jeudi 17 juillet 2025
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Une journée avec Dominique Cabrera

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(C) Ad libitum

Bonjour Monsieur Comolli

Quand Jean-Louis Comolli demande à Dominique Cabrera de le filmer, sachant qu’il va bientôt disparaitre, elle accepte, aimant sa « manière d’être ». Un film improvisé, quelques instants de la présence de cet homme qui a réalisé plus de 40 films, qui a écrit, pensé, « le dernier film auquel il participe » dit-il avec l’humour qui est le sien. Du 31 octobre 2021 au 15 avril 2022, Dominique, sa coscénariste Isabelle Le Corff, et Karine Aulnette, qui tient la caméra, viennent au 26 bis de la rue Viala à Paris et conversent avec cet homme qui n’a jamais trop parlé de lui dans ses films. Durant une heure et demie, en confiance, dans l’urgence, il va se livrer. Il évoque l’Algérie d’où il venait, l’Algérie colonisée, le « royaume du faux », la mise en scène documentaire, la mort de la femme qu’il a aimée, Marianne, dont il a pris la dernière photo, tout comme Dominique, d’ailleurs, qui a photographié Didier Motchane avec qui elle a vécu prés de 20 ans, au moment de sa mort.

On parle aussi de la Méditerranée, du montage comme geste de fabrication du continu, du champ et du hors champ comme gestes politiques. Jean-Louis Comolli aborde aussi ses choix, cinématographiques, fictions d’abord puis documentaires. Il explique pourquoi il a décidé de ne plus faire de films : une sorte d’évasion pour pouvoir faire d’autres choses qui l’intéressent. Il en vient à parler de son nouveau compagnon, le cancer, qui ne lui laisse aucune chance d’évasion : « la première fois que ça m’arrive ! » Il a aimé filmer la fragilité ; ceux qui maitrisent tout, qui contrôlent leur image ne l’intéressent pas et il s’est laissé filmer lui-même dans ces moments où de plus en plus fragile et très affaibli, il avait à peine la force de parler. « Le cinéma est un sauveur, un sauveteur, il est là pour garder des relations. » disait-il. Jean Louis Comolli avait promis à Dominique Cabrera et à ses collaboratrices de venir voir les roses de son jardin, qui éclosent fin mai et de goûter un des vins blancs de Bourgogne, un Chassagne-Montrachet, qui lui restait à tester. Ils n’auront pas eu le temps : il est mort le 19 mai 2022.

On ne nait pas film, on ne devient

Anna Zisman et Dominique Cabrera (C)A.G.

Dominique Cabrera n’est pas venue seule présenter son prochain film. Elle est accompagnée de son équipe, sa coscénariste Anna Zisman, Béatrice Thiriet, la compositrice de la musique avec qui elle a travaillé sur ses autres films, Raymond Sarti le chef décorateur et sa productrice Gaëlle Bayssière Rapp. Une rencontre passionnante, animée par Karim Ghiyati, qui a permis de montrer au public présent, dont beaucoup de jeunes, que faire un film est un travail d’équipe et demande des années de préparation. Des femmes comme les autres, l’histoire de Simone (Hélène Vincent) et Jeannine (Yolande Moreau) qui ont accepté très vite d’incarner ces deux amies et voisines, expertes en broderie, est en germe depuis 2015. Un cheminement au long cours dont on a pu voir la progression : lecture d’extraits du scenario, projection de documents, divers, d’extraits de films, de photos de repérages, d’images de broderies. Chacun·e a pu expliquer son travail avec la réalisatrice : Anna Zisman qui est de Montpellier les va-et-vient dans l’écriture du scenario et les repérages dans la ville. Béatrice Thiriet sa composition musicale dont elle a fait écouter des extraits. Raymond Sarti n’aime pas le terme de chef décorateur et préfère qu’on parle d’accompagnement des corps qui bougent. Gaëlle Bayssière Rapp a rappelé le travail de productrice. À l’issue de cette rencontre on n’a qu’une envie : voir Des femmes comme les autres, en salle de cinéma !

ANNIE GAVA

https://www.cinemed.tm.fr/

Montpellier et Sète célèbrent la création en Méditerranée

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Il tango delle Capinere © Rosellina Garbo

 A l’initiative du Théâtre des 13 Vents, Centre Dramatique National de Montpellier, la Biennale des arts de la Scène réunit le Centre Chorégraphique National, l’Opéra National de Montpellier mais aussi le Théâtre Molière, Scène nationale de Sète, le théâtre municipal Jean Vilar, la Maison Lieu de Sète, le Domaine d’O, départemental… Une mise en synergie qui veut préfigurer la Capitale européenne de la Culture : le dossier de candidature définitif a été déposé le 27 octobre, et Montpellier a déjà réussi à affirmer sa spécificité, fondée sur son ancrage méditerranéen, et sa capacité de fédérer les opérateurs culturels. La Biennale s’affirme comme une préfiguration de ce qui pourrait advenir, et témoigne, quoi qu’il advienne, d’une véritable mise en commun des ressources et de la réflexion, puisqu’à partir du 14 novembre la programmation artistique se complète de Rencontres, ouvertes à tous.tes, pour penser les modalités des arts d’une scène euro-méditerranéenne de demain. 

Musique sans frontière

 La première semaine s’ouvre à l’Opéra Comédie les 8 et 9 novembre à 19h, avec l’orchestre et le chœur nationaux qui accompagnent la viole d’amour de Jasser Haj Youssef. Le soliste tunisien explore les musiques baroques, classiques, jazz et orientales, dans un concert qui appelle à la Réminiscence. De Bach aux modes de la musique indienne, il fait résonner les 14 cordes dont 7 « «sympathiques » (qui vibrent par résonnance avec les 7 autres cordes frottées par l’archet) de cet instrument cousin du violon, très en vogue au XVIIIe siècle en Europe, et qui s’adapte volontiers, par ses accords multiples et la profondeur de ses échos, à divers répertoires. Pour peu  qu’ils aiment les registres lyriques ! 

Un concert accompagné, forcément, de poésie, d’une soprano rompue à tous les styles (Diwa Wahab), et de textes qui passeront du français à l’arabe et à l’araméen. 

Autre dialogue au Centre Chorégraphique, avec la création de Nicolas Fayol Faire fleurir Un solo, coproduit par Montpellier danse, qui s’appuie sur les techniques de breakdance pour démontrer qu’un corps peut explorer des verticalités qui ne reposent pas sur les deux pieds ! Acrobatique, la danse de Nicolas Fayol, accompagnée par deux musiciens en live, construit des tableaux en clair-obscur (les 9 et 10 à 19h, salle Bagouet,  ICI-CCN).

Scène/hors scène

Le Biennale des arts de la scène affiche aussi, dès l’entrée, que le monde est un théâtre, et que l’espace public est aussi une scène, pour tous. Elle programme la création de 1 Watt  Nous impliquer dans ce qui vient, à Plan Cabanes, et interroge sur une place publique L’Outrage au public de Peter Handke (le 11 novembre à 16h), agrémenté de la subversion « festive et poétique » de 9 artistes indisciplinées et obstinées…

La Scène Nationale de Sète se délocalise quant à elle à Balaruc-le-Vieux le 9, à la Passerelle (Sète) le 10, à Mèze le 12, à Poussan le 14, pour proposer le dernier monologue de Fabrice Melquiot La Truelle, sur la mafia et la Calabre. François Nadin, entre documentaire et fiction, y démystifie la violence et la mort de cette Cosa Nostra, qui n’est décidément pas la nôtre…

Dante est une femme

La présence du Sud de l’Italie s’affirme aux 13 Vents avec Il tango delle Capinere, dernier opus d’Emma Dante (le 9 et 10 à 20h30). C’est la mémoire d’une vieille femme, sicilienne, qui se déplie et se déploie. Elle convoque en une ultime danse l’homme qu’elle a aimé et dans les bras de son fantôme elle remonte le temps, de leur adolescence, des prémices de leur amour, aux moments clefs de leurs vies, les naissances, les décès. Au rythme de chansons populaires siciliennes, Manuela Lo Sicco et Sabino Civilleri nous plongent dans la mémoire populaire et baroque de Palerme, en fouillant dans la malle, surprenante, de leurs souvenirs. Avec quelques révélations, des secrets, des surprises, dans cette histoire intime d’un couple écrite du côté de la femme, avec des torrents d’émotion. 

AGNES FRESCHEL

Biennale des arts de la Scène en Méditerranée
Divers lieux, Montpellier
Du 8 au 24 novembre
13vents.fr

Venus d’Afrique

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Déserts de Faouzi Bensaïdi © Dulac Distribution

Le Festival des cinémas d’Afrique du pays d’Apt, c’est l’occasion de voir des films venus de 19 pays, fictions et documentaires, longs et courts, certains en avant-première. C’est aussi participer à des rencontres avec les cinéastes ou à un marathon vidéo, suivre une leçon de cinéma et découvrir une exposition. Et, après le buffet d’ouverture le 9 novembre, assister à la projection du premier long-métrage de fiction de la Camerounaise Rosine Mbakam, Mambar Pierrette (Quinzaine des cinéastes à Cannes), sur l’âpre quotidien d’une couturière de Douala.

Venus du Maroc…
Juste avant on aura pu voir Animalia (Parmi nous) de Sofia Alaoui, l’un des cinq films marocains au programme. Déserts, le sixième long de Faouzi Bensaïdi entre road movie, western et fable sociale ; Les Meutes (Prix du jury à Un Certain Regard) de Kamel Lazraq, l’odyssée au cœur de la nuit marocaine d’un père et de son fils flanqués d’un cadavre. Autre film marocain primé à Un Certain Regard, La Mère de tous les mensonges qui a obtenu Prix de la mise en scène, ainsi que l’Œil d’or du meilleur documentaire : Asmae El Moudir reconstitue avec une maquette et des figurines le quartier de son enfance à Casablanca, cherchant à démêler un tissu de mensonges familiaux. Enfin, Indivision, l’histoire d’une famille qui se réunit à la Mansouria, le vieux domaine familial sur une colline de Tanger, de Leila Kilani qui donnera une leçon de cinéma le 11 à 14h. 

…de Tunisie

Fatma et ses filles, Najeh et Waffeh, travaillent comme « machtat », musiciennes traditionnelles de mariage et essaient de régler leurs problèmes familiaux : la Tunisienne Sonia Ben Slama présentera son film Machtat (sélection ACID Cannes). Autre opus tunisien : Les Ordinaires (Orizzonti  de la Mostra de Venise) que son réalisateur Mohamed Ben Attia commente ainsi : l’histoire d’un homme qui s’affranchit violemment de son environnement banal, se soustrayant à la société avec ses principes, ses codes et ses institutions. 

…et d’ailleurs

Des documentaires venus du Mali, de Guinée, du Burkina-Faso, du Tchad, du Sénégal abordent des sujets très variés. L’aventure d’une entreprise collective pour Raphaël Grisey et Bouba Touré dans Les Voix croisées ; la recherche de Mouramani, le premier film réalisé par un cinéaste africain noir francophone dans Au cimetière de la pellicule de Thierno Souleymane Diallo ; le travail des enfants orpailleurs dans  Or de vie  (Fespaco) de Boubacar Sangaré ; l’Amchilini, une cérémonie traditionnelle pour convaincre les femmes restées trop longtemps célibataires de choisir un mari et la remise en question des relations homme/femme dans Amchilini (Fespaco) de Kader Allamine ; l’histoire d’une monnaie, le CFA, qu’on pratique ou dont on entend parler mais qu’on connaît mal dans L’argent, la liberté, une histoire du franc CFA
de Katy Léna Ndiaye (mention spéciale du jury au Fespaco). 

Et aussi des fictions de l’Ile Maurice, Simin zetwal (Regarde les étoiles)
de David Constantin ; d’Angola, Our lady of the Chinese Shop d’Ery Claver, de République Démocratique du Congo, Augure de Baloji (Prix New Voice à Un Certain Regard) Sans oublier les 3 séances de courts métrages. Et pour clôturer ce programme alléchant, venu du Soudan, le superbe Goodbye Julia de Mohamed Kordofani le 15 novembre à 20h 30.

ANNIE GAVA

Africapt
Apt
du 9 au 14 novembre
africapt-festival.fr

Lorsque les animaux s’invitent à l’orchestre

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Le carnaval des animaux © Orchestre national de Lyon

Dirigé depuis son violon par Jennifer Gilbert, l’Orchestre national de Lyon en formation réduite s’en donnait à cœur joie devant la salle comble du Grand Théâtre de Provence, adaptant son instrumentarium aux fantaisies des partitions.

Jouets en goguette

La paternité de la Symphonie des jouets est controversée. Qui de Léopold Mozart, le père d’Amadeus, ou du « Père Edmund Angerer » a commis cette pièce ? Les érudits alimentent la controverse entre partitions originales et copies postérieures ou antérieures, sans compter la première attribution à Haydn, on ne prête qu’aux riches, qui aurait, après l’achat de jouets, joué cette œuvre pour des enfants lors d’une soirée de Noël. Tracas dont personne se souciait lors de son interprétation en ouverture du concert donné cette matinée-là, où renonçant à la sieste, les enfants « sages » et leurs enthousiasmes affluaient dans la grande salle du GTP ! Venaient malicieusement s’ajouter aux instruments traditionnels de l’orchestre, violons, violoncelles et contrebasses des accessoires cocasses inattendus, un appeau-coucou, un appeau-caille, un sifflet à eau-rossignol, une trompette-jouet à une note, une crécelle-hochet, un tambour d’enfant. Le « joueur de coucou » se dressait parfois, tel un personnage d’horloge animée, le gazouillis des oiseaux transformait l’ensemble en véritable volière tandis que le triangle scintillait de toutes ses paillettes. Les facéties de cette introduction préparaient avec malice le carnaval à venir.

Bestiaire musical

Si la partition originale de Saint-Saëns était écrite pour un orchestre et sans textes, Shin-Young Lee l’a transcrite dans le livre-CD dans lequel cette version a été enregistrée pour un ensemble réduit mais nous donne l’illusion d’une formation au grand complet. Les poèmes d’Élodie Fondacci viennent remplacer les textes de Francis Blanche, en en conservant l’humour, la distanciation, les allusions accessibles aux adultes, mais en une écriture poétique et espiègle capable de séduire les enfants. Ce qui fut le cas ! Endossant le rôle du récitant, Élodie Fondacci interprète le bestiaire du Carnaval des animaux avec une verve savoureuse, transforme sa voix pour chaque personnage. Un détail, une intonation, une attitude en épure suffisent pour donner vie à l’éléphant, au cygne, aux poules, aux kangourous, au lion, aux fossiles (couple désopilant de tyrex)… La vivacité de la dérision est prolongée par la pochade musicale du compositeur qui refusa la publication de l’œuvre durant sa vie, à l’exception du Cygne. Sans doute il ne souhaitait pas, lui, virtuose du piano et organiste, voir son nom attaché à un registre humoristique et léger. Pourtant ne se moque-t-il pas aussi de lui-même lorsque les pianistes eux-mêmes sont classés parmi les animaux et triment sur leurs gammes (géniaux Pierre Thibout et Pierre-Yves Hodique). La direction de Jennifer Gilbert sait mettre en évidence les pastiches, souligne les traits désopilants de la partition, fait naître des silhouettes expressives, noue saynètes et tableautins en ciselant finement les phrasés. Quelle fête !

MARYVONNE COLOMBANI

Le carnaval des animaux par l’Orchestre national de Lyon a été donné le 28 octobre à 15 heures au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, dans le cadre de Mômaix.

MONTPELLIER : Dans les récompenses de Cinemed 

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Nuit Noire en Anatolie © Outplay Films

Quand un festival se termine, on a des images, des sons, des histoires plein la tête. On attend avec impatience le palmarès des films en compétition, fictions et documentaires, longs et courts. Les jurys auront-ils eu les mêmes coups de cœur ? La 45e édition de Cinemed a pris fin le 28 octobre. C’est en musique que la cérémonie de clôture a commencé, tout comme son ouverture d’ailleurs ; des musiques de films, jouées au piano par Philippe Rozengoltz.

Les longs métrages primés

Le grand prix, l’Antigone d’Or, est toujours le plus attendu et plusieurs films l’auraient amplement mérité, vu la qualité de la sélection. Le jury, présidé par Pascal Elbé a décidé, à juste titre, de l’attribuer au film turc d’Özcan Alper, Nuit noire en Anatolie, un film âpre entre film noir et western, superbement mis en scène et en images. Ishak revient dans son village natal après 7 ans d’absence : sa mère est très malade. Ishak est un homme rongé par un secret, seul : personne ne se réjouit de son retour ; personne n’a envie que le passé ressurgisse. Le spectateur va découvrir peu à peu la vérité, le suivant dans sa quête, à travers des paysages à couper le souffle, des sentiers escarpés, des gouffres où il va descendre, au risque de sa vie, tout comme il plonge dans des souvenirs qu’il n’a pas réussir à enfouir. Le montage alterné met le spectateur dans une quête d’indices, comme son ami, Ali, garde forestier « différent », qui recherchait les traces d’un animal en voie de disparition. Berkay Artes, dans le rôle d’Ishak est impressionnant et les images de Nuit noire en Anatolie restent longtemps en mémoire.

Le public de Cinemed a choisi de primer un film en panorama, qu’on a beaucoup aimé : 20 000 espèces d’abeilles d’Estibaliz Urresola Solaguren qui avait valu l’Ours d’argent à son interprète principale Sofía Otero à la dernière Berlinale. (https://journalzebuline.fr/a-berlin-la-jeunesse-prend-largent/)

C’est le film de Lina Soualem, Bye bye Tibériade, qui a obtenu le grand prix Ulyssedu documentaire et on ne peut que s’en réjouir. Un film sur trois générations de femmes palestiniennes dont la fille de Hiam Abbass retrace les parcours de vie semés d’embûches et de combats, à travers des images d’archives, des photos, des films de familles e avec, très émouvante, la parole de la grande actrice, réalisatrice… Lina Soualem, qui n’était pas présente au palmarès a tenu à remercier le jury « d’avoir célébré les femmes palestiniennes, des femmes de ma famille, celles qui ont appris à tout quitter et à tout recommencer, d’avoir vu leur humanité, d’avoir décidé de la valoriser. […] Ce sont les histoires d’un peuple nié dans son identité, dépossédé de ses droits, contraint de se réinventer sans cesse. Une histoire faite de lieux disparus, de vécus transformés […] C’est en  racontant qu’on se délivre pour conserver les images d’un monde qui se perd. Dans le contexte actuel, j’ai une forte pensée pour ceux et celles qui ont perdu la vie, Palestiniens, Israéliens, pour leurs familles, les captifs, les enfants victimes des violences dont nous sommes témoins. » Une lettre aussi  touchante que Bye bye Tibériade dont on sort les larmes aux yeux.

Anna de l’Italien Marco Amenta a séduit les jeunes des Activités sociales de l’énergie : inspiré d’une histoire vraie, Anna raconte le combat d’une femme, en Sardaigne, une femme libre, sauvage, très liée à cette terre qu’on veut lui prendre. Une femme qui se bat jusqu’au bout, seule, rejetée par les villageois qui ont d’autres intérêts : le complexe hôtelier prévu leur laisse entrevoir des emplois et de l’argent. La lutte d’Anna, superbement interprétée par Rose Aste, est une lutte vitale pour elle et pour la Terre et le film de Marco Amenta, tourné en langue sarde raconte une histoire universelle.

C’est le film de Dani Rosenberg, Le Déserteur(non vu hélas !), l’histoire d’un jeune soldat israélien qui fuit les combats à Gaza, qui a remporté le Prix de la Critique ainsi que celui de la meilleure musique, celle de Yuval Semo.

Le prix étudiant de la Première œuvre est revenu à la Marocaine Asmae El Moudir qui, dans La Mère de tous les mensonges, rejoue sa propre histoire et un épisode tragique de son pays en juin 1981, grâce à une maquette du quartier de son enfance et à des figurines de chacun de ses proches. Un documentaire à la forme étonnante.

Danser sur un volcan © Abbout Productions

Les courts métrages primés

Parmi les 17 courts en compétition le Jury a décidé d’attribuer le Grand Prix à La Voix des autres de Fatima Kaci  qui met en scène une interprète, une passeuse, une femme constamment renvoyée à ses propres fantômes lorsqu’elle écoute les récits des autres. Une belle histoire inspirée par le réel et très bien interprétée par Amira Chebli

Le public a choisi Sokrania 59 d’Abdallah Al-Khatib où l’on retrouve Hiam Abbass dans le rôle d’Aisha une réfugiée syrienne, en Allemagne obligée, avec sa famille, à cohabiter avec Maria et sa fille qui ont fui la guerre en Ukraine 

Ils ont eu des mentions

Fort heureusement, le Jury documentaire a été sensible à un film qui a séduit aussi le public : lors de la projection, son réalisateur, Cyril Aris a eu droit à une standing ovation de plusieurs minutes. À juste titre. Son film Danser sur un volcan nous plonge dans un Beyrouth meurtri, juste après l’explosion sur le port et nous fait partager l’énergie de l’équipe du film Costa Brava, Lebanon de Mounia Akl. Une merveille !

Sans oublier le sympathique court de Wissam Charaf, Et si le soleil plongeait dans l’océan des nues.

Pour clore cette belle édition, Cinemed a proposé une version restaurée de Vivement Dimanche. Et surtout, vivement la 46e édition.

ANNIE GAVA

Cinemed s’est tenu du 20 au 28 octobre à Montpellier

L’Adolescence de l’art

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La soprano Marie Lys est également présente sur la scène de l'Opéra Comédie © Alex Annen

On comprend aisément ce qui a pu séduire Philippe Jaroussky dans les œuvres de jeunesse de Mozart (voir notre entretien ici), dont on pourrait arguer qu’elles constituent un premier style. Composés entre quatorze et seize ans, les ouvertures d’opera seria, symphonies, arias et airs dits de concert conservent tout d’abord des liens avec la musique baroque, répertoire de prédilection du contre-ténor puis de ses expériences de chef d’orchestre. Le goût du contraste frappe notamment, souligné ici par un choix de changements de tempi et de nuances fort à propos y compris au sein même des ouvertures, là où d’autres auraient surjoué le raffinement et adouci jusqu’au mielleux les finitions et effets de transition. Le choix d’une nomenclature réduite à son strict minimum est également tout à l’honneur du chef comme de l’orchestre : les pupitres sont réduits à leur plus simple appareil, et chaque solo de la violoniste supersoliste – impressionnante Dorota Anderszewska – ou de son homologue des seconds violons – Ludovic Nicot – résonne dans sa confondante simplicité. 

Une direction minutieuse

Les vents, et tout particulièrement les cuivres, se révèlent particulièrement exposés : les cors de Sylvain Carboni et Jacques Descamps, les hautbois et bassons de Coline Prouvoust, Tiphaine Vigneron, Blandine Delangle et Arthur Antunes assurent avec grâce et musicalité une partition particulièrement difficile. Soutenus, malgré une évidente et payante prise de risque, par la direction toujours minutieuse de Jaroussky, les musiciens s’adaptent également à la présence au clavecin de Yoko Nakamura. C’est ici l’entente et la vigueur concertante des musiciens qui est explorée, notamment sur le genre tombé depuis en désuétude des airs de concerts où la voix de l’épatante Marie Lys s’érige face à eux. À la manière d’un concerto grosso, les airs de concert la placent en complice et imitatrice avisée de leurs impulsions ; jusqu’à ce que cette grande cantatrice en devenir s’épanouisse sur des parties a capella brillantes. Très fournie dans ses graves, la soprano se teinte de colorature lorsqu’elle s’élance jusqu’au contre-mi bémol sans difficulté apparente. La Donna Anna qu’elle donne à découvrir en bis laisse rêveur : sans doute l’entendrons-nous développer ce rôle par la suite – peut-être à nouveau sous la direction de Philippe Jaroussky ? 

SUZANNE CANESSA

Le concert Mozart, l’enfant prodige a été donné les 27 et 28 octobre à l’Opéra Comédie, Montpellier

MONTPELLIER : Marlène Mocquet, une artiste libre

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THIERRY ET THE BEATLES - 2023 © X-DR

Boucles blondes irréelles, robe noire sexy de princesse gothique, regard intense souligné de kohl noir… Rencontrer Marlène Mocquet fait immédiatement penser à ces créatures pétillantes aux yeux en relief, mi-écarquillés mi-effrayants, qui habitent ses œuvres depuis toujours, donnant vie à un monde fantasmagorique aussi joyeusement naïf que doucement inquiétant. Jamais vraiment figuratif, ni totalement abstrait. Pour retracer la genèse de son exposition à la galerie de la Fondation GGL, au rez-de-chaussée de l’hôtel Richer de Belleval, Marlène Mocquet, 44 ans, nous emmène dans l’escalier d’honneur dont elle a transformé le plafond en étrange jardin d’Éden méditerranéen. La peintre, également sculptrice, fait partie des artistes* de renom qui ont réalisé des œuvres in-situ dans cet hôtel particulier du XVIIe siècle à la demande de la Fondation. Cette exposition en est le prolongement. « C’est le cadeau d’une vie que d’exploiter cet espace immense » sourit l’artiste, laquelle a voulu en remercier les commanditaires en les mettant en scène dans cette nouvelle exposition. 

Enchanteresse

S’inspirant des bustes de César qui ornent les hauteurs du majestueux escalier de l’hôtel, l’artiste a créé un buste en céramique pour chacun en lui associant également une grande toile peinte. Portraits organiques faits d’accumulations et d’allégories poétiques, ces œuvres sont inspirées d’entretiens réalisés par l’artiste. Ainsi, on apprend que les maîtres d’œuvre du groupe GGL, Alain Guirandon, Jacques Guipponi, Jean-Marc Leygue et Thierry Aznar (qui a quitté le groupe depuis) sont passionnés de randonnée, de bon vin, de chevaux et de pop-rock british. En ce qui concerne les jumeaux gastronomes Jacques et Laurent Pourcel, à la tête du Jardin des Sens, Marlène Mocquet fait un nouveau clin d’oeil (comme dans son oeuvre in-situ) à un dessert-signature : la Pink Lady pomme d’amour.

Grand amateur de pêche, Numa Hambursin, aujourd’hui directeur du Mo.Co, également le premier directeur artistique de la fondation GGL, est représenté en châtelain (ce qu’il est vraiment) dont la devise est « Différent parfois, libre toujours », le titre de l’exposition. Au fond de la première salle trône le buste de Marlène Mocquet, réalisé dans le cadre d’un solo show au Musée Déchelette de Roanne, qui lui donne des airs de fée de la nature. La scénographie immersive se poursuit dans la deuxième salle où un banquet sombre et mystérieux nous attend. Comme Alice, nous voilà dans un monde où on ne sait plus si tout est trop petit ou trop grand.

ALICE ROLLAND

* aux côtés de Jim Dine, Abdelkader Benchamma, Jan Fabre et Olympe Raca-Weiler. 

Différent parfois, libre toujours, 
Fondation GGL, Hôtel Richer de Belleval, Montpellier
Jusqu’au 27 avril 
hotel-richerdebelleval.com

Le festival « Visions d’exil » débute ce week-end à Marseille

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Le premier temps fort du festival est attendu ce samedi à la Friche la Belle de Mai © C. Dutrey

Ils viennent de Russie, d’Ukraine, d’Irak ou de Birmanie, et ont fui leurs pays pour vivre et pratiquer leur art. Certains de ces artistes exilés sont aidés par Atelier des artistes en exil, leur assurant espaces et matériels de travail, conseil juridique, cours de français… que ce soit dans leurs locaux parisiens ou ceux ouverts à Marseille (rue Villa Paradis) depuis octobre 2021. Dès le 4 novembre dans la Cité phocéenne, l’association propose de découvrir le travail de 26 de ces artistes à l’occasion de la nouvelle édition de son festival Visions d’exil, avec plusieurs temps forts qui commencent ce samedi à la Friche la Belle de Mai.

C’est au 5e étage de la Tour que le coup d’envoi du festival est donné. À partir de 15 heures, des « parcours-performances » de 14 artistes et d’une durée de 5-10 minutes sont à visiter par groupes d’une vingtaine de personnes, préservant ainsi la couleur « intime » de leur travail (sous réservation). Après ces parcours, le festival donne rendez-vous à La Ruche K voisine, pour le vernissage de l’exposition Rituels où le travail de dix autres artistes est présenté. Au programme, de la peinture, de la photo, de la vidéo, ainsi qu’une performance musicale sont à découvrir. Le lendemain, c’est au Musée d’art contemporain que se poursuit le festival, avec la performance intitulée Visages de l’artiste kurde irakien Peshawa Mahmood. Il investit le hall du musée de 14 à 18 heures, le temps pour lui de créer une œuvre que l’on imagine inspirée de son travail autour du « portrait rapide ».

NICOLAS SANTUCCI

Visions d’exil
Du 4 au 24 novembre
Divers lieux, à Marseille et Aix-en-Provence
festival.aa-e.org

L’épopée de la miséricorde

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L'Abbé Pierre, une vie de combats de Frédéric Tellier © WY Productions SND

Le biopic est vieux comme le cinéma mais il semble que, depuis les années 2000, le genre prolifère sur nos écrans. Avec des bonheurs divers. Artistes, sportifs, scientifiques, personnalités politiques, Piaf, Freddy, Cloclo, Oppenheimer, Simone ou Bernadette, le choix est large. Figure majeure de l’après guerre, icône iconoclaste adorée des Français, L’Abbé Pierre, qui avait pris en 89, les traits de Lambert Wilson pour Hiver 54 de Denis Amar, est incarné ici par le tout aussi convaincant Benjamin Lavernhe de la Comédie française. Dans le long parcours de la vie de l’Abbé, il joue tous les âges, entrant dans le rôle par sympathie et mimétisme : maquillage, costumes, travail minutieux sur la diction et les postures. « Tout est vrai », déclare Frédéric Tellier, suivant un des crédos du genre. 

Dans une mise en scène très sage, alourdie parfois par des effets superflus, le film feuillette chronologiquement le livre du destin exceptionnel de Henri Grouès, devenu l’Abbé Pierre en 43 pour se cacher des Allemands. Fils d’un grand bourgeois lyonnais catholique qui entraînait ses fils dans des activités caritatives dominicales, à l’instar de St François d’Assise, il renonce à ses privilèges économiques, pour trouver Dieu, un sens à sa vie, ou plus simplement sa place. Accepter chacun sans rien lui demander. « Donner une voix aux sans voix », un toit aux sans toits, une dignité à chacun : ce sera sa mission jusqu’au dernier souffle. 

Une traversée du siècle

Les chapitres s’enchaînent : le noviciat en 1937 d’où il est renvoyé en raison de sa fragilité physique, la guerre, la mobilisation, le front, la capitulation, la collaboration de l’Eglise avec le régime de Vichy, la Résistance, le maquis du Vercors, Hiroshima. L’après guerre, la députation, la création d’une auberge de jeunesse puis de la communauté d’Emmaüs. L’Hiver 54, l’« insurrection de la bonté » provoquée par son appel sur Radio Luxembourg. La création des Centres d’hébergement. La starification de l’Abbé sur les autels médiatiques, tous ses combats contre l’inertie, l’égoïsme, la cécité du pouvoir politique, ses engagements anti colonialistes et son burn-out qui le conduit en hôpital psychiatrique. Un chemin de croix et de bannière et un sacré pan d’histoire ponctué par des images d’archives, des scènes de terrain émouvantes, des discours et un dialogue ininterrompu avec son ami d’enfance, un François, lui aussi, toujours près de lui, au-delà de sa mort. 

L’indispensable Lucie 

Le film rend justice à Lucie Coutaz, interprétée par Emmanuelle Bercot. Bien moins connue que l’Abbé, pourtant déterminante dans son destin. C’est elle qui lui donne son nom pendant l’occupation, elle qui gère et chapeaute les projets, elle qui lui remet les idées en place quand il perd le sens des réalités ou se fourvoie. Co-fondatrice d’Emmaüs, elle est de tous les combats pendant 40 ans ! Henri et Lucie sans lien charnel ont formé malgré tout un vrai couple, partageant des appartements, leurs repas et les soucis communs, s’entraidant dans la vieillesse à petits pas, ensevelis l’un près de l’autre au cimetière, avec d’autres compagnons.

Bilans

A l’heure des bilans – est-ce péché d’orgueil ? L’Abbé Pierre se demande s’il a réussi à rendre le monde un peu meilleur. Ne pas pouvoir changer l’Homme, ni faire son bonheur, l’aimer seulement. Pratiquer la fraternité, la miséricorde. Est-ce suffisant ? La dernière séquence sur les SDF actuels dans les rues de nos villes pourrait faire conclure à l’impossibilité de changer les choses. Pourtant le réalisateur place l’Abbé toujours jeune, dans l’image parmi eux, nous rappelant l’aphorisme brechtien : « celui qui combat peut perdre mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. »

ELISE PADOVANI

L’Abbé Pierre, une vie de combats de Frédéric Tellier 
En salles le 8 novembre

Une amitié soudanaise

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Goodbye Julia © ARP Sélection

Ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir un film venu du Soudan où le cinéma a été interdit pendant des décennies. On se souvient de Talking about trees de Suhaib Gasmelbariet de ses cinéastes facétieux et idéalistes qui sillonnent dans un van les routes du Soudan pour projeter des films en évitant la censure du pouvoir. Ce 8 novembre sort Good Bye Julia de Mohamed Kordofani, présenté en avant-première au cinéma Le Mazarin (Aix-en-Provence) dans le cadre du festival nouv.o.monde

Mohamed Kordofani choisit lui de nous conter l’amitié qui va naitre entre deux femmes. Mona (Eiman Yousif), bourgeoise du nord et musulmane et Julia (Siran Riak), femme du sud, pauvre et chrétienne. Une amitié fondée sur un mensonge, certes, mais qui va grandir et transformer l’une et l’autre. 

Tout commence en 2005 dans un pays divisé entre un sud catholique, et un nord musulman ; la mort accidentelle de John Garang, le leader du Sud, provoque des émeutes dans les rues de la capitale soudanaise et les heurts sont fréquents entre les communautés. Mona est mariée à Akram (Nazar Gomaa) et ne peut avoir d’enfant. Dans sa cage dorée, la vie n’est pas facile pour cette ex-chanteuse, qui n’a plus le droit de chanter. Elle se sent responsable, même si c’est involontaire, de la mort du mari de Julia et la recueille avec son enfant sous le prétexte de la prendre comme aide-ménagère. Durant cinq ans, les deux femmes vont partager leur quotidien. Gestes de celle qui sert dans un intérieur feutré à la lumière tamisée, moments où on apprend à connaitre l’autre, où on s’aide, que la caméra de Pierre de Villiers capte avec pudeur. Extérieurs à la lumière éclatante où toutes deux, comme de vraies amies, partagent des moments de bonheurs simples, un verre, un chant

Ça tourne mal 

« L’écriture de ce film faisait partie d’un effort continu pour se débarrasser de ce racisme hérité, motivé par un sentiment de culpabilité, un désir de réconciliation et un appel à la réconciliation », précise Mohamed Kordofani. Un tournage difficile à un moment où les manifestations se multipliaient à Khartoum. Et au moment où le film était présenté à Un Certain Regard à Cannes, récompensé par le Prix de la Liberté, le Soudan était de nouveau en proie à la violence : depuis avril 2023, avait démarré la « guerre des généraux » qui oppose l’armée au pouvoir et les forces paramilitaires. 

Cet ancien Ingénieur aéronautique qui a tout quitté pour fonder son propre studio de production, le Klozium Studios, dans son premier long métrage, aborde tout à la fois la séparation entre le nord et le sud de son pays, le racisme, l’apartheid social, la condition des femmes, tout en nous contant une belle histoire d’amitié. 

ANNIE GAVA

Good Bye Julia, de Mohamed Kordofani
En salles le 8 novembre
Le film sera projeté en clôture du festival Africapt, le 15 novembre à 20h30 au cinéma Le César d'Apt