mardi 1 juillet 2025
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Une nouvelle Society 

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Cette année, Hip-Hop Society fait peau neuve : le festival annuel disparait au profit de plusieurs rendez-vous, toujours centrés autour de la culture hip-hop, répartis tout au long de l’année. Avec ce nouveau dispositif intitulé La Society, l’association marseillaise l’AMI souhaite « s’inscrire dans une permanence artistique » en cohérence avec ses missions d’accompagnement, tout en étant « complémentaire des autres projets qui existent sur le territoire ».

Le premier rendez-vous de cette nouvelle formule, qui se tient du 17 au 19 avril, est un format transitoire. Trois jours qui commencent au Makeda avec trois artistes marocain·e·s. À commencer par Mehdi Black Wind, figure installée dans la scène rap marocaine, puis la jeune Frizzy aux freestyles incisifs. En fin de soirée, ce sera au tour de la DJ et productrice Leïla Koumiya, connue pour sa participation au duo Taxi Kebab et ses sets émancipateurs qui intègrent les sonorités arabo-amazighes à la musique électronique des clubs. 

À la Friche 

Le Labobox de l’AMI à la Friche accueille une soirée dédiée au dispositif « Garages », un programme d’accompagnement artistique encadré par DJ Djel (Fonky Family) et dédié aux artistes émergente·e·s de la région (18 avril). La compositrice-autrice-interprète Tora Meichi ouvrira le bal avec sa musique à la croisée des influences hip-hop et neo-soul et ses textes introspectifs. Elle sera suivie du groupe de rappeurs M4.13. Et d’un DJ set de Djel. 

Le samedi, après une journée d’activités et de restitutions d’ateliers jeunesse en accès libre, place à la danse. Le danseur Hazem Chebbi et le compositeur Jihed Khmiri présentent Tassaouef en sortie de résidence. Ce spectacle, qui est la première collaboration des deux artistes tunisiens, se veut être une exploration sensorielle et spirituelle de la tradition soufie. Puis au chorégraphe Kader Attou de présenter Prélude en version plateau avec sa Cie Accrorap [lire encadré].

Enfin, La Society réunie viendra clôturer l’événement. Un moment de partage durant lequel se succèderont quatre artistes émergent·e·s ou confirmé·e·s, accompagné·e·s sur la durée par l’AMI. On retrouvera notamment Jihed Khmiri, cette fois pour son projet solo Pan-J.

CHLOÉ MACAIRE

La Society
Première étape du 17 au 19 avril
Le Makeda et La Friche Belle de Mai, Marseille 
Deux questions à Kader Attou sur son spectacle Prélude 

Zébuline. Quel est l’histoire de cette création ? 

Kader Attou. Pour marquer mon arrivée à Marseille, début 2022, je voulais créer une pièce avec des danseurs d’ici. J’avais la volonté de travailler autour d’un morceau de Romain Dubois qui est d’une puissance rare. Il part du néant, et au fur et à mesure le rythme nait et accélère crescendo, avec des mélopées qui s’ajoutent. À la fin du spectacle, les danseurs sont à bout de souffle, et le spectateur aussi. Il y a quelque chose qui se transmet à travers leur prouesse technique et leur émotion.

Prélude a d’abord été conçue en extérieur. Pourquoi avoir créé une version plateau ? 

À l’origine, c’était une pièce de 33 minutes en extérieur, car j’avais à cœur de toucher tous les publics. Face à son succès, j’ai très vite pensé à une version pour plateau. On s'est remis au travail avec les neuf danseurs, en gardant tout de la version extérieure et en inventant un récit supplémentaire, dans lequel je me mets également en scène. La pièce dure à peu près 1h20. C’est un moment un peu suspendu, durant lequel on essaie de faire basculer le regard des spectateurs.

CHLOÉ MACAIRE

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Les voix des cultures créoles 

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Ici s’acheve le monde connu de Anne-Sophie Nanki © Sudu Connexion

À l’occasion du festival Iliennes, le Vidéodrome 2 a proposé plusieurs séries de projections de courts-métrages, c’était encore le cas ce vendredi 4 avril. Le cinéma du cours Julien accueillait Sirènes de la réalisatrice martiniquaise Sarah Malléon et Ici s’achève le monde connu de la Guadeloupéenne Anne-Sophie Nanki, en présence de cette dernière. 

Le premier, rythmé par une superbe bande-son, se déroule au Prêcheur, dans le nord de la Martinique, commune fortement touchée par une crise économique, sociale et écologique. Il met en avant de manière extrêmement poétique le lien entre Daniel et sa petite fille, qui cherche à invoquer les sirènes en soufflant à longueur de journée dans un lambi, ce coquillage emblématique des Antilles utilisé comme moyen d’avertissement et, encore aujourd’hui, comme instrument de musique.

Son usage apparaît également dans Ici s’achève le monde connu, mais dans un contexte dramatique : celui de colons pourchassant une femme Kalinago et un esclave africain dans la mangrove guadeloupéenne, en 1645. Les performances des deux acteurs bushinenge(Guyanais descendants des communautés esclavagisées et ayant fui les plantations) sont remarquables et offrent une représentation saisissante des relations entre natifs et esclaves africains, ainsi que d’un temps où la mer n’était pas frontière mais plutôt lien entre les îles et les communautés de la Caraïbe. Suite au succès critique du film, qui a entre autre été sélectionné aux Césars, Anne-Sophie Nanki prépare actuellement une version longue de ce récit aux allures de mythe originel. 

De la musique aussi 

La Guadeloupe a de nouveau été à l’honneur dimanche 6 avril, par l’intermédiaire du KolektifKa, qui diffuse le gwoka à Marseille, cette pratique musicale guadeloupéenne dans laquelle les tambours (ka) répondent aux mouvements des danseurs et danseuses. Les musiciens ont été relayés par le maloya réunionnais de Kalou’Ya, le séga mauricien de Jaggdish ou encore le chant puissant de l’artiste comorienne Nawal. Avant que la soirée ne se poursuive dans un mélange vibrant des chants et des influences de ces artistes, formant le plus beau des lyannaj (lien, union) entre des cultures créoles parfois artificiellement mises dos-à-dos.

GABRIELLE BONNET

Le festival Iliennes s’est tenu du 29 mars au 13 avril. 

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« Refermer les tombes sans corps »

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génocide
Une école arménienne à Marseille en 1925, Camp Oddo, Archive Aram © Aram

Éric Semerdjian, essayiste, est conseiller municipal marseillais en charge de l’innovation sociale et de la coproduction de l’action publique. Il est aussi petit-fils de réfugiés ayant fui le génocide des Arméniens de 1915. Dans Mémoire de la douceur qui vient (L’Harmattan, 2010), il explore les séquelles transgénérationnelles du génocide à travers une écriture mêlant l’intime et le politique. En retraçant l’histoire de quatre générations à travers des objets du quotidien – une bague, un cartable… – il interroge la transmission du traumatisme et les mécanismes silencieux de la mémoire collective.

« Mon livre s’adressait à mes enfants, mais aussi à mon père, dont le parcours d’intégration avait été obéré. Le poids de l’exil, le trauma transgénérationnel, et les difficultés sociales liées à l’immigration sont autant d’obstacles à la transmission. L’écriture permet de retrouver une parole face au silence génocidaire, de refermer des tombes sans corps. »

Ce silence, Éric Semerdjian le nomme « irradiation fondatrice ». Il traverse les corps, les relations à la vie, la mort, la filiation. Car l’absence de reconnaissance officielle du génocide par l’État turc prolonge une violence symbolique qui empêche le deuil et entrave la réconciliation.

En 2015, pour le centenaire, il publie L’Envers du chemin, texte accompagnant une exposition photographique réalisée avec Stéphane Dumont et présentée au Site-Mémorial du Camp des Milles. Ce parcours à rebours du temps retrace l’itinéraire de sa grand-mère à travers les lieux du génocide où toute trace a été effacée. « Sur la route du génocide, aucun monument, aucune stèle, aucun cimetière. Tout est anonymisé. »

La remontée depuis la frontière irako-syrienne, point d’aboutissement de la lente hémorragie des corps, qui le conduit à partir depuis Diyarbakir à Mardin, Derik, Ergani, Cermik, Cungus, Yenykov, Erganih, Maden, Izilpete, Surek, Elazig Harput, Tatvan, Sassoun, Bitlis, Lice, Mus. Il s’inscrit dans la continuité du travail de Jean Garbis Artin (1930-2012), fondateur de l’Aram (Association pour la recherche et l’archivage de la mémoire arménienne) à Marseille, dont les archives nourrissent également cette démarche mémorielle.

Ce travail résonne avec la pensée du juriste Raphaël Lemkin, qui a forgé le terme « génocide » en 1944 pour désigner le meurtre systématique des juifs et des roms, mais aussi en référence explicite au sort des Arméniens. Pour Éric Semerdjian, cet héritage le relie à toutes les luttes contre les discriminations et les oppressions contemporaines, à toutes les victimes et survivants de génocides. « Être le descendant de rescapés, c’est porter l’inquiétante étrangeté de celui qu’on a programmé pour mourir. »

Une histoire au présent 

À l’occasion du 110e anniversaire, il participera aux commémorations du 24 avril, organisées par le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF Sud) sous le slogan « 1915-2025 : 110 ans, toujours présents ! », et accompagnera le maire de Marseille en Arménie, lors du jumelage avec sa capitale Erevan du 1er au 7 mai 2025. Pour lui, cette mémoire doit se garder de la concurrence et du repli victimaire : « Commémorer le génocide arménien n’a de sens que si cela constitue une adresse à l’ensemble du monde. L’enjeu est de sortir du face-à-face pathogène entre bourreaux et victimes et de construire des formes de solidarité. »

Eric Semerdjian © X-DR

À l’heure où resurgissent des discours et des actes exterminateurs, Éric Semerdjian appelle que les génocides naissent d’un relâchement de nos vigilances. Affamer délibérément des civils ou attaquer des populations constitue un crime contre l’humanité. Comme le stipule l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, le génocide vise l’anéantissement total ou partiel d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux. 

Lorsqu’il évoque la mémoire du génocide arménien, Éric Semerdjian ne se contente pas de regarder en arrière : il inscrit cette histoire dans les luttes d’aujourd’hui. À l’heure où les discours de haine et les violences de masse réapparaissent, cette parole héritée prend toute sa puissance : elle appelle à la vigilance, à la solidarité, et à la construction d’un futur commun, affranchi des répétitions de l’histoire.

SAMIA CHABANI

Une journée de commémoration à Marseille
À Marseille, les commémorations du 110ᵉ anniversaire du génocide arménien se déroulerontle jeudi 24 avril 2025. Le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) invite les citoyens à se réunir à 10h30 au Mémorial du génocide des Arméniens, situé avenue du 24 avril 1915 dans le 12ᵉ arrondissement de Marseille.

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Andrew Savage : une rock star à Marseille

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Andrew Savage © Vince McClelland
Andrew Savage © Vince McClelland

De New York à Marseille. C’est un peu la version rock’n’roll de la French connection, mais cette fois à contresens. Et ici, il n’est pas question de schnouf, mais de musique, à la pureté tout aussi acceptable. Andrew Savage est depuis 2006 le leader du groupe Parquets Courts, qui s’est fait connaître pour son garage-punk autant apprécié des oreilles habituées que celles profanes. Sept albums plus tard – le dernier est sorti en 2021 – Andrew Savage a décidé de quitter New York, et de s’installer ici, à Marseille, où il présente ce 23 avril un nouveau projet solo, dans la petite salle du Club 27. 

Si vous êtes un fan inconditionnel de Parquets Courts – et il y en a à Marseille – il faudra tout de même se mouiller un peu la nuque. Andrew Savage a décidé de réduire les décibels. Pas de guitare électrique, pas de basse, pas de batterie. Il est seul, avec une guitare acoustique, sa poésie, et face au public. Une performance folk que certains ont déjà pu entrevoir il y a quelques mois à la galerie du Solarium (Marseille), devant une dizaine de personnes bien informées. C’est Tessina, pépite du folk marseillais qui ouvrira cette belle soirée signée par l’association Humeur Massacrante. 

NICOLAS SANTUCCI 

Andrew Savage
23 avril
Club 27, Marseille

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Les mondes arabes en images 

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The roller, the life, the fight d’Elettra Bisogno et Hazem Alqaddi © Tandor Productions

Les années passent, mais faire découvrir le cinéma des pays arabes ou de la diaspora est toujours l’objectif du festival Aflam. Que ce soient des portraits, des récits, fictions et documentaires, longs et courts métrages… les films interrogent les représentations, les identités et les réalités des mondes arabes. Avec au programme une trentaine d’invités, une cinquantaine de films issus de vingt pays, deux soirées de concerts et deux masterclass à découvrir à Marseille et en Région Sud du 19 au 27 avril. 

C’est au Vidéodrome 2, au Polygone étoilé et à La Baleine que commencera la manifestation avec Vives Archives : une série de rendez-vous qui met en dialogue des images du passé avec les réalités d’aujourd’hui : des conférences, des projections et une rétrospective consacrée au cinéaste palestinien Kamal Aljafari (Recollection, An Unusual Summer…) qui donnera aussi une masterclass le 22 avril à La Baleine.

Le festival se poursuit au Mucem le 23 avril dès 10 h avec un documentaire, The roller, the life, the fight d’Elettra Bisogno et Hazem Alqaddi sur l’attachement aux origines et la recomposition des identités. Puis Fanon d’Abdenour Zahzhah, une première française [lire notre article sur journalzebuline.fr].

Notons aussi le thriller social du réalisateur égyptien Khaled MansourSeeking Haven for Mr. Rambo (23 avril à 20 h au Mucem)Un homme qui fait tout pour sauver son chien, et qui montre la vitalité du cinéma égyptien.

Histoires d’exils

Courts et longs métrages, tout au long de la semaine, questionnent les trajectoires d’exil et de filiation, racontent luttes et émancipation. Tels Les miennes de la Belgo-Marocaine Samira El Mouzghibati ou La Guêpe et l’orchidée du Tunisien Saber Zammouri.

Invitée d’honneur de cette édition, l’actrice, réalisatrice et productrice tunisienne, Fatma Ben Saïdane : une sélection de films courts et longs de cette figure du cinéma des pays arabes, une femme engagée artistiquement et socialement. On pourra la voir dans La télé arrive de Moncef DhouibEl Jaida de Selma Baccar ou Making of de Nouri Bouzid. Et l’entendre parler de son parcours, de sa vision de la culture comme arme d’émancipation en Tunisie ces cinquante dernières années dans une masterclass animée par le critique Samir Ardjoum le 26 avril à 14h au Mucem. 

Le lendemain, une table ronde modérée par Brigitte Curmi, présidente d’Aflam et ancienne ambassadrice de France pour la Syrie permettra d’évoquer les évolutions politiques et sociétales en cours et la situation des cinéastes en exil. 

Outre les nombreux ateliers, rencontres professionnelles, et la résidence d’écriture, le rendez-vous se termine le 27 avril avec Moondove du Libanais Karim Kassem : un village, des récoltes, des problèmes d’eau… et une pièce de théâtre dont le titre – idoine – est Départs ! 

ANNIE GAVA

Aflam
Du 19 au 27 avril
Divers lieux, Marseille et Région Sud
Toute la programmation à découvrir sur aflam.fr

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De crimes en génocides

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Il est des massacres de masse qui n’ont pas pour but d’éliminer un peuple. Quand les populations civiles sont bombardées, et les prisonniers ennemis exécutés, il y a crime de guerre. Quand les malades et handicapés mentaux sont exterminés, quand les homosexuels sont poursuivi·e·s et exécuté·e·s, quand les femmes sont privées de leurs droits et lapidées, quand des opposants politiques sont systématiquement emprisonnés et exécutés, il y a crime contre l’humanité. 

Mais la volonté d’anéantir un peuple, le génocide, relève d’un ressort différent : il ne s’agit pas d’éliminer les groupes antagonistes de sa propre civilisation mais de désigner l’autre comme son ennemi, souvent perçu comme insidieusement introduit au cœur d’une nation qui se veut pure. Les génocidaires s’attaquent à l’existence même d’un peuple : à sa descendance, sa culture, son influence, sa langue et sa trace. 

Le génocide n’est donc pas le degré supérieur du crime contre l’humanité, il en est une catégorie, qui relève d’une intention spécifique, et peut se combiner à d’autres meurtres de masse : les nazis, en éliminant les handicapés et les homosexuels, voulaient préserver l’excellence supposée des Allemands. Mais en éliminant les Juifs et les Tziganes, c’est leur Empire, leur Reich, qu’ils voulaient épurer des ethnies exogènes. 

Comprendre les mécanismes

Le génocide ne se qualifie pas non plus par le nombre de victimes. Lorsque les Danois stérilisent 200 femmes inuits du Groenland dans les années 1960, lorsque la France organise le déplacement de 2 000 enfants réunionnais dans la Creuse dans les années 1970, lorsque la Russie déporte et russifie 20 000 enfants ukrainiens dans les territoires annexés depuis 2014, leur démarche comporte des caractéristiques génocidaires : sans meurtre direct, mais avec l’idée d’affaiblir un peuple minoritaire. 

Le Camp des Milles expose clairement le mécanisme global qui a déclenché les quatre grands génocides du XXe siècle, celui des Arméniens, ceux des Juifs et des Tziganes par les nazis, et celui des Tutsis au Rwanda. On y retrouve des constantes : la mise à l’écart du droit commun ; la censure de la presse et la désinformation ; l’accusation, fondée ou non, d’avoir commis des actes barbares ;  le déni de l’humanité des victimes. Et les moyens des génocides sont toujours les mêmes : le meurtre collectif, l’emprisonnement dans des conditions de survie intenables, la famine organisée,  le transfert d’enfants et la stérilisation forcée. 

Sortir du silence

Aujourd’hui, il s’agit de poser des mots sur ce qui se passe à Gaza. Il est établi que les autorités israéliennes commettent des actes interdits par la Convention de 1948 qui réprime le crime de génocide. Elles sont soupçonnées de vouloir anéantir le peuple palestinien de Gaza. 50 000 morts sont dénombrés pour le moins, dont 13 000 enfants. Une population entière est parquée, laissée sans soin, sans hôpitaux, systématiquement déplacée, acculée, affamée, bombardée.

À l’heure où l’État français commémore le 110e anniversaire du génocide des Arméniens, toujours non reconnu par la Turquie [Lire ici], à l’heure où la France accueille des artistes palestiniens dont elle ne reconnaît pas l’État, mais qui tous dénoncent le génocide de leur peuple à Gaza, il est plus que temps de lever les faux semblants : les horreurs absolues commises par les terroristes du Hamas le 7-Octobre ne donnent aucun droit au gouvernement israélien d’exterminer des civils dans un territoire qu’ils occupent illégalement depuis près de 60 ans. Et quiconque collabore avec un gouvernement génocidaire et un chef d’État sous mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale se rend complice, face au droit international et à l’Histoire, des actes en cours. 

Agnès Freschel


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La Provence en pleine lumière

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Provence
© Laurent Mattio

Fruit d’une démarche initiée pour la première fois par le musée Regards de ProvenceLa sélection du public est une exposition qui rassemble dans les salles du rez-de-chaussée une cinquantaine d’œuvres choisies dans la collection du musée par les visiteurs, à travers des votes exprimés entre décembre 2024 et février 2025.

On y trouve, à l’intérieur de luxueux cadres dorés, de nombreuses vues du Vieux-Port de la fin du XIXe siècle au début XXe, par exemple d’Albert Marquet avec la silhouette du pont transbordeur à l’horizon, de Charles Camoin face à Notre-Dame de la Garde, de Jean-Baptiste Olive qui le peint depuis le Pharo. 

Puis c’est le littoral méditerranéen, et l’arrière-pays : parmi les tableaux les moins académiques, Les roches rouges à Agay peintes en 1901 par René Seyssaud, touche épaisse et couleurs saturées, sorte de fauvisme avant le fauvisme, tout comme La Montagnette, paysage lumineux peint sur carton par Auguste Chabaud depuis Graveson. D’autres artistes plus connus sont présents (Cocteau, Picabia) ainsi que trois contemporains, dont Piotr Klemensiewicz, avec Evatemada n°4, toile abstraite toute en larges bandes verticales vibrantes, dorées et rougeoyantes sur fond gris.

Aplats et empâtements

Au premier étage ce sont 155 toiles, aquarelles et dessins du peintre Laurent Mattio (1892-1965) qui sont exposées. Un peintre qui après s’être formé auprès d’Edmond Barbaroux à Toulon et Fernand Cormon à Paris, fut nommé professeur à l’École des Beaux-Arts de Toulon en 1922, puis se consacra uniquement à son art à partir de 1931. 

On parcourt à travers son regard de paysagiste le littoral provençal de Marseille à Toulon, en passant par Sanary où sa maison dominait le port. Il dessine et peint sans relâche les nombreuses embarcations, barques de pêcheurs, bateaux à voile, navires militaires évoluant sur l’eau, la plupart de ses toiles mettant en présence aplats lisses et empâtements vifs au couteau. Une manière que l’on retrouve diversement déclinée dans ses paysages de la Provence rurale, entre champs d’oliviers, bastides ensoleillées et places ombragées.

MARC VOIRY

La sélection du public
Jusqu’au 15 février 2026

Laurent Mattio – Peindre la lumière
Jusqu’au 28 septembre
Musée Regards de Provence, Marseille

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Du jazz accessible en Métro

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métropolitain
Elise Vassallucci © X-DR

2025 est une année toute particulière pour le Marseille Jazz des Cinq Continents. Il y fête ses 25 ans, et prévoit une belle surprise du 22 au 25 mai, avec son Ici Jazz Fest – un festival inédit de 25 concerts dans 25 lieux différents [on y reviendra rapidement dans ces pages]. Mais il n’oublie pas pour autant la recette qui a fait son succès. Une première quinzaine de juillet rythmée par des grands artistes internationaux à Marseille, et son Parcours Métropolitain, qui s’étale du 17 avril au 5 décembre, pour 21 rendez-vous dans autant de communes de la Métropole Aix-Marseille. 

Ce sont les locaux du Saiko Nata quartet qui ouvrent le Parcours ce 17 avril à l’espace Jean Ferrat de Septèmes-les-Vallons. Actif depuis plus de quinze ans, le groupe composé d’Hélène Niddam, Fallou N’Diaye, Franck Galin et Abdoulaye Kouyaté mêle les influences musicales du monde avec une efficacité saisissante – leur Danse hongroise donnée à Babel Med Music en 2015 et visible sur YouTube est un très bel exemple. 

Ciné-concerts 

Le mois de mai et le Ici Jazz Fest passé, la suite se poursuit non pas sur scène mais au cinéma. Le 1er juin à l’Alhambra (Marseille) est présenté Köln Tracks, La Légende du Köln Concert de Keith Jarrett, le documentaire de Vincent Duceau dans lequel il revient sur une des soirées les plus exceptionnelles de l’histoire de la musique.

En 1975, Keith Jarrett arrive épuisé à Cologne où il doit se produire, mais découvre sur scène un piano ¼ de queue qu’il considère comme injouable. Il refuse de jouer, avant d’être convaincu par l’organisatrice du concert. Il monte sur scène et sort une des plus grandes improvisations du jazz. L’enregistrement du concert se vendra à 3,5 millions d’exemplaires !Un sacré pitch de film, mais une prouesse d’en faire un documentaire puisqu’il n’existe aucune image ou photo de cette soirée…

Une projection qui ouvre un mois de juin à la programmation bien fournie. Le 13, la chanteuse et compositrice Elise Vassallucci présente son premier album Capharnaüm [lire le portrait ici] au parc Miremont de Plan-de-Cuques. Le lendemain, c’est à Jouques qu’il faut se rendre pour un double plateau composé du quartet Effimero (déjà présent au festival l’an dernier en ouverture de Mayra Andrade) et le jazz funk/brésilien de Cotonete. Un bel événement à noter également, la tournée métropolitaine de l’O’jazz Amu et Leila Olivesi qui revisitent ensemble le répertoire de Duke Ellington (17 juin à Miramas, 19 à Vernègues, 20 à Vauvenargues, 21 à Aubagne et le 22 à Châteauneuf-les-Martigues.) 

Quartet Effímero © Clara Lafuente

Citons aussi le 26 juin au parc de la Moline (Marseille) un hommage à Quincy Jones, décédé en novembre dernier, avec Rycko Filet en maître de cérémonie. Ou encore le pianiste Shai Maestro au Château de l’Empéri de Salon-de-Provence le 28 juin, à quelques jours del’ouverture de la 25e édition du Marseille Jazz des Cinq Continents, de retour chez lui, à Marseille.

NICOLAS SANTUCCI

Parcours Métropolitain
Du 17 avril au 5 décembre
Divers lieux, Métropole Aix-Marseille 

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Angelin Preljocaj: La vie sous les pâles

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Preljocaj
Helikopter © JC Carbonne

C’était en 2001, à La Criée. Angelin Preljocaj créait Helikopter sur le bruit infernal de la pièce de Karlheinz Stockhausen : les quatre musiciens du Quatuor Arditi, embarqués dans quatre hélicoptères, décollent puis stagnent. Eux, sonorisés, jouent, de longues glissades ascendantes ou descendantes, stridentes la plupart du temps, lyriques par instants, rappelées par le compte des mesures eins, zwei, drei, viiiier… 

Les danseurs se placent dans l’espace et combinent eux aussi leurs mouvements dans des lignes mouvantes projetées au sol, des codes numériques, des cercles concentriques que leurs corps semblent perturber… Une illusion, ces perturbations faisant en fait partie de la vidéo, et les danseurs inscrivant leurs pas, au millimètre et à la microseconde, dans les lignes tracées. 

Un exploit technique qui se double de phrases chorégraphiques complexes exécutées à l’unisson, de gestes amples et souples, d’équilibres précaires, de  corps qui combinent leurs membres dans des passes inédites, de changements rythmiques : bref une partition d’une difficulté extrême, que les danseurs de 2025 exécutent avec plus d’évidence encore que les créateurs de 2001.

Abstraction ? Rien n’est plus peuplé d’émotions que ces corps qui se battent contre les éléments, les lignes numériques, que ce quatuor qui lutte contre les pâles et s’impose, vivant, vibrant, jusqu’à l’atterrissage. Jusqu’au solo final, tranquille, imposant son ultime rotation en silence. 

Après la mort

Après Helikopter, avant Licht, le chorégraphe projette les images d’un entretien qu’il a eu avec le compositeur quelques mois avant sa mort. Ils y soulignent les points communs de leurs œuvres, faites de combinatoires infinies, d’aléas régulés, de superpositions abstraites qui visent pourtant unemystique reflétant un ordre transcendant loin des limites humaines.

« Mehr Licht » (« plus de lumière ») aurait dit Goethe en s’éteignant, entrevoyant un au-delà qui traverse souvent les œuvres du chorégraphe. Licht est un parcours lumineux et comme désincarné, où les douze danseur·euses heureux·ses évoluent sur la musique de Laurent Garnier qui est comme un hommage pulsé à l’électronique bricolée de Stockhausen.

Licht © Yang Wang

D’abord en joggings colorés, ils se débarrassent de leurs oripeaux pour apparaître dans des voilesminimales couleur chair et enchaînent des séquences où ils dansent, solitaires, en lignes, en couples répétés ou en groupe uni pour former des combinaisons nouvelles. Comme dans Helikopter les ensembles et les unissons sont parfaits, mais laissent aussi surgir comme des bribes d’individus, les « âmes des corps » qui apparaissent, comme le dit souvent le chorégraphe. 

Car la danse, jamais, n’est abstraite, pas plus qu’une interprétation musicale. Que l’on y perçoive une quête mystique ou un souvenir plus ou moins conscient : Angelin Preljocaj a parfois raconté comment il a rejoint Vermosh, le village albanais que ses parents avaient quitté clandestinement avant sa naissance. En hélicoptère, en 1994, survivant sous le bruit des pâles. 

AGNÈS FRESCHEL

Helikopter/Licht est joué jusqu’au 14 juin au Théâtre de la Criée 

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Joël Pommerat : « Puis le théâtre est venu demander sa place »

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Joël Pommerat © David Balicki
Joël Pommerat © David Balicki

ZébulineVous créez à Châteauvallon Les petites filles modèles

Joël Pommerat. Modernes pas modèles. Les petites filles modernes. C’est un titre provisoire pour moi.

J’ai dit « modèles »

Je crois [l’enregistrement lui donne raison, ndlr]. Cela prouve que l’ambiguïté fonctionne,j’espère simplement qu’elle ne va pas trop bien marcher !

Est-ce pour cela que c’est un titre provisoire ? 

Pour le moment [l’entretien s’est déroulé deux semaines avant la création, ndlr], ce n’est pas encore clair pour moi. Je n’ai pas de recul. Nous créons à Châteauvallon, mais le spectacle ne tournera que la saison prochaine. À la différence d’autres spectacles écrits pour les enfants,pour celui-ci je me suis laissé la possibilité de dévier. Je ne sais pas encore si je pourrai y inviter des enfants, et à partir de quel âge. Je ne veux pas qu’ils y risquent le traumatisme, l’angoisse, ou l’ennui.

Pourquoi redoutez-vous pour eux, précisément, ces trois maux, le traumatisme, l’angoisse, l’ennui ? 

C’est une question d’âge, de maturité. S’adresser à des enfants au théâtre c’est s’interroger sur les sujets mais surtout la façon dont on les met en scène. Plus « comment on dit » que de quoi on parle. À ce stade je ne sais pas si la forme sera totalement adaptée à de jeunes enfants. Unecertaine violence subsiste pour l’instant, mais je redoute surtout l’ennui, si ma façon n’est pas assez lisible, assez claire pour des enfants. À partir de quel âge ils pourront suivre et ne pas s’ennuyer.

Que raconte ce spectacle?  

C’est une histoire épique [un temps]. Je déteste raconter mes histoires [un temps]. Celle-ci est très accessible en termes de narration. Facile à suivre, mais avec des gouffres, des trous d’air [un temps]. Bon. Si on la prend par un bout c’est l’histoire de deux très jeunes filles. 10, 12, 13 ans au maximum qui découvrent qu’elles s’aiment d’amitié passionnelle. Et qui sont empêchées dans cet amour, et doivent s’affronter à des obstacles. 

Avec trois acteurs ? 

Oui deux comédiennes et un comédien.

Vous présentez ces Petites filles modernes comme du « théâtre roman »…

Oui, ça m’est revenu en travaillant, là. J’écris beaucoup de mes pièces avec une part narrative et descriptive. Pas toutes, La Fin de Louis ou Contes et légendes sont nettement dramatiques mais tous mes spectacles pour enfants, CendrillonPinocchio et Le Petit Chaperon Rougepartent du narratif, d’une forme non théâtrale qui commence par quelque chose comme « il était une fois », avec des narrateurs incarnés qui deviennent des personnages et font des allers et retours entre les deux. Avec des degrés, dans Au Monde c’est plus conventionnel, dans Les Marchands les personnages ne disent que trois phrases et la narratrice occupe l’espace de la parole… Je ne fais pas ça systématiquement, partir du narratif, mais quand même j’ai fait ça souvent ! Pour ce spectacle j’ai procédé comme les autres fois mais avec une spécificité inattendue : j’ai beaucoup écrit. Si j’avais laissé aller davantage ça aurait pu être un roman. Puis le théâtre est venu demander sa place. 

C’est à dire ? Le dialogue ? 

La scène, les corps, les voix. J’aurais pu raconter simplement avec les mots, dialogue ou narration et description… mais il y avait des choses que je ne pouvais pas seulement raconterou faire dire. Qu’il faut faire voir ou deviner. La forme romanesque fige aussi, elle met les corps dans une sorte de retenue et de raideur. Ce n’était pas envisageable de porter ce narratif/descriptif sur scène seul, je ne pouvais pas tout faire de cette manière. Donc j’ai beaucoup coupé, et je continue de beaucoup couper… 

Comment cela se présente-t-il sur scène ? À votre manière, avec des cuts et un traitement intimiste du son ?

C’est à nouveau une forme très découpée oui, très construite sur des transitions, des noirs, des coupures, des ellipses. Cette manière de mettre sur scène a à voir, pour moi, avec la forme narrative, ou avec des pièces séquencées comme La réunification des deux Corées. Mais cette fois-ci la lumière est prise en charge par la vidéo. Des images qui permettent de construire et déconstruire des espaces. C’est une écriture de la lumière spécifique à cette pièce. 

AGNÈS FRESCHEL

Les petites filles modernes (titre provisoire)
Du 24 au 29 avril
Châteauvallon, scène nationale d’Ollioules

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