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Avant que tout ne disparaisse

Dans La Base, Vadim Dumesh livre une chronique collaborative de la Base arrière des taxis parisiens de Roissy-Charles de Gaulle

La Base ou BAT (Base Arrière Taxi), c’est le centre de transit et d’attente pour 1500 taxis dans la zone aéroportuaire de Roissy Charles de Gaulle. Un lieu refuge pour « des chauffeurs confrontés à un marché en déclin ». Un « paysage » que le jeune réalisateur Vadim Dumesh a désiré intégrer dans un film. Le projet est difficile à réaliser en tournage classique car soumis à une surveillance stricte et aux autorisations administratives. Mais Vadim Dumesh prend son temps et parvient à le finaliser. D’une part grâce aux longs travellings saisis en voiture pendant le confinement de 2020, découvrant un espace désert de béton gris, vision post apocalyptique d’un monde où l’humanité serait effacée. D’autre part, grâce à la collaboration des chauffeurs de taxi eux-mêmes, s’auto-représentant, captant avec leurs smartphones, le quotidien de la base et son déménagement en 2017 pour un nouveau centre plus grand. Enfin, par le montage astucieux de Clara Chapus, mêlant la diversité des points de vue, les langages audiovisuels de chacun des trois protagonistes principaux, leur dialogue avec le réalisateur, les fils narratifs et thématiques qui font unité et sens. Malgré un titre qui s’associe à la stabilité, La Base est un film sur le passage, la mutation, l’instabilité, le tremblé de notre monde et la menace suspendue de sa disparition.

Une communauté en sursis
Chauffeur de taxi à Roissy, ce n’est pas un boulot pour les Français. Pas d’horaires, un salaire de misère, « c’est bon pour les Immigrés », dit une Africaine, précisant en rigolant qu’il y a toujours eu des Immigrés – même Jésus en Egypte, et qu’il y en aura toujours. Ces damnés du volant, Laotiens, Thaïlandais, Maghrébins, Africains, ont souvent plus de 60 ans au compteur ! Ils ont transformé leur lieu de travail, cet immense parking à ciel ouvert, en lieu de vie. On y mange (les cuisines du monde : couscous, ou nouilles asiatiques). Pendant les interminables attentes, on y écoute et on y joue de la musique, on fait du karaoké. On philosophe autour d’un thé ou d’une chicha. On peut jouer au tennis de table dans des espaces aménagés ou au jeu de go sur des tables improvisées. On jardine aussi. Sur le mini terrain vague bordant le parking et les voies bétonnées, Ahmad flanqué de son chien, a planté de la roquette, des piments, des tomates bio et un arbuste venu du Maroc, qu’il transplantera dans la nouvelle base, malgré son caractère plus policé. Fragile résistance à l’inhumanité. Ahmad, qui saura s’arrêter pour aller cultiver son jardin avec sa famille. Tout est allé trop vite : la révolution informatique, l’ubérisation. Et maintenant, la menace des taxis robots chinois. De sa voix éraillée comme dans un hurlement empêché, Jean-Jacques prédit la fin. Il veut faire mémoire par le cinéma avant que tout ne disparaisse et que nous ne vivions dans un monde aussi fantomatique que celui que nous avons connu pendant la pandémie. Mme Vong, résolument positive, malgré la fatigue de son visage, fait un tuto sur le lavage de son véhicule, avec un litre d’eau et un chiffon. Tous sont suspendus à une nouvelle mutation technologique qui les exclurait ou à une catastrophe qui les, qui nous, anéantirait.

ÉLISE PADOVANI

La Base, de Vadim Dumesh
En salles le 3 avril
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