jeudi 11 décembre 2025
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La profondeur du rire

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« Nous sommes convaincus qu’un musée, c’est un endroit où l’on peut aller mieux », disait Pierre-Olivier Costa, président du Mucem, pour introduire la nouvelle exposition Don Quichotte, Histoire de fou – Histoire d’en rire, et la 2e édition de Bien dans ma tête, un temps fort « Santé mentale et création » qui a eu lieu les 17 et 18 octobre. En effet,  les institutions culturelles ont là-dessus un rôle à jouer, comme l’a initié le MO.CO, centre d’art contemporain de Montpellier, précurseur en France de l’« Art sur Ordonnance ». Une équipe de cardiologues de la Pitié Salpêtrière a ainsi établi que contempler une œuvre artistique réduit le rythme cardiaque et libère de la dopamine. Ce qui en fait une activité particulièrement adaptée en cas de symptômes anxieux, de dépression, de maladie chronique, ou suite à l’annonce d’un diagnostic difficile. 

Happer par le plaisir

Les deux commissaires de l’exposition, Hélia Paukner et Aude Fanlo, ont quant à elles visé « d’abord à susciter le plaisir, l’enthousiasme, la curiosité », autour de l’incroyable personnage créé par Miguel de Cervantes en 1605. Un homme délirant, en décalage avec son époque, pris par ses fantasmes de chevalerie, qui aurait pu être inquiétant, mais, comme le formule Marie-Charlotte Calafat, directrice scientifique et des collections du Mucem, « nous rappelle plutôt qu’il faut une part de folie pour continuer à croire en la beauté du monde ». 

« Que serions-nous sans le secours de ce qui n’existe pas ? » semble lui répondre une citation de Paul Valéry, au mur. Don Quichotte, un plat à barbe en guise de heaume sur le chef, est un surgissement d’incongruité déplaçant tout autour de lui. Dans le roman, comme dans ses innombrables représentations peuplant l’histoire de l’art ou la culture populaire depuis quatre siècles. Si la perception du chef d’œuvre a évolué depuis son succès, immédiat, il ne s’est jamais démenti depuis la parution. « À l’origine, explique Aude Fanlo, sa dimension comique était la plus présente. Mais progressivement, son héroïsme désuet est passé du ridicule à l’incarnation des combats impossibles : celui qui tombe et toujours se relève. »

Taïaut sur Rossinante

La scénographie, dans une disposition particulièrement généreuse, démontre à quel point chaque époque a fait son miel des aventures donquichottesques. Les visiteurs s’arrêteront bien-sûr devant l’encre de Chine ultra-fameuse de Pablo Picasso, prêtée par le musée Paul Éluard : en trois traits, tout y est, jusqu’au soleil éclatant de la Manche qui tape un peu trop fort. Les gravures de Gustave Doré, sa facétieuse statuette de chevalier jouant à saute-mouton. Ou encore les splendides illustrations de Salvador Dalí montrant, en un tourbillon et une anatomie brinquebalante, la dynamique tendre entre l’hidalgo et son compagnon Sancho. 

Puis, de clin d’œil en clin d’œil, les œuvres contemporaines, notamment Asneria, âne empaillé de Pilar Albarracín, juché sur une pile de livres dont… le catalogue de l’exposition. Ou bien la performance d’Abraham Poincheval, filmé parcourant la campagne en armure. Les férus de graphisme et bande dessinée repéreront une édition manga, dans la série One Piece, les interprétations du mythe par Quentin Blake ou Rob Davis. Quant aux fonds du Mucem, ils ont fourni des cartes réclame épiques, pour du cirage, des pansements, du vin… Décidément, l’imaginaire de Cervantès a frappé l’humanité de bien des manières.

GAËLLE CLOAREC

Don Quichotte
Histoire de fou – Histoire d'en rire

jusqu'au 30 mars
Mucem, Marseille

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Navet et épices

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Stéphane Ravier, sénateur RN ex-dissident Zemmour se réjouit que la justice ait rapidement tranché en son sens : Sacré-Cœur ne peut être impunément déprogrammé. Le réalisateur Steven Gunnell, ancien membre d’un boys band converti, après avoir sombré dans l’alcool, au culte de l’organe cardiaque du Christ, ne cache pas, dans son film promotionnel, qu’il a produit le « docu-fiction » « pour la gloire de Dieu » et pour « annoncer le Royaume du Seigneur ». Mais toute déprogrammation d’une œuvre artistique est une censure. 

C’est un fait : la liberté artistique, la liberté de créer, passe par là, et à partir du moment où une œuvre ne contrevient pas à l’ordre public, n’incite pas à la violence et à la haine et ne diffame personne, sa programmation peut être contestée, raillée, critiquée, dénoncée dans la presse et dans l’espace public, mais non empêchée ou annulée. Même dans un équipement public astreint à la laïcité. 

Le prosélytisme chrétien, plus spécifiquement catholique version radicale, a donc droit d’écran et de financement public, même lorsqu’il a pour but avoué par son réalisateur d’«éveiller ceux qui se sont endormis dans une foi un peu tiédasse et mollassonne». La RATP a le droit de ne pas accepter sa campagne de pub, mais pas une ville de déprogrammer le film. 

Pas très catholique

Steven Gunnell a proclamé dans son clip de promotion : « moi, Steven Gunnell, jusqu’à ma mort, je ferai des films qui annoncent l’amour du Christ, et j’appelle le public chrétien à ne pas hésiter et à faire connaître Sacré-Coeur ». En effet « les experts et historiens »y « montrent, par la chair des témoignages, jusqu’où le Seigneur nous aime ». On est heureux d’apprendre que l’existence de Dieu a enfin été prouvée scientifiquement, mais on n’ose imaginer ce que dirait la fachosphère  si Christ et Seigneur étaient remplacés par Yahvé et Elohim, ou mieux encore Mahomet et Allah.

Car la France selon Ravier a « des racines chrétiennes ». Personne ne lui rappelle que le dernier Président qui revendiqué cette histoire exclusive dort aujourd’hui en prison. Mais ceux qui contestent la justice quand Marine Le Pen ou Sarkozy sont condamnés, n’hésitent pas à faire appel à la loi pour promouvoir ces fameuses racines chrétiennes. Y compris dans une ville fondée par un métèque de Phocée accueilli par une princesse ligure pas très catholique près de 600 ans avant que le Christ eut un cœur sacré. 

Revendiquer des racines chrétiennes, c’est aussi oublier à quel prix le royaume de France, avant de devenir une nation, s’est construit. C’est par des guerres et persécutions incessantes, des conversions forcées, envers les cathares, les protestants, les juifs, les mahométans, les gaulois animistes, les bouddhistes vietnamiens. Ce culte si français du Sacré Cœur a été mis en place sous Louis XV, et les Vendéens contre révolutionnaires l’arboraient comme emblème de la France éternelle : celle de la monarchie absolue de droit divin, avec loi salique, Tiers-Etat, sang de bourbe et servage. Celle qui resurgit aujourd’hui pour lutter contre « l’halalisation » de la société, comme le soutenait le « journaliste » Jordan Florentin sur CNews. 

Production, programmation, propagande

Mais déprogrammer un film est un acte de censure. Peu importe que ce « docu-fiction » à la musique ridicule qui mêle témoignages ébahis et reconstitutions historiques de carton pâte ait été produit par Bolloré, et soutenu dans sa presse comme un grand film alors qu’il sent le navet presque autant que l’encens.  

Et peu importe que ce film ait été mis à l’affiche à Marseille par Valérie Fedele, ancienne élue UMP, directrice « générale et artistique » du Château de la Buzine depuis 2013. Peu importe qu’elle ait été qualifiée par Eliane Zayan, alors adjointe au cinéma de Jean-Claude Gaudin, de personne « incompétente à ce poste ». Elle expliquait elle-même en 2013 : « ce n’est pas pour mes qualités culturelles ou artistiques mais managériales que j’ai été recrutée ». Peut-être, aussi, pour ses convictions politiques ? Elle s’est aussi distinguée, dès 2016, en invitant Eric Zemmour dans l’équipement de la ville.  

Il y a peu de chances qu’elle soit à l’origine des Rencontres cinématographiques consacrées aux diasporas de Marseille. La Buzine et l’Alcazar accueillent, à partir du 4 novembre, des films qui mettent en scène des Roumains, des  Espagnols, des Lettoniens, des Afghans, des Algériens… qui forment aujourd’hui sinon les racines du moins le terreau de la ville. Halalisée pour partie, comme on parfume un délicieux gigot de cinq épices. Sans navet.

AGNES FRESCHEL


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Légèrethé à En Ribambelle !

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Tout doit être recta, à niveau. Le fil de la bouilloire, bien parallèle avec celui du transistor. Amélie Venisse, la comédienne de Vue, joue à merveille un personnage terriblement maniaque qui se prépare un thé, en puisant malicieusement dans les techniques du théâtre d’objets, du clown, et même du cirque (en miniature). Le tout sans paroles, juste un visage expressif. Sucre ou petite cuillère, actionnés par soubresauts, atterrissent pile poil dans un mug d’eau chaude : quelle satisfaction bien méritée, dans la mine de celle qui a calculé si précisément leur trajectoire ! Et ce regard outré, quand la boîte d’allumette, ouverte par mégarde à l’envers, répand son contenu !

Le public s’aperçoit toutefois qu’il s’agit d’une vraie fausse obsessionnelle, beaucoup trop joueuse pour l’être vraiment. Capable de tricher avec elle-même, à l’occasion. Et, par ses mimiques très drôles, de lui renvoyer en miroir ses propres petits rituels. Qui n’en a pas ? Même les enfants (la pièce est proposée aux 8 ans et plus) reconnaissent la tendance très humaine à se couler dans les habitudes, qui deviennent rapidement contraignantes. Il vaut décidément mieux rire de ses propres manies, s’en faire une occasion de défi, voire recruter quelques spectateurs pour les exploiter un tout petit peu : plus jeunes on les prend, plus vite ils apprennent que les règles sont affaire d’interprétation.

GAËLLE CLOAREC

Vue, de la Cie Sacékripa, a été donné au Théâtre Massalia du 23 au 25 octobre, dans le cadre du festival En Ribambelle !

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Se transformer pour perdurer 

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Après une première étape à Correns, puis une seconde aux studios de l’AMI, le Festival Transform clôturait son édition 2025 ce 25 octobre par une journée de restitution à la Friche la Belle de Mai

Au LaboFriche, Euphorbia Peregrina avait disséminé dans l’espace sa collection de plantes séchées. Au sol, les pages de son herbier coupent la salle en deux. Au fond, une grande estrade accueille une reproduction de son buffet olfactif, précédemment exposé à Correns.

Une discussion sur les enjeux du festival et le jumelage avec le festival brésilien RISCO, avait lieu dans la même salle entre Sarah Saby et Natalia Mallo, créatrices des festivals Transform et RISCO. « Les territoires et les enjeux sont différents, mais Marseille possède une communauté artistique queer forte et très présente, avec de nombreux espaces associatifs et autogérés queer, ça ressemble à Sao Paulo », explique Natalia Mallo. Et Sarah Saby d’ajouter : « Natalia et moi traversons des défis commun dans la programmation de ces festivals, notamment les questions financières de gestion de projet queer, les risques permanents d’annulation, ça nous semblait très important d’en parler. »

Lerisque,d’ailleurs, semble être un fil conducteur de leur collaboration. « RISCO a débuté à partir de créations queer, de personnes précarisées marginalisées, dont l’existence constitue un risque à elle seule. Ce qui nous intéresse c’est de fabriquer des espaces d’expérimentations avec ces personnes issues des marges. On a une volonté […] de rendre la création et l’existence de ces artistes moins précaire » précise Natalia Mallo.

Romy Alizée, et Myriam Bahaffou montaient ensuite sur l’estrade pour une table ronde modérée par Coco Spina, « Érotiser le monde : vers une éropolitique du désir » que Romy Alizée clôturait par une lecture Des choses que j’imagine, magnifique exploration photographique des désirs queers et des sexualités marginales, accompagnées de nouvelles intimes et politiques. 

Exploiter une faille

La transformation de Transform constituait cette année autant un risque qu’un geste politique manifeste dans un paysage culturel précaire. Les formats d’expérimentation artistique queer sont menacés, pourtant les capacités de réinvention formelle des créateur·ices marginalisées savent y faire face : il est question de laisser une trace, d’exploiter une faille dans laquelle s’infiltrer et s’étendre. « Il y a une volonté de propagation de notre part. Depuis quelques années, les artistes queer issues des marges sont présent·es dans les programmations mainstream. L’existence, dans le paysage culturel, de festivals radicaux, permet d’étendre les représentations queer au grand public, d’agir par porosité en quelque sorte », poursuit Sarah Saby. 

Les festivals Transform et RISCO, parmi d’autres, sont des terrains d’expérimentation artistique libres, fluides, qu’il s’agit de défendre mais aussi d’imiter pour perdurer. 

NEMO TURBANT

Le festival Transform ! s’est tenu du 14 au 24 octobre, à Correns et Marseille.

Du blues à Miramas

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Le Festival TPA, qui allie têtes d’affiche et jeunes talents de la région,a fait un stop à Miramas pour une soirée blues et intimiste

Avant de passer à Aix-en-Provence et Martigues, le Festival TPA était présent àMiramas ce 25 octobre pour une soirée « Blues 360° ». Malgré un léger retard – dont le public s’est largement accommodé à la buvette –, le signal est enfin donné, et c’est un beau monde qui s’entasse dans la petite salle de la MJC.

Car pas de temps à perdre, le quatuor Fat Moon est annoncé. Accompagné de guitares électriques, de basses et de synthétiseurs, le groupe donne le ton ce soir : une ouverture fine mais électrique, oscillant entre douceur et envolées plus puissantes.

La soirée se poursuit avec The Kitchen Tales, l’énergie est au rendez-vous face à un public plutôt en retrait. Le trio se lance dans une escapade musicale où les rythmes s’enchaînent, les guitares s’amusent, la basse pulse, dans un dialogue fluide entre nostalgie du blues et modernité assumée.

Le chanteur et guitariste Slim Paul, accompagné de Jamo à la batterie et Manu Panier aux basses, clôturent cette quatrième soirée du festival. Une prestation qui a mêlé voix rauque et jeux de guitares à la fois rugueux et soignés. Le tout dans une ambiance intimiste maitrisée, la salle de concert de la MCJ pouvant accueillir 160 spectateurs, le trio a saisi cette opportunité pour connecter avec son public.

THIBAUT CARCELLER

Le Fesival TPA continue :

31 octobre
Guerilla Pouvelle + Les Cigales Engatsées
Les Arcades, Aix-en-Provence

1er novembre
Soom T + La Marmite + Chasseur Tie
La Halle, Martigues

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Aix nomine son nouveau chef

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Avec Ted Huffman, le festival d’Aix fait le pari de la continuité et de la prudence

La nouvelle a de quoi rassurer les inquiets. Présent presque chaque année à Aix sa participation, en 2012, à l’Académie du festival, Ted Huffmanprendra ses fonctions à sa tête le 1er janvier 2026. Pris de court par le décès de Pierre Audi au printemps dernier, le plus célèbre des festivals d’art lyrique français avait été sauvé in extremis par son ancien directeur Bernard Foccroulle pour sa très belle édition de 2025. C’est désormais le metteur en scène et auteur new-yorkais qui assurera la continuité de la programmation, conçue par Pierre Audi, jusqu’à fin 2026, avant de proposer ses propres lignes directrices. Les nombreuses productions proposées par Ted Huffman au festival d’Aix, mais aussi ailleurs en France – notamment à l’Opéra de Montpellier (OONMO) – ont attesté du désir du metteur en scène et librettiste de mettre en avant la création contemporaine, notamment celle du compositeur Philip Venables. Mais aussi de sa volonté de donner de la voix aux artistes LGBT avec The faggots and their friends between revolutions et une production très saluée de Billy Budd Sailor en opéra de chambre cet été.

SUZANNE CANESSA

[CINEMED] Rue Malaga  

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Rue Malaga(C) Ad Vitam

Depuis ses premiers opus dont Le Bleu du Caftan, Maryam Touzani filme avec beaucoup de sensibilité, des hommes, des femmes dans leur vie quotidienne. Dans son nouveau long métrage, Rue Malaga, c’est à Tanger qu’elle nous emmène, sa ville natale, une cité où on parle arabe et espagnol.

 Maria Ángeles vit depuis toujours dans la rue Malaga, une rue pleine de couleurs, de sons, d’odeurs. Elle compte bien finir sa vie dans sa maison remplie d’objets, de meubles patinés par le temps, de photos, de souvenirs. Jusqu’au jour où Clara (Marta Etura), sa fille, une infirmière, qui vit à Madrid, en plein divorce et qui ne s’en sort pas financièrement avec deux enfants, lui rend visite, ce qu’elle fait rarement. Elle vient lui annoncer qu’elle vend la maison ; elle en est la propriétaire : c’est ce qu’avait décidé son père, mort il y a une vingtaine d’années. Partir à Madrid chez sa fille ou rester à Tanger dans une résidence seniors : Maria Ángeles doit choisir ! Alors que la maison est vidée peu à peu de ses objets familiers et chéris, vendus à un brocanteur, Marie Angeles décide de rester à Tanger, dans une maison de retraite où elle ne fraie avec personne, ne s’adapte pas du tout. Une scène cocasse avec deux coiffeuses venues dans sa chambre « s’occuper » de ses cheveux, lui fera prendre une décision radicale : elle va retourner vivre dans sa maison, vide, et trouver des solutions pour récupérer ses meubles, ses objets, sa vie. Des solutions de plus en plus étonnantes !

C’est Carmen Maura qui incarne magistralement cette femme reprenant les rênes de sa vie. (La présidente du Jury du Cinemed, Ariane Ascaride lui a d’ailleurs accordé une Mention Spéciale, bien méritée !) Elle est de tous les plans : la caméra de la directrice de la photo, Virginie Surdej, ne la lâche pas, saisissant les émotions qui la submergent, captant les changements qui s’opèrent en elle, l’énergie de cette femme qui renait. La plupart de ses amies ont disparu. Seule son amie d’enfance, Josépha (Maria Alfonsa Rosso) une religieuse qui a fait vœu de silence mais dont le visage parle, reçoit ses confidences. Les visites à Sœur Josépha scandent le film, comme un refrain : des scènes de plus en plus cocasses au fil de la métamorphose de cette « vieille dame » qui revit.

 Maryam Touzani qui a écrit cette histoire à Tanger, pour faire le deuil de sa mère, y a insufflé un vrai souffle de vie. Rue Malaga, tour à tour drôle et émouvant, questionne l’obligation qu’auraient les parents de tout donner à leurs enfants, raconte la vieillesse autrement et sublime les corps qui ont perdu la jeunesse. Un film qui fait chaud au cœur.

Annie Gava

Rue Malaga a remporté le Prix du public dans la section Spotlight à la Mostra de Venise 2025.  Il a été choisi pour représenter le Maroc aux Oscars 2026 et sortira en France le 18 mars 2026

Retour en Turakie

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La compagnie Turak présente ces 4 et 5 novembre Ma mère c’est pas un ange (mais j’ai pas trouvé mieux) au Théâtre de l’Odéon, Marseille

Avez-vous déjà entendu parler de la Turakie ? Cette petite province verticale, peu connue, qui n’existe que dans le pays des imaginaires. Là-bas, on peut retrouver toutes sortes de créatures étranges : des Hommes Chapeau, de drôles de rongeurs, ou encore une « mère flingueuse ». Dans ce curieux territoire, « une vache debout, c’est un pingouin qui se moque du monde. »

Une drôle de compagnie

Pour concevoir ses œuvres et ses personnages, la compagnie Turak passe par divers processus créatifs, comme la collecte de toutes sortes d’objets usés : des bouts de fil de fer écrasés par les voitures, des sapins de Noël de début janvier, ou encore des os de seiches…

Après Sept sœurs en Turakie et Saga familia, Émili Hufnagel met en scène avec Ma mère c’est pas un ange (mais j’ai pas trouvé mieux) une « vieille femme » paranoïaque, cloîtrée dans sa demeure. On découvre ensuite qu’au fil du temps qui passe, ce personnage à première vue angoissé et craintif finit par entrouvrir les portes de sa maison pour y laisser entrer de la vie.

Un spectacle visuel et musical qui convoque les rêves, mais aussi les peurs et les secrets, jusqu’à l’inavoué d’une femme qui semble avoir accumulé des « brouettes » de souvenirs. Le théâtre d’objets d’Émili Hufnagel et Michel Laubu entend proposer une œuvre décalée, habitée par des personnages masqués loufoques et un tas d’objets surprenants.

CARLA LORANG

Ma mère c’est pas un ange (mais j’ai pas trouvé mieux)
4 et 5 novembre
Théâtre de l’Odéon, Marseille

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Mademoiselle K

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Électrochoc à l’Usine

Vendredi 24 octobre, la soirée promet d’être intense dans la salle de l’Usine à Istres, où Mademoiselle K vient célébrer les 10 ans de son label Kravache. La soirée s’illumine d’abord sous les balades mélancoliques de Melissende, artiste parisienne qui a ouvert la soirée. Puis les lumières se tamisent, derniers accordages avant l’arrivée de l’artiste, et les musiciens montent sur scène : tonnerre d’applaudissement dans une salle presque pleine.

Mademoiselle K agrippe sa guitare électrique et se lance à la rencontre de son public. La tournée qui s’intitule « 10 ans d’indépendance » est une célébration de la créativité, libre et sans les limites de l’industrie musicale. La musicienne rassemble et fusionne avec son public, passant des sonorités punk jusqu’à l’électro moderne, à l’aide de synthétiseurs et guitares saturées. L’artiste enchaîne avec G Buggé, son nouveau titre sorti le 3 octobre dernier, une balade électrique envoûtante, déjà bien appropriée par les fans.

THIBAUT CARCELLER

Concert donné le 24 octobre à l’Usine, Istres.

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Échappée à New York

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Premier roman de Stéphane Signoret, One Way or Another est un voyage hallucinant dans le New York punk-rock des années 1970

Comme One way or another, titre de la chanson du groupe Blondie – qui donne son nom à ce roman –, d’une manière ou d’une autre, tous les chemins mènent à New-York pour Tom, le héros de cette aventure. Son rêve de devenir une rock star s’est fracassé lors d’un passage éclair et raté dans « la ville qui ne dort jamais », des années plus tôt. Désormais quadragénaire désabusé, il tente de recréer dans son magasin de disque baptisé « Little Apple » un sanctuaire dédié à la Big Apple fantasmée. Les murs de son magasin racontent son obsession : portraits de Paul Auster et de Jean-Michel Basquiat, affiches de Taxi Driver, sérigraphies de soupes Campbell signées Warhol. Dans les bacs s’alignent les vinyles du Velvet Underground et de Lou Reed. Mais Tom déprime, réalisant soudain qu’il est passé de l’âge des projets et du « tout est possible » à celui des regrets et du « trop tard ».

Téléportation salvatrice

Une nuit, victime d’une agression, Tom se retrouve projeté dans le New York des années 1970, très exactement en 1974. Ce dispositif narratif, simpliste mais redoutablement efficace, permet à Stéphane Signoret de nous transporter dans une ville alors au bord du gouffre. Les services publics ne fonctionnent pas, les rues sont envahies par les SDF, les rats et les toxicomanes, le Bronx et Harlem sont des zones de non-droit où la violence et la drogue tuent. Pourtant, c’est précisément dans ce chaos urbain, que va naître l’une des plus extraordinaires ébullitions culturelles de l’histoire du rock.

République bohême

Nous voilà en soirée au CBGB, le club mythique fondé en 1973, devenu le berceau du punk rock américain. Sur sa scène défilent les Ramones en train d’inventer le punk à coups de trois accords rageurs, une Patti Smith mêlant poésie beat et fureur électrique, les Talking Heads, Debbie Harry et son pop-rock glamour. Avec Tom, nous couchons au Chelsea Hotel, ce bâtiment victorien de briques rouges du 222 West 23rd Street, sorte de république bohème qui a vu défiler Arthur Miller, Tennessee Williams, Jack Kerouac, Bob Dylan et Jimi Hendrix. Leonard Cohen y a écrit Chelsea Hotel #2 après sa rupture avec Janis Joplin. Dans un club, au détour d’un couloir de club nous croiserons même Andy Warhol, le grand prêtre du pop art dont l’esprit de sa Factory plane sur l’époque.

Stéphane Signoret sait de quoi il parle. Guitariste du groupe Pleasures, cofondateur du Lollipop, magasin de disque et lieu de concerts marseillais, il possède une culture encyclopédique sur cette époque mythique. Avec ses 120 pages publiées chez Melmac Cat, petite maison d’édition marseillaise mais oh combien prolifique, il file droit au but, comme un bon morceau de Tom Verlaine : précis, nerveux, sans détour. Cette lettre d’amour à New York 1974, pose aussi des questions : que faire de ses rêves non réalisés ? Est-il vraiment trop tard ? Et si une seconde chance se présentait, que ferions-nous ? En refermant le livre, on a comme une envie folle de ressortir nos vieux vinyles. Signoret a pensé à tout, en nous proposant sa playlist nostalgique et pointue et les liens QR code pour y accéder.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

One way or another, Chronique rock new-yorkaise, Stéphane Signoret
Melmac Cat - 12€

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