mardi 26 novembre 2024
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Biennale de la culture cubaine : Rendez-vous Antilles-stress 

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Photos issues de l'exposition "La Havane...intime" de Lao Ernesto Perez Caballero qui sera présentée au Couvent Levat du 23 au 25 août. © Lao Ernesto Perez Caballero

L’Amérique latine tient une place de choix dans la riche diversité culturelle marseillaise. On pense aux Rencontres du cinéma sud-américain organisé par l’Aspas, ou à la désormais célèbre Cumbia Chicharra, qui entrechoque les sonorités latines traditionnelles, urbaines et actuelles. En cette fin d’été, un nouveau pont entre les continents s’érige, cette fois avec la Biennale de la culture cubaine, porté par l’association Latino on the Move. Pendant près de deux semaines, plusieurs rendez-vous mettent en lumière les richesses de la plus grande île des Antilles. Avec de la musique bien sûr, mais aussi une exposition photo, un carnaval, de la danse et de la gastronomie. 

C’est d’abord en photos que le rendez-vous s’ouvre. Celles de Philippe Mano – ancien journaliste, premier « Monsieur cinéma » de Marseille sous la mandature de Robert Vigouroux, et militant d’un rapprochement entre Cuba et la cité phocéenne. Décédé en 2021, il était un des initiateurs de cette Biennale. « On avait débuté ce projet ensemble, et il voulait lancer un jumelage entre La Havane et Marseille », explique Llucia Adrover, de l’association Latino on the Move. Sur la Canebière, à la Maison des associations de Marseille, ce sont d’ailleurs ses photos prises dans la capitale cubaine qui sont exposées, et à découvrir jusqu’au 24 août.  

Carnaval 

Place ensuite à la première grande soirée festive de la Biennale ce 23 août au Couvent Levat. Dès 17 heures, une initiation à la percussion cubaine est proposée sous la houlette du musicien cubain installé à Marseille Yoandy San Martin. Puis un atelier cuisine, avec La Cubana – à coup sûr l’occasion de découvrir les secrets derrière les papas rellenas. Si le programme est déjà copieux, il faudra garder de la place pour le dessert musical. Car on écoutera un DJ set épicé de Mama Loba, et un live de Ruben Paz « une référence de la musique cubaine en région Paca » précise Llucia Adrover. 

Les 25 août et 10 septembre, la Biennale quitte la Belle de Mai et investit le cours Julien. D’abord avec un grande fête en plein air aux accents carnavalesques, où l’on va suivre une déambulation de la troupe Conga Paca, puis une série d’animations célébrant tour-à-tour la rueda de casino, le reggaeton, la salsa… et même un défilé de mode. Changement de style le 10 septembre au cinéma Vidéodrome 2, avec la projection du documentaire Movimiento, qui revient sur l’essor du rap à Cuba. 

Après cette première édition, l’association Latino on the Move espère revenir dans deux ans avec une Biennale plus ambitieuse encore. « Marseille étant la capitale de la mandoline, on souhaite créer un échange autour de cet instrument et du tres cubain [instrument à corde proche de la mandoline, ndlr] », explique l’association Latino on the Move. Un pont entre les continents qui se matérialiserait par un dialogue entre un orchestre d’ici et de là bas. Mais la route est encore longue (7 844 km), et place d’abord à cette première édition qui s’annonce grandiose.  

NICOLAS SANTUCCI

Biennale de la culture cubaine
Jusqu’au 10 septembre 
Divers lieux, Marseille

« La Marseillaise », patriote et clandestine

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Vue de l'exposition © Sandrine Lesage

Depuis 1998, le groupe Marat (qui tient son nom d’un détachement de partisans de la Main-d’œuvre immigrée) s’attache à perpétuer la mémoire de la Résistance et à faire connaître le rôle important des étrangers dans celle-ci. Cet été, dans le cadre des 80 ans de La Marseillaise, l’association propose à l’Alcazar une exposition intitulée La Marseillaise dans la Résistance, qui suit les premiers pas du journal, dans une ville et un pays occupés par l’Allemagne nazi. Créé à la fin de l’année 1943 par le Front National pour la libération et l’indépendance de la France, le journal est publié et distribué dans la clandestinité jusqu’à la Libération de Marseille, en août de l’année suivante. 

Au troisième étage de la bibliothèque du cours Belsunce, les différents panneaux de l’exposition s’intéressent autant aux résistants écrivant dans La Marseillaise, comme Pierre Brandon, qu’à ceux ayant permis son impression. Comme Eugène Tournel, qui imprime les premiers numéros du journal à Aix-en-Provence, jusqu’à son arrestation. C’est ensuite grâce aux typographes du journal collaborationniste Le Petit Marseillais – dont La Marseillaise occupe aujourd’hui les anciens locaux – que le journal continue d’être publié.  

Durant les affrontements qui précèdent la Libération de Marseille, La Marseillaise est le seul journal à publier des photographies des évènements, comme celle-ci où apparaissent deux FTP-MOI lors de la prise de la préfecture. On doit ces clichés à la résistante et photographe de presse polonaise Julia Pirotte © JULIA PIROTTE/ Groupe Marat

« Marseille libérée »

Le 27 août, des résistants sont fusillés lors d’une distribution de La Marseillaise dans les quartiers Nord. Si Fantini et Gaston Dutour survivent, Mala Kriegel, elle, succombe à ses blessures après ces mots : « C’est terrible ce qui nous arrive, mais malgré tout j’aurais eu la joie de voir nos journaux au grand jour ». Le lendemain, la ville est libérée. Une page se tourne pour La Marseillaise, qui peut enfin publier officiellement et porter pour les décennies à venir l’héritage de la Résistance. 

CHLOÉ MACAIRE 

La Marseillaise dans la Résistance : 
une naissance clandestine (décembre 1943 - août 1944) 
Jusqu’au 28 septembre
Bibliothèque Alcazar, Marseille

Avec Patricia Mazuy pour « La Prisonnière de Bordeaux »

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'C) Annie Gava

Celle qui a été la monteuse d’Agnès Varda pour Sans toit ni loi, qui a réalisé en 1989 son premier long, Peaux de vaches, puis Saint-Cyr, Sport de filles, Paul Sanchez est revenu et Bowling Saturne nous a parlé de son dernier opus, de sa genèse, de ses personnages et de ses actrices, de la musique et de bien d’autres choses avec le franc-parler qui la caractérise. Une Patricia Mazuy à qui la Cinémathèque avait consacré une rétrospective en octobre 2022. Entretien

La genèse du film

Patricia Mazuy. « À l’origine, c’est un film de Pierre Courrège qui, en 2005, était passé devant une prison à Maubeuge et avait été marqué par des femmes qui attendaient pour un parloir. Il a commencé à écrire en 2012 avec François Bégaudeau un pur film social. Ils ont travaillé entre 2012 et 2018 mais ne sont pas arrivés à produire le film. Le producteur Yvan Taieb qui avait vu mon film Paul Sanchez est revenu m’a proposé de faire le film ; après avoir vérifié qu’ils le laissaient tomber, j’ai accepté. Mais pour moi, c’était trop conceptuel : c’était des conversations « lutte de classes ». On ne voyait jamais les maris des deux femmes et pour moi, il était évident qu’il fallait montrer pour quoi ces deux femmes vivaient et donc, faire exister leurs maris en prison. Il y avait de l’humour dans les dialogues. Les personnages sont des clichés, la bourgeoise esseulée et la mère courage des cités. Il s’agissait de complexifier les clichés. L’autodérision de la bourgeoise, Alma, dans le vide absolu, ça lui donnait un air perché. Sa maison n’est pas une prison mais une sorte de mausolée. Deux destins de femmes que je voulais mettre en héroïnes. Et l’humour était important. Ce n’est pas un film feel good mais un film grave que je voulais traiter avec légèreté. De 2019 à 2021, on a travaillé le scenario et je l’ai proposé à Isabelle Huppert qui m’avait dit qu’elle voulait retravailler un jour avec moi [après Saint Cyr, ndlr]. J’ai pensé à Hafsia Herzi pour jouer Mina et opposer les deux corps. Hafsia est tellement pulpeuse, cela me plaisait ! Entretemps, j’avais fait Bowling Saturne, un film très noir, très dur. Je voulais explorer la douceur. La dernière année, j’ai travaillé avec Emilie Deleuze. Un scenario, ce n’est pas que des dialogues. Il fallait que ce ne soit plus un territoire étranger : pour moi, les bourgeois c’est comme aller filmer des Inuits. Je ne connais pas les grandes maisons riches, ni les cités. Le personnage de Yassine a été très compliqué à construire ; c’est un mec qui souffre à cause de la mort de son frère. Il est blessé donc dangereux et la souffrance fait peur. Yassine c’est comme les petits blancs des romans de Faulkner. Il est imprévisible car il ne sait pas se gérer. Mais je n’avais pas l’argent pour faire un film comme Audiard. Je voulais que ce soit comme un conte, une fable. Et je voulais que Mina soit amoureuse de son mari, Nasser. La vie d’Alma, elle, est tragique : elle reste chez elle, va chez le coiffeur et au parloir. C’est tout ! C’est l’arrivée de Mina qui va la révéler à elle-même. Comme une histoire d’amour, une parenthèse. »

La documentation

Patricia Mazuy. « Je me suis bien sûr documentée. Il est difficile d’accéder aux maisons d’accueil et aux parloirs. J’ai vu des documentaires sur les prisons, comme celui de Stéphane Mercurio [À côté de Stephane Mercurio et Anna Zisman – ancienne contributrice de Zébuline, ndlr]. On voit dans ces lieux des femmes très différentes et ce n’est pas irréaliste que des femmes comme Alma et Mina s’y croisent. Quand j’ai fait le casting sauvage des femmes de la maison d’accueil, j’ai vu celles qui fréquentent les parloirs. Leur vitalité absolue face à cette vie dure m’a surprise. »

Le décor

Patricia Mazuy. « J’aurais aimé tourner à Strasbourg mais pour différentes raisons, on a choisi Bordeaux. La maison d’Alma a été très difficile à trouver. Il fallait des murs de couleur. Pas de murs blancs ; cela aurait été trop difficile pour éclairer Isabelle. On a vraiment soigné les couleurs et une galerie parisienne nous a prêté les tableaux – il y en avait pour 800 000 euros ! Pourquoi celui de Jacques Villéglé, dans l’entrée ? Il y a longtemps, j’avais connu sa fille qui m’avait emmenée dans l’atelier de son père ; il déchirait des affiches dans les rues pour composer ses tableaux ; un des pionniers du street-art. Je trouvais marrant que ce soit un grand tableau Et des affiches déchirées, c’était bien par rapport à la déchirure de l’amour. Un mec qui n’arrête pas de tromper sa femme et qui lui offre des affiches déchirées, c’est drôle, non ? »

La musique

Patricia Mazuy. « Dés le scenario, je voulais une musique douce et très mélo. On avait peu de temps si on voulait que le film soit prêt pour Cannes. Je désirais aussi qu’il y ait une chanson comme dans un film d’Altman, que j’adore, Le Privé (The long good Bye), adapté d’un roman de Chandler, avec Elliot Gould. Il y a une chanson de John Williams, d’Amine Bouhafa.Pour la chanson, cela a été plus compliqué. Je me suis mise à écrire les paroles et j’y ai passé beaucoup de temps. Et pour Sarah McCoy qui l’interprète, c’est grâce au manager de Bertrand Belin pour qui j’avais fait un clip (Surfaces). Avant le tournage, j’avais juste une maquette avec le sifflet. Je voulais garder le sifflet pour trouver la voix. Très compliqué : je voulais quelque chose qui groove, de jazzie et après de longues recherches, Sarah McCoy, une chanteuse super, un bonheur ! »

Le titre : La Prisonnière de Bordeaux

Patricia Mazuy. « Le titre est romanesque. Il fait très « Princesse de Clèves ». On se demande qui est LA Prisonnière de Bordeaux. Sans doute Alma, avec son destin de femme soumise, dans sa prison dorée ? »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNIE GAVA

Vous pouvez lire la critique ICI

Une rentrée de promesses

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La fin de saison et sa succession d’élections aux résultats contradictoires nous avait laissés, avant la trêve estivale, abasourdis et perplexes. Prêts aussi, pour la première fois depuis longtemps, à relever la tête pour regarder l’horizon. Des signes d’espoir s’y dessinent. Une présidente progressiste et féministe au Mexique, un gouvernement travailliste au Royaume-Uni, l’espoir d’échapper à Trump avec Kamala Harris, la victoire du Nouveau Front Populaire en France, sont-ils les premiers signes d’un renversement qui pourrait s’opérer, et nous éviter l’accession aux pouvoirs des extrêmes droites bellicistes ? En Inde, en Israël, en Russie, en Iran… les nationalismes qui ostracisent ou exterminent les minorités ethniques et religieuses peuvent-ils suivre ce mouvement et, à l’heure où les épidémies sont globales, se laisser mondialement contaminer par l’empathie, la reconnaissance de l’autre, l’humanité, le pardon ? « Pour le bien de tous, les pauvres d’abord » proclame Claudia Sheinbaum, la présidente mexicaine. Le monde va-t-il comprendre que la solidarité, la conscience de l’autre, sont un puissant remède, le seul, contre les catastrophes sociales et climatiques qui surviennent ? 

L’arme de la joie

Au sud de la France tous les voyants politiques restent au rouge. Le Rassemblement national s’affirme comme la première force politique sur tout le littoral. Les communes, les départements, la région ont de grandes chances de basculer aux prochaines élections vers les forces politiques anti-immigrés et anti-cultures (sinon provençaliste). Mais contre toute attente, grâce à un metteur en scène de théâtre dont on se demandait ce qu’il allait faire dans cette galère, l’incroyable cérémonie d’ouverture des J.O. a imposé l’image d’une France multiculturelle, féministe et queer. Et indéniablement magnifique ! 

C’est en affirmant nos valeurs, culturelles, que nous brillons aux yeux du monde, que nous faisons taire les rancœurs. Par le rire, l’émotion, la surprise, le travail historique et de mémoire, la statue dorée de Louise Michel, le corps nu et bleu d’un Bacchus malicieux, une femme à belle barbe.

Alors, en cette rentrée qui commémore les 80 ans de la Libération de Provence, Zébuline rend hommage aux armées coloniales qui ont vaincu les nazis et à La Marseillaise, journal résistant. À une formidable rentrée littéraire où Gaël Faye nous plonge dans la mémoire vivante du génocide des Tutsi, et Alice Zeniter dans les combats anticoloniaux des Kanaks. Aux cultures cubaines, aux artistes handis, aux suffragettes de l’art contemporain, à la défense acharnée du vivant. Aux merveilleux et divers visages du monde. 

AGNÈS FRESCHEL

Nicolas Horvath : l’art de jouer juste

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« Chopin, dit-on, au piano, avait toujours l’air d’improviser : c’est-à-dire qu’il semblait sans cesse chercher, inventer, découvrir peu à peu sa pensée. » Et c’est bien ce goût de l’infinie variation, de l’ornementation en perpétuelle augmentation relevé par André Gide dans ses  Notes sur Chopin qui constitue aujourd’hui la marque de fabrique du plus pianistique des compositeurs. Si bien que, chose rare pour un musicien tant joué et célébré, la plupart de ses Nocturnes ne sont aujourd’hui pas interprétés dans leur version initiale ou finale. Étonné et intrigué par ce constat, Nicolas Horvath s’est adonné à un travail de recherche considérable pour trouver, d’une partition à l’autre, les traces de la toute dernière version des plus emblématiques de ses partitions.

Genre popularisé et figé dans sa forme par Chopin pour près d’un siècle, le nocturne édifie sur sa forme a priori simple un nuancier mélodique et thématique d’une virtuosité et d’une fébrilité certaines. Perfectionniste, aussi soucieux d’explorer tous les possibles d’une impulsion lyrique que de savamment doser l’émotion et préciser le trait, Chopin avait considérablement amendé ses partitions, et ce jusqu’à sa mort. Mais la postérité, sans surprise, a plus volontiers conservé les variantes élaborées pour Wilhelm von Lenz, Thomas Tellefsen et Karl Mikuli que celles de ses interprètes féminines ; Zofia Rosengardt, Camille Dubois ou encore Jane Stirling. Alors raillées par les musicologues, ces belles pianistes issues de la haute aristocratie se voyaient pourtant dédier des versions bien plus enfiévrées … et non moins ardues à exécuter ! En attendant d’entendre d’autres opus, on se précipitera volontiers sur ce premier volume particulièrement riche, auquel Nicolas Horvath insuffle un réel supplément d’âme.

SUZANNE CANESSA

Les Nocturnes secrets – premier volume, de Nicolas Horvath
7 € au format digital, 20 € en format numérique
Collection 1001 Notes

La Prisonnière de Bordeaux ou la lutte des classes est-elle soluble dans la sororité ?

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Le titre du dernier long métrage de Patricia Mazuy, La Prisonnière de Bordeaux, pourrait être celui d’un conte de fée ou d’un roman de gare. Le film en assumera le romanesque tout en déjouant les attentes par trop mélodramatiques. Car, si l’action se déroule bien à Bordeaux, de prisonnière il n’y en a pas. Ou plutôt, il y a en deux. Mina et Alma, épouses de taulards, purgeant leur peine dans le même établissement. « Codétenues » hors les murs, comme se plait à le répéter avec humour Alma. Enchaînées à leur milieu, à leur histoire, au rituel administratif : attente, identification, tampons, appel, entrevues chronométrées en box fermés.

C’est à l’occasion d’un parloir qu’Alma (Isabelle Huppert) grande bourgeoise, ex danseuse, femme bafouée, désabusée, rencontre Mina (Hafsia Herzi), blanchisseuse à Narbonne où elle réside en logement social avec ses deux enfants. Alma vit dans un hôtel particulier bordelais luxueux, regorgeant de meubles et de tableaux très chers. Son mari, neurochirurgien éminent, a été condamné pour homicide involontaire, conduite en état d’ivresse et délit de fuite. Celui de Mina est l’auteur du braquage d’une bijouterie durant lequel un de ses complices a trouvé la mort. Mina doit faire trois heures de train pour avoir ce rendez-vous régulier. Alma va l’accueillir dans sa grande maison vide, plus proche de la prison, lui trouver un job dans la clinique privée dont son conjoint reste actionnaire.  Aucune charité dans cet acte. Alma dans le néant sentimental de sa vie solitaire et sans but, ressent une vraie attraction pour la jeune mère des cités. Aucune reconnaissance servile chez Mina qui accepte ce qui vient, les bons et les mauvais coups de l’existence avec une dignité qu’incarne à la perfection Hafsia Herzi.  Les maris, les enfants, le frère menaçant et brutal du braqueur mort, resteront au second plan. Ce que filme la réalisatrice, c’est le clair-obscur de la relation entre ces deux femmes que tout oppose sauf ces maris incarcérés et les questions sur l’avenir de leur couple respectif. L’une éclaire l’autre et réciproquement, sans que jamais, malgré les moments partagés, il n’y ait fusion. La réalisatrice saisit la fracture sociale dans les gestes utiles de la prolétaire qui nettoie, range, cuisine et ceux maladroits ou contraints de la bourgeoise désœuvrée. Dans un plan à la Buñuel,  les amis d’Alma, saisis frontalement une coupe à la main, découvriront Mina, l’assimilant immédiatement à une femme de ménage.

Beau travail sur les couleurs dû à Simon Beaufils. Et ce, dès le prologue particulièrement réussi,  où le plafond en miroirs d’un fleuriste multiplie les bouquets parmi lesquels la chevelure blond-roux d’Isabelle Huppert semble flotter, jusqu’à ce que son visage dévasté se tourne vers nous. Le rouge et le bleu de la demeure d’Alma, l’explosion multicolore des peintures, le blanc des blouses propres qui tournent autour de Mina. Les portes aux teintes primaires des parloirs… Motifs visuels auxquels s’adjoint le motif musical de la chansonnette mélancolique écrite pour le film par Amine Bouhafa.

 La lutte des classes est-elle soluble dans la sororité ? Il semblerait bien que non. Pour échapper aux liens toxiques, aux formatages sociaux, aux mauvais choix de vie, mieux vaut avoir les moyens comme Alma. Pour les autres, ainsi que le dit Mina, on fait comme on peut !

ELISE PADOVANI

En salles le 28 aout

Avant-première le 20 août à 20 h au cinéma Les Variétés en présence de la réalisatrice

L’histoire prend l’air 

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NIKI © Wild Bunch

En cette année 2024, le Festival du film historique en plein air de Salon-de-Provence consacre une importante partie de sa programmation à la libération de la Provence, survenue il y a 80 ans, ainsi qu’à la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. L’association Ciné Salon 13, organisatrice de l’événement, ouvre ainsi une nouvelle sélection de films documentaires, dont Août 1944, l’autre débarquement de Christian Philibert, et Missak et Mélinée Manouchian réalisé par Katia Guiragossian, leur petite-nièce. Les deux conférences proposées durant le Festival sont également relative à ce sujet avec « La Résistance au cinéma » animée par Garance Fromont, et « Libéré(e)s », animée par les spécialistes d’histoire contemporaine Cédric Audibert et Loïc Bost, qui revient sur différents combat émancipateur au siècle dernier, notamment celui des femmes pour le droit de vote.

Vadrouille historique 

La programmation des projections gratuites de classiques du cinéma français s’empare également de ces sujets historiques, avec La Grande Vadrouille – qu’on ne présentera pas – et La Fille du Puisatier de Marcel Pagnol. Ce dernier, qui raconte les difficultés d’une fille-mère à se faire accepter par sa famille, a été tourné pendant les combat de 1940 et a intégré ces événements à l’intrigue du film en faisant du père de l’enfant un soldat. La projection de La Fille du puisatier restauré s’inscrit dans la lignée des différents événements proposés par la ville de Salon-de-Provence rendant hommage à l’artiste disparu il y a 50 ans cette année, au même titre que l’exposition qui lui est consacrée sur la durée du Festival. 

La programmation rend également hommage à d’autres éminents artistes avec deux films biographiques : Les Carnets de Siegfried, dernier long-métrage de Terence Davies avant son décès en octobre dernier, consacré au poète pacifiste Siegfried Sassoon, et Niki, premier film réalisé par l’actrice Céline Sallette dans lequel Charlotte Le Bon incarne une Niki de Saint Phalle en prise avec la dépression et les démons de l’inceste.

On trouve également au programme le documentaire 14-18, Coup de canon sur le cinéma français de Véronique Garcia, Une Affaire d’honneur de Vincent Pérez qui met en scène la tradition des duels à la fin du XIXe siècle avec pour personnage principal la journaliste féministe et socialiste Marie-Rose Astié de Valsayre, et une avant première de Louise Viollet d’Eric Besnard, dans lequel Alexandra Lamy incarne une institutrice chargé d’imposer l’école de la République dans une campagne.

CHLOÉ MACAIRE 

Festival du Film historique en plein air
Du 17 au 28 août 
Château de l’Empéri, Salon-de-Provence 

« La Mélancolie », de l’amant perdu

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La Mélancolie © 2023「Hotsureru」Film Partners & Comme Des Cinémas

« Bonjour, on pourrait peut-être sortir la couette d’hiver ? – T’as raison, je m’en occuperai – Merci ! »C’est par ces mots banals que commence la journée de Watako (Mugi Kadowaki) qu’on voit seule à l’écran, s’apprêtant à sortir d’une maison aux couleurs froides. Elle monte à bord du train express Hakone 60 où elle retrouve un homme. La caméra ne quitte pas la jeune femme durant cette journée qu’elle passe avec Kimura (Shōta Sometani), son amant depuis un an. Ils font du « glamping » (camping tout confort) à Yamanashi, des selfies, vont regarder s’envoler les avions tout en parlant de leurs familles respectives. Elle est mariée à Fuminori (Kentaro Tamura) qui s’occupe de son fils, revoyant souvent son ex, souvent sous le regard de sa mère. Ces escapades, légères, joyeuses, filmées dans la lumière, permettent à Watako d’échapper à ce qu’elle vit, la routine du couple, des journées sans fantaisie, un quotidien qui lui pèse. Mais au retour d’une de ces parenthèses enchantées, son amant Kimura se fait renverser par un véhicule et meurt. De cela, Watako ne parlera à personne : ni à ses proches, ni à sa meilleure amie, Eri (Haru Kuroki), ni à son mari. Elle ne pleure pas, cache sa peine et son sentiment de culpabilité à tous : elle n’a pas prévenu les secours au moment de l’accident. Comme absente, elle continue à vivre, face à la perte, terrible, définitive, de l’homme qu’elle aimait.

« Ça ne nous regarde pas »

À partir de cette trame narrative, simple, somme toute assez banale, le jeune cinéaste et dramaturge, Takuya Kato, réalise avec La Mélancolie un film délicat, dans une mise en scène très soignée où le choix du cadre et de la palette chromatique soulignent finement les émotions. Certes, il aborde les thèmes universels de l’usure de l’amour dans le mariage, de l’adultère, du deuil, des choix à faire dans la vie mais il fait aussi le portrait d’une société japonaise où respecter excessivement les codes de bienséance peut fermer les cœurs. « La question que j’avais envie de traiter à travers ce film est la question de la responsabilité, le fait de se sentir concerné ou non par les événements que l’on vit. Je crois qu’au Japon il y a une grande tendance à penser qu’on n’est pas concerné, que ça ne nous regarde pas, que ça se passe en dehors de nous. Les gens ont tendance à ne pas s’impliquer dans ce qu’ils estiment être en dehors d’eux.»Mugi Kadowakiincarne à la perfection cette femme frappée au cœur, qui commence à sombrer dans la mélancolie. En sortira-t-elle ?

ANNIE GAVA

La Mélancolie, de Takuya Kato
En salles le 14 août

Histoires de cordes 

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Le Festival international de Piano de La Roque d’Anthéron joue du paradoxe en baptisant « Nuit du piano » une soirée où brille un quatuor, pas n’importe lequel, sans doute l’un des meilleurs au monde, le Quatuor Modigliani. Deux pianistes sont tour à tour à l’honneur, Rémi Geniet et Jean-Frédéric Neuburger. La soirée conçue en deux temps s’attachait d’abord aux Valses nobles et sentimentales de Ravel, sous les doigts de Rémi Geniet dont les attaques franches et la nervosité du style se glissent avec aisance dans la partition dont le titre est un hommage aux deux volumes de valses de Schubert. Si le terme de « valse » a désorienté le public à la création tant les dissonances et les accents de ces pièces leur donnaient une apparence « aventureuse ». Pourtant, en exergue de la partition pour piano on peut lire la citation d’Henri de Régnier « le plaisir délicieux et toujours nouveau d’une occupation inutile »… Entre le côté percussif de certaines phrases et les nuances qui se coulent dans le velouté du Fazioli, le pianiste a une manière bien à lui d’habiter le silence tandis que les dernières notes appréhendent l’infime et se perdent dans la cymbalisation des cigales. Rejoint par le Quatuor Modigliani, Rémi Geniet s’attachait à une pièce historique du répertoire français, le Quintette pour piano et cordes en fa mineur de César Franck. Les accents passionnés de l’œuvre étaient rendus par un tempo sans faille. Le ton dramatique de la première partie, Molto moderato quasi lento, prenait un tour romantique soutenu par la virtuosité des cordes, violon aérien d’Amaury Coeytaux, celui subtilement incarné de Loïc Rio, alto profond de Laurent Marfaing, violoncelle inspiré de François Kieffer. La sublime aria du deuxième mouvement, Lento, con molto sentimento, est d’une intensité prenante, tissés dans ses harmonies complexes. Enfin, le troisième mouvement, Allegro non troppo, ma non fuoco, offre des unissons de rêve, mâtinant son lyrisme d’un sentiment d’urgence où s’emporte l’âme. 

Complicité de longue date

Après l’entracte, c’est le Quatuor Modigliani qui débutait, écho à la première partie en reprenant une œuvre de Ravel, le Quatuor à cordes en fa majeur. On est subjugués par l’art infini des nuances, la virtuosité inventive des pizzicati, la fougue du scherzo, la musicalité du premier violon, le Stradivarius « Prince Léopold » de 1715, la poésie fiévreuse des phrasés qui équilibre les couleurs et réenchantent le monde. Comme en clin d’œil, puisque le quatuor de Ravel est dédié à Gabriel Fauré qui était au moment de son écriture professeur de composition de l’auteur du Boléro, les quatre instrumentistes retrouvaient le pianiste Jean-Frédéric Neuburger, complice depuis plus de vingt ans pour une interprétation magistrale du Quintette pour piano et cordes n° 2 en ut mineur opus 115 de Fauré. La beauté d’une journée d’été se voit condensée dans cette pièce qui fut utilisée au cinéma dans le film de Bertrand Tavernier, Un dimanche à la campagne. Fluidité, frémissements, paysages rêvés, été impressionniste où les strates de lumière vibrent avec une éloquente élégance… L’osmose entre les musiciens fait le reste. 

En bis, le Scherzo du Quintette pour piano en la majeur de Dvořák apportait le tourbillon de sa danse. Un rêve éveillé !

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 29 juillet, Parc de Florans, La Roque d’Anthéron

Uzès électrique 

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Acid Arab © Xi WEG

Certains ont connu le feu festival du Pont du Gard et avec lui tout ce qu’il comportait de têtes d’affiche et d’anecdotes shootées à la légèreté des chaudes soirées d’été. Il faut dire que la région, coincée entre les Cévennes voisines, les champs et la fraîcheur du gardon, offre à un décor idéal à tout raccourci vers la détente et la douceur festive. À Uzès, l’été rime avec saison des spectacles, concerts et autres festivités culturelles, dans un arrière-pays qui en manque souvent cruellement hors saison. Îlot de pierres posé dans la campagne, la ville est un joyau historique datant du IIe siècle avant notre ère. Architecture et monuments sont les témoins de siècles d’histoire, la dotant évidemment d’un fort capital touristique. 

Gard, à vous

Depuis un quart de siècle maintenant, la Ville d’Uzèspropose une programmation grand public et, son nom l’indique, dansante, deux soirs durant. Avec un tarif des plus accessibles, il est inscrit sur la liste des initiatives culturelles indispensables. En plein air, en tenue légère, les soirées allient grands noms et découvertes, à l’instar de cette édition. En effet, l’on pourra savourer un DJ set des superstars Acid Arab, quintet électro parisien pionnier du l’électrorientale, le tout aussi pionnier français de la rave Popof mais aussi des artistes plus locaux ou émergents. Il n’y aura malheureusement qu’un seul nom féminin sur l’affiche, en celui d’Audrey Danza, DJ suisse très portée sur la transe ou l’indus. Plutôt disco avec Pablo Bonzi ou soul funk pour LK aka Labat, la musique électronique semble avoir été traitée avec pluralité. Les Montpelliérains Gotis et Dylan Dylan, rejoints par les Nîmois de Black Accord, défendent notre chère scène électro sudiste.

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Les Électros d’Uzès
Les 2 et 3 août 
Promenade des Marronniers, Uzès (Gard)