mémoire d’Encrier - 22 € 

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Agnès Régolo présente sa création « L’Oiseau vert ». Entretien 

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L'OISEAU VERT Photo repetitions © X-DR

Zébuline. Vous créez ce 22 novembre L’Oiseau vert au Jeu de Paume (Aix-en-Provence), un spectacle qui va tourner sur de nombreuses scènes régionales…

Agnès Régolo. Oui, c’est une aventure, on est nombreux sur scène, il y a une petite série de représentations jusqu’en mai même si ma compagnie marseillaise [Du jour au Lendemain, ndlr] ne joue pas à Marseille. Il y a quelques années, une telle production était une évidence, aujourd’hui c’est une exception. Je crois que j’ai bien fait de ne pas en rabattre sur les ambitions. On a eu des temps de résidence dans les scènes et avec le Département 13 et la Région, l’État nous aide un peu au projet même si nous ne sommes pas  conventionnés mais plus émergents…

L’Oiseau vert, pièce que Gozzi a écrite à la fin du XVIIIe siècle, a été marquée, pour une génération de spectateurs, par la mise en scène féerique de Benno Besson dans les années 1980…

C’est un souvenir très très fort pour tous ceux qui l’ont vue, celui d’un théâtre enchanteur qui fait décoller de la réalité. Aujourd’hui, ces machineries, ce théâtre de masques, serait un peu kitsch. Mais j’en garde l’incroyable fantaisie de la narration, cette femme enfermée sous l’évier, cette pomme qui chante… Les personnages sont si saillants, cette méchanceté est si férocement drôle… Pour moi, la féerie n’est plus dans la machinerie, mais plutôt dans la musique, une création de Guillaume Saurel qui est aussi diverse que les moments d’enchantement, d’étrangeté, de terreur que les personnages traversent. Pour ces deux minots partis à la recherche de leur histoire, les plus grandes menaces ne sont par surnaturelles, elles viennent de leur entourage. Les femmes sont très puissantes, la statue refuse d’être humaine, et la joie se gagne, elle n’est pas donnée. La quête des jumeaux est de fait contestataire, et subversive.

Cela reste un conte, un spectacle tout public ? 

Oui, l’histoire peut être comprise par des enfants aussi, mais le conte met en jeu un monde imprévisible, une angoisse d’abandon, une femme séquestrée, des abus de pouvoirs… qui concernent clairement tout le monde aujourd’hui. Dans le texte de Gozzi il y a des parties écrites et d’autres improvisées, chaque mise en scène est de fait une adaptation et doit repenser l’écriture.  Avec Catherine Monin, on a goûté cette liberté d’écrire qui reflète la liberté des personnages, qui est  une façon de contenir leur violence, pour qu’elle ne soit que vigueur.

Votre équipe d’acteurs est aussi vigoureuse !

Oui, j’ai mes anciens, les nouveaux avec qui je travaille depuis La Dispute ou Babil, et puis deux jeunes femmes qui nous ont rejoints, Johanna et Tamara, et cette distribution très variée, mais majoritairement jeune, forme un attelage effectivement… vigoureux ! 

Votre scénographie ? 

Je voulais un lieu qui inspire un mystère, avec une simplicité de moyens, à la fois par choix économique et esthétique. J’ai choisi un espace très graphique, un trou, un rond, un œil dont plein de choses surgissent. Il y a un côté Tintin dans l’aventure, mais aussi dans la ligne claire : l’action va vite, l’espace permet de cerner les personnages, de composer de façon graphique la succession des épisodes et des lieux traversés. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR Agnès Freschel

L’Oiseau vert 

18 mars
Théâtre des Halles, Avignon

4 et 5 mars
Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban

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Béziers : l’extrême droite entre les lignes 

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Béziers l’envers du décor de Daniel Kupferstein © Daniel Kupferstein

Zébuline. Pourquoi un film spécifiquement sur Béziers alors qu’il existe d’autres municipalités d’extrême droite en France ?

Daniel Kupferstein. Je me suis installé dans la région quand Robert Ménard venait d’être élu maire de Béziers avec le soutien de l’extrême droite. Pour moi c’était plutôt un homme de gauche, le président de Reporters Sans Frontières. Lors d’un conseil municipal auquel j’avais assisté, il faisait voter une motion pour un dépôt de plainte par la ville contre une journaliste du Midi Libre et contre une directrice d’un centre d’accueil pour la petite enfance qui s’était vu retirer une subvention municipale. La directrice avait déclaré dans la presse : « avec le passé de Boris Cyrulnik, on n’allait pas rester à Béziers ». Avec, comme sous-entendu, le fait que Cyrulnik, « parrain » de la structure, a été un enfant juif caché pendant la guerre et que la municipalité de Ménard n’a pas apprécié d’être associée aux autorités qui gouvernaient alors le pays. 

Qu’attendez-vous du débat à l’issue de la projection ? 

Principalement de prendre conscience de la manière dont l’extrême droite, à travers un journal municipal, gère les villes, notamment l’opposition, dont l’expression est drastiquement limitée. Avec Le Journal du Bitterrois, désormais tiré à 80 000 exemplaires, distribué dans toutes les villes de l’agglomération, c’est à une véritable propagande que se livre Ménard, allant jusqu’à dire que l’opposition ne sert à rien. Il réalise un tout idéologique et politique. La plupart des gens sont effarés à l’issue de la projection. À chaque débat, j’en appelle à l’unité des responsables associatifs et syndicaux. Chacun·e a souvent une définition abstraite de l’extrême droite au pouvoir. Là, on est dans le concret, violent et illusoire. Si on ne se mobilise pas, on risque d’en arriver à environ 200 municipalités RN ou « droite Ciotti » sur le littoral méditerranéen en 2026.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LAURENT DUSSUTOUR 

Béziers l’envers du décor est projeté le 21 novembre au cinéma L’Alhambra, Marseille

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40 ans de La Maison Hantée  : Les grands esprits se rencontrent  

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La Maison Hantée © X-DR

Zébuline. Revenons 40 ans en arrière. Comment s’est passée la création de la Maison Hantée ?

Yann Doullay. Avant c’était le Café-théâtre de La Plaine. Et quand il a fermé, mon associé Rolland Siné et moi l’avons repris… c’était en novembre 1984. Lui est parti deux ans après, et moi j’ai continué avec ma mère et mon frère. 

Dès le début, il y a une ligne artistique autour du rock et du métal ?

La musique était au cœur du projet. On avait 24, 25 ans, Rolland Siné était musicien, et on connaissait beaucoup de gens qui en faisaient : de la country, du punk, du rock… Puis vers 1988-89 on a eu du reggae et enfin du hip-hop. C’était une musique nouvelle, contemporaine, et il n’y avait quasiment pas de lieux pour les accueillir. IAM a par exemple fait un de ses premiers concerts ici.

Pour fêter vos 40 ans, beaucoup d’artistes sont présents sur scène. Êtes-vous touché qu’autant de personnes aient répondu à l’appel ?  

Oui, je suis très fier de ce rendez-vous. C’est mon fils Félix qui m’a boosté pour le faire, et Mathilde également qui travaille à la Maison Hantée. C’est un travail d’équipe.

« La Maison Hantée continue »

En tête d’affiche, il y a Hakim Hamadouche. Quand il était de passage à Marseille il y a deux ans, je cherchais à le joindre pour une interview, et on m’avait que je le trouverais certainement à la Maison Hantée… quel lien entretient-il avec vous ? 

Hakim Hamadouche a fait son premier concert au Café-théâtre de La Plaine, puis a continué de jouer au tout début de la Maison Hantée. Et dès qu’il vient à Marseille, il passe ici nous saluer. 

Vous allez bientôt quitter la Maison Hantée et la laisser à une nouvelle équipe. Que ressentez-vous ? 

En 40 ans j’ai assez donné ! Je vais me reposer et revenir de temps en temps pour voir si tout marche bien [rires]. Mais c’est bien parce qu’il n’y a pas de coupure, la nouvelle équipe est dans la continuité. La Maison Hantée continue. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI

La Maison Hantée fête ses 40 ans
Du 21 au 23 novembre
Marseille
Au programme :
21 novembre
Exposition photo et vidéo par J2pascal + DJ La Vague
22 novembre
Concerts : The Baïdon’s + Krakers + Silicium + Flathead+ Crache + Technopolice + Sovox + Hakim Hamadouche
23 novembre
Concerts : Bob Passion + Silver Balls + BelpheGorZ + PhantomAss + Lodi Gunz  + Catchy Peril + Rakel Traxx + DJ K666 + Nono & Karim…

[Encadré]

Robex : 40 ans de bonnes ondes
À côté de l’anniversaire de la Maison Hantée, ce week-end célèbrera aussi un autre anniversaire : celui des 40 ans de radio de Robex, animateur et producteur chez Radio Grenouille. Pour l’occasion, un plateau du 88.8 sera installé sur-place et diffusera en direct des interviews des artistes invités, et des anecdotes sur la Maison Hantée... avec Robex à la baguette. À voir ou écouter tous les soirs de 18h à minuit. N.S.