mercredi 27 août 2025
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L’art du jardinier

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jardinier

Républicaine, Mercè Rodoreda (1908-1983) avait fui l’Espagne à la prise de pouvoir par Franco. Son exil dura jusqu’à la mort du dictateur. Depuis son refuge suisse, son pays lui manquait et ses souvenirs ont donné le thème de son roman, paru en 1967. Le cadre : en Catalogne dans une superbe villa sur la mer dans son immense jardin, proche de Barcelone. Le narrateur : un vieux jardinier. L’autrice semble avoir voulu évoquer à travers lui son grand-père qui l’avait initiée à l’amour des fleurs et de la nature dans son enfance.

Ce jardinier est témoin de la vie privée de ses nouveaux employeurs, un jeune couple, et de leurs invités qui se retrouvent en été pour nager, jouer aux cartes, organiser des soirées festives dans le luxe et l’oisiveté. Pendant leur service, les employés observent, saisissent des bribes de conversation des gestes, et les interprètent. Le jardinier, discret, devient parfois confident ; on le visite volontiers, on lui demande son avis – qu’il ne donne pas. Seul dans sa petite maison, il vit avec le souvenir de sa très jeune femme décédée trop tôt et se consacre aux graines, aux fleurs et aux arbres du jardin.

Ça se craquelle

La propriété voisine est rachetée par un homme très riche pour y installer sa fille nouvellement mariée à un homme très grand, très maigre, parfois ténébreux, qui part très souvent en barque, très loin, seul. Il rend aussi souvent visite au narrateur qui l’accueille avec bienveillance. Certains indices, quelques recoupements suggèrent que cet homme et la voisinese sont connus autrefois. Tout reste dans le secret, les non-dits. Avec beaucoup de délicatesse, Mercè Rodoreda avance dans son récit comme on se promène dans les allées du jardin. Les personnages prennent de l’épaisseur au fur et à mesure des rencontres estivales et nous émeuvent.

CHRIS BOURGUE

Le jardin sur la mer de Mercè Rodoreda
Traduit du catalan par Edmond Raillard
Zulma - 21,50 €

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Carnet d’un paysan grassois

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paysan

Wildproject est une maison d’édition indépendante basée à Marseille qui se consacre depuis 2008 à l’écologie sous des angles philosophiques, politiques et pratiques. Journal d’un paysan fait partie de sa collection Littératures, dans laquelle « la terre se raconte ». 

Jean-Noël Falcou y expose la réalité du métier de paysan aujourd’hui : entre travail sur les parcelles, tâches administratives devant l’ordinateur, gestion des relations avec les collaborateurs, partenaires et voisins, participation à des salons et moments de rencontres entre acteurs de la filière. Le but de l’auteur est de « parler d’agriculture et d’écologie » à partir de l’exemple de son quotidien « afin que l’on connaisse le métier de paysan. »

Une reconversion audacieuse

Jean-Noël Falcou © Priscilla Heyser

Auparavant instituteur, Jean-Noël Falcou décide de se reconvertir dans l’agriculture en 2004, à une époque où les informations et les fournisseurs bio restent rares. Son implantation en bio relevait pour lui à la fois d’un acte militant et d’une évidence. Il choisit de s’investir dans la plantation du bigaradier (ou oranger amer), culture traditionnelle du pays grassois utilisée aussi bien dans la parfumerie pour son huile essentielle que dans la pâtisserie pour son eau de fleur d’oranger. 

L’auteur trace un portrait honnête et poétique de sa vie quotidienne, entre tracas et déboires, petites joies et grande fatigue. À travers ces pages se dégage l’image d’un homme passionné, travailleur à l’excès, assistant souvent impuissant aux conséquences du bouleversement climatique. Ce récit souligne également l’importance de la solidarité paysanne et de l’entraide en milieu rural, que ce soit au travers du troc, des coups de main donnés en urgence ou du soutien moral lorsque certains n’y arrivent plus. L’auteur en fait part avec pudeur et dignité, dans une langue précise et sensible. 

GABRIELLE BONNET

Journal d’un paysan de Jean-Noël Falcou
Éditions Wildproject - 20 €

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Les enfants prennent la ville 

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© Thibault Carceller

Pour le lancement de sa 30e édition, le Festival de Marseille s’est associé au Badaboum Théâtre pour relever un défi de taille : donner une place aux enfants dans l’espace public. Et, par la même occasion, une voix dans la vie citoyenne. C’est ainsi qu’est née Manifête, une manifestation grandeur nature mobilisant 400 enfants, soit 15 classes d’école primaire et de collège, et chorégraphiée par Marina Gomes.  

L’impressionnant cortège s’est rassemblé à 10h30 devant la place Charles-de-Gaulle, armé de banderoles et de pancartes colorées, créées par les enfants avec la scénographe Alice Ruffini. Une fois en place, au signal des danseur·euses de la compagnie Hylel qui les accompagnent, les jeunes manifestants se lancent dans une chorégraphie aux airs de préparation au combat. Puis ils se mettent en marche. La musique très solennelle du début est remplacée par une batucada, et la chorégraphie devient elle aussi plus festive. À plusieurs moments, le cortège s’interrompt pour entonner les slogans préparés en amont avec le Badaboum Théâtre. Ceux-ci s’attaquent à une variété de sujets importants pour ces jeunes citoyens, allant de l’amour qu’ils portent à leur mère, au racisme – « Les kebabs c’est incroyable, le racisme c’est pitoyable » –, l’écologie, le mal-logement ou encore la guerre. Une preuve, pour quiconque en doutait, de la connexion des enfants aux questions d’actualité.

Apothéose 

La déambulation prend fin sur les marches de la place Villeneuve-Bargemon, à côté de la mairie, avec une chorégraphie finale interprétée par une partie des apprentis manifestants – les autres classes, en retrait, gardent les banderoles. Cette chorégraphie reprend pour beaucoup les mouvements de celle du début de défilé, mais dans une ambiance plus festive, sur une musique bien plus entrainante qui « rappelle les instrus de Jul » comme l’indiquait Marina Gomes la semaine dernière à Zébuline.

Le public, composé des familles ou de nombreux passants intrigués, est conquis par cette démonstration de force, de joie et de détermination. Après cette apothéose dansée, une délégation d’enfants est appelée à se présenter devant les élus de la Ville pour leur remettre la liste de leurs revendications, dont la plus importante est sans doute la nécessité de respecter leurs droits. 

CHLOÉ MACAIRE 

La Manifête a eu lieu sur le Vieux-Port le 12 juin en ouverture du Festival de Marseille.

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La transe circulaire de Nacera Belaza

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Nacera Belaza © Luca Ianelli
Nacera Belaza © Luca Ianelli

Dès l’apparition d’un danseur solitaire, tournoyant lentement sous une douche de lumière quasi fantomatique, La Nuée de Nacera Belaza installe son vocabulaire : celui de la répétition, de l’effacement des visages, de la fusion du corps et de l’espace. Le violon et les percussions traditionnelles se répondent, tandis que le mouvement se densifie. La lumière clignote, scande, réoriente la perception. On devine plus qu’on ne voit : l’effacement devient langage.

La deuxième partie ouvre l’espace à une dizaine de danseurs, disposés autour de la lumière, bras ouverts, semblable à une forme de procession. Le cercle s’impose comme loi organique. Par vagues, les corps s’assoient, se relèvent, se figent, dans une gravitation constante autour de ce centre incandescent. La lumière, personnage à part entière, devient totem, guide, tension dramatique.

Chaque tableau semble relancer un cycle : répétition de scènes, réapparition de motifs, crescendo sonore où tambours, cris et silences s’enchaînent sans linéarité. Un danseur saute sur place au cœur de la lumière, comme possédé. Les autres, à genoux autour de lui, incarnent une forme de communauté aux allures mystiques. La sensation est forte : d’un rituel ancestral ou à la manifestation d’une secte spectrale.

Belaza donne à voir un monde où le geste ne raconte pas, mais invoque. Le rythme, les ellipses, les ruptures plongent le spectateur dans un état de transe mimétique. Le noir, les halos faibles, les éclats aveuglants dessinent un espace mouvant, poreux, sans repère net. Les danseurs surgissent de tous les coins de la scène, parfois seuls, parfois en attroupement, comme étant des âmes errantes parfaitement coordonnées.

Dans le final les corps entrent, sortent, tournent à l’unisson, emportés par les bruits de cris et une lumière grandissante qui finit par engloutir la salle. On ne sort pas indemne de cette traversée. La Nuée n’illustre rien, mais imprime un monde. Celui d’un collectif régi par la loi du cercle, où chaque geste semble convoquer l’invisible.

MANON BRUNEL

La Nuée était donnée les 13 et 14 juin au Ballet national de Marseille, dans le cadre du Festival de Marseille

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Jane Evelyn Atwood, Les femmes dans l’envers carcéral

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Jane Evelyn Atwood
The first women's chain gang in the United States. Maricopa County Jail, Phoenix, Arizona, U.S.A., 1994 © Jane Evelyn Atwood

« Au départ, la curiosité était mon principal motif. La surprise, le choc et la stupeur ont pris le relais. Puis la rage m’a portée jusqu’au bout. » Voilà comment dans la préface Jane Evelyn Atwood explique le point de départ de son travail, qui l’a emmenée pendant 10 ans, de 1989 à 1999, dans quarante prisons, des États-Unis, d’Europe, de Russie et jusqu’en Inde. Elle y a rencontré des centaines de femmes emprisonnées, dont elle a capté l’image à travers l’objectif, et les histoires dans des entretiens qu’elle restitue dans le livre. Il en ressort un ouvrage-manifeste sur l’inhumanité et les inégalités que subissent les femmes dans l’univers carcéral. Ce système construit par les hommes, pour les hommes, dans lequel on envoie des femmes jugées par des hommes, qui ont très souvent commis leurs délits à cause des hommes. 

Car il y a dans les témoignages recueillis par Jane Evelyn Atwood un constat sans appel. Presque toutes les femmes emprisonnées le sont à cause du comportement des hommes. Celles qui se sont laissées embarquer dans un braquage sans le savoir ; celles qui sont utilisées comme « mules » ; celles qui se défendent, ou défendent leurs enfants, d’un mari violent. 

C’est le cas de Frances – tous les prénoms ont été modifiés par l’autrice – qui a subi le comportement d’un mari ultra-violent pendant 24 ans. Elle « obtient » le divorce, mais le cauchemar n’est pas terminé. Il la suit, elle se planque, les lettres de menace pleuvent, il lui tombe dessus, l’étrangle, lui défonce les côtes à coup de pieds. Ses multiples tentatives d’alerter la police ne changent rien, alors un ami à elle souhaite prendre les choses en mains et lui régler son compte. Elle l’accompagne, non armée, mais son ex-mari lui tire dessus, son ami riposte et tue l’ex-mari. La juge retient le meurtre par préméditation, elle est condamnée à la perpétuité. 

Il y a aussi Bonnie, surnommée la « femme qui aimait les couteaux ». Quand Jane souhaite la rencontrer, on lui dit qu’elle est « trop dangereuse », alors un entretien spécial est préparé. Elle est enchaînée – pieds, poings et taille – au point d’être courbée sous tout ce poids. La photographe voit une gamine d’à peine 20 ans. Elle lui raconte son crime : violée par son beau-père à de multiples reprises, elle n’a trouvé qu’un couteau pour se libérer de lui, lors d’un énième viol.  

Beaucoup de témoignages mettent aussi en avant l’inégalité que subissent les femmes devant la justice, « puisqu’on ne pardonne pas aux femmes d’avoir commis un crime », expliquait Jane lors d’une rencontre à la librairie Maupetit (Marseille) le 11 juin dernier. Ainsi, à délit égal, elles sont souvent plus lourdement condamnées que les hommes. Aux États-Unis, les hommes pouvaient souvent négocier leurs peines, les femmes moins. Les avocats commis d’office leur proposaient de plaider non coupable « puisqu’une femme ne sera pas envoyée en prison » : la peine était encore plus lourde. 

Tout est noir et blanc

Il y a les mots, et les photos. Le livre s’ouvre sur les murs des prisons qui ne laissent entrevoir le ciel qu’à la dérobée. Des portraits aussi, de femmes souvent barrées par l’ombre des cellules. La photographe parvient à capter des moments intimes. Une cigarette fumée par une détenue dans sa cellule, une scène de bain collectif dans le sauna d’une prison russe. Pour toutes ces photos Jane a obtenu l’accord de ces femmes. Un accord pas facile à obtenir tant il est honteux pour elles d’être emprisonnées : c’est la double peine. 

femmes
Jane Evelyn Atwood © X-DR

Mais ces photos ont aussi permis de faire bouger certaines lignes. C’est le cas de celle prise en 1993 en Alaska, où une prisonnière, le visage grimaçant de douleur, est sur le point d’accoucher, mais toujours les mains liées par des menottes. Cette photo sera utilisée par Amnesty international pour une campagne de lutte contre cette pratique, et elle sera interdite aux États-Unis et en Angleterre en 1997. Pour autant, les différences de traitements entre les hommes et les femmes dans le système carcéral restent profondément inégales [lire ici], et l’intérêt de ce livre paraît aussi essentiel qu’en 2000 lors de sa première édition. Dans une lettre envoyé à Jane, une détenue écrit : « Il y a après un passage [en prison], quelque chose de gluant qui reste… comme une malédiction, un mal sournois. » La lecture de ce livre, lui, laisse un goût de révolte nécessaire. 

Une photographe à la pose longue

Franco-américaine, Jane Evelyn Atwood s’est distinguée pour ses projets photographiques documentaires et au long cours, s’intéressant aux marges, à ceux qu’on ne regarde pas. Outre son travail long d’une décennie sur les femmes en prison, elle a aussi suivi le milieu de la prostitution à Paris (Pigalle People, ed. Bec en l’air ; Rue des Lombard ed. X. Barral). Exposée et reconnue dans le monde entier, elle a reçu de nombreux prix : Prix W. Eugene Smith en 1980, prix Kodak de la critique photographique en 1984 ou encore le prix Oskar-Barnack en 1997.

Trop de peines/Too much Time
Éditions du Bec en l’air
45 € 
Femmes en prison : les inégalités perdurent

25 ans après la première édition du livre de Jane Evelyn Atwood, les conditions d’incarcération des femmes en France restent très défaillantes

Accès aux soins, isolement, discriminations de genre… si les femmes ne représentent que 3% de la population carcérale en France, elles en sont aussi les grandes oubliées. Non pas que les hommes soient particulièrement bien lotis, mais les femmes connaissent les mêmes problèmes qu’eux, et d’autres encore. 

Il y a par exemple l’isolement. En France, les prisons qui accueillent des femmes sont très inégalement réparties sur le territoire, la plupart dans la moitié Nord de la France. Loin de leur famille, les femmes sont plus isolées que le reste des détenus, et leurs parloirs sont fréquemment vides. 

Peu d’établissements qui accueillent des femmes, et seuls deux leur sont dédiés. Aussi, la non-mixité de rigueur en prison – qui est la pratique, non la loi – discrimine les femmes pour toutes les activités proposées en détention. Et quand elles y ont accès, elles sont souvent stéréotypées : un article de l’Observatoire international des prisons (OIP) nous apprend que la majorité des formations professionnelles proposées aux femmes sont liées à la cuisine et aux métiers de l’entretien…   

Une autre étude du même Observatoire intitulée « Liberté de se vêtir : un droit remisé au placard », explique comment la notion de « décence » vestimentaire, à la discrétion du personnel pénitentiaire, est bien plus strictement appliquée aux femmes qu’aux hommes :« Les détenues doivent la plupart du temps se couvrir les épaules, les genoux, voire les mollets. »

À lire sur le site de l’OIP également : les problèmes liés à la précarité menstruelle, à l’accès à la contraception, au suivi médical des détenues enceintes… la liste des défaillances est encore longue.

NICOLAS SANTUCCI

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Cinéclika

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Braquer Poitiers (C) Capricci Films

Audiovisocial, laboratoire de films collectifs, propose à Vaugines, un village  entre Lourmarin et Cucuron, la 2e édition des Rencontres du film collectif, rassemblant cinéastes, musiciens, artistes. Trois jours de projections, ateliers, rencontres et moments festifs. Pour démarrer, vendredi 27, un  ciné-concert, Fêtes et traditions en Provence de Claude Bossion avec musique d’Ahmad Compaoré.

 Au programme, des courts métrages issus d’ateliers menés par des collectifs venus du Pérou, d’Espagne et du Sud de la France et, samedi 28,un long  métrage , Braquer Poitiers, film collectif de Claude Schmitz   dont Alain Guiraudie parlait ainsi : « Braquer Poitiers, c’est super, il y a un ton que j’adore. C’est très drôle, l’histoire de deux branleurs qui enlèvent un mec et qui tissent finalement une amitié avec lui. On est dans du polar très soft, avec un humour pince-sans-rire. » Il y a aussi des ateliers variés, un marathon de création documentaire et, bien sûr de quoi se restaurer.

Annie Gava

www.audiovisocial.com

Marseille, nouvelle capitale de la mode écoresponsable 

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© Thibaut Carceller

Ce n’était pas un simple défilé, mais une prise de parole visuelle et collective. Les 23 élèves du Studio Lausié, une des premières écoles de mode écoresponsable en France, ont dévoilé cinq silhouettes chacun. Ce sont 115 tenues pensées et conçues en neuf mois à partir de matières 100 % upcyclées qui ont été dévoilées. Filets de pêche, peluches d’enfance, morceaux de carrosserie ou encore miroirs brisés ont ainsi trouvé une nouvelle vie dans des créations étonnamment cohérentes.

Portées par des thèmes puissants –l’enfance, l’héritage ou encore l’industrie – les collections témoignent d’une approche radicalement nouvelle : celle d’une mode qui parle, interroge et transforme. « Ce défilé n’est pas une vitrine, c’est un manifeste », affirme Marion Lopez, fondatrice du Studio Lausié et co-initiatrice de la Slow Fashion Week. « Il incarne une autre manière d’apprendre, de créer et de produire ». 

La scénographie, divisée en trois actes, culmine sur une séquence finale émoouvante portée par Samouraï,  de l’artiste marseillais Shurik’n. Un hommage appuyé à la ville, mais aussi à la résilience et à la combativité de cette nouvelle génération de créateurs face aux enjeux de demain. 

L’upcycling comme langage

Depuis sa création en 2021, le Studio Lausié défend une pédagogie alternative, fondée sur la responsabilité environnementale. Ici, on apprend à faire avec ce que l’on a. Les élèves se fournissent en ressourceries, dans la rue ou dans les greniers familiaux pour donner naissance à des pièces uniques. 

Chaque collection est le reflet d’un univers intime, mais aussi d’une volonté de proposer un futur désirable pour la mode. « Nos élèves apprennent à faire du neuf avec de l’ancien, du vécu, du chargé d’émotion. Leurs pièces racontent des histoires», souligne Marion Lopez. Et le résultat est là : des silhouettes fortes, singulières, bien loin de la fast fashion.

Soutenu par la Ville de Marseille, ce défilé clôture avec brio la première Slow Fashion Week de France,. Durant plusieurs jours, conférences, expositions et échanges ont mis à l’honneur une mode joyeuse, inclusive et responsable. « Marseille devient le laboratoire d’une mode possible », conclut Marion Lopez. Pour elle, ses élèves mais aussi le maire de la ville, une chose est sûre : Marseille est la nouvelle capitale de la mode écoresponsable. Avec Studio Lausié, l’avenir de la création textile semble entre de bonnes mains – engagées, sensibles, et surtout visionnaires.

Manon Brunel


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La « Discrétion » monte sur scène 

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Faïza Guène © Dar Yumi

Faïza Guène pratique une forme d’écriture qui sait faire profil bas, souvent proche de l’autofiction, mais sans les ressorts nombrilistes habituels. Adoptant une attitude de réserve volontaire et probablement stratégique, elle se distingue par sa grande humilité. L’ouvrage paru en France en août 2020, aux éditions Plon, et sa traduction en anglais publiée ont offert à l’autrice une reconnaissance internationale. 

Néo-marseillaise, elle offre un récit qui explore les rapports familiaux, la transmission, les conflits de loyauté, dans une langue simple et directe, mais subtilement politique. La Discrétion explore la mémoire, l’exil et la transmission. Le roman incarne pleinement cette thématique au travers de la figure de Yamina, mère algérienne, qui incarne la figure invisibilisée mais centrale de la « discrétion » en France. La dédicace remarquable et percutante est adressée à son père « mort de discrétion ». 

La sortie de Discrétion a été saluée dans la presse littéraire anglophone comme une exploration fine et nuancée de l’invisibilité sociale. Le roman a été perçu comme un contre-récit aux représentations médiatiques dominantes des femmes musulmanes en France, tout en conservant l’humour et la tendresse caractéristiques de l’autrice.

Traduction scénique

Entre récit, musique live et projections, l’adaptation scénique participe à la valorisation des récits d’immigrés et de leurs familles en exil. Espace alternatif sous forme de happening, créé à l’occasion du Festival international du livre d’Edimbourg en août 2022 pour célébrer l’indépendance de l’Algérie, le spectacle se produit ensuite à Oran puis Marseille dans le cadre du Festival Oh les beaux jours au Mucem, et revient ce 10 juin au Théâtre de la Sucrière, accueilli par la Mairie des 15 et 16e arrondissements. 

Traductrice du roman, Sarah Ardizonne propose l’adaptation du livre sous forme de spectacle. Elle assure la coproduction avec passion et subtilité, intégrant les langues arabe (darija), amazighe et français. Son parcours est intimement lié à celui de l’autrice dont elle partage la sensibilité féroce sans jamais d’amertume. Pour Sarah, « les traducteurs sont des passeurs qui permettent de découvrir l’hybridité des langues. Le changement d’attitude vis-à-vis de l’acculturation entre les langues est perceptible et leur non hiérarchisation permettent d’expérimenter des univers culturels poreux, hybrides et de plus en plus élargis ». 

La musique originale produite par Hakim Hamadouche et Sylvie Paz, rejoints par la percussionniste Nadia Tighidet et le violoniste Kheireddine Mkachiche ajoute à la spectaculaire interprétation des comédiennes Meriem Medjkane et Amal Kateb, figures contemporaines du théâtre et du cinéma algérien. Projetées sur grand écran, les photographies et vidéos de l’artiste Shiraz Bazin-Moussi donnent au récit sa dimension visuelle à travers un demi-siècle d’histoire. 

D’Edimbourg, à Oran en passant à Marseille, le sillon constitué par ce happening original promet une belle diffusion et l’opportunité de diffuser les cultures et mémoires d’exil.

Un projet développé par le British Council (International Collaboration Grants) en partenariat avec l’Agence Algérienne pour le Rayonnement Culturel (l’AARC), avec le soutien de l’Institut français d’Algérie.

SAMIA CHABANI

La Discrétion
20 juin
Théâtre de la Sucrière, Marseille 

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Nos articles Diasporik, conçus en collaboration avec l’association Ancrages sont également disponible en intégralité sur leur site

Les Chroniqu’heureuses  : Mehdi Haddjeri sur le grill

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Medhi Haddjeri et les jeunes chroniqueurs © L.P.B

Guidés à l’année dans l’apprentissage des rouages du journalisme, dans l’analyse de l’information et dans la découverte du milieu artistique, l’équipe de jeunes chroniqueurs issus de l’asso de Noailles ont cette fois étudié le parcours de Temenik Electric. Ils ont pu rencontrer son chanteur, Mehdi Haddjeri, et le questionner avec la plus grande attention sur l’album en cours de sortie et l’accompagnement de la Cité des Minots, dont les concerts se tiendront au Silo ces 18 et 19 juin. 

Les apprentis. Nous avons visionné les deux nouveaux clips de Temenik Electric. Pourquoi as-tu choisi deux thèmes si différents, les tourments et l’amour ? 

Mehdi Haddjeri. Pour moi, ces deux thèmes ne sont pas différents. Dans tout l’album que l’on sortira cet automne, j’ai choisi d’aborder le thème de l’amour dans le sens large. Je parle d’amour dans les deux clips mais dans un sens différent. L’amour, c’est large. 

Est-ce que les « tourments » dont tu parles dans Be Cif sont des tourments vécus ? 

Oh ! Comment tu sais que je parle de tourments ? Ce n’est pas moi d’ailleurs, c’est le chanteur, c’est toujours pareil ! Est-ce que c’est moi ou un personnage ? C’est comme dans les films : on fait parler des personnages mais on parle à travers eux, et ce dont tu parles peut parler à plein de gens : les tourments que je peux avoir, d’autres les ressentent. Bé Cif, ça veut dire « de force ». Je veux exprimer que quoi qu’il arrive il faut s’en sortir. 

Qui sont les personnages blancs étranges qui t’entourent dans le clip de Bé Cif ? Que représentent-ils ? 

Ce sont les différents personnages qu’on peut avoir dans la tête, ceux qui entraînent ton tourment. C’est une image pour montrer que nous sommes plusieurs dans ma tête. 

On retrouve dans les deux clips le peignoir, l’ours en peluche et les éléments du salon, qui font penser à l’intimité du foyer. Est-ce que le foyer a une importance particulière pour vous ? 

J’en ai fait des interviews avec des journalistes, et je n’ai pas eu ce genre de questions. Là, tu me permets de réfléchir à l’importance de mon foyer ! C’est primordial pour moi. Je suis le dernier enfant d’une famille de quinze ! C’est donc un sujet central. Jérôme, le réalisateur et bassiste du groupe, a capté qu’il y avait des endroits et des gens très importants pour moi, dans ma musique.  

Tu as choisi le thème de l’exil algérien pour le grand concert de la Cité des Minots. Qu’est-ce que cet exil représente pour vous ? 

L’histoire familiale ! Parler de l’exil c’est parler de mon histoire et celle de plein d’autres familles. C’est un sujet important, nous, enfants de France qui avons des origines. On arrive par le projet de la Cité des Minots à rejoindre les programmes scolaires, c’était notre souhait. 

Quels ont été vos critères dans le choix du répertoire de la Cité des Minots ? 

On a essayé de regrouper des chansons des années 1050 à d’autres d’aujourd’hui, des chansons de femmes, dans le but de rendre hommage à ces personnes qui dans leurs chansons ont traversé l’histoire de France et leur parcours d’immigrés. 

Quelles ont été les difficultés rencontrées au cours de l’apprentissage des chansons avec les enfants ? 

J’ai la double casquette, celle de chanteur mais aussi de constructeur de la Cité des Minots, travaillant au Nomad’. On s’est rendus compte que les enfants de CE1 et CM2 n’avaient pas de difficultés à apprendre larabe, ou bien le béninois, comme l’an dernier. Ils peuvent apprendre plein de répertoire car ils s’appuient sur les sonorités. C’était plus galère pour les musiciens intervenants, pour les adultes, et pour moi ! Je ne parle pas l’arabe naturellement, je ne le parle qu’en chansons. 

Que vous apporte personnellement le fait de travailler avec des centaines d’enfants ?

Ça me donne beaucoup d’énergie et j’ai l’impression de servir à quelque chose. Parfois, quand tu es artiste ou que tu portes des projets, tu te poses plein de questions sur le sens de ce que tu fais. Travailler avec des enfants donne du sens à ma démarche. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MAM’BOUSSO, HIMDA, IZZA, ALA, MANSOUR ET YAMINA

PROPOS RECCUEILLIS PAR LUCIE PONTHIEUX BERTRAM

La Cité des Minots
Du 16 au 19 juin
Silo, Marseille 

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Mois des Fiertés 

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© Gaelle Matata / Hans Lucas.

Plus d’une cinquantaine d’événements militants, culturels et festifs pour petits et grands sont proposés par la librairie Pantagruel, la Pride Marseille et le centre LGBTQIA+ de Marseille en amont de la Marche des fiertés, qui aura lieu le 5 juillet. Quelques rendez-vous de cette semaine : ce mercredi 18, Queer Comedy Club & Fifi Raconte au Centre LGBTQIA+, qui ouvrira sa scène demain à celleux qui le souhaitent pour des Lectures Queer

Samedi 21, un LGBTOUR organisé depuis la Gare Saint Charles, à la découverte du visage arc-en-ciel de la ville, guidé par Ludovic, guide-conférencier. Dimanche 22, constructions de cabanes en papier mâché au Couvent, destiné aux enfants et aux familles, avec Axel Chadanson, artiste queer engagé. Et mardi 24 un atelier créatif : Soigner nos mémoires au Centre LGBTQIA+.

Marc Voiry

Jusqu’au 5 juillet
Divers lieux, Marseille