Zébuline. Depuis quand existent Les Écrans du Sud et quelles sont vos missions ?
Joël Bertrand. L’association existe depuis une trentaine d’années et fédère une cinquantaine de cinémas « Art et Essai » sur les 90 que compte la Région Sud. Après plusieurs changements d’adresses et un changement de nom en 2018 – Cinémas du Sud est devenu Écrans du Sud, mais l’association poursuit ses missions initiales. Au départ il y a eu la volonté de certains cinémas de se regrouper. L’association s’est chargée de construire un réseau collaboratif, de proposer et de coordonner des projets communs. Cette coordination reste le cœur de notre action. Les exploitants des salles sont libres de décliner les propositions qui leur sont faites, il n’y a aucun lien de subordination entre nous. Il s’agit de promouvoir les salles en proposant des cycles, des soirées, en organisant des tournées pour un réalisateur ou un acteur invité, en soutenant les films de la Région. Tous les mois, les adhérents sont réunis pour une journée de pré-visionnement. Ils peuvent découvrir ensemble des films programmables sélectionnés par Les Écrans.
Lucie Taurines. Dans le jargon de la distribution, on parle d’ « animation ». Ce qui caractérise les cinémas d’art et essai, c’est non seulement la programmation mais aussi l’accompagnement. Les salles sont « incarnées » par leurs exploitants prescripteurs. Notre action vise à établir une certaine équité sur le territoire pour la diffusion des films. Le maillage des salles en France est exceptionnel par rapport au reste du monde. C’est le fait d’une volonté politique forte.
J.B. L’éducation à l’image entre dans ce cadre. Là encore, Écrans du Sud va coordonner les dispositifs comme « Maternelle au cinéma » ou « Lycéens au cinéma », et depuis peu « Étudiants » au cinéma. Des actions nationales portées par le ministère de la Culture, relayées par la Drac, la Région et le Département.
L.T. Tout ce petit monde se réunit en comités de pilotage pour mener à bien ces actions. Par exemple pour le dispositif « Lycéens au cinéma », les enseignants choisissent pour l’année trois films sur les six qui leur sont proposés et emmènent leurs élèves les voir en salle. Pour notre région, ils peuvent bénéficier ensuite d’une intervention portant soit sur le film soit sur l’histoire du cinéma, soit sur ses techniques. Ecrans du Sud organise deux formations par an pour les professeur·e·s. Il est important de les inciter à y participer. Pour leur proposer des angles d’attaque. D’autant qu’il y a depuis quelques temps une auto-censure sur certains sujets.
Vous vous occupez aussi de Ciné Plein-air.
Oui et ce rendez-vous va fêter ses 30 ans cet été ! En 2018, nous avons fusionné avec Tilt qui portait l’événement, et avons changé le nom de notre association. Ciné Plein-air c’est, de juin à septembre, des séances gratuites dans tous les quartiers de Marseille avec une programmation éclectique, pensée en fonction des lieux.
Est-ce qu’il y a des relations avec les autres structures locales ?
Oui, à l’occasion de rencontres professionnelles, dans les festivals. Nous avons des contacts avec l’ACID, La Semaine de la Critique, nous sommes adhérents au collectif 50/50. Enfin, nous collaborons avec les radios locales et relayons des articles de journaux sur notre site Séances Spéciales – un Allociné régional – en mieux – qui propose un agenda classique sur les films en salles avec une part éditoriale. Les annonces des avant-premières, des événements, des interviews, des reprises de presse.
Quel bilan pouvez-vous tirer de l’année 2024, et que peut-on attendre de 2025 ?
La fréquentation des cinémas a augmenté. Et même si en termes d’entrées les salles Art et Essai représentent peu par rapport aux multiplexes, elles ne sont pas négligeables et s’en sortent plutôt mieux pour le taux de fréquentation. Un multiplexe va passer entre 70 et 80 films par an. Une salle art et essai mono écran entre 200 et 300. Notre mission est de valoriser cette diversité, de renouveler les publics, d’inciter plus de jeunes à venir dans la salle de cinéma partager l’expérience du collectif et du grand écran. Nous sommes soumis aux fluctuations des subventions dans une époque qui n’est pas très favorable aux dépenses culturelles et cela risque d’impacter notre fonctionnement. Mais nousavançons.
L.T. La salle de cinéma est un des derniers lieux où on se mélange et on échange. On milite pour ça. Et quand on apprend qu’on a fait venir dans une salle un jeune qui n’y avait jamais mis les pieds, ça redonne la foi, et du sens à notre travail.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ÉLISE PADOVANI