jeudi 17 juillet 2025
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Accueil Blog Page 214

Les rois porcs n’ont pas d’excuse

0
Peau d'âne, la fête est finie © Marc Ginot

Le Théâtre Jean Vilar était plein à craquer de la jeunesse populaire de La Mosson et La Paillade, familière d’un lieu où la Ville de Montpellier programme des spectacles engagés et pratique une médiation active. Hélène Soulié y est en terrain familier : la metteuse en scène s’est formée à Montpellier et y a fait ses premières armes, et sa compagnie Exit y est toujours basée. Mais cet ancrage local n’empêche pas la portée universelle d’un spectacle pour enfants qui est une claque pour tous·tes.

Dans un décor enfantin astucieux où les meubles colorés se déplacent seuls, où les costumes ont tout du déguisement, une scène de prédation familiale a lieu. Le père (Jean Christophe Laurier), regard mauvais, bouche oblique, perruque blanche, bon chic terrifiant, accule sa fille, tandis que la mère fuit en conseillant à son enfant sans nom d’en faire autant. Celle-ci devra pourtant céder au rituel des « siestes » paternelles…

Ce que disent nos fictions séculaires

Le premier acte est glaçant. Fanny Kervarec, qui joue l’enfant, s’étiole, se renferme, amenuise ses gestes, incarne la terreur et la culpabilité jusqu’au malaise. Le père éditeur et son ami écrivain, sorte d’affreux Matzneff gras, rois porcs libidineux, lorgnent sur la chair fraîche et dévorent des cervelles et de la viande crue. Ils sont l’incarnation dans le réel des ogres des contes, des loups, des pères qui veulent se marier avec leur fille, leur ôter le cœur, les endormir cent ans et dévorer les chevrettes. 

Après ce premier acte sidérant c’est une autre fantaisie, féerique et libératrice, qui viendra réparer les traumatismes dans une joie tapageuse. L’âne de l’enfant (Nathan Jousni, très drôle) se révèle un hybride qui se genre au féminin. Il rencontre une Belle au bois dormant noire (formidable Laury Hardel) qui milite pour que la forêt renaisse. Leur road trip en auto tamponneuse délie peu à peu les paroles de l’enfant, son anorexie, sa terreur. Jusqu’au procès du père, définitif : oui, les hommes doivent s’interdire certains désirs, pour les enfants, surtout quand ils sont les leurs.

La fête est finie. Ce Peau d’âne met un terme à l’inceste raconté dans le conte des Grimm et le film de Demy. La fée des lilas, le cake d’amour en prennent aussi pour leur grade. Mais au-delà, il construit un univers féérique possible où il y aurait des couples choisis, des hybrides et des trans, des princesses racisées et des espèces en voie d’apparition. De nouveaux contes, pour un nouveau monde non patriarcal. 

AGNÈS FRESCHEL

Peau d’âne, la fête est finie a été créé les 12 et 13 octobre au Théâtre Jean Vilar, Montpellier.
À venir
Le 28 janvier au Théâtre Savary, Villeneuve-lès-Maguelone

Danse du Tendre à l’Opéra d’Avignon

0
Les nuits d'été © JC. Verchere

On serait sur une plage, à marée basse. Sur un petit atoll s’agglutinent une chanteuse et des musiciens. En préambule au premier accord, des dépouilles enveloppées dans un drap s’échouent et sont évacuées sur le sol détrempé. 

« La Villanelle rythmique », tube primesautier, est évacuée dès l’ouverture. Les chants suivants empruntent des accents plus mélancoliques, entre perte et chagrin, plaintes insondables et éternels regrets. Les six chants sont reliés par des nappes sonores et agrémentés par « Adieu à la poésie », septième poème mis en musique par Laurier Rajotte, compositeur de la compagnie.

Les sentiments en désuétude se diffusent dans un espace morne et dévasté. L’alliage entre lumière et vidéo participe d’un tableau vivant, du levant au couchant, traversé d’ombres, de fantômes, de fugitifs, de gisants, recueillis, transportés, enlacés, préservés, par des vivants, secourables et affairés.

Elégants transfuges 

« Il ne peut pas exister de progrès durable sans tendresse. »  Christophe Garcia définit ainsi l’esprit de cette pièce, dessinée par la ligne claire, élégante, propre au style de Michel Kelemenis. En 2003, ce dernier s’attaqua à ces mêmes « Nuits d’été ». Ce ballet devint l’une des pierres angulaires, sur laquelle Christophe Garcia, jeune émule du Béjart Ballet Lausanne, posa le socle de sa toute jeune compagnie. 

Ses interprètes, le chorégraphe les appelle sa « meute ». A priori, un aréopage hétéroclite, agrégeant des fidèles depuis les origines, des transfuges, issus du corps de ballet de l’Opéra d’Avignon, auxquels se greffe une chanteuse, accompagnée de six musiciens et leur chef. Au delà des spécificités de chacun, c’est une véritable fraternité qui se déploie, tout au long de cette parenthèse élégiaque, qui oscille sans cesse entre l’ode funèbre et le chant d’espoir. 

MICHEL FLANDRIN

Nuits d’été a été créé à l’Opéra d’Avignon les 20 et 21 octobre

Ode à la liberté

0

Ne pas confondre ! Marylou de Michel Polnareff c’est avec un « y », celle-ci met les points sur les « i » et se refuse à tout « y » patriarcal. Les deux créatrices de l’opus Mauvaise(s) Fille(s), Émilie Marsh, autrice, compositrice et réalisatrice, et Maryline Maillot, interprète et autrice, brossent des portraits de femmes en dix chansons, composées et écrites par Émilie Marsh à l’exception de Petite fille dont le texte est dû à Maryline Maillot. 

Leurs mots se lovent au cœur des mélodies soutenues finement par des guitares aux sonorités qui flirtent avec la pop et le folk, le tout habillé de sons électro, de percussions efficaces et de chœurs (Maryline Maillot) qui offrent leurs échos. La voix de Maryline Maillot aborde les paroles avec une fine simplicité, en un phrasé sans fioritures inutiles. Les finales des chansons se plaisent parfois à des suspens abrupts qui laissent à l’auditeur la résonance des mélodies, tandis que d’autres prolongent leur magie en réitérations rêveuses…

La révolte s’arpège

La fausse innocence des cantilènes offre une distanciation ironique aux paroles parfois acides et aux passions exacerbées. « La joie de vivre » communicative de Seconde adresse suit celle, « légère », qui « scintille » et « ne veut pas choisir ». La liberté des corps et des esprits irrigue les vagues d’un « amour qu’on ne nous a pas appris ». Les personnages sont « comme le vent qui ose » même dans une Impasse Paradis, s’endorment « au cœur du volcan », « plonge(nt) et replonge(nt) dans l’autre vie » et « décide(nt) de faire (leur) chemin ». Si l’ivresse peut être recherchée dans les alcools interdits ou les choix de vie qui s’éloignent des routes communes, celles que les « braves gens » de la Mauvaise réputation de Brassens « n’aiment pas », elle rend hommage au courage d’être pleinement soi. Mauvaises filles, le titre éponyme qui clôt l’album, décline les multiples définitions de cette expression, tellement plus négative que sa version masculine, -une certaine aura en littérature entoure le « mauvais garçon » alors que la « mauvaise fille » est définitivement perdue-. Un disque pailleté où révolte et fête s’arpègent, lumineuses, comme leurs interprètes. 

MARYVONNE COLOMBANI

Mauvaise(s) fille(s)
MARILOU
label marseillais Free Monkey Records

Destins croisés d’un jeune homme candide et d’un marcassin

0

Le talent de l’auteur catalan Jaume Cabré avait été salué en 2013 en France pour la parution chez Actes Sud de la traduction de son roman Confiteor. Après deux recueils de nouvelles, il revient au roman dans un genre totalement différent où l’humour se frotte à la noirceur et la désespérance. Sous une façade déjantée, c’est tout l’absurde de notre condition humaine liée au hasard qui est mis en lumière. Cabré installe ses personnages et les décors dans un joyeux désordre, mêlant une famille de sangliers et le héros malheureux dans une histoire abracadabrante, entre ville et forêt. 

Parcours douloureux

Orphelin de mère, père interné, notre héros, Ismaël, est placé dans un appartement de la protection de l’enfance. Il arrive à faire des études littéraires, commence à donner des cours de littérature mais se fait renvoyer parce qu’il a osé proposer à ses élèves un sonnet du poète catalan Josep Carner au lieu de poètes castillans. Et « seul comme un moineau sous la pluie » pendant un temps trop long, il cherche un autre travail et retrouve dans une mercerie son amour d’enfance. Cela parce qu’il manque deux boutons à sa chemise… Et ce qui aurait pu devenir une histoire romantique où le héros, après une enfance tourmentée, se reconstruit en trouvant l’amour, se transforme en un parcours douloureux, suite à la rencontre d’un vieux copain louche, qui lui propose une affaire encore plus louche.

Un tourbillon de catastrophes

Un accident de la circulation lui fait perdre la mémoire. Hospitalisé, il s’imagine être la proie de policiers qui veulent sa peau. Peu à peu des personnages de romans et de films font place dans son esprit perturbé aux personnes qu’il croise. On est face à Mme Bovary, Jivago ou Marlène Dietrich. Jaume Cabré mélange alors l’histoire de Lili Marlène avec l’aventure d’Ismaël et le lecteur est emporté dans une bourrasque jouissive de dialogues percutants aux jeux de mots qui évoquent ceux des polars américains. Pendant ce temps, un jeune sanglier est devenu orphelin, victime du même accident qu’Ismaël. L’auteur se livre à des retours en arrière avec montage alterné pour clarifier l’enchainement des événements. Leur fin absurde survient brutalement, comme les phalènes, hypnotisées par le feu, s’enflamment et meurent.

CHRIS BOURGUE

Consumés par le feu de Jaume Cabré
Actes Sud-19,80€

Du viennois et autres gourmandises

0
François Xavier Roth © Le philtre

Sur le plateau du Grand Théâtre de Provence, c’est avec vivacité que Jean-François Roth ouvre le concert avec la Symphonie n° 35 en ré majeur de Mozart – il paraîtrait que le ré majeur était à la mode à Salzbourg et que le compositeur aurait été contraint de suivre cette injonction du temps avec agacement. Puissance du thème principal donné à l’unisson dans l’Allegro con spirito, alternance de gammes ascendantes survoltées qui laissent place au calme de l’Andante dont l’élégance prépare au Menuetto et un Presto qui dissimule l’Air d’Osmin de L’Enlèvement au sérail, un personnage de « méchant » que Mozart associait dit-on au prince de Salzbourg… 

Un air arménien

La Symphonie Jupiter (n° 41 en ut majeur cette fois !) donnée en fin de programme apportait son équilibre majestueux et sa puissance digne d’un opéra, jouée par un orchestre aux couleurs et aux phrasés somptueux. Bouleversant l’ordre donné par la feuille de salle, le Concerto pour violon en ré majeur (décidément !) opus 61 de Beethoven (le seul que le maître de Bonn écrivit pour cet instrument) s’insérait entre les deux symphonies mozartiennes. Œuvre tenue par les violonistes comme la plus parfaite du répertoire, ce concerto, reflet d’une des périodes les plus heureuses de la vie de Beethoven, résonnait comme un chant d’amour universel, (celui du compositeur s’était alors cristallisé sur Thérèse de Brunswick à qui il était secrètement fiancé), porté par la violoniste Chouchane Siranossian, étoile de la scène classique et baroque actuelle. Le dialogue entre l’orchestre et le violon se moirait de transparences. La partition soliste venait ourler les lignes mélodiques orchestrales en une complicité harmonieuse. À cette poésie pure répondait en bis, écho à la situation terrifiante dans laquelle se trouve l’Arménie actuelle, l’interprétation bouleversante d’un air traditionnel arménien du XIe siècle, avec ses doubles notes, son bourdon continu et sa fluidité mélodique. 

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 17 octobre au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence

Un battement d’ailes

0
Le Murmure des songes © Claudio Cavallari

Artiste associé de Scènes & Cinés depuis 2022, c’est à Istres que Kader Attou a choisi de présenter les premières représentations de sa nouvelle création. Avec Le murmure des songes, le chorégraphe hip-hop s’adresse une nouvelle fois au jeune public, quinze ans après Petiteshistoires.com, qui plongeait déjà dans les racines de son histoire familiale : « J’ai toujours eu l’envie de me mettre à hauteur d’enfant et de lui parler. L’enfant est pour moi une porte ouverte sur l’imaginaire. Il garde cette capacité de voyager par l’esprit, à travers son imagination sans bornes que j’ai toujours considérée comme de la poésie pure. Montrer cette poésie est pour moi une manière de reconnecter l’humain à la part d’enfant qu’il oublie parfois », revendique le danseur.

Fantaisie baroque 

Dans les tableaux poétiques incarnés au plateau par sa troupe de cinq danseurs et danseuses, les chimères prennent vie de manière éphémère, virevoltant de la grâce du battement d’ailes d’un papillon jusqu’aux secousses des terreurs nocturnes. Pour incarner cet univers fantasque et baroque, qui ose assumer sa fragilité, Kader Attou enrichit son vocabulaire hip hop de nouveaux matériaux : éléments sculptés, théâtre d’objets et de matière, fresques vidéo de Claudio Cavallari et bestiaire fantastique de l’illustratrice jeunesse Jessie Désolée, qui se déploie majestueusement sur la grâce d’un stylo bille. Le spectacle est conseillé à partir de 5 ans.

JULIE BORDENAVE

Le murmure des songes
6 et 7 novembre
L’Usine, Istres
scenesetcines.fr

Quand le sujet s’obstine

0
répétition du samedi 7 janv 2023, nice trip © frederic desmesure

Sans qu’on s’en rende vraiment compte, le spectacle a déjà commencé, salle allumée. D’ailleurs, Michel Schweizer, artiste de la bande du Zef, arrive et rejoint le danseur et acrobate Mathieu Desseigne-Ravel sur scène. Un metteur en scène qui se voit plutôt comme un organisateur de rencontres, et dont les précédents spectacles Cheptel, Cartel et Bôpeupl sont déjà passés sur cette même scène. Des spectacles en forme de vraies-fausses conférences, accompagnées souvent par de la danse. Et par des présences, des prises de paroles déjouant la plupart des attendus associés à ce type de proposition artistique. Là, il s’agit de frontières, de limites, de fil barbelé, de discours sécuritaires et commerciaux, de corps et de vies interdits de passage : Nice Trip est en fait la version augmentée de Bâtards, proposition courte créée en 2017 au Festival d’Avignon dans le cadre des Sujets à vif

Nature et découvertes

Le plateau du Merlan est recouvert d’un plastique blanc, accueillant une urne, un projecteur monté sur trépied, quatre petits panneaux de 50 cm haut, sur lesquels sont collés des photographies de fil barbelé, un caisson en contreplaqué monté sur roulettes, siglé Nature et découvertes. Dans ce paysage se déploie un discours truffé d’éléments de langage marketing autour de la mise au point du fil barbelé, d’inspiration végétale, inventé par un français, puis la mise au point du Concertina Razor, et l’invention toute récente d’une « clôture végétale à haute valeur environnementale, un maillage solidaire de plusieurs arbustes épineux, proposant croissance verte et dissuasion positive ». On croit rêver, surtout que le décalage ironique est toujours perceptible dans le spectacle, notamment à travers un recours à l’IA au résultat plus que surprenant. Mais non, ça existe vraiment, c’est réel, mis au point par une start-up française. Un autre discours, enregistré, pseudo-scientifique, est diffusé, renforçant le marketing sécuritaire, justifiant la séparation comme garantie du développement de la vie. Ça, c’est de l’intox naturaliste. 

Crissements

En contrepoint, la danse de Mathieu Desseigne-Ravel, toute en crissements et en contorsions impressionnantes autour des panneaux de barbelés, va donner la mesure de la violence de l’impact sur les corps de ces discours policés jusqu’à l’écœurement, truffés d’éléments de langage dégoulinant de fausse bienveillance, cherchant à éliminer toute possibilité d’opposition. Un micro circulera dans le public, pour recueillir des réactions, qui donnera l’occasion à un troisième protagoniste, jeune adolescent (Abel Secco-Lumbroso) d’entrer en scène, troublant le duo par sa présence. Duo qui l’accompagnera dans l’invention de son cheminement, notamment à travers un moment de danse au sol, tout en portés, avec Mathieu Desseigne-Ravel, très beau.

MARC VOIRY

Nice Trip était présenté les 18 et 19 octobre au Zef, scène nationale de Marseille

Une sororité affirmée

0
Nos héroïnes © Marie Milliard

Il y a deux ans, Wilma Lévy proposait un atelier créatif à des femmes dans le cadre des activités du Centre social du Grand Saint Antoine dans le 15e arrondissement de Marseille. D’abord se rencontrer, échanger, danser. Puis l’écriture est venue avec le tissage de propositions spontanées et de réécritures, mélangeant expériences et cultures. Parmi elles, une gamine d’une dizaine d’années et une ado de 15 ans en seconde au lycée Thiers.

Le spectacle commence par une marche rythmée en musique sur un plateau nu. Gestes simples, répétitifs pour se mettre en chemin. La question de la place des femmes dans l’espace public est posée en même temps que les rapports de la grande Histoire avec l’histoire individuelle. Évocation de la grève des sardinières à Douarnenez en 1924 qui avait débouché sur une victoire et constitue une des premières réussites des revendications ouvrières et féministes. 

Se réapproprier son corps

Est ensuite évoqué le procès de Djamila Boupacha, militante FLN, accusée d’un attentat en 1959, violée par des parachutistes français, défendue par Gisèle Halimi. Puis celui de Bobigny en 1972 où la célèbre avocate a défendu Marie-Claire, violée et avortée à 16 ans. Procès qui a abouti à la légalisation de l’avortement par la loi Veil en 1975.

Dans un bel ensemble vibrant d’émotion fusent les prises de parole, les chants, les danses. Des pancartes sont brandies avec les slogans des manifestations et dénoncent le programme du patriarcat qui a muselé et dominé les femmes. Le public a applaudi, debout, très ému par l’engagement de toutes ces femmes lumineuses.

CHRIS BOURGUE

Nos héroïnes, de Wilma Lévy (Cie Les passages) a été donné les 21 et 22 octobre à La Criée, théâtre national de Marseille

Rade Side et pop gourmande 

0
Miel de Montagne © Juliette Valero

Pendant trois jours, Toulon n’aura pas le temps de souffler. Il faut dire que Tandem, la Smac du Var à l’initiative du festival Rade Side, a de nouveau frappé fort pour cette huitième édition. Du 26 au 28 octobre, certains des artistes les plus emballants des scènes électro-pop-rock se réunissent au Live. 

Pour preuve cette première soirée avec Miel de Montagne, qui comme son nom l’indique, manie l’art de l’ironie, du pas de côté, qui font de lui un artiste à part dans la scène musicale française. Une pop suave et un talent certain qui l’emmèneront même en tournée en Amérique du Nord quelques jours après son passage en terre varoise. Le même soir sur le plateau du Live, se pressent les tout aussi excellents Biensüre, dont l’harmonie des sonorités, qu’elles soient anatoliennes ou occidentales, sont empaquetées dans un psychédéslisme-disco tout à fait remarquable. 

Fin électrique

Le lendemain place à Zed Yun Pavarotti, le chanteur stéphanois que l’on a découvert en 2018 avec sa mixtape Grand Zéro. D’abord connu pour son rap, il s’est depuis tourné vers une pop urbaine plus proche de ses influences Beatles ou Oasis, comme dans son dernier album Encore, sorti au printemps. Avant lui, le Caennais Own propose une indie pop anglo saxonne, avec un mimétisme poussé jusqu’à prendre l’accent british… ainsi que la neo-soul de Liquid Jane, l’artiste du coin très en vue en ce moment.  

Pour clôturer le festival, c’est l’électro qui est à l’honneur, et pas avec n’importe qui. Rade Side peut se vanter d’accueillir une légende du genre avec Étienne de Crecy, porte étendard de la french touch depuis maintenant trente ans. On attend aussi la house de Nathalie Duchene et la UK bass de Goldie B. Outre les concerts, le rendez vous propose aussi une rencontre professionnelle avec les acteurs des musiques actuelles, pour échanger autour des « pratiques en mutation et des nouvelles activités à développer ».

Nicolas Santucci

Rade Side
Du 26 au 28 octobre
Live, Toulon 
tandem83.com

Création traditionnelle, ou la fin d’un antagonisme 

0
Ensemble Télémaque, October Lab © Pierre-Gondard

La question était posée : « quels liens entretiennent les musiques traditionnelles et la création contemporaine ? ». Raoul Lay, compositeur, chef d’orchestre et directeur fondateur de l’Ensemble Télémaque osait le pari de proposer à trois compositeurs du bassin méditerranéen, issus de la Corse, la Sardaigne et Malte, d’exercer leur art en intégrant à de nouvelles œuvres sous la forme concertante, des instruments vecteurs des musiques populaires et traditionnelles, en l’occurrence, mandoline et launeddas (flûte sarde), joués par deux immenses solistes, Vincent Beer-Demander (mandoliniste) et Michele Deiana (launeddas). 

Théâtralité joyeuse

Les lumières ne s’éteignent pas en début de concert. Les chaises des musiciens de l’Ensemble Télémaque restent vides, seul attend le mandoliniste. Le chef d’orchestre se retourne brusquement vers le public, comme s’il allait le diriger, inversant les rôles. Un geste, précis, dessine l’amorce d’une rythmique. Pas cadencés, grelots et tambourins se font entendre ; deux percussionnistes descendent le long des gradins et poursuivent leur danse à leur place d’orchestre, bientôt rejoints sur le même pas et les mêmes grelots par les autres instrumentistes. 8 : Il ballo delle occiate de Maria Vincenza Cabizza (Sardaigne), écrit en mémoire du premier baiser échangé par ses grands-parents sur cette danse traditionnelle, séduit par sa vivacité, ses élans, sa joie de vivre communicative, sa forme proche du poème symphonique qui intègre launeddas et mandoline en un double concerto au tissage lumineux. Nuraghe de Jérôme Casalonga (Corse), en référence à ces tours énigmatiques de la culture nuragique de la Sardaigne, s’appuyait sur le bourdon ( accord continu) de la launeddas pour brosser de vastes paysages aux lignes en épure d’un intense lyrisme. L’auditeur alors voyage, redécouvre le relief accidenté des montagnes, plonge vers la mer,  dans la quiétude d’un village dont les cloches résonnent au loin. 

Sans doute la plus « continentale » des propositions, Fighting for hope de Karl Fiorini, inspiré par le livre de Petra Kelly, militante du mouvement pour la paix et l’une des fondatrices du parti des Verts allemand, s’ornait d’accents mahlériens en une composition travaillant la masse instrumentale comme une sculpture  : à la mandoline dont les accents allaient jusqu’aux sons saturés, répondait la harpe de Guilia Trabacchi (conservatoire de Bolzano) offrant tous deux de subtils contrepoints à un ensemble qui trouvait dans sa matière même de sublimes envols. 

Berio le père

En conclusion les Folks songs de Luciano Berio, interprétés par la pétillante soprano, Laura Delogu (conservatoire de Cagliari), abolissaient les frontières entre les genres musicaux, unissant les pièces traditionnelles et l’écriture contemporaine avec finesse et intelligence.  Sans  doute une nouvelle forme de composition dans la lignée de Berio est en train de naître ici, réconciliant tradition méditerranéenne et contemporanéité en des œuvres fascinantes.

MARYVONNE COLOMBANI

IN.MA.NO, création le 21 octobre à l’Idééthèque des Pennes-Mirabeau dans le cadre de la saison de Marseille Concerts