mardi 26 novembre 2024
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Le long des golfes clairs

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Anke DOBERAUER, Les baigneurs et treize pellets, 2009, Huile et pigments UV sur toile 300 x 620 cm (20 x 25 cm), Collection de l’artiste

Dès l’entrée, on est accueilli par une multitude de corps en maillot, une scène de bain de mer monumentale de trois mètres de haut par six de large. La plupart sont des enfants, aux bouées transparentes et fluos, une composition bariolée, surpeuplée, métissée et ludique, de Anke Doberauer. Bien plus petits, d’autres corps semblent flotter, qu’ils soient sur le sable ou dans l’eau. Dans les photographies de Wilbe, dans les peintures à l’huile aux fonds blancs éclatants de Benjamin Chasselon, ou dans le bleu transparent de la calanque de Sormiou, de Julien Boullay. Sous des lumières grises, les plages de Jean-Jacques Surian accueillent dans Naissance de Vénus et Ces gens sur mon plongeoir des corps féminins nus, s’assumant avec impudeur, liberté et érotisme. Chez Yann Letestu, sur fond de cartes marines, des corps sont à l’arrêt sur la Corniche : trois jeunes gens semblant mesurer, assis sur un rebord, le vertige du saut ; un passant, près d’un passage piéton, se détourne, absorbé par l’horizon. Tandis qu’au vallon des Auffes (Jean-Benoît Zimmermann) ou sur la plage de la Fausse Monnaie (Wilbe), les corps en villégiature s’inscrivent dans des espaces rêveurs. 

Marc Chostakoff, Horizon 40, Carry-le-Rouet, Tirage encre pigmentaire sur papier BFK Rives 100 x 70 cm, Collection de l’artiste

Paysages solitaires
Le calcaire des calanques, les masses rocheuses des îles marseillaises inspirent également les peintres et photographes présents. Tout comme des bords de mer déserts ou les horizons où eau et ciel se rejoignent. Parmi les paysages, les acryliques de Marie-Laure Sasso-Ladouce, avec sa Maïre bleue ou sa Route des Goudes, paysages lunaires, épurés, aux contrastes brutaux, aux coups de pinceaux apparents, semblant brosser le ciel, modeler les rochers. Dans Riou, montagne urbaine d’Olivier Monge, l’immensité du paysage se révèle doucement et précisément, sur une mer lisse et métallique. L’écrin de la calanque de Figuerolles est photographié délicatement par Bernard Plossu, à dix ans de distance. Alfons Alt, dans des tons bleus et sépia, et dans une sorte d’agitation de vapeur et d’écume, tente de saisir une vague, ou un Château d’If, tempétueux. Dans Horizon 40, Carry de Marc Chostakoff, la mer est le bout d’une falaise, donnant sur le vide, et se fissurant. Finalement, une exposition très marseillaise, qui se termine sur une note de dénonciation écologiste : trois sculptures de Nicolas Rubinstein, représentant deux poissons mi-animal, mi-boîte de conserve, et un troisième mort, submergé de sacs de plastiques bleus. 

MARC VOIRY

Vues sur mer
Regards de Provence, Marseille
04 96 17 40 40
museeregardsdeprovence.com

Le baroque en héritage

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Difficile de deviner, à l’oreille nue, que le dernier disque enregistré par Fabio Biondi ne comporte que des œuvres de Félix Mendelssohn – du moins jusqu’à ce que retentisse le très beau Largo et Allegro. Le célèbre compositeur romantique allemand ne s’est certes jamais aventuré du côté de la démesure wagnérienne. Et le violoniste et chef italien, à la tête son ensemble Europa Galante, s’est imposé en déjà quatre décennies comme une référence mondiale dans le répertoire baroque. Mais tout de même : difficile de nier que le spectre de Bach et de Vivaldi plane avec insistance sur les pages explorées. Les opus choisis sont certes des œuvres de jeunesse : l’Allegro de la Sinfonia MWV N°2 regorge d’entrées fuguées que n’aurait pas reniées le Cantor de Leipzig et ce, malgré le siècle qui le sépare de Félix Mendelssohn. Bien que le Largo qui lui succède semble hésiter entre le contrepoint foisonnant à la Bach et les marches harmoniques redoutablement efficaces d’un Mozart. On demeurera ainsi soufflés par la virtuosité des nombreuses Fuga enregistrées par l’ensemble, ainsi que par le Concerto pour violon n°2 sur lesquels s’illustrent les musiciens. On y saisit, dans le phrasé inimitable de Biondi, tout ce qui rapproche le scherzo cher à ce romantisme-là des codas prisées par Vivaldi. 

Car tout n’est pas à imputer, dans cette proximité troublante, à la seule partition : le Salve Regina entonnée par la soprano Monica Piccinini, éloigné de toute friture belcantiste, de tout vibrato verdien, se distingue dans son interprétation même des lectures habituelles de ce répertoire. On sait à quel point le maître du baroque était vénéré par le jeune romantique hambourgeois, et à quel point ce dernier œuvra pour faire connaître son œuvre alors poliment oubliée. Mais rares furent les musiciens à en démontrer aussi brillamment la parenté.

SUZANNE CANESSA

Mendelssohn, Fabio Biondi & Europa Galante
Naïve Records 12,20€

Lumières sur la ville  

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Metropolis de Fritz Lang est projetté en ciné-concert le 10 octobre avec l'Orchestre de Chambre d'Hôte

Le festival Image de ville a vingt ans. Contre vents et marées budgétaires et sanitaires, ce festival de cinéma, tourné vers l’architecture et l’homo urbanus, a tenu bon. Au fil des éditions, il nous a offert, des rencontres marquantes avec des Pritzker d’architecture, des musiciens, des géographes et surtout de talentueux réalisateurs.
Du 10 au 23 octobre, à Aix-en-Provence, Marseille et Port-de-Bouc, Image de ville décline sa programmation autour de quatre thématiques : « l’esprit de la ville », « génies des lieux », « terrestre » et « hospitalité(s) ». Ouverture classique et monumentale au conservatoire Darius Milhaud avec la reprise de Metropolis de Fritz Lang, un ciné-concert proposé par l’Orchestre de Chambre d’Hôte. Hommage à Éric Rohmer dont « l’héritage » est interrogé par Élise Girard à Aix et Emmanuel Mouret à Marseille, puis le rapport à la ville, analysé par Françoise Etchegaray autrice de Conte des mille et un Rohmer

Des dialogues
Dans le souci de promouvoir le travail des cinéastes, on découvre trois films en chantier, et comme toujours les jeunes bénéficient d’une programmation spécifique. Remue-méninges assuré grâce aux débats, master-class, tables rondes… Et deux dialogues entre cinéma et architecture. D’abord entre le réalisateur allemand Daniel kötter et l’architecte togolais Sénamé koffi Agbodjinou. Puis, accompagné par Michel Frodon, l’échange entre le cinéaste portugais Pedro Costa et l’architecte Christophe Hutin.

Dans le foisonnement des événements, notons la conférence de Pascale Lapalud sur les violences faites aux femmes dans l’espace public. La réflexion sur la salle de cinéma dont les confinements nous ont rappelé l’importance avec un débat à l’amphithéâtre de la Manufacture et à la bibliothèque Méjanes. L’exposition sur les cinémas désaffectés de Stephan Zaubitzer, l’hommage à Jean-Louis Comolli. Également une projection de Bonne Maman et Le Corbusier pour les soixante-dix ans de « la maison du fada » et, aux Variétés, une rencontre-projection proposée par Raphaël Nieuwjaer, consacrée à la ville dans les séries mythiques The Wire et We Own This City de David Simon. Tant de rendez-vous qui pourraient bien faire affirmer au festival Image de ville : J’ai 20 ans et, n’en déplaise à Nizan, c’est un très bel âge !  

ÉLISE PADOVANI

Image de ville
Du 10 au 23 octobre
Divers lieux, Bouches-du-Rhône
imagedeville.org

actoral et le magma des identités

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L'aventure invisible, Marcus Lindeen © Bea Borgers

Marcus Lindeen aura marqué la 22e édition d’actoral. Avec La trilogie des identités, le metteur en scène suédois, issu du cinéma documentaire, s’immisce dans les histoires troublantes et véridiques d’individus existants, retransposées à partir de témoignages qu’il a lui-même collectés. Par un dispositif scénique circulaire ou quadri-frontal de petite jauge, il installe une intimité déstabilisante entre les acteurs·rices et le public. Les un·e·s et les autres étant assis·e·s côte à côte, dans une sorte de thérapie de groupe. Dans Wild Minds d’abord, les cinq interprètes confient leurs rêves compulsifs. Tour à tour, ou dans un échange d’un naturel déconcertant, ils et elles racontent comment les personnages de leur vie fictive – celle qui prend forme dans leurs rêves éveillés – envahissent leur quotidien. Prisonniers d’une imagination incontrôlable et jouissive qu’ils n’osent pour la plupart divulguer à leur entourage, ces rêveurs de l’extrême nous confrontent à nos propres rêveries, enfouies et qui ne demandent qu’à s’émanciper. Orlando et Mikael, deuxième volet de la trilogie, nous met en présence de deux personnes transgenres qui ont fait le choix de retransitionner vers leur genre de naissance.

Trans romance
La vidéo performée de Samira Elagoz, Seek Bromance, nous immerge quatre heures durant dans l’intimité créative de sa relation refondatrice avec Cade Moga. Un cinéma réalité poético-trash où la fusion-répulsion à outrance des deux artistes performers amants et en transition de genres, réuni·e·s par le confinement, crée un huis clos à l’érotisme punk captivant. L.T.

Des parcours dont on parle peu et qui questionnent la complexité de la décision de ces hommes devenus femmes, avant de se résoudre au genre dans lequel la société les a assignés. Samia Ferguene et Jó Bernardo, les deux protagonistes, dégagent une sensibilité communicative, dans ce dialogue intime et sans détour. S’iels partagent une expérience commune, leur vécu comme leurs motivations révèlent de nombreuses différences, affirmant que chaque parcours transidentitaire est singulier. Qu’il ne relève d’aucun déterminisme. Que l’identité de genre peut se vivre de manière évolutive. Et qu’il n’y a aucune raison de la figer. L’aventure invisible est sans doute le chapitre le plus fascinant du triptyque pour l’aspect extra-ordinaire des récits croisés. Ici, Marcus Lindeen imagine une conversation triangulaire entre une neuroanatomiste renommée ayant subi un accident vasculaire cérébral qui lui a fait perdre totalement la mémoire (Claron McFadden), le seul homme au monde à avoir reçu deux greffes totales du visage car atteint de la maladie dégénérative de Recklinghausen – aussi appelée « syndrome d’Elephant Man » – (Tom Menanteau) et un·e cinéaste queer non binaire pris·e de passion pour la photographe lesbienne un temps liée au mouvement surréaliste, Claude Cahun (Franky Gogo). Au-delà des vies hors du commun, c’est la force intérieure et la détermination des trois personnalités à surmonter leurs épreuves, ou simplement à mener à bien leur objectif, qui conquiert le spectateur. Mais aussi comment ces trois jusqu’au-boutistes de la vie tombent en admiration les un·e·s des autres. Et de parvenir à nous faire croire qu’en chacun de nous sommeille un héros.
LUDOVIC TOMAS

Wild Minds a été joué du 9 au 11 septembre au Mucem ; Orlando et Mikael et L'Aventure invisible les 28 et 29 septembre à La Criée, à Marseille.
Spectacles présentés dans le cadre du festival actoral.

Sables (é)mouvants 

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Avishaï cohen © Bernard Rie

Incontournable figure du jazz international, le contrebassiste, chanteur et compositeur Avishai Cohen posait ses valises le temps d’une soirée au Grand Théâtre de Provence. Il y a présenté la musique de son dernier album, né durant les années de la pandémie, Shifting Sands (Naïve/Believe), « Sables mouvants ». À ses côtés, le pianiste Elchin Shirinov et la batteuse Roni Kaspi conjuguent leur talent à l’élégance musicale de ses compositions. Variété rythmique, amples phrases mélodiques, tournoiements ostinato, palette somptueuse, l’ensemble est captivant au point que l’on reste sur sa faim et que, malgré le rappel au cours duquel le musicien s’accompagnant du piano puis de la contrebasse offre deux chants aux couleurs nostalgiques, le public se sent lésé. Le concert a pourtant bien duré son heure et demie, montre en main, mais d’une telle poésie que chacun a eu l’impression de ne vivre qu’un bref instant. L’alchimie propre au contrebassiste se noue dès le premier morceau, Interwined, où le piano lumineux, la contrebasse toute en subtiles pulsations et la batterie énergiquement affirmée tressent de nouvelles explorations. Embarquement inconditionnel pour le lyrisme pailleté de Window, l’écriture contrapuntique de Dvash, l’atmosphère incantatoire de Joy, la nostalgie de Below, la délicatesse de Shifting Sands, le tempo dansant de Chacha Rom, le lyrisme de Hitragut, les étonnements ensorcelés de Videogame, l’expressivité à fleur de peau de Kinderblock… On se laisse emporter dans cette bulle magique au cœur de laquelle les improvisations de la contrebasse, les riffs du piano, la verve bouleversante de la batterie, atteignent des sommets inégalés.

MARYVONNE COLOMBANI

Avishai Cohen a joué le 30 septembre au Grand Théâtre de Provence, à Aix-en-Provence

Des cravates et des ouvrières

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7 MINUTES - De Stefano MASSINI © Vincent PONTET

Jusqu’où iront-elles pour garder leur travail ? Face au spectre du chômage, perdre 7 minutes de pause par jour, ce n’est rien. Vraiment ? Le texte de Stefano Massini mis en scène par Maëlle Poésy repose sur un suspense haletant. Les comédiennes, d’abord dix sur le plateau puis onze, sont sous le regard permanent des spectateurs disposés de chaque côté de la scène. Une horloge égrène les secondes, le temps de la pièce est celui de l’action. Les neuf ouvrières et les deux employées ont 95 minutes pour accepter ou refuser les termes de l’accord que les repreneurs, les « cravates », leur imposent. Représentant le personnel, féminin, de cette filature qui change de mains, elles vont se parler, s’affronter, se convaincre, s’accuser, cheminer, jusqu’au vote final, que nous ne connaitrons pas. Car c’est la prise de conscience de chacune qui importe. Syndicale, politique. Dans cet univers de l’usine, qu’est-ce que la dignité du travail ? Faut-il accepter ce deal et permettre davantage de profit à ceux qui les exploitent ? Car l’usine va bien et génère des résultats confortables. 

Les onze comédiennes sont époustouflantes, chacune joue sa partition sans répit. On s’attache à chaque visage, à chaque corps qui semble abimé par les années de labeur, et les paroles qu’elles échangent surgissent comme la partie audible d’une réflexion intérieure constante. Même les silences, surtout les silences, sont habités, et les mots se bousculent avec un naturel sidérant, dans leurs chevauchements, leurs tuilages, leurs paroxysmes. 

Un théâtre d’une vérité et d’une actualité exceptionnelles, qui remet les pendules à l’heure de la lutte, et de la nécessité d’écrire aujourd’hui l’histoire du peuple et des femmes. Des ouvrières. 

SARAH LYNCH

Jusqu’au 5 octobre à la Friche la Belle de Mai
Une proposition du Théâtre du Gymnase hors les murs

Se méfier des imitations !

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Les Faux British © Fabienne Rappeneau

Dès l’entrée dans le hall du théâtre, on croise un monsieur en costume qui cherche quelqu’un qui serait sorti promener son chien. Alors que l’on s’installe, déjà sur scène, rideau ouvert, s’affaire une technicienne qui n’arrive pas à remettre en place la tablette de la cheminée et tente de la fixer en vain. Le grand portrait qui surplombe la scène tombe et s’avère trop lourd pour le décor, il est remplacé par une toile plus petite représentant une tête de chien… Bientôt arrive le monsieur du hall qui se présente comme le président du club des admirateurs de Conan Doyle, tout ému de monter avec ses collègues une pièce de théâtre inédite supposée être un texte du père de Sherlock Holmes. Il s’agit d’un meurtre, de personnages coincés dans une maison isolée, d’un détective qui devra élucider le crime…
Entre le décor qui fout le camp, les textes sus approximativement, les crises de cabotinage, les répliques qui se croisent dans le mauvais sens et les moments surjoués, les codes de l’absurde sont exploités ad libitum dans un univers qui tient des Monty Python et des Rubriques-à-Brac de Gotlib. Tous les types de comique sont repris : situation, mots, jeu, sans compter les allusions plus ou moins lourdes. Certes l’ensemble manque de finesse, les gags sont parfois répétés jusqu’à l’usure, mais qu’il est bon de rire ! Alors que le monde s’affole un peu partout, un îlot de paix espiègle où humour et grotesque sont mis en œuvre sans arrière-pensée, quelle chance ! De faux british sans aucun doute mais de vrais acteurs qui savent nous rendre un temps le bonheur de l’insouciance.

MARYVONNE COLOMBANI

Les Faux British est donné jusqu’au 8 octobre au théâtre du Jeu de Paume, à Aix en Provence

Un art de jeunesse à la Friche

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Xoxo-Tun Tun - une proposition Fraeme et Triangle © Aurélien Meimaris

Qu’il s’agisse des œuvres produites par la promotion 2022 en art et design des Beaux-arts de Marseille ou du tandem Prune PhiSandra Tun Tun, le résultat est stupéfiant de maturité, d’inventivité et de maitrise technique. À la Salle des machines, le dialogue entre Prune Phi et Sandra Tun Tun, loin d’être aisé tant leurs pratiques diffèrent, met en relief leurs rapprochements : leur questionnement sur leur relation au rituel et à leurs appartenances. L’une à travers des images recomposées, un récit fictif et le détournement de coutumes d’Asie du Sud reçues en héritage ; l’autre par la fabrication d’empreintes sonores, de l’usage de résidus. L’une comme l’autre investiguant les notions de transmission et de fragmentation dans des paysages visuels ou sonores qui se regardent et se répondent pour créer des espaces de rencontre.


Disparité et cohérence


Dans la Tour Panorama, pas moins de trente-sept jeunes artistes ont investi les lieux grâce à Jeanne Mercier,commissaire d’exposition, qui a accompli un véritable miracle : faire de la disparité une proposition cohérente ! À tel point que dans les trois axes explorés – chantier, corps, artefact – chaque œuvre se singularise, trouve sa juste place, entre en résonance. Et ce dès l’entrée du plateau de la Friche habité par des habitacles utopiquesqui ouvrent de nouvelles perspectives en introduisant la notion de « senti et ressenti » sur laquelle est fondée toute la narration. Sur le parcours jonché de propositions plastiques et de créations design présentées volontairement pêle-mêle, la sensation de découverte est quasi permanente. Il y a là un authentique renouveau dans les matières dont ils se réapproprient l’usage (matériaux pauvres, organiques choisis par Renouée Stolon pour « habiter la terre »), les techniques qu’ils maitrisent, souvent relatives au geste artisanal (statuaire en terre fichée à l’envers dans le sable de Livia Vesperine Roure), les traditions qu’ils réinterprètent (textiles, collages). Comme dans les projets futuristes qu’ils imaginent pour les habitants de la mer (la plate-forme d’Elodie Adorson) ou pour lutter contre la pollution (aménagement du parc du 26e centenaire de Marseille de Ke Li). 

Xoxo – Prune Phi – Sandar Tun Tun – une proposition Fraeme et Triangle © Aurélien Meimaris

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Habitacles
Proposition des Beaux-Arts de Marseille 
Jusqu’au 16 octobre

XOXO
Proposition de Triangles-Astérides
Jusqu’au 6 novembre
Friche la Belle de Mai, Marseille 
lafriche.org

Harkis, des vies à réparer

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Vue de l'exposition, Les hameaux de forestage de harkis en Paca © Région Sud/Yann Bouvier

Les commémorations du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie sont plurielles. La Région Sud apporte sa pierre au devoir de mémoire en poursuivant le travail de reconnaissance entrepris pour rappeler le sort des Harkis. La collectivité a imaginé une exposition itinérante sur les hameaux de forestage en Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans lesquels ont été installées les familles algériennes ayant quitté leur terre natale à l’instar des Pieds-noirs. Les hameaux de forestage, également appelés hameaux forestiers, ont été construits à partir d’août 1962 pour loger, pour ne pas dire parquer, les familles dont les pères ont été employés, pour ne pas dire exploités, pour des travaux de reboisement et d’aménagement des forêts domaniales, après les grands incendies qui eurent lieu en Provence. « La Région Sud doit beaucoup aux harkis [Ils ont] travaillé pour le bien commun mais les conditions de vie qui [leur] ont été réservées ont été indignes d’une grande nation comme la France. Il faut encore et toujours le rappeler », souligne le président Renaud Muselier. Constituée d’une trentaine de panneaux mêlant textes, images d’archives et photographies d’enquête, l’exposition reconstitue le parcours des exilés de leur arrivée en France jusqu’à leur installation dans lesdits hameaux et montrent l’ampleur des travaux que ces hommes y ont réalisé. Des QR codes renvoient également à des témoignages audios ou au documentaire Filles de Harkis, réalisé par Lucie Boudaud.
LUDOVIC TOMAS

Les hameaux de forestage de harkis en Provence-Alpes-Côte d'Azur
En itinérance dans la Région Sud
maregionsud.fr

« L’Invention du diable », un livre pour l’immortalité ?

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Hubert Haddad nous offre un bien étrange roman qui nous entraîne à la suite d’un personnage immortel : Marc Papillon de Lasphrise – un nom de théâtre – mais qui a bel et bien existé. Capitaine, combattant pour les de Guise, grand amoureux et poète. À 40 ans, couturé et ruiné, il veut vivre pour obtenir succès et reconnaissance. Le diable alors le rend immortel… Commencent ses aventures en l’an 1599, à travers quatre siècles d’Histoire de France, vus du petit côté de la lorgnette. Quelques personnages connus sont évoqués, les autres sont souvent minutieusement décrits ; les amoureuses surgissent, changent de prénom et de costumes, mais se ressemblent toutes, tandis que les destriers fidèles gardent le même nom. Notre capitaine – sosie du chevalier à la Triste Figure ? – parcourt les routes et les ponts de Paris, rencontre des pauvres et des puissants, la marquise de Rambouillet, Napoléon, le marquis de Sade… De facture picaresque et baroque, les courts chapitres à la langue d’une richesse inouïe, souvent savante, se succèdent dans le temps pour finir dans une époque imprécise où un écrivain va redonner vie et gloire à Papillon. Une construction en boucle époustouflante !

CHRIS BOURGUE

L’Invention du diable, Hubert Haddad
Zulma , 21,70 €