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Drôles d’histoire…

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Drôles d'histoires © X-DR

Ce 22 octobre, le Forum de Berre accueille à deux reprises Drôles d’histoires dans l’immeuble des rêves. Une création de Camille Noyelle qui met en scène des personnages attachants et singuliers. On pourra retrouver dans « l’Immeuble des rêves » : une inventrice de Bidules-à-trucs, un collectionneur de mots, une peintre qui capte les murmures de l’immeuble, un loup végétarien et enfin Marcel, le concierge qui cherche à comprendre leurs rêveries. Sur scène, les trois comédien·nes Jeanne Noyelle, Louison Bergman et Thibaut Kuttler s’approprient différents personnages pour emmener le public dans un voyage au pays de l’imaginaire. Un spectacle conçu pour les petits et les grands, qui promet une belle dose de rires !

C.L.
22 octobre
Forum de Berre

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Polyphonie aquatique et désir de révolte

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Dans Le Parlement de l’eau, Wendy Delorme invite les entités aquatiques qui habitent le monde à esquisser un futur à la fois désirable et habitable

Wendy Delorme est une romancière prolifique et politique. Après Le Chant de la rivière (Éditions Cambourakis, 2024), où elle faisait du cours d’eau un personnage, voici son septième roman, dans lequel elle convoque à présent les voix de Mer, Océan, Delta, Fleuve, Lagune, Pluie, Glacier… développant trois fils narratifs qu’elle tisse avec beaucoup d’habileté.

« Esprit », double de l’autrice, est très inquiète : domestication, exploitation et destruction du vivant, contrôle des corps – femmes, personnes trans, personnes migrantes – gaspillage des ressources, artificialisation des cours d’eau… Autant de sujets qui la hantent. En suivant le fil de ses réflexions et de ses recherches, on mesure à quel point l’humain, espèce désespérément paradoxale et autocentrée, demeure incapable de comprendre que la destruction des écosystèmes entraînera sa propre perte. S’installent alors l’abattement et une véritable éco-anxiété. Et contre le déni et le cynisme, sa lutte à elle prend la forme d’un acte d’écriture.

Que peut la littérature ?

Chez Wendy Delorme, écrire est un acte de survie – un geste politique aussi nécessaire que respirer. S’interrogeant sans cesse pour savoir si cette pulsion est une illusion ou une action concrète sur le terrain de la bataille culturelle, elle livre un roman foisonnant de références, de ressources scientifiques, de possibles… pour sauver le cycle de l’eau et dessiner un avenir désirable. Les entités aquatiques, infiniment bavardes et créatives, qu’elle entend en pensée et qui se glissent dans ses rêves, se mobilisent pour composer ensemble un récit « d’anticipation sur des humain·es qui s’organisent pour survivre à un État fasciste et écocidaire ».

En 2050, dans une communauté autogérée installée sur le bassin versant du Rhône, cohabitent une adolescente qui veut casser le béton, un frère qui cartographie sans relâche à la recherche d’une source perdue, un couple de réfugié·es qui sait cultiver la pluie, une éco-activiste qui protège des semences anciennes et d’autres personnages combattifs en quête de sédition. Des personnages attachants qui survivent dans une société sous surveillance où l’eau est devenue une ressource rare.

Et si cela résonne en nous, c’est peut-être parce que ce monde se tient à nos portes. Le passé, le présent et le futur se mélangent et c’est là toute la force du texte : nous faire naviguer entre prises de conscience, désillusions, espoir et envies d’agir… dans le sillage de la pensée de l’autrice. Les deux pieds solidement ancrés dans le réel, elle se jette à corps perdu et avec une grande justesse émotionnelle et littéraire dans les combats politiques résolument contemporains qui lui sont chers – éco-féminisme, décolonisation, fluidité des genres et des identités. Dépassant le stade du simple constat et de la moralisation stérile, elle nous invite à sortir de la passivité pour embrasser l’action collective. Et si les eaux, dans le roman, ont la tentation de submerger le monde, la romancière, elle, en appelle aux lecteur·rices pour faire éclore une révolution.

ÉLODIE MOLLÉ

Le Parlement de l’eau, de Wendy Delorme

Éditions Cambourakis - 23,50 €

« Nous sommes tous des minoritaires »

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La minorité n’est pas une essence mais une condition sociale qui nous guette tous, explique Juliette Speranza dans un essai lumineux

Philosophe, fondatrice de l’association La Neurodiversité France, Juliette Speranza s’appuie sur ses recherches concernant les normes scolaires et les minorités pour développer sa thèse. La minorité résulte d’une organisation sociale qui décide, arbitrairement, de hiérarchiser les existences. Nous sommes donc tous potentiellement des minoritaires. Ce qui ne signifie pas être intrinsèquement différent mais simplement se trouver dans une position de victime d’une domination sociale. Un homme blanc, valide et hétérosexuel peut devenir minoritaire s’il vieillit, s’il tombe malade, s’il prend du poids, s’il change de pays. La condition minoritaire est fluide, mouvante, contextuelle. Si nous sommes tous minoritaires en puissance, haïr les minorités revient à se haïr soi-même.

Ils témoignent

Juliette Speranza est allée à la rencontre de ces « minorisés » : personnes grosses, racisées, handicapées, vieilles, transgenres, musulmanes. Leurs récits donnent chair à ce que la philosophe appelle l’oppression minoritaire. Gabrielle, victime de grossophobie, a vécu des années de moqueries, d’injonctions à maigrir. Le regard social l’a réduite à son corps, niant son intelligence, son humanité. Au point qu’elle avait planifié son suicide pour le 30 juin 2016. D’autres racontent le racisme quotidien, les contrôles au faciès. Des personnes handicapées témoignent de l’inaccessibilité des lieux publics. Des personnes transgenres partagent leur combat pour la reconnaissance de leur identité, les violences médicales et administratives qu’elles subissent. Autant d’histoires qui montrent que les revendications minoritaires relèvent de survie, de dignité, d’accès aux soins, à l’éducation, à l’emploi.

La honte change de camp

L’ouvrage décrit la prise de conscience minoritaire. Des individus isolés finissent par identifier leur exclusion comme un phénomène collectif. Ils passent de la honte individuelle à la compréhension politique de leur situation. De victimes passives, les « minorités » deviennent des acteurs politiques qui transforment la société. Pour l’autrice, ces minorités seraient un moteur pour la démocratie. Quand une minorité émerge, elle force la majorité à questionner ce qui semblait « normal », « naturel ». Elle révèle que l’égalité proclamée était fictive. Une société qui accueille l’expression minoritaire se transforme, s’enrichit, devient plus juste. Speranza convoque à sa démonstration des philosophes et des sociologues. C’est brillant, limpide, vivifiant.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Nous sommes tous des minorités de Juliette Speranza
Éditions du Faubourg - 20 €

Une déferlante éditoriale sans précédent

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Avec ce livre à la démarche innovante Mazan, Anthropologie d’un procès pour viols, Le Bruit du Monde apporte sa pierre à la réflexion sur ce procès historique

Le procès des viols de Mazan, qui s’est achevé le 19 décembre 2024, a suscité un phénomène éditorial remarquable. Jamais une affaire judiciaire n’avait généré autant d’ouvrages dans un délai si court, témoignant de l’impact profond de cette « affaire » onde de choc. Cette production littéraire foisonnante a donné lieu à des approches multiples, à des regards, tous singuliers ; chaque ouvrage apportant sa pierre à l’édifice d’une réflexion collective sur les rapports de domination et de violences de genre qui s’exercent jusque – et peut-être surtout – dans le lit conjugal.

Un phénomène éditorial inédit

Le récit testimonial Et j’ai cessé de t’appeler Papa de Caroline Darian, fille de Dominique Pelicot (JC Lattès), avait levé le voile sur le drame familial bien avant le procès. Puis, viendra Procès de Mazan, la déflagration de Cynthia Illouz, (Éditions de l’Observatoire), réquisitoire cinglant, fustigeant la culture du viol, mais aussi les failles des institutions qui étouffent la parole, blâment les victimes et effacent le consentement.

Pas de monstres isolés

Parmi ces publications, l’ouvrage de Manon Garcia, Vivre avec les hommes : réflexions sur le procès Pelicot (Climats) paru le 5 mars dernier occupe une place particulière. La philosophe et sociologue, déjà auteure de travaux reconnus sur les rapports de genre y livre une réflexion éclairée, ne se contentant pas d’analyser les inculpés – aujourd’hui condamnés – comme des « monstres isolés » mais appelant « tous » les hommes à s’interroger sur leurs points communs avec ces bourreaux ordinaires afin de mieux appréhender l’omniprésence des violences.

Elle vise à dépasser le caractère exceptionnel de ces crimes pour questionner les mécanismes sociaux qui les rendent possibles. La sociologue prolongeait ainsi ses réflexions entamées dans ses précédents ouvrages On ne naît pas soumise, on le devient (Flammarion 2018) et La Conversation des sexes (2021), en confrontant cette fois sa théorie à la réalité brutale d’un procès. Elle démontre que « contrairement à ce que l’on pourrait croire et espérer, le monde dans lequel nous vivons n’est pas un monde post #MeToo ».

Voyage aux enfers

D’autres ouvrages complètent ce panorama éditorial : Mazan, la traversée du Styx de Marion Dubreuil (Globe), en référence au fleuve des enfers que l’on traverse pour rejoindre Gisèle Pelicot sur l’autre rive ; La Chair des autres (Albin Michel) de Claire Berest, qui a suivi le procès pour Paris Match et décortique les mécanismes – et les mots – de la bascule vers l’acte criminel et propose une plongée troublante dans la psyché des accusés, cherchant à comprendre les ressorts de leur passage à l’acte.

Un pari éditorial audacieux

Le paysage éditorial s’enrichit aujourd’hui d’une contribution tout à fait originale avec Mazan, anthropologie d’un procès pour viols aux éditions Le Bruit du Monde. Cet ouvrage rassemble les analyses de quatorze anthropologues du Centre Norbert Élias, CNRS/Aix-Marseille Université/Université d’Avignon, proposant une lecture collective de cette affaire sans précédent. Ce livre marque un tournant pour les éditions Le Bruit du Monde, plus spécialisées dans la littérature que dans les essais académiques même si l’ouvrage à l’écriture – bien que plurielle –, d’une grande fluidité, se lit d’une traite comme un roman social, que l’on commence et qu’on ne lâche pas. Dans ses 36 chapitres courts, parfaitement anglés, se mêlent citations, témoignages, fragments de vie et de ressentis offrant un regard kaléidoscopique sur les à-côtés de cette tragédie. Mais revenons à sa genèse.

Alors que le procès commence, des chercheur·es, spécialisé·es dans les études de genre du Centre Norbert-Elias s’interrogent : « Pourquoi on n’y serait pas ? ». Ils établissent rapidement le parallèle entre ce « grand procès du XXIe siècle » et le célèbre « Procès du viol » d’Aix-en-Provence en 1978, qui, grâce à Gisèle Halimi, avait marqué un tournant dans la reconnaissance juridique des violences faites aux femmes.

En moins de deux jours, une équipe opérationnelle (douze femmes, deux hommes) se constitue. Les collègues annulent tout, conférences, terrains de recherche en cours pour se lancer dans cette aventure phénoménale. Le 1er décembre, les voilà installés dans une maison située derrière le tribunal. Ils vont y manger, y dormir, vivre, ensemble, durant trois semaines. Une configuration insolite pour des chercheurs habitués à travailler seuls.

Une méthodologie d’urgence

La grande difficultéest de se projeter sur un terrain déjà occupé par des centaines de journalistes, en proie à de nombreuses prises de parole polarisées et à d’importantes manifestations militantes : un espace saturé. « Face au vertige de ce qui se passait, à l’immédiateté dont on n’avait pas l’habitude, on s’est vite amarré à notre méthodologie d’anthropologue », explique Céline Lesourd. « Alors que tout le monde était hypnotisé par la salle d’audience, nous avons décidé d’aller regarder là où on ne regarde pas », ajoute Perrine Lachenal.

Ils divisent la ville en pôles : le tribunal, avec ses magistrats, ses journalistes, ses témoins bien sûr, mais aussi les institutions publiques, les politiques, la police, les lieux du corps (salles de sport, hammams…), de culte, les hôtels, restaurants, l’université. Chaque matin, les enquêteurs partent « à la pêche ». Les yeux et les oreilles traînent partout autour des machines à café et même jusqu’aux toilettes. Le soir venu, chacun rentre avec ses « glanages » et partage ses découvertes. Une vraie « force de frappe », un rouleau compresseur qui déboule dans une ville, dépose des filets, les tire. Le résultat littéraire, qui ne cède jamais sur le fond et à la rigueur scientifique, est remarquable de justesse. Un livre qui restera.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Anthropologie d’un procès pour viols, ouvrage collectif
Le Bruit du monde – 22 €

Un corbeau dans la jungle

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Avec Le corbeau qui m’aimait, Abdelaziz Baraka Sakin signe un roman bouleversant sur la migration, l’amitié et la lente désintégration de l’espoir

Tout commence par une scène de reconnaissance manquée. À Vienne, Nour croise Adam, son ami du pays. Ce dernier est devenu l’ombre de lui-même : émacié comme une tige de bambou, les yeux noyés dans le crack et l’alcool bon marché. Jadis inséparables, animés par les mêmes rêves d’ailleurs, les deux hommes avaient emprunté ensemble la périlleuse « Route des fourmis » depuis le Soudan. Puis leurs chemins avaient divergé. Adam, surnommé « Ingiliz » en raison de son obsession d’atteindre l’Angleterre, ne reconnaît même plus son frère d’exil.

La « Jungle »

Au cœur du roman se trouve la « Jungle » de Calais, cet espace de relégation où s’entassent les migrants dans l’espoir d’atteindre le Royaume-Uni. Baraka Sakin nous y immerge, au milieu de la boue, le froid, la violence, mais aussi de la solidarité précaire qui lie ces déracinés en quête d’un avenir meilleur. C’est là, dans ce non-lieu qu’Adam bascule dans la folie, après une tentative avortée de traverser la Manche sur un ballon dirigeable.

Le roman pose une question existentielle : qu’est-ce qu’une vie réussie ? Avoir foi en ses rêves, parfois trop grands, qui conduisent à se perdre dans un monde d’illusions destructrices ? Ou renoncer d’emblée et choisir de ne plus vivre mais de survivre ?

L’auteur soudanais, censuré dans son pays et vivant en exil entre la France et l’Autriche, connaît intimement son sujet. Son écriture, d’une grande subtilité, décrit la déshumanisation progressive d’Adam. Par petites touches, il montre comment l’Europe broie les espérances de ceux qui croyaient y trouver le salut. Mais il décrit aussi ces instants de fraternité, d’humour même, entre migrants qui rendent le quotidien plus acceptable, essentiel.Ce court roman de 192 pages possède la densité d’une œuvre bien plus volumineuse. Sensible, engagé, profondément humaniste, il nous pousse à regarder derrière les simples faits. Et si nous avions tous, quelque part, un corbeau qui nous aimait ?

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le corbeau qui m’aimait,Abdelaziz Baraka Sakin
Éditions Zulma - 18 €

Imaginaires en partage

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Pour sa 19ᵉ édition, Mômaix célèbre la puissance de l’imaginaire et le plaisir du spectacle vivant à hauteur d’enfant dans dix-sept lieux d’Aix-en-Provence

Voilà près de vingt ans que Mômaix s’impose comme un rendez-vous incontournable, idéal pour éveiller la curiosité des plus petits et leur donner accès aux arts du spectacle sous toutes leurs formes. Jusqu’au 24 décembre, le festival s’étend sur 17 lieux partenaires d’Aix-en-Provence : Grand Théâtre de Provence, Pavillon Noir, Théâtre du Bois de l’Aune, Petit Duc, La Mareschale, La Manufacture, Cité du Livre, Flibustier, Comédie d’Aix, et d’autres espaces culturels, bibliothèques et musées.

Frissons garantis

Les petits fantômes et créatures farfelues sont à l’honneur : Bouh le petit fantôme qui avait peur de tout hante le Théâtre Le Flibustier à destination des tous petits (dès un an !) du 27 octobre au 2 novembre tandis que Bouhhh, relecture acide des contes de fées les plus effrayants, se joue à La Comédie d’Aix du 18 octobre pour les enfants dès 3 ans. Les histoires pleines d’humour et de mystère se poursuivent avec Chocottes et Chamallows (29 octobre et 1er novembre) au Théâtre de La Fontaine d’Argent et Le Mystère Léon Plouhinec le 29 octobre à L’Ouvre-Boîte, deux rendez-vous dès 6 ans qui promettent rires et frissons. Côté danse, les adolescents et adultes pourront applaudir le Ballet Grenadeet ses Cinq versions de Don Juan au Grand Théâtre de Provence les 4 et 5 novembre, avant qu’Ulysse ne vienne faire escale au Pavillon Noir les 16 et 17 décembre.

En avant la musique

Les familles pourront également se laisser emporter par les mélodies sans frontières des Voix Nomades avec Mediterraneo, au Théâtre de La Mareschale le 5 novembre, puis La Graine au Petit Duc le 16 novembre, un spectacle musical dès 6 ans. Les contes musicaux sont, cette année encore, nombreux : avec Le Carnaval des Animaux de Prodig’art à l’Amphithéâtre de La Manufacture le 12 novembre, Les Aventures du Chat Botté de la Compagnie Lazara du 8 au 12 novembre.

Décembre s’installera enfin avec sa magie. Le Merveilleux Noël de Monsieur Silver revient à La Comédie d’Aix du 6 au 24 décembre pour les enfants dès 3 ans. À ses côtés, Le Pire Noël du Père Noël sème le désordre au Théâtre de La Fontaine d’Argent dès 4 ans. Les adolescents et adultes pourront découvrir la Méta Morphose du Collectif Yokaï-S0-6 à La Manufacture le 17 décembre, un spectacle qui mêle musique et arts visuels dès 10 ans et sera donné en partenariat avec le festival Tous en sons.

SUZANNE CANESSA

Mômaix
Jusqu’au 24 décembre
Divers lieux, Aix-en-Provence

65 rue d’Aubagne : Quand l’histoire sonne juste

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Il y avait comme un air de catharsis générale dans la salle de l’Astronef, où était données les trois premières représentations la pièce 65 rue d’Aubagne du 15 au 17 octobre. Le public a vu défiler devant lui cet épisode de l’histoire marseillaise, que l’on n’avait peut-être jamais ressenti d’aussi près, aussi intensément, aussi personnellement.

Pourtant, la jeune metteuse en scène Mathilde Aurier n’était pas présente à Marseille ce 5 novembre 2018. C’est deux ans plus tard, au hasard d’une journée à la plage, qu’elle rencontre Nina, une survivante du 65, et découvre le récit d’une personne dont l’existence a été profondément marquée par cet effondrement.

C’est cette Nina, personne réelle devenue personnage de fiction, que l’on suit à travers 65 rue d’Aubagne. Elle est seule dans son lit, dans un décor austère, puis entourée du monde qu’elle ne veut plus comprendre. Nina n’était pas chez elle ce matin-là, « par accident » dit-elle. Mais beaucoup de ses voisins oui, dont la jeune italienne Chiara, omniprésente pendant toute la durée du récit, en miroir du destin miraculé de Nina : « Chiara, elle dormait. Comme moi. »

Mathilde Aurier a construit son récit en interrogeant Nina, mais aussi des proches de victimes, des membres du Collectif du 5 novembre, des habitant·es de Noailles, des associations. Du théâtre documenté qui donne à son récit l’effroi du réel, la pudeur de la fiction.

Le tragique et le documentaire

Nina est une jeune femme perdue, merveilleusement interprétée par Camille Dordoigne. Si elle n’était pas présente physiquement ce matin-là, c’est tout son être qui s’est effondré le 5 novembre, elle qui garde « un goût de cendre coincé entre les dents ». Son couple y passe, la cocaïne s’infiltre dans toutes ses cicatrices, elle pète les plombs quand il n’y a plus de beurre salé au supermarché…

Autour d’elle il y a aussi, complice, le gérant de l’alim’ en bas de chez elle ; les employés de mairie grossièrement incapables ; les propriétaires qui se défaussent ; les pompiers ; d’autres délogés ; et même Jean-Claude Gaudin, représenté sous la forme d’un crocodile.

Les scènes passent dans une construction narrative non chronologique, qui va de la rencontre avec son copain quelques semaines avant les effondrements, jusqu’à la crise des délogés. Le récit prend le soin d’intégrer Chiara qui donne chair à toutes les victimes de l’immeuble, et dont le chant s’élèvera au delà du fracas des éboulements.

Des moments prêtent à rire aussi, quand elle essaie de se désabonner de ses différents forfaits d’électricité ou internet : « il n’y a pas de case “effondrement”, je mets “attentat” ? », lui répond-on.

En 1h40 divisée en quatre parties, Mathilde Aurier et la jeune troupe de La Criée dessinent un tableau puissant du drame marseillais, avec justesse, sévérité, et émotion. Une pièce dense, concrète, les deux pieds dans les gravats, qui sait relier le politique et l’intime, le tragique et le documentaire.

NICOLAS SANTUCCI

65 rue d’Aubagne a été donné du 15 au 17 octobre au Théâtre de l’Astronef, Marseille
À venir
14 au 18 janvier
La Criée, Marseille

6 au 9 novembre
Théâtre de l’Œuvre, Marseille

20 et 21 novembre
Théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence

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Le chant de l’exil

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Maura Guerrera, Malik Ziad et Manu Théron présentaient leur projet Spartenza, à l’occasion de la nouvelle édition d’Au bout la mer

Il y a beaucoup de monde en ce dimanche après-midi dans les beaux jardins du Musée d’histoire de Marseille. Au pied du Mur de Crinas, une scène a été aménagée. La chanteuse sicilienne Maura Guerrera au chant et au tambourin sicilien, Malik Ziad à la mandole orientale et au guembri (luth rectangulaire), et Manu Théron – le bouillonnant directeur de la Cité de la musique et directeur artistique du programme – au tambour et aux chœurs, sont venus partager le projet Spartenza, un mot sicilien qui signifie départ, séparation, éloignement.

Un dialogue entre deux rives

Le projet renoue avec les traditions vocales de l’île et vient se métisser avec les sonorités et les rythmes du Maghreb, faisant le lien entre les cultures perdues respectives, celle de Sicile et celle d’Algérie où le chant est intrinsèquement lié à la vie populaire. Sur scène, les trois amis déploient une énergie extraordinaire et communicative.

Maura, d’une présence scénique et d’une grâce exceptionnelle, diva et parfois même prêtresse chamanique poussant son tambour jusqu’à la transe, nous emmène dans ses terres, jusque dans les petits villages de son île où elle a puisé des airs traditionnels.

Voyage en traditions

On y suit un commerçant ambulant qui passe sous les fenêtres pour réparer des casseroles et qui chante, l’histoire d’un cheval auquel son maître exhorte à ne pas se décourager et à toujours résister, allégorie de la vie. Et puis un chant émouvant de 1900 que se chantaient les migrants italiens exilés à New York, qui parlent de la patrie perdue et de l’envie d’y retourner, une chanson d’amour d’un charretier pour une jeune femme qu’il envisage d’enlever si ses parents refusent le mariage et pour conclure une berceuse introduite par un solo enlevé de Malik. Un bel hommage vibrant à toutes ces voix populaires qui ont chanté l’exil, l’amour et la résistance, au cœur de tous les Marseillais.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Authentique Sarah McCoy

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Ce 16 octobre, la musicienne américaine a fait chavirer les cœurs du public, en offrant un concert d’une puissance cathartique à l’Artplexe Canebière

C’est dans le décor épuré et peu courant d’une des salles du cinéma Artplexe que trônait, seul, le piano avec lequel Sarah McCoy allait offrir une heure et demie durant un concert proche de l’expérience de la catharsis. Celle de l’artiste, bien sûr, mais la puissance scénique de la chanteuse est telle que ce sont nos cœurs qui s’emballent, nos estomacs qui se serrent, nos poils qui s’hérissent, nos corps tout entiers qui entrent en vibration.

Déboulant dans une énergie légère et joviale – de laquelle elle ponctuera presque toujours ses transitions, nous tirant des larmes au rire – Sarah McCoy nous parle, nous amuse et nous met à l’aise, avant de se recentrer vers micro et clavier et de délivrer ses premières notes. Dès celles-ci, c’est toute la puissance vocale de Sarah qui se déploie dans des timbres soul jazz d’un coffre rare. Même lorsque dans les harmonies basses et les décibels maîtrisés, l’expérience est saisissante. Les thématiques des morceaux nous promènent entre l’amour (beaucoup) et la mort, la perte, la mère ou la guerre, nous menant parfois vers des intensités sonores telles qu’elles paraissent presque surhumaines.

Set de lumières

Le piano, complice de l’artiste et seul partenaire de ce voyage initiatique est joué avec aisance, et il paraît évident que la symbiose voix-touches est le fruit d’une complicité de tous les jours. Accompagnant les virées dans le grave d’octave frappées, les adoucissements d’harmonies et de glissando, la formule semble parfaite. On y entend des influences blues bienvenues. C’est d’ailleurs ainsi que la belle a fait ses armes, seule derrière un piano dans les bars de la Nouvelle Orléans, ville profondément inscrite dans la personnalité volontairement carnavalesque de la chanteuse. Elle apparaissait ce soir le visage pailleté, brillant ainsi sous les lumières changeantes de son set.

Si le transport est intense, on se réjouit que de tels projets puissent continuer d’exister « tels quels », loin des surproductions et fards artificiels de projets prometteurs aux yeux de l’industrie. Là, c’est l’authenticité du projet qui fait sa singularité.

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM

Concert donné le 16 octobre au cinéma l’Artplexe Canebière, Marseille.

T’inquiète pas, on se retrouve à l’Ouvre-Boîte

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Le quintet Prejazz a donné un concert samedi soir pour la sortie de leur premier album TKT. Retour sur l’évènement

Voilà maintenant dix ans que le groupe Prejazz tourne, et c’est aujourd’hui qu’ils nous invitent à découvrir leur premier album TKT. Le claviériste, Yannick Chauvin, dont toutes les compositions portent la signature, nous présente l’opus : le titre est pensé comme un SMS qui nous dit de ne pas nous inquiéter, malgré les incertitudes du monde actuel. Le temps d’une soirée, le public est transporté dans cette bulle jazz de musique vivifiante. Sur scène, le groupe réunit Clément Moulin (trompette et bugle), Vincent Tournardre (saxophone ténor et soprano), Yannick Chauvin, Matteo Sgarzi (contrebasse et basse électrique) ainsi que David Sinopoli (batterie). Le premier morceau, The Day After, débute avec une introduction très cinématographique : des roulements de tambours lents et une envolée de notes délicates au clavier qui sonnent comme des carillons, les cuivres jouant une mélodie lente et réflexive. La suite du morceau laisse entendre une batterie texturée et un tempo rapide.

Courbes hypnotiques

Le suivant, TKT and no coffee, fera douter quelques instants le pianiste, qui a perdu son gimmick. Mais le saxophoniste le rassure : « t’inquiète, tu vas le retrouver » … et juste après, le succès est au rendez-vous. Le morceau tourne autour d’une même boucle mélodique et bluesy où le batteur joue des rythmes complexes, cassant le flow avec des accents et des contre-temps qui vont à contre-courant avant de revenir dans le groove de la boucle. My integrity déploie une sonorité nerveuse avec des sons d’alarmes ou de bruitage électronique au clavier, la contrebasse et la batterie utilisent des sons durs avec une ligne de basse qui fait répéter les notes en descendant pour une ambiance presque rock. Le saxophoniste se contorsionne, emporté par l’intensité d’un solo qui emprunte sa sonorité au bebop, et le bugle joue de manière frénétique lors du sien qui fera monter des gammes rapidement. Par la suite, le groupe s’adoucit lors de Forgetting Curve qui s’inspire de la courbe de l’oubli du psychologue Hermann Ebbinghaus. Le batteur utilise un balai de manière circulaire et les cuivres jouent une mélodie hypnotisante, mélancolique et lumineuse à la fois. L’album se termine par Sax Toy qui fait entendre des notes saccadées au saxophone et un solo impressionnant du bassiste, qui joue avec intensité, en y mettant toute son âme. Lors du bis, le groupe interprète Dazed in the maze, un morceau bop aux sonorités latines.

LAVINIA SCOTT

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