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Quand le journalisme devient cirque 

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© X-DR

Ce n’est pas le théâtre mais une agence d’assurance Maif qui accueille Au pays des hypers à Avignon jusqu’au 24 juillet. Et les trois acteurs en jogging Lidl en rigolent haut et fort. Ce spectacle ironique prend à partie le public, le fait rire, le bouscule et le gêne aussi. « Le supermarché est un lieu violent, tant pour les consommateurs que les travailleurs ou les animaux » lance Sylvain Lablée, acteur du collectif La bande à Léon à l’initiative ce spectacle. 

Il faut dire que depuis 2019 ce collectif s’intéresse à la violence, « en particulier dans ce que Marc Augier appelle les non-lieux, explique Sylvain Lablée, c’est-à-dire ces espaces interchangeables de rencontres sans véritables connexions entre les individus comme les supermarchés, les stations d’autoroutes ». Mais ils refusent le sérieux et préfèrent l’humour. Un humour noir et vache que le collectif revendique.

Miss Mende 

Cette violence se traduit donc par un humour très piquant, mais parfois proche du mépris : Béatrice, caissière dont on fête le départ à la retraite, se souvient avec fierté que le magasin embauchait seulement des gagnantes du concours de Miss Mende. Et si l’on entend bien la critique d’un patron misogyne qui employait « à la tête », on rit plus du personnage ridicule de Béatrice, que de son patron. 

Certains « produits voyous », comme le nutella, sont eux aussi critiqués. Pour cela les acteurs donnent de leur personne : une actrice l’engloutit à la main et s’en met même dans le nez. Plus tard, les deux actrices courent pour atteindre la dégustation gratuite d’andouillettes et se baffrent de saucisses végétariennes. Du clown rieur donc, mais bien trop superficiel face au travail de Florence Aubenas sur lequel le spectacle entend s’appuyer. 

LOLA FAORO

Au pays des hypers est donné jusqu’au 24 juillet à la Maif d’Avignon

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Gahugu Gato : un roman mis en corps 

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Gahugu Gato (Petit Pays), Dida Nibagwire et Frédéric Fisbach, 2025 © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

« C’est moi Gaby maman, c’est moi, je suis revenu, je ne pensais jamais te revoir ». C’est par ces mots que Gabriel entame son récit. Il a 33 ans, vit en France et rêve tous les soirs à son pays de naissance qu’il a dû quitter suite aux massacres de 1994, alors qu’il est âgé d’une dizaine d’années. La voix de Kaya Byinshii, accompagnée par Jean-Patient Akayezu à l’inanga (instrument de musique rwandais) et de Samuel Kamanzi à la guitare, rythme cet intense témoignage où se mêle géopolitique et rêves d’enfant. 

Les costumes travaillés par le couturier Moses Turahirwa s’inspirent de l’art imimongo, art décoratif traditionnel constitué de motifs géométriques colorés ou en noir et blanc, un temps en péril suite au conflit. « Nous voulions montrer comment les gens s’habillaient à l’époque, comment ils se coiffaient. Il s’agit de faire ré-émerger la mémoire d’un mode de vie et de lui rendre un espace de dignité », explique l’opératrice culturelle rwandaise Dina Nibagwire

Ce spectacle, créé pour être joué en itinérance dans les collines rwandaises, s’attache à une scénographie très épurée, mais épouse les décors évoqués par le roman, dans une harmonie joyeuse entre le public et la scène. 

Joie des retrouvailles pour mieux parler des séparations, la pièce se clôt sur une image terrible, les dix comédiens au plateau, balai traditionnel en tiges de sorgho ou de coco, chassent le sol, comme pour évoquer l’horreur qui a sévi sur ce territoire.    

MICHÈLE GIQUIAUD

Gahugu Gato a étédonné du 17 au 22 juillet au Cloître des Célestins, Avignon

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La Plaine, le rap, et Bonneveine

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© Mairie 6-8

Quelques personnes se retrouvent au parc Central de Bonneveine pour une nouvelle proposition de Culture au Jardinorganisée par la mairie des 6e et 8e arrondissements de Marseille. Le 17 juillet, c’est Jazz et Rap qui est interprétée par les rappeurs Ilan et Juice. Ensemble, ils racontent l’histoire d’Ilan Couartou, jeune rappeur marseillais, de sa découverte du rap à ce qui l’a amené à raconter son récit aujourd’hui. 

Par les mots

Sous le bruit des cigales, une platine vinyle, un looper, des micros et une caisse remplie de vinyles attendent d’être animés. Juice se lance dans un beatbox, le micro collé à la bouche ou à la gorge imitant différents sons. Sur sa rythmique, Ilan commence à conter son enfance à la Plaine, alternant le parler et le rap, par improvisation parfois. 

Pendant une heure, il nous fait visiter la diversité du quartier, ses personnages, sa dynamique, et sa découverte du rap. Par les poèmes d’abord, puis par sa rencontre avec le bluesman Robert Jonhson, et avec le jazz ensuite. Il brosse l’histoire de ces musiques à travers les époques faisant l’analogie entre jazz, rap et blues, ces genres qui font souvent le récit des communautés victimes de discriminations. Et termine par ses freestyles avec ses amis, ses punchlines jusqu’à son premier open mic, sur la Plaine, le jour de ses 17 ans. 

LILLI BERTON FOUCHET 

Jazz et Rap a été donné le 17 juillet au parc Central de Bonneveine à Marseille, dans le cadre de Culture au Jardin.

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Les festivals à l’heure du réchauffement 

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© X-DR

Continuer à diffuser la culture tout en sauvegardant le bien être du public et celui des artistes. C’est la difficile question à laquelle les opérateurs culturels dans la région (et ailleurs) vont devoir répondre face aux épisodes caniculaires qui devraient se multiplier à l’avenir. Pour y voir plus clair, le Cofees a lancé une étude en partenariat avec Incub’ analyse, qui débute cette semaine à Aix-en-Provence, Arles et Avignon. 

À Arles, la proximité du Rhône et les petites ruelles permettent d’avoir un peu d’air et de fraicheur. Mais les salles recevant les Rencontres peuvent être petites et souvent peu climatisées. « L’étude réalisée par Incub doit venir répondre aux attentes des organisateurs et proposer des solutions adaptées à chaque événement. À Arles, ce sont de nombreux lieux qui hébergent les expositions donc il va falloir faire au cas par cas. »  

À quelques kilomètres vers le nord, Avignon propose peu d’endroits arborés dans ses ruelles, et l’air peut-être lourd à l’intérieur des remparts. Heureusement, les spectacles en intérieur permettent d’avoir un peu de fraicheur. Mais, tous les bénévoles qui tractent ainsi que les artistes proposant du théâtre de rue souffrent des fortes chaleurs. Alors comment faire ? 

« Le Festival off, membre de notre association, déconseille le tractage depuis de nombreuses années, pour les travailleurs et le gaspillage de papier. Mais l’étude va venir d’abord aider les techniciens en proposant par exemple de travailler plus tôt le matin pour le montage des scènes et des installations techniques » détaille Céline Guingand, responsable au sein de l’association Cofees. 

Le Festival d’Aix-en-Provence organise la plupart de ses concerts en intérieur, dans des théâtres ou des opéras et pour la majorité à partir de 17 h, ce qui en fait l’événement le moins touché par la chaleur au premier abord. Mais la population amenée par les événements musicaux est aussi plus âgée, et donc plus sensible à la chaleur. « En mars, lors de l’assemblée générale, des festivals membres de l’association se sont inquiétés des fortes chaleurs et notamment de l’impact sur un public âgé », poursuit Céline Guingand. 

Trois grands événements scrutés dans la semaine mais qui sont évidemment loin d’être les seuls touchés par les hausses de températures. « Il s’agit de proposer des solutions pour ces trois grands festivals de la région mais aussi de produire un guide général pour tous les organisateurs d’événements culturels de la région » assure le Cofees. Un document qui devrait être livré tout chaud en décembre.

LOLA FAORO

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Tuer le père en lui rendant hommage 

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© Christophe Raynaud de Lage

C’est un titre qui attire immédiatement l’œil, et la curiosité. Israel et Mohamed, comme le rapprochement de deux espaces, deux cultures, souvent présentés comme irréconciliables. Dans cette pièce de « danse documentaire », Mohamed El Khatib et Israel Galván font dialoguer leurs univers artistiques et intimes, dans un esprit de fraternité.

El Khatib, en position de narrateur, relate le parcours de Galván, le traduit quand il parle en espagnol, en s’adressant directement au public. D’apparence détendu, le metteur en scène semble improviser, ajouter des blagues pour combler certains vides. « Ce nest pas dans le texte » dit-il après une plaisanterie sur la longueur du spectacle – qui bien sûr, est dans le texte.

Son humour et sa vulnérabilité tranchent avec l’air sérieux et fier d’Israel Galván, qui ne s’exprime presque que par le corps. Il nourrit son flamenco de l’univers de Mohamed, dansant vêtu de la djellaba du soir de son père, chaussé de babouches ou d’une paire de crampons – El Khatib a brièvement été footballeur, Galván rêvait de l’être, mais son père voulait en faire un danseur. 

Un hommage tout en nuances 

Leurs parcours respectifs se nouent autour de la figure du père. C’est d’ailleurs la voix de José Galván, danseur de flamenco et père d’Israel, qui résonne en premier dans le cloître des Carmes. Dans un entretien filmé et projeté en arrière-scène, il explique ne jamais venir aux spectacles de son fils et être infiniment triste que celui-ci ne pratique pas un flamenco traditionnel. Le père d’El Khatib, à sa suite, dit ne pas « être daccord » avec le choix de Mohamed de poursuivre une carrière artistique. Le public rit, mais les mots sont durs. Tout au long du spectacle, Israel et Mohamed s’empruntent à répondre à leurs pères, l’un par les mots, l’autre par la danse, avec beaucoup d’humour. 

De part et d’autres de la scène, les artistes disposent des objets sur des sortes d’autels surplombés par des photos de leurs pères : les babouches avec lesquels le père d’El Khatib le frappait alors qu’il était enfant, son tapis de prière et sa collection de Coran, les ballons de foot crevés par le père de Galván… Chaque objet permet d’évoquer un aspect de ces relations. 

El Khatib et Galván s’amusent aussi de l’absurdité du comportement de leurs pères, comme lorsque Galván s’éclate un œuf sur la tête en référence aux « traitements » que lui administrait son père pour lui faire pousser les cheveux. 

À travers leur démarche, les deux artistes honorent leurs pères – ils leur dressent tout de même des autels –, mais sans révérence. Ils les humanisent, avec tous leurs défauts, jouant sur la tension entre dureté et humour, reproches et tendresse. Une manière d’acter ces conflits intergénérationnels comme irréconciliables, mais de ne pas les laisser les détruire. 

CHLOÉ MACAIRE 

Israel et Mohamed a été joué du 10 au 23 juillet au cloître des Carmes, Avignon

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Reines en résistance

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© Élodie Dilhat

Un nouveau soir d’été s’annonce au Square Albrecht : résidents, voisins curieux, amateurs de théâtre jeunes et moins jeunes, pas spécialement acquis à la cause queer, s’installent.  Et pourtant : dès les premières notes de FOL·LE·S, la magie opère. Le rire fuse, l’écoute s’installe, la rencontre a lieu.

Cristale de Troie et Oral Deluxe électrisent ce public hétérogène avec FOL·LE·S, cabaret lyrique aussi virtuose que politique. L’une, gothique en longue robe noire, bracelets cloutés et cheveux d’encre, fait jaillir d’une voix de contre-ténor le souffle baroque d’Haendel ou de Purcell. L’autre, blonde flamboyante, rondeurs de violoncelle, paillettes et clin d’œil Broadway, balance des couplets cabaret aux accents baryton dans la veine des divas de l’entre-deux-guerres, du Rocky Horror Picture Show ou de la Zaza de la Cage aux folles, au blason redoré par la comédie musicale du même nom.

Histoire(s) de la musique

Le répertoire, ciselé, traverse les siècles et les styles avec élégance et musicalité : Hildegarde de Bingen, Delibes, Haendel, Reine de la Nuit et Cold Song rendue culte par Klaus Nomi, que Cristale salue comme « notre papa extraterrestre », avant de l’interpréter de voix de maître.Oral signe un moment émouvant avec Ouvre de Suzy Solidor, tandis que leur duo, toujours d’une complicité désarmante, surprend également par sa musicalité sur un Duo des fleurs plus lesbien que jamais.

Refuge flamboyant pour celles et ceux qu’on a trop souvent traités d’hystériques, d’aliéné.e.s au bord du gouffre, FOL.LES répond par une énergie et un humour à toute épreuve aux tourments et à la violence. Tout en grâce et en moustache 80s, le piano complice de Roberto Bello soutient ce duo comme un tapis rouge sous leurs stilettos. Et offre une revanche brillante à celles qu’on efface : car chanter peut aussi sauver.

SUZANNE CANESSA

Fol.les a été joué le 16 juillet au square Bertie Albrecht et y sera rejoué le 12 août, puis le 21 août au Jardin Benedetti, dans le cadre d’Avant le Soir (Été Marseillais)

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Fervent souvenir d’une mère

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Fils de bâtard - Emmanuel De Candido © Lara Herbinia

Un seul en scène magnifique met en lumière le travail précis et émouvant d’Emmanuel de Candido. Élevé par sa mère célibataire, il n’a pratiquement pas connu son géniteur. Taraudé par le désir de comprendre pourquoi cet homme marié, père de sept enfants, l’a ignoré, il estparti très jeune à la recherche de ses traces, parcourant le Congo, la Lybie et l’Antarctique où le colonel Bison avait servi le roi Léopold de Belgique. Cette recherche lui apprend peu de choses mais lui permet d’approfondir sa relation avec sa mère, italienne et infirmière, qui s’est entièrement consacrée à son fils, amour maternel magnifié de façon très émouvante. Devenu père lui-même, le comédien, mêlant expérience personnelle et jeu, s’interroge sur la filiation et la transmission.

L’art au service de l’émotion

Emmanuel chante, slame, danse avec talent. Une scène de mime étonnante le montre jouant avec un ballon de baudruche rouge qui le représente enfant, grandissant sous l’œil vigilant de sa mère. Au cours du spectacle, alors qu’il est en train d’écrire, une sculpture de bison surgit, force aveugle qui le hante encore. Tout cela sur un plateau nu avec une table et deux chaises, une musicienne et chanteuse délicate, Orphise Labarbe, d’un côté, de l’autre la régie son et lumière orchestrée par Clément Papin. À la fin, s’interrogeant après la mort de sa mère sur ce qu’il voudrait recommencer, il réinvente la journée de ses obsèques en évoquant l’immense procession d’une multitude de personnes lui rendant hommage. Émotion garantie.

CHRIS BOURGUE

Fils de bâtard de et avec Emmanuel de Candido de la Cie MAPS était donné à la Patinoire jusqu’au 22 juillet.

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Ravir et capturer

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© David Armstrong

Voir la communauté LGBTQIA+ de New York des années 1970, en photos, c’est en prendre plein les yeux, d’un bonheur multicolore et multigenre. Mais c’est aussi se faire asperger d’une tristesse pas si passagère. David Armstrong, lui-même homosexuel, ne se doutait pas, quand il prenait en photo ses amis, que nombre d’entre eux succomberaient du VIH quelques années plus tard.

De ces visages photographiés, récurrents ou ponctuels, camarades de longue date ou rencontres furtives, on se demande avec douleur lesquels sont restés. Depuis le début des années 1980, plus de 90 millions de personnes ont été touchées par le sida, et 44 millions en sont décédées, d’après l’OMS. Aujourd’hui on vit avec. Mais il y a 40 ans c’était presque une sentence de mort imminente.

L’essence d’une époque

Dans la pénombre du sous-sol de la Tour s’alignent sur les murs des centaines de ces portraits en noir et blanc, assortis de planches contact révélant quelle photo a été choisie, laquelle non. Rieurs, insouciants, ou plus graves, certains ont été pris sur le vif, d’autres ont posé longuement pour le photographe. Sont parsemés çà et là des clichés de paysages flous et décentrés, plus tardifs, pris en pleine épidémie à la fin des années 1980 par l’artiste. Comme pour rappeler la tragédie à suivre.

 © David Armstrong

Armstrong, on l’imagine dans les yeux de ses sujets, qu’ils fixent l’objectif. L’appareil cherche le regard. Bien souvent il le trouve. Mais dans la diversité de l’agencement de chaqueportrait se distingue fréquemment la volonté propre de chacun, maquillés, déguisés, nus, ou enveloppés de tissu. Sur les négatifs étalés au centre de la pièce, brille cette liberté de présentation et de représentation de soi-même.

Rien n’est laissé dans l’ombre. Quand le noir et blanc de ces portraits apportait mélancolie, détachement et rêverie, la couleur éclatante des images qui défilent sur les écrans de la salle d’à côté ancre, brutalement, la photographie d’Armstrong dans la réalité. Sans tabou nijugement, il documente un mode de vie newyorkais, jeune, débridé, d’un temps où le danger d’un flash d’appareil photo dans une voiture en marche n’était pas spécialement perçu, ni celui de cette maladie insidieuse dont on commençait à parler.

GABRIELLE SAUVIAT

David Armstrong
Jusqu’au 5 octobre
Luma, Arles

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Sorry, Baby : La vie, après

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Sorry, Baby d'Eva Victor @A24

La forêt, la mer, le charme bourgeois bohème d’une petite ville universitaire sans doute de la Nouvelle  Angleterre. De petites maisons archétypales. Lydie (Naomi Ackie) arrive de New York passer un long week end chez son amie Agnès (interprétée par la réalisatrice), prof de littérature dans l’université où elles furent étudiantes. Les deux trentenaires, pull oversize et mug en main, sur canapé ou en balade, parlent de sexe et du temps de la fac, plaisantent, rient : connivence qui exclut d’abord le spectateur, entraîné progressivement dans le cercle social et l’espace intime d’Agnès. Un cadre de comédie romantique américaine. Sauf que quelque chose cloche. Et que la joie des retrouvailles entre les deux amies se plombe par instants d’une lancinante gravité. Que l’humour des deux femmes achoppe sur le regard absent ou perdu d’Agnès, la crispation d’une main, un silence, une question inquiète de Lydie, l’allusion au suicide.

Les deux amies finissent leur doctorat sous la direction d’un même professeur Decker (Louis Cancelmi) dont la brillante et séduisante Agnès -admirée par Lydie, jalousée par une autre doctorante Natasha, est la préférée. Agnès est violée par ce prof qui fuit la justice et disparaît. Elle, demeure dans cette université, travaille dans les bureaux occupés autrefois par son agresseur, bloquée dans les lieux du crime et dans ce lendemain douloureux sans surlendemain envisageable. Elle étudie Lolita avec ses élèves, dont l’un d’eux dit qu’il trouve le texte, beau et dégueulasse. Lydie est partie, vit heureuse, va avoir un bébé avec sa compagne Fran. Agnès est seule, ne se voit pas vieillir, ni avoir un enfant.

Parler du viol ici n’est pas « divulgacher » le scénario qui repose essentiellement sur les séquelles profondes du trauma, sur la lente reconstruction d’Agnès, soutenue par l’amitié de Lydie, et par des rencontres chaleureuses. Rien n’est appuyé. Si l’agression est racontée, sans larmes, sans cris, avec une précision policière par la victime sidérée, comme détachée d’elle-même, elle n’est pas montrée. On reste dehors, devant la façade de la maison d’abord éclairée par le soleil d’après-midi, puis rougie par le couchant avant d’être plongée dans la nuit. La maison, le foyer, le refuge, ce qui protège et cache, ce qui délimite l’espace social et l’espace intime reviendront en motif récurrent. Lieu symbolique, comme la maison douce de la chanson d’Anne Silvestre – que la réalisatrice américaine ne connait surement pas, et qui parle aussi de viol, d’intrusion, de destruction. 

« Ce que je veux partager avec les spectateurs, c’est une émotion. Mon film est à la fois une fiction et une histoire très personnelle. J’ai voulu être la plus juste possible dans tout ce que je raconte. »  a déclaré Eva Victor. Star du web, connue pour ses tweets et vidéos humoristiques, sans se départir de l’intelligence du sourire, elle offre ici un premier film largement autobiographique qui puise sa justesse dans son expérience mais surtout dans la subtilité de sa mise en scène.

ELISE PADOVANI

Sorry, Baby, Eva Victor

En salles le 23 juillet

La jeunesse clôture le festival d’Aix en Provence

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Concert de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée sous la direction d’Evan Rogister le lundi 21 juillet 2025 au Grand Théâtre de Provence. Soprano : Amina Edris. Festival d’Aix-en-Provence. © Vincent Beaume.

Fondé en 1984 à l’initiative de la Région Sud, l’OJM est devenu au fil des ans bien plus qu’un orchestre : un symbole de paix et de culture.Près d’une centaine de jeunes musiciens issus d’une vingtaine de pays -de l’Espagne au Liban, de l’Algérie à la Turquie- se réunissent chaque été à Aix pour cette aventure. Son directeur musical Evan Rogister en est fier : « En ces temps si difficiles, pouvoir rassembler durant deux semaines tous ces jeunes autour de la musique est une chance immense ».

Ouverture

La soirée a débuté avec l’explosive ouverture des Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Wagner. Fidèle à la tradition des grandes ouvertures classiques, cette œuvre offre aux musiciens un terrain d’expression idéal. Le chef galvanise l’énergie de ses jeunes instrumentistes avec facétie, n’hésitant pas à jeter sa baguette en l’air avant de la rattraper pour mieux repartir dans un nouveau galop musical. 
La soirée s’est poursuivie avec Voici la vaste plaine, un air tiré de Mireille, de Charles Gounod. Si la soprano égyptienne Amina Edris, techniquement irréprochable, a porté la partition avec intensité, son interprétation parfois trop lyrique et sophistiquée a peut-être manqué de la naïveté spontanée et de la simplicité que requiert un rôle loin des héroïnes tragiques ou raffinées du grand répertoire romantique.

Création collective

Puis est venue l’heure du rendez-vous attendu : la composition collective de l’OJM. Sous l’égide du saxophoniste Fabrizio Cassol, le quintet de Charles Kieny (accordéon) Goergios Markopoulos (clarinette) Myrsini Pontikopoulou Venieri (violon), Fahed Ben Abda et Dalal El Bied (chant) accompagné par l’orchestre symphonique, a offert au public une pure merveille, ovationnée durant de longues minutes.

Pour clôturer ce concert, l’orchestre s’est attaqué à la Symphonie n°1 en ré majeur de Gustav Mahler, chef-d’œuvre aux multiples facettes. De l’évocation mystérieuse de la nature au scherzo rustique inspiré des danses paysannes autrichiennes, jusqu’au mouvement funèbre célèbre pour sa sombre reprise du Frère Jacques en mode mineur, quitransforme la comptine enfantine en danse macabre, la formation symphonique a su déployer une palette émotionnelle riche. Le final apocalyptique est grandiose, donnant toute leur place à des cuivres flamboyants.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le concert de l’OJM s’est déroulé le 21 juillet au Grand Théâtre de Provence

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