samedi 26 avril 2025
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L’heure de la mobilisation

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© Suzanne Canessa

Zébuline. Depuis plusieurs semaines, de nombreuses assemblées générales se tiennent partout en France. Est-il important que cette colère, cette inquiétude, trouvent un écho dans une grande mobilisation ?

Ghislain Gauthier. On n’a pas le choix. Soit on réussit à faire une mobilisation durable et conséquente, soit on va se faire laminer.

Depuis quelques mois, les coupes budgétaires se multiplient. Des conséquences se font-elles déjà sentir ? 

Oui il y a des conséquences très concrètes. Déjà l’an dernier, les programmations ont été réduites. Dans la Région Pays de la Loire [sa présidente Christelle Morançais a coupé 73% des subventions à la culture, ndlr] le Frac de Nantes va fermer, et d’autres établissements sont très fragilisés. Il y a aussi ce qui se passe dans l’Hérault, avec des structures où la programmation est presque réduite à néant, toute l’année.

Dans l’Hérault,  la majorité socialiste prévoit une coupe de 100%… Vous avez été étonné de cette décision ? 

Étonné non. Kléber Mesquida avait déjà fait un coup compliqué l’année dernière. Le Conseil départemental mettait des infrastructures à disposition des compagnies, et il avait décidé d’arrêter, sous prétexte que juridiquement ça le mettait en difficulté par rapport à d’autres acteurs privés qui proposaient ce même service. Les Départements, en grande majorité, ont des difficultés, leurs budgets sont atteints et ils ont des compétences sociales obligatoires. Mais cela justifie-t-il de couper 100% des aides ? Je ne le crois pas.

Rachida Dati vient d’annoncer une réforme du pass culture [lire encadré]. Qu’en pensez-vous ?

Cette réforme semble aller plutôt dans le bon sens. Mais si elle insuffle un peu de justice sociale, elle ne remet pas en cause le dispositif, et sur le fond le problème reste le même : ce sont des centaines de millions d’euros captés par le secteur privé. 

Et la part collective reste gelée, entraînant du flou pour le monde éducatif et artistique. Comment expliquez-vous cette situation ?

L’année dernière, la somme budgétée à la loi de Finance a été dépassée, parce que ce sont des aides guichets : si l’offre est acceptée par l’école, l’État doit l’argent. Donc les crédits supplémentaires ont été pris sur l’année suivante, et on a commencé 2025 avec un trou de 30 millions. Élisabeth Borne a honoré les demandes déjà acceptées, et gelé le dispositif qui ne  rouvrira qu’en juin, car il reste encore 20 millions d’euros à dépenser – qui partiront très vite. Cela signifie que l’on n’a pas assez d’argent pour répondre au besoin d’éducation artistique et culturel. Et les gamins, tout au long de l’année, n’auront pas accès à des activités culturelles, faute de budget. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI 

Pass Culture : la part individuelle révisée


En décembre dernier, le bilan dressé par la Cour des comptes sur la part individuelle du pass Culture était implacable : il est coûteux, d’une efficacité sociale limitée, et enrichit une petite oligarchie de l’industrie culturelle (en cinq ans, 100 millions d’euros ont été reversés à la seule Fnac). Un décret paru le 28 février revient finalement sur une partie du dispositif : les moins de 17 ans n’en bénéficieront plus, et le budget alloué aux jeunes de 18 ans passe de 300 à 150 euros. Il pourra être bonifié de 50 euros pour les personnes en situation de handicap, ou en fonction du quotient familial. Reste à savoir comment les crédits sauvegardés seront redistribués, et s’ils bénéficieront bien aux artistes, aux auteurs et à la création… [Lire ici]

NICOLAS SANTUCCI

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Marseille : l’art participatif du village

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© X-DR

Situés à 5 minutes à pied du métro Bougainville, les Ateliers Jeanne Barret occupent un site de 1200m2 et 600m2 de cour extérieure, emblématique de l’architecture industrielle du début du XXe siècle. Des « Ateliers » nés en 2019 suite à un appel à projet lancé par Euroméditerranée pour l’extension au nord de son opération de rénovation urbaine, et quiproposent depuis 2020, autour d’espaces de travail et d’ateliers d’artistes, une programmationd’événements artistiques et participatifs divers. Le nom de Jeanne Barret, choisi pour emblème du lieu, est celui d’une exploratrice et botaniste, qui se travestit en 1766 pour embarquer sur l’expédition de Bougainville. 

Semaine d’ouverture

Après une première édition qui a eu lieu à l’automne 2023, Faire village lance pour ce début de printemps 2025 des invitations variées. Et toujours participatives, que ce soit pour une œuvre chorale autour de berceuses collectées, une cartographie sensible et sonore du village des Crottes, une exposition de cartes postales, une battle de hip-hop et soirée DJ sets, un banquet autour des droits des étrangers, une conférence dessinée, une fête de village, ou la construction d’un four à pain…

Deux rendez-vous à noter pour cette première semaine : l’ouverture officielle, samedi 8 mars,de 18 h à 2 h, avec les concerts programmés par le label Standard In-Fipromouvant des artistes locaux, dont la musique oscille entre manipulations expérimentales et formes traditionnelles, et chez qui la dimension humaine du live est centrale : Tanz Mein HerzLès ModernosNeiges Perçées, Myriam Rzm et Dj.Spiritototem. Et à partir du lendemain(jusqu’au 30 mars) Bourrage papier du collectif Chuglu, qui propose à tous·tes celleux qui le souhaitent de participer à la réalisation d’une installation immersive évolutive et monumentale à partir d’énormes rouleaux de papier. 

MARC VOIRY

Faire village
Du 8 mars au 5 avril
Ateliers Jeanne Barret, Marseille

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À Avignon, une Bohème toute en pudeur

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La Bohème © Cédric & Mickaël/studio delestrade

Créée en 2019 à Confluences en pleins travaux de la maison mère, La Bohème mise en scène par Frédéric Roels connaît à Avignon une véritable renaissance. Conçue alors en collaboration avec la regrettée Claire Servais, dont il fut l’assistant, cette lecture sobre, proche du texte et de ses enjeux nous revient cette saison. Frédéric Roels, nommé entretemps directeur d’Opéra Grand Avignon, est assisté par Nathalie Gendrot sur ce projet remonté en coproduction avec l’Opéra in Balet Ljubljana. Un projet de grande ampleur, porté par un orchestre remarquable de bout en bout. Sous la direction de Federico Santi, l’Orchestre national Avignon-Provence est à la fois d’une précision et d’une expansivité remarquables, à l’écoute de ses solistes et fort d’une identité marquante sur des pages et thèmes pourtant archiconnus de tout l’auditoire. Un sans-faute soutenu par la très belle prestation du Choeur et de la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon, dirigés respectivement par Alan Woodbridge et Florence Goyon-Pogemberg.

Dans la justesse

C’est pourtant loin de tout superlatif que cette vision du célèbre opus de Puccini se construit. Les duos entre la superbe Mimi de Gabrielle Philiponet et la voix fougueuse du Rodolfo de Diego Godoy sont en effet vocalement éclatants, mais mâtinés scéniquement d’une pudeur et d’une mélancolie présentes dès le premier acte. La mise en scène ne sacrifie ni la pauvreté apparente des personnages, ni leur chaleureuse complicité, portée par l’espoir de lendemains meilleurs. L’amitié tangible entre le philosophe Colline – sépulcral Dmitrii Grigorev – et les solides barytons qui l’accompagnent – Geoffroy Salvas en Marcello, Mikhael Piccone en Schaunard – offre un contrepoint charmant et pertinent aux atermoiements de Rodolfo. Façette usuellement moins tragique de l’opéra, la Musetta impeccable de Charlotte Bonnet sait aussi se faire émouvant petit soldat dans l’acte final, lors d’une scène de mort bouleversante de pudeur et de dénuement.   

SUZANNE CANESSA

Spectacle donné les 28 février, 2 et 4 mars, à l’Opéra Grand Avignon.

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Bingo : Le Makeda fait un carton

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bingo
© L.B.F.

Tout a été pensé pour une immersion dans l’univers gothico-chic, avec des roses et leurs ronces suspendues un peu partout dans la salle. Dessous, c’est le collectif House of Belles Plantes, composé des drag-queens Mandragwhore, Scott Von Teufel et Stevie Rosebush, qui accueillait le public pour un bingo « hystéro » dominical. Au programme, de l’humour, des blagues pinquantes, et de jolis lots à gagner… de quoi rester concentré malgré la scénographie punk-gothico, et les performances théâtrales, très glamour, qui ont ponctué le jeu. 

Dragothico

Le soir venu, le Makeda s’est ensuite transformé en piste de danse où les « adelphes gotchiks », comme iels se nomment, ont offert des performances à tour de rôle après avoir changé·es leurs tenues : pendant que l’un·e performe, l’autre commente et met le son (électro, punk et new-wave au menu). Puis au public de se scinder en deux, et laisser la place nécessaire aux drags pour un défilé de tenues extravagantes. Scott Von Teufel avec son collier de clown élisabéthain, sa grande coiffe en tulle et ses chaussures à plateformes, Stevie Rosebush avec son crâne presque ciré, ses yeux noirs en pointe et habillé d’un corset en cuir et en clous, et Mandragwhore, avec un maquillage impressionnant, face pâle et point noirs, et une cravate de satin rouge. Le public répond, avec sifflement et éloge tout du long. 

LILLI BERTON FOUCHET

La soirée du collectif House of Belles Plantes s’est déroulée le 2 mars au Makeda, Marseille.

Diasporik : Fi khatar Marseille ! Hommage à Marseille !

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Marseille
© X-DR

Au cœur de Marseille, la Cité de la Musique abrite depuis plus de dix ans un espace unique : le Pôle régional des musiques du monde. Sous la direction artistique de Manu Théron, ce lieu d’exception invite des artistes de tout le pourtour méditerranéen à façonner une Scène d’Intérêt National, avec le soutien indéfectible de la Ville de Marseille.

Les 28 février et 1er  mars [voir ici], la programmation mettait à l’honneur les musiques du Maghreb et du Machrek, inaugurant ainsi les veillées artistiques du Ramadan. Marseille, ville-monde par excellence, a toujours été un creuset de recomposition des identités culturelles : la Cité de la Musique incarne cet héritage en favorisant la création autour des répertoires arabes, arabo-amazighes et méditerranéens.

Un contexte sous tension

Pourtant, au niveau national, ces répertoires musicaux restent rares sur les scènes artistiques. Est-ce l’effet des tensions renouvelées entre les rives de la Méditerranée ? À voir le palmarès des Césars 2025, on pourrait croire ces interrogations caduques. L’Histoire de Souleymane, sacré à quatre reprises, ainsi que les consécrations de Hafsia Herzi et Karim Leklou en tant que meilleurs actrice et acteur, semblent témoigner d’une reconnaissance du pluralisme culturel, malgré les tensions économiques, diplomatiques et sécuritaires. Même si le film Ni chaînes ni maîtres, premier long-métrage français traitant de l’esclavage et du marronnage à l’île Maurice au XVIIIe siècle, réalisé par Simon Moutaïrou, est absent du palmarès.

À Marseille, la question ne se pose pas de la même manière qu’aux Césars : la cité phocéenne, loin de se plier aux exclusions, a su retourner le stigmate de la diversité en une force. La programmation du Pôle des musiques du monde en est la preuve éclatante : qu’ils soient initiés ou simples curieux, les spectateurs affluent, séduits par ces scènes intemporelles et contemporaines du monde arabe et du Maghreb.

Marseille, capitale du raï ?

Le 28 février, à l’invitation du musicien Mehdi Laifaoui, en résidence d’artiste, un quartet s’est formé, rassemblant Mehdi AskeurJamel Reffes et Sofiane Saïdi, figures incontournables du raï. Ces artistes, combinant carrières solos et collaborations éphémères, insufflent une nouvelle dynamique à ce genre emblématique. Les classiques du raï s’enchaînent, réarrangés avec une modernité audacieuse. Mehdi Askeur sublime ce répertoire en interprétant Fais comme tu veux (Diri ki tebghi) et Cette vie est absurde (Had denia melha), avant de conclure avec l’incontournable Ya Mimouna Dhyaf Rabbi, une ode à l’amant éconduit.

Tradition en mouvement

Issu d’une transmission orale et familiale, le raï révèle un héritage culturel puissant, notamment à travers le matrimoine des Medahates, ces groupes féminins qui, de génération en génération, initient les plus jeunes à une musique oscillant entre complaintes, autodérision et célébration de la vie. Du raï trab traditionnel au pop raï, le genre a évolué avec l’introduction d’instruments comme la trompette à pistons et l’accordéon, en complément du bendir et des krakibs (crotales). 

L’inscription du raï sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unescoen tant que chant populaire d’Algérie et le succès planétaire de Disco Maghreb de DJ Snake attestent de sa vitalité.

Mue par une curiosité insatiable pour les musiques du monde, la Cité de la Musique s’emploie à réinventer ces répertoires raï et arabes pour le plus grand bonheur des Marseillais. Contre vents et marées, elle perpétue cette tradition d’accueil et d’échanges culturels, conjurant ainsi les méandres d’une politique arabe de la France devenue illisible et inaudible.

SAMIA CHABANI

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Faïrouz, la diva de l’amour

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Faïrouz
© X-DR

Amine Soufari a tous les talents. On le connaissait compositeur, chef d’orchestre et de chœur, on le découvre magnifique pianiste et joueur de luth. Avec sa complice, la chanteuse Hind Chraibi, il a imaginé une soirée pour célébrer Faïrouz, dernière légende vivante de la chanson arabe. Les deux artistes, pétris d’humanité sont accompagnés par le saxophoniste Vincent Cladere, la contrebassiste France Duclairoire et la très expressive percussionniste marseillaise Nadia Tighidet. Ensemble, Ils forment le Atmaten Quintet qui a puisé dans le vaste répertoire de la diva. 

Dans les chansons de Fairouz, l’amour est toujours au rendez-vous comme avec Wa habib (et mon bien-aimé), Eddaysh kan fi nass, qui parle de la solitude de ceux qui ne sont pas aimésou Shayef el Bahr qui déclame : « Mon amour pour toi est aussi grand que la mer »Ses compositeurs, les frères Rahbani (Mansour et Assy qu’elle épousera) prenaient aussi plaisir à adapter des airs mythiques comme Les feuilles mortes ou la 40e symphonie de Mozart. Ils reprennent aussi les mots d’immenses écrivains comme Khalil Gibran. Depuis le décès de son époux, celle que l’on surnomme aussi la 7e colonne, en référence aux six colonnes du temple de Jupiter de Balbeck, travaille avec son fils Zyad. 

Étonnamment Hind Charaibi a des faux airs de celle qu’elle célèbre. La même prestance, le visage long et fin, et l’intense sensibilité. Le public est immédiatement transporté dans l’ambiance cosy d’un piano bar, comme ceux qui fleurissaient dans le Beyrouth d’avant-guerre proposant des morceaux jazzy qui se mélangeaient avec bonheur aux mélodies poignantes et aux rythmes orientaux. Le public tape dans les mains, des youyous résonnent. Certains connaissent ces chansons par cœur et Hind les invite à chanter, ce dont ils ne se privent pas. Des spectateurs quittent leurs fauteuils pour devenir danseurs. Les solos des quatre musiciens s’enchaînent dans une complicité totale. 

Puis c’est l’heure de la surprise. Manu Théron monte sur scène. Armé d’un tambour il se lance lui aussi dans un solo décoiffant qui met la salle en folie. L’émotion est palpable quand la chanteuse entame Libeyrouth, hommage à la capitale du Liban si meurtrie depuis ces cinquante dernières années : « À Beyrouth du fond de mon cœur, j’envoie un Salam et des baisers à ses océans, ses toits, ses rochers et à son peuple. »

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le concert s’est déroulé le 1er mars, à la Cité de la Musique de Marseille.

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Charles Berling, et la complexité du réel

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Berlin
C'est si simple l'amour © Vincent Berenger

Zébuline. Pourquoi avoir choisi, pour cette création 2025 puis pour celle de l’année prochaine,le dramaturge suédois Lars Norén ?

Charles Berling. Parce que c’est un auteur majeur du théâtre contemporain, le successeur de Bergman, qui porte sur la société un regard acéré. Il sait raconter le tragique humain mais aussi, en contrepoint, il y a des détonations magnifiques, qui génèrent une dimension comique, une autodérision dont on a particulièrement besoin aujourd’hui. 

Pourquoi ? 

Vu les catastrophes en série du monde, l’état d’instabilité permanente, on a besoin de théâtre, de dérision, de politique. Le théâtre sait affronter et confronter le monde. C’est si simple l’amour met en scène deux couples qui sortent d’une représentation théâtrale. Deux ont vu, deux ont joué. Ce sont des bourgeois de gauche, il parle sans concession de leur rapport aux femmes, à l’autre, à la vérité. Par rapport à la gauche où je me suis situé toute ma vie, cela pose des questions profondes. 

De quel type ? 

Norén est un dramaturge génial. Avec des dialogues apparemment anodins il fait apparaître l’inconscient des relations, par l’agencement des répliques. Le public assiste à des conflits, des joutes de couples, et Norén sait lui faire voir ce que les personnages eux-mêmes, et parfois les acteurs, ne perçoivent pas tout à fait. La structure de la pièce est dingue, elle permet une pertinence humaine incroyable, avec des mises en abyme… parfois on ne sait pas si les acteurs jouent encore la pièce et ce qui relève du vrai, du joué, du souvenir. Cette complexité du rapport au réel, c’est celle que nous vivons tous les jours, avec des nouvelles qui nous assomment et nous empêchent d’être totalement dans le présent et la relation.

Dans l’amour, qui n’est pas si simple ? C’est un de vos sujets de prédilection… 

Avec Léon Blum, Montessori, Hannah Arendt ou Koltès je n’étais pas exactement sur ces sujets-là, plutôt sur la politique. Mais oui le théâtre donne souvent à voir des histoires d’amour.   

Ce qui m’importe pourtant c’est comment le public les regarde, et en l’occurrence comment je mets ce regard en abyme sur scène. Aujourd’hui, nous sommes saturés d’informations qui nous disentcomment tourne le monde. Le théâtre lui avoue être un mensonge. Aujourd’hui je ne veux plus de micro, de vidéo, et je veux que le public fasse partie du décor. 

Le public est donc sur scène ? 

Oui en partie. Le décor est un salon, mais même dans nos salons nous n’avons plus d’intimité et le monde est là, présent. Avoir près de soi des gens qui regardent, eux-mêmes regardés, mis en scène, cela m’intéresse et parle de ce trouble entre le réel et le mensonge, l’intime et le public, que nous vivons. On va tester ce soir en répétition [entretien réalisé le 3 mars, ndlr], avec un public de 40 personnes, ce que cela donne, ce partage de la scène.

« Ce que nous vivons est extrêmement dangereux et la culture publique est en danger »

Vos comédiens sont-ils préparés ? 

Oh, le théâtre tient à une équipe, et je ne prendrais pas ce risque de la proximité si je n’avais pas une confiance absolue dans les trois acteurs qui m’entourent, Alain Fromager, Bérengère Warluzelet et Caroline Proust. L’idée est de changer le rapport avec le public, et ils s’y attendent.

On ressent, à vous entendre, un sentiment d’urgence à agir, en votre lieu. 

Oui. Ce que nous vivons est extrêmement dangereux et la culture publique est en danger. Pour nous, la Métropole maintient ses financements et l’État semble le faire aussi, même si sans indexation sur l’inflation des coûts, cela équivaut à une baisse. Mais la Région et le Département coupent de 10 %. Ils font ainsi un choix de société, comme quand ils coupent dans l’éducation ou le social. La menace de l’extrême droite, contre laquelle jusqu’alors nous avions lutté ensemble, est terrible à Toulon, dans le Var, à la Région. 

Les collectivités en ont-elles conscience ? 

J’ai l’impression que oui parfois, et qu’elles savent le travail que nous faisons, mais qu’il faut régulièrement leur rappeler qu’on ne peut pas le faire sans financements. 

ENTRETIEN REALISE PAR AGNÈS FRESCHEL

C’est si simple, l’amour
Du 5 au 22 mars
Le Liberté, Scène nationale de Toulon 

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« Dans la cuisine des Nguyen » : une recette qui fonctionne

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Dans la cuisine des Nguyen est un film surprenant. Par son sujet : la quête identitaire d’une Française d’origine vietnamienne – communauté dont on ne parle guère dans le cinéma national. Et par sa forme : une comédie musicale pop, résolument joyeuse, colorée et optimiste, qui transforme les rêves en réalité.

Irène Nguyen (Clothilde Chevalier) est comédienne. Elle joue, chante et danse dans les spectacles montés par son ami Koko (Gaël Kamilindi) devant un public rare. La jeune femme gagne sa vie dans un supermarché en faisant la promo de nems surgelés, chaussée de patins à roulettes et déguisée en Madame Butterfly. Elle enchaîne les castings où son type asiatique l’écarte de la plupart des rôles. Car si Hollywood a pu faire incarner sans état d’âme Cléopâtre par Elisabeth Taylor, il est inconcevable de donner à une Nguyen le rôle de Marie-Antoinette. Son petit ami la décourage et sa mère (Anh Tran Nghia), chez qui elle revient après avoir largué ce rabat-joie, aussi.

Elle, qui a connu la guerre et a traversé une mer infestée de requins pour venir en France chercher une vie meilleure, est veuve. Elle tient un restaurant vietnamien dans la banlieue parisienne, et aurait aimé qu’Yvonne devienne « docteur ». Ou en épouse un. Elle cache sa tendresse maternelle par des remarques acides, en bougonnant dans son mauvais français et dans un vietnamien que sa fille ne parle pas. Fi de l’adversité, Yvonne – qui est « comme un nem sans nuoc-mam » puisqu’elle n’est jamais allée au Vietnam et ne connaît de la Baie d’Halong, prie Delphine Seyrig et Julie Andrews : Elle va peut-être enfin décrocher un rôle dans Le Tour du Monde de Casanova, une comédie musicale mise en scène par une star du spectacle, Philippe (Thomas Jolly, dans son propre rôle).

D’où je viens. Qui je suis.

Le film suit les auditions successives d’Yvonne. L’occasion pour Stéphane Ly-Cuong de juxtaposer les séquences chatoyantes de comédie musicale en plans séquences et caméra légère, et les scènes plus grises et statiques autour d’une table de cuisine ou devant un jury de casting. Puis de faire glisser, peu à peu, les paillettes dans le quotidien. D’orchestrer les couleurs musicales, jazz et cordes pour Yvonne, disco et cuivres pour Koko, variétés en mode Dalida Viet pour la mère.

Au passage il égratignera le racisme ordinaire, se gaussera des clichés, brossera le portrait de personnages secondaires, attachants et ridicules à l’instar de l’égocentrique mythomane coache de danse, Angela (Camille Japy). Il évoquera les rigidités communautaires face à l’homosexualité, convoquera sans s’y appesantir le souvenir du ressenti des enfants d’immigrés pauvres. Honteux de leurs parents devant les camarades de classe et honteux d’être honteux. On assistera dans les coulisses du resto à une réconciliation mère-fille autour de la préparation du Banh Cuon et des nems, qui sont amour, transmission et récit.

Imaginé à partir de son ancien spectacle Cabaret Jaune Citron où Clothilde Chevalier jouait déjà, ce premier film décrit avec sincérité et panache une trajectoire proche de celle du réalisateur, qui comme son héroïne a dû apprendre d’où il venait et qui il était.

ÉLISE PADOVANI

Dans la cuisine des Nguyen, de Stéphane Ly-Cuong

En salles le 5 mars

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Carmen 

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Carmen Al Andalus © Matéo Beauchet
Carmen Al Andalus © Matéo Beauchet

La Carmen du metteur en scène Olivier Desbordes est métissée. Comment pourrait-il en être autrement sur cette terre andalouse qui a toujours connu un brassage des peuples. Nourrie de multiples cultures, la flamboyante Carmen, interprétée par la mezzo-soprano franco-marocaine Ahlima Mhamdi, revendique la liberté de choisir ses hommes et sa vie. L’ancien directeur du Festival de Saint-Céré, désormais à la tête de la compagnie de l’Opéra éclaté, propose une adaptation de l’œuvre classique de Bizet sur une orchestration musicale arabo-andalouse qui rapproche les cultures méditerranéennes. Il a convié à ce projet des artistes marocains, libanais, roumains, syriens, argentins et français afin de mélanger les influences. Une rencontre entre Orient et Occident. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

6 et 7 mars
Théâtre de l’Odéon, Marseille

Aller vers… des rendez-vous jonglés

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aller vers
Ricardo S. Mendes © X-DR

Lorsqu’on est un théâtre fermé pour cause de mesures sanitaires puis de travaux de rénovation, comment continuer à proposer malgré tout du spectacle vivant à son public ? C’est en se retrouvant dans ces deux situations que le Théâtre du Gymnase a imaginé le projet Aller vers : aller à la rencontre de tous·tes, à travers différentes formes du spectacle vivant,sur le territoire des Bouches-du-Rhône. Car « si aller au théâtre c’est peut-être aller dans un lieu dédié, pour y partager collectivement des émotions, c’est avant tout aller au-devant d’une œuvre ». Depuis 2021, Aller vers s’est produit dans 290 lieux (cafés, places de villages, tramways, Ehpads, écoles,…) du territoire et a offert plus de 410 représentations de spectacle vivant gratuites.

Jongleur et architecte

Premiers rendez-vous de cette année 2025 avec le jongleur et circassien Ricardo S. Mendes,du 7 au 16 mars, auquel le Théâtre du Gymnase a commandé un parcours jonglé dans 17 lieux de la Ville de Marseille : places publiques, musées, espaces insolites, lieux emblématiques de Marseille (Kiosque à musique de la Canebière, Palais de la Bourse, Place Bargemon, MAC, Vallon des Auffes… tous les rendez-vous en détail sur lestheatres.net). 17 propositionsjonglées qui seront toutes différentes selon le lieu de la représentation.

Ricardo S. Mendes s’est formé au Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne mais est également diplômé en architecture. Et ne se prive pas de lier ses deux passions : « J’ai vraiment la sensation de dessiner des architectures avec les objets dans l’air. Je ne veux pas me contenter de les lancer et les rattraper, je veux créer un flux ininterrompu dans lequel mon corps et les choses participent du même mouvement ». Ses performances durent de 20 à 40 min. Allez-y !

MARC VOIRY

À fond de balles !
Du 7 au 16 mars
Divers lieux, Marseille
Une proposition du Théâtre du Gymnase

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