vendredi 7 mars 2025
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Nos pères, ces prisonniers

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Leïla Slimani

Avec J’emporterai le feu (Gallimard), Leila Slimani publie le troisième tome attendu de sa trilogie sur le Maroc et la fin d’une magnifique fresque familiale. Enfants de la troisième génération de la famille Belhaj, Mia (une Leila romancée) et sa petite sœur Inès sont nées dans les années 1980. Comme leur grand-mère Mathilde, alsacienne tombée amoureuse d’Amine qu’elle a épousé, comme leur mère Aïcha, gynécologue engagée ou leur tante Selma, indépendante et excentrique, les deux jeunes filles veulent être libres de leurs choix. 

Elles trouveront l’émancipation dans l’exil. « Mia, va-t’en et ne rentre pas. Ces histoires de racines, ce n’est rien d’autre qu’une manière de te clouer au sol, alors peu importent le passé, la maison, les objets, les souvenirs. Allume un grand incendie et emporte le feu » lui exhorte son père lui donnant les clefs de la liberté. Mia va partir en France pour étudier. Elle deviendra journaliste puis l’écrivaine qu’on connaît. Inès la suivra. Elle sera médecin : En France, il leur faudra se faire une place, apprendre de nouveaux codes, affronter les préjugés, le racisme. Le père, Medhi, banquier, amoureux des livres – une passion qu’il va transmettre à Mia –, resté au pays va être banni durant des années de l’économie puis arrêté par les autorités marocaines dans des conditions de détention éprouvantes qui marqueront la famille à jamais.

Roman d’investigation 

Sabrina Kassy © Hervé Cote

Le faux souvenir de Sabrina Kassa a pour point de départ une image d’enfance, celui d’une petite fille de 4 ans qui rencontre pour la première fois son père à l’aéroport d’Alger entouré de gardes du corps. Des années plus tard, partageant cette évocation avec son frère ainé, elle apprend que si cette rencontre s’est bien déroulée, elle n’a jamais eu lieu dans un aéroport mais au bagne de Lambèse dans la région de Batna au nord-est de l’Algérie. Quant aux gardes du corps censés protéger ce père si puissant, il s’agissait des gardiens de prison. Pour Sabrina, c’est un choc. Comment avait pu-t-elle sublimer cette vision de geôle, d’enfermement en un symbole de liberté, de voyage, d’émancipation ? Pourquoi et comment ce père, commissaire du gouvernement algérien, s’était-il retrouvé en prison ? Pour mettre la lumière sur ce « coin aveugle » et retrouver sa mémoire, la journaliste, responsable éditoriale aux questions raciales de Médiapart, part en Algérie sur les traces de son histoire.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

J’emporterai le feu, de Leila Slimani 
Gallimard - 22,90 €
Le faux souvenir, de Sabrina Kassa 
Au diable Vauvert - 13,50 €

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Au Zef, « Une maison de poupée » bien articulée 

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maison de poupée avec les personnages masqués sur la scène
Maison de poupée © Johan Karlsson

Une maison de poupée se déroule en Norvège, en 1879, peu avant Noël. Nora doit faire face aux répercussions d’un emprunt illégal qu’elle a contracté pour sauver la vie de son mari, Thorvald. Ce dernier finit par découvrir la vérité, ce qui provoque l’effondrement de leur relation. Nora décide alors de quitter cette « maison de poupée » où tout n’est qu’illusion. 

Dans cette version, mise en scène par Yngvild Aspeli et Paola Rizza, Nora accueille le public à l’avant-scène avant de plonger dans le passé, à ce moment où tout a basculé. On la voit brièvement revêtir un masque d’alouette, c’est ainsi que la surnomme son mari, avant de pénétrer dans le huis clos isolé de son salon, où l’attendent les protagonistes, figés, comme s’ils étaient là depuis une éternité. Et pour cause, ce sont des marionnettes portées à taille humaine que la comédienne va manipuler seule pendant une bonne partie du spectacle, tandis qu’elle revisite l’histoire de Nora, des années plus tard. Une histoire, dévidée à la manière d’un écheveau, où le passé et le présent s’entrelacent et se confrontent tandis que le mur de fond évolue, passant d’un papier peint coloré à une immense toile d’araignée dont Nora est le centre. 

Qui a raison ? 

Prisonnière de ses mensonges et surtout d’une société patriarcale étouffante qui la cantonne à son seul rôle de mère et d’épouse, Nora porte son passé à la fois comme un fardeau et une force. D’alouette qui se fracasse contre les vitres de sa maison de verre, elle se mue littéralement en tarentule, dont les immenses pattes lui donnent l’énergie de quitter ce foyer. « Il faut que j’arrive à décider qui a raison, de la société ou de moi », dit-elle. Autour, les marionnettes se disloquent sur le plateau comme sur le rivage d’une île isolée. Thorvald, lui, tente vainement de ranimer ces vestiges d’une vie soufflée par la révolte d’une femme.

ISABELLE RAINALDI

Spectacle donné le 19 décembre au Zef, scène nationale de Marseille.

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À La Criée, un bal qui réchauffe les cœurs

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Le Bal Imaginaire

Le mistral qui soufflait dur ce soir-là sur le Vieux-Port aurait pu décourager les participants. Il n’en fut rien. Du vin chaud et une bonne soupe ont vite fait de réchauffer tout le monde et la salle Ouranos s’est remplie rapidement. Les sept musiciennes-chanteuses et musiciens-chanteurs de L’Agence de Voyages Imaginaires, tout de blanc vêtus, font très vite faire monter la température. Leur énergie pétillante convainc rapidement le public d’envahir la piste débarrassée de ses fauteuils. Il est d’abord proposé l’apprentissage du Cercle circassien ; plus tard on valse avec Padam, padam de l’inoubliable Edith Piaf et autres chansons populaires. Chaque artiste tour à tour exécute des solos, entonne des rythmes exotiques ou rock, flirte avec la valse musette ou des chansons des années 1950 aux années 90. C’est comme ça que je t’aime de Mike Brant emballe et Je danse le MIA interpelle. Des refrains sont repris en chœur avec enthousiasme. Il y en a pour tous les goûts, tous les âges, sous les lumières pailletées.

Des animations et des liens 

Le public se bouscule, trébuche… Cela permet de communiquer avec les voisins. Valérie Bournet nous emporte avec sa clarinette basse, Lucie Botiveau avec son accordéon, Nicolas Delorme intervient en meneur de revue avec son saxophone et Pietro Botte nous ravit avec son look à la Mick Jagger et sa guitare folle. La Criée avait déjà reçu la revue et le bal de la Compagnie La Criatura pour l’ouverture de la saison en septembre. Cela souligne le désir de Robin Renucci, son directeur, de diversifier les publics et d’organiser des rencontres populaires qui permettent aux associations de faire participer des personnes éloignées de l’univers de la culture.

CHRIS BOURGUE

Spectacle donné le 20 décembre à La Criée, Théâtre national de Marseille.

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Mois de l’étrange et de l’illusion 

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Les soeurs Hilton © Fabrice Robin

À la nuit tombée, spectatrices et spectateurs vont plonger dans l’univers insolite d’étrangetés en tous genres. Pour le Mois de l’étrange et de l’illusion, récits décalés, expositions illusoires, concert mystique feront basculer le public entre l’imaginaire et le réel. Les différents espaces de Théâtres en Dracénie seront transformés en lieux de superstitions avec des classiques de l’étrange revisités tel que Frankenstein, mis en scène par Karine Birgé ou les Sœurs Hilton, mise en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort. Aussi au programme, mentalisme, épopée historique par le Cirque Le Roux, et animations envoutantes comme le jeu du Loup Garou immersif au Musée des Beaux-Arts de Draguignan. Un mois de magie où l’art et le mystère s’entrelacent.

Lilli Berton Fouchet

Du 10 janvier au 7 février
Théâtres en Dracénie et Musée des Beaux-Arts, Draguignan

Maldonne

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Maldonne © Nora Houguenade

Après sa remarquable trilogie qui l’a propulsée au devant des scènes publiques, Leila Ka signe avec Maldonne une œuvre d’une intensité rare. Reprenant Bouffées, courte pièce pour cinq danseuses sur la tristesse créée en 2022, elle la prolonge en explorant d’autres humeurs. Les danseuses, dont la chorégraphe, tracent ainsi une cartographie d’une heure sur les relations entre femmes, faites de complicité, d’affrontements, de rivalité, mais aussi du constat d’une inadéquation profonde entre les vêtements et les corps, entre les gestes prescrits et les sentiments, les exaltations, les révoltes. Il y a Maldonne entre ces toutes ces mal-femmes, ces mauvais genres, et la gestuelle hip-hop, affranchie de ses rituels, révèle, dans une puissante liberté, la force nouvelle des jeunes femmes.

AGNÈS FRESCHEL

14 janvier
Châteauvallon, scène nationale d’Ollioules

Les Souliers Rouges 

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LES_SOULIERS_ROUGES© TRISTAN CHAPUIS

En 2016, Marc Lavoine et le compositeur Fabrice Aboulker sortent l’album Les Souliers Rouges, un conte musical librement inspiré des Chaussons Rouges d’Andersen, sur lequel chantent également Cœur de Pirate et Arthur H. Une version scénique voit le jour au début de l’année 2020. Cette première comédie musicale de Lavoine raconte l’histoire d’Isabelle, une jeune danseuse qui arrive à Paris pour devenir étoile à l’Opéra et travailler avec un célèbre chorégraphe, Victor. Ensemble, ils décident de monter le ballet maudit Les Souliers Rouges, objet d’une rumeur de longue date à l’Opéra. Pour jouer dans ce ballet, Isabelle accepte de pactiser avec le diable.

CHLOÉ MACAIRE

10 janvier
L’Usine, Istres 
Dans le cadre de la programmation du Théâtre de l’Olivier

Viotti et Bianco 

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Marina Viotti et Gabriel Bianco © Edouard Brane

Vue par le monde entier lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, dans une recomposition de Ah ça ira aux côtés du groupe de métal Gojira, la mezzo-soprano Marina Viotti passe le 11 janvier dans la cité phocéenne à l’invitation de Marseille Concerts. Elle sera accompagnée par Gabriel Bianco considéré comme l’un des meilleurs guitaristes classiques actuels. Ils offriront au public un programme éclectique intitulé Porque existe otro querer, du nom de leur album sorti en 2023. Derrière ce titre se trouve un projet ambitieux qui explore un large éventail de genres et d’époques musicales, reflétant les diverses façons de parler d’amour de Gabriel Fauré à Manuel de Falla en passant par Massenet, Rossini, Léo Ferré ou Jacques Brel.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

11 janvier 
Palais du Pharo, Marseille

La vie secrète des vieux

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La vie secrète des vieux © Yohanne Lamoulere/Tendance floue

Mohamed El Khatib a choisi d’explorer l’intimité des personnes âgées pour cette création qui repose sur une série d’entretiens réalisés dans des maisons de retraite, où l’auteur a recueilli les confidences des résidents. Sur scène, huit hommes et femmes, âgés de 75 à 102 ans, devenus comédiens pour l’occasion, partagent avec humour, sincérité et une pointe de mélancolie, leurs souvenirs amoureux et leurs désirs présents. En abordant sans tabou la thématique de l’intimité des anciens, la pièce questionne le regard porté par la société sur leur désir et leur sexualité, tout en montrant comment l’amour peut être réinventé à cet âge.
Un moment de théâtre profondément humain, qui invite à repenser le lien entre le temps qui passe et les élans du cœur.

CÉLIANE PERES-PAGÈS

9 et 10 janvier
Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence

Les Récits de la Table Ronde

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Laurent Daycard repetitions © Chloé Curci

Les Romans de la Table Ronde, contés il y a plus de huit siècles par Chrétien de Troyes, inspirent encore aujourd’hui régulièrement écrivains, musiciens, cinéastes. Laurent Daycard, conteur et directeur artistique de La Baleine qui dit « Vagues » à Marseille, en propose une relecture par le prisme des mythes celtes. Après une première partie, donnée en 2022 à La Criée, autour des « temps merveilleux » (Merlin, la naissance d’Arthur, Excalibur, Arthur devenu roi, la reine Guenièvre et la formation de la Table Ronde), voici la deuxième partie, autour des « temps aventureux ». Des aventures que Laurent Daycard raconte en rythmant avec ses instruments médiévaux (dont le dulcimer – instrument moyenâgeux de la famille des cithares) les exploits de Gauvain, Yvain, Lancelot et les autres.

MARC VOIRY

10 et 11 janvier
La Criée, Théâtre national de Marseille

Les raisons d’espérer

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Difficile de souhaiter une bonne année. Donald Trump veut annexer le Canada, Mayotte délaissée par l’État fait la fête à Marine le Pen (je ne commenterai pas la mort de son père), le criminel de guerre à la tête d’Israël ne se présente pas devant ses juges, les attentats islamistes ou fascistes continuent leurs ravages et leur terreur, la vie culturelle française est gravement menacée, l’état de santé des Français·e·s se dégrade, l’emprise médiatique de Bolloré et de Musk menace l’existence même de l’esprit critique et la liberté d’être trans… 

Que souhaiter en 2025 ? On peut, dans un esprit magique, noter que 2025 est le carré de 45 comme 1936 était celui de 44, et y voir le signe d’un possible retour du Front populaire ? On peut publier un dessin de presse (merci Silvestre) pour se moquer librement du président et rendre hommage aux morts de Charlie et aux dessinateurs de presse. On peut constater que la presse libre a amené Sarkozy, les prédateurs sexuels et les marchands de sommeil devant les tribunaux. On peut continuer de résister en pariant sur l’intelligence non artificielle, le partage culturel et le plaisir des arts.

2025 commence par une fête de cirque, de la musique en création, Avignon qui entre en année culturelle, les bibliothèques de Marseille qui commencent un vaste cycle sur l’exil, et de beaux livres de femmes que nous vous conseillons. Nous vous souhaitons donc une bonne année, riche de combats acharnés et de plaisirs superbes. 

Agnès Freschel


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