mardi 1 juillet 2025
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Une autrice est née

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Audrey Sabardeil est marseillaise. Professeur de lettres, elle a grandi dans les quartiers Nordde cette ville, sa ville, qu’elle aime mais dont elle connait aussi tous les zones d’ombres, les lieux interlopes où se développent les trafics en tout genre : drogues, êtres humains, proxénétisme, contrats juteux, appels d’offres truqués. Comme dans tout bon polar, Cargo blues nous embarque sur les traces de politiques corrompus flirtant avec des hommesd’affaires prêts à tout pour conquérir de nouveaux marchés, d’avocats véreux magouillant sans vergogne avec des policiers ripoux, de proxénètes abusant de la faiblesse de jeunes et belles réfugiées… 

Il y a du Fabio Montale

Nul doute que les deux héros d’Audrey, Fab, baroudeur bourru au grand cœur qui navigue entre Marseille et la Corse et Angélica l’assistante sociale qui tente avec énergie d’aider les jeunes et familles des quartiers défavorisés, auraient plu à Jean-Claude Izzo, le premier maîtredu « polar aïoli ». D’ailleurs le Fab de Sabardeil et le Fabio Montale ont en commun un cabanon qui donne sur la mer et voisine avec les gabians.

La jeune écrivaine, qui avait déjà publié deux premiers romans dans une maison confidentielle et gagné plusieurs prix de nouvelles comme celui du Cercle des Polardeux(Melmac, 2024), entre de plain-pied dans ce monde du polar marseillais jusqu’à maintenant – et en dehors de Marie Neuser – presque exclusivement masculin. 

Aufrey Sabardeil © X-DR

En la prenant dans son écurie, Marie-Pierre Gracedieu fondatrice de la maison d’édition LeBruit du Monde féminise son catalogue d’auteurs locaux. Audrey rejoint les très remarqués Rémi Baille (Les enfants de la crique, 2024) et Christian Astolfi (De notre monde emporté 2023, L’œil de la perdrix 2024). Son polar est prenant, plein de finesse, de précision, documenté, haletant de bout en bout. En refermant le livre, Fab et Angelica, comme deux vieux copains avec lesquels on aurait grandi au quartier nous manquent déjà. À quand une saison 2 ?

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Cargo Blues, d’Audrey Sabardeil 
Le bruit du monde - 21 €

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Excellence et partage au Festival de Pâques

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pâques
Léa Dessandres © Caroline Doutre

Avec ses 21 concerts prestigieux et ses manifestations gratuites dans 35 lieux, le Festival de Pâques s’impose comme le plus grand rendez-vous printanier d’Europe en musique classique. Pour cette édition, le directeur artistique – et célèbre violoniste – Renaud Capuçon a souhaité mettre en avant le violoncelle. Grand moment attendu avec les 12 violoncelles du Philarmonique de Berlin. Ces instrumentistes, parmi les meilleurs d’Europe, ont concocté un programme classique et jazz (22 avril). On pourra aussi entendre Kian Soltani (accompagné par Renaud Capuçon au violon et Mao Fujita au piano) dans les trios N°1 de Schubert et de Brahms (14 avril).

Pablo Fernandez se produira, lui, pour la première fois au Festival avec le pianiste Luis del Valle. Ils interpréteront la Sonate op 69 de Beethoven et la n°1 de Brahms (18 avril). Julia Hagen, fidèle d’Aix, sera l’invitée de l’Orchestre de chambre du Festival de Verbier pour Le concerto pour violoncelle d’Elgar (21 avril). Enfin, l’Orchestre de chambre du Festival Pablo Casals fera résonner au Grand Théâtre de Provence la « Grande » Symphonie de Schubert en compagnie de Gauthier Capuçon qui interprètera le Concerto pour violoncelle n° 1 de Chostakovitch (25 avril). 

Du piano aussi 

Pour autant, le festival reste fidèle à ses premières amours. Les Leçons de piano réuniront les grands interprètes de l’instrument et tout d’abord la légende Martha Argerich en ouverture de l’édition 2025, accompagnée de l’Orchestre du Capitole Toulouse pour le Concerto n°1 de Beethoven (11 avril). Le lendemain Rudolf Buchbinder donnera vie au Concerto pour piano n°1 de Brahms. 

Bertrand Chamayou quant à lui emmènera le public dans l’aventure d’une intégrale de la musique pour piano de Ravel (13 avril). Enfin, pianiste prodige, la jeune Alexandra Dovgan, révélée il y a dix ans à Moscou, articulera son programme autour de trois sonates : Op 11 de Beethoven, Op 22 de Schumann et Op 1 de Prokofiev (17 avril). 

Alexandra Dovgan © Irina Schymchak

Avec Elles

Le festival met aussi à l’honneur deux instruments moins célébrés, la flûte et la harpe défendues par Mathilde Calderini et Anneleen Lenaerts. La première fait la part belle aux femmes dans le programme Avec Elles qui mêle pièces écrites par des compositrices commeCécile Chaminade ou Mel Bonis (17 avril). La seconde, qui sera la marraine du traditionnel concert Génération@Aix qui promeut de jeunes talents, est la huitième femme à avoir rejointle prestigieux – et ô combien machiste – Philarmonique de Vienne. Le programme qu’elle défend sera français : Ravel, Fauré, Debussy… (19 avril)

Le baroque ne sera pas oublié. La mezzo-soprano Léa Dessandre revient au festival avec un programme Haendel (15 avril) et le chef Emiliano Gonzales Toro dirigera Les Vêpres de la vierge de Monteverdi, œuvre charnière entre Renaissance et baroque (16 avril).

Sacrée musique

Week-end de pâque oblige, le Festival, programme comme tous les ans sa « Passion » de Bach. Cette année ce sera celle Selon saint Mathieu servie par l’ensemble Les Ambassadeurs- La Grande écurie. Les Talens Lyriques emmenés par Christophe Rousset interprèteront pour leur part l’Oratorio de Pâques, 300 ans après sa première audition le dimanche de Pâques1725 (20 avril). 

Musique en partage

« On ne peut pas réserver un festival comme celui-ci à un petit nombre de personnes. Nous souhaitons que tous ceux qui ne peuvent pas se déplacer, qui pensent que la musique classique n’est pas pour eux, qui peuvent rencontrer des problèmes financiers puissent partager avec nous » déclare Dominique Bluzet, directeur du Festival.  

Dans le cadre de la programmation « Musique en partage », un grand concert sera offert aux Aixois le jour de Pâques avec l’Orchestre du festival de Verbier qui interprétera des extraits des Sept dernières paroles du Christ en Croix de Haydn. Quatre masterclass publiques, des ateliers pour enfants et des concerts gratuits seront organisés en ville, dans des hôpitaux et des Ehpad. 

En partenariat avec le Carnegie Hall de New-York, le projet Une chanson douce sera mené avec des familles aixoises en difficulté suivies dans l’unité de périnatalité de l’hôpital Montperrin. Nouveauté cette année avec la création de La petite académie de Pâques qui permettra à de jeunes élèves de conservatoires ruraux de venir, travailler, au côté des plus grands. Un festival qui prouve qu’exigence et partage peuvent cohabiter avec bonheur.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le Festival de Pâques se déroule du 11 au 27 avril à Aix-en-Provence. 

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Aix : le printemps sera choro

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Abel Luiz ©️ X-DR

Il n’est pas rare, en France, d’entendre ici ou là quelques notes de choro, sortir d’un bar, souvent bondé, et aux vitres embuées. Le choro, cette musique brésilienne populaire datant du XIXe, connaît depuis plusieurs années une popularité grandissante dans l’Hexagone, souvent porté par une diaspora dynamique et prosélyte de bonnes ondes. Pas étonnant que le Festival international de choro ait vu le jour en 2023 à Aix-en-Provence, et qu’il se poursuive cette année du 14 au 20 avril, toujours porté par l’association La Roda. 

Bonne surprise pour cette édition 2025, l’obtention du label France-Brésil, qui permet au rendez-vous d’accueillir huit artistes venus du Brésil. Notons par exemple la venue d’Abel Luiz, figure majuscule de la scène de Rio de Janeiro. Auteur, compositeur, multi-instrumentiste… sa présence est un événement dans l’événement, puisqu’il posera ses notes sur le sol européen pour la première fois. Du Brésil viendront aussi le cavaquiniste Jayme Vignoli et le mandoliniste Marcílio Lopes, tous deux connus pour être membres du groupe Água de Moringa ; passent aussi la venue du batteur Marcus Thadeu – qui a notamment travaillé avec Gilberto Gil, ou Paulo Aragão (guitariste à 7 cordes et arrangeur), et le clarinettiste Rui Alvim

Le choro macho ? 

Que des hommes brésiliens donc, qui vont traverser l’Atlantique. La seule femme à l’affiche du festival est la Japonaise Naomi Kumamoto. Flûtiste, elle a découvert le choro avec Mauricio Carrilho en 2000 au Japon, qui lui produit son premier disque Naomi vai pro Rio en 2003. Un titre prophètique, puisqu’elle s’installe au Brésil l’année suivante, où elle vit toujours, et continue de jouer et d’enseigner cette musique. 

Autre temps fort du rendez-vous, la création du spectacle L’heure du bœuf, par le duo aixois Luzi Nascimento qui reviendront, accompagnés par « un ensemble des plus éminents musiciens brésiliens de choro », sur le voyage de Darius Milhaud au Brésil (17 avril à la Manufacture).

Le Festival international de choro c’est aussi deux concerts-conférences, une exposition photographique, et une grande masterclass de cinq jours, du 14 au 18 avril à la Manufacture, avec tous les artistes brésiliens qui ont fait le voyage. 

NICOLAS SANTUCCI  

Festival international de choro
Du 14 au 20 avril
Divers lieux, Aix-en-Provence 
Toute la programmation sur laroda.fr

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Les Trocks : 50 ans entre drag et Bolchoi 

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Trocks
© Roberto Ricci

Créée en 1974, les Ballets Trockadero de Monte-Carlo fêtaient l’année dernière leurs 50 ans. L’occasion pour la célèbre compagnie de ballet comique composée exclusivement d’hommes de réaliser une tournée mondiale pour proposer le meilleur de leur répertoire. Ce spectacle, intituléBest Of, est composé du deuxième acte du Lac des Cygnes, du Pas de quatre de Puccini, de La Mort du Cygne et La nuit de Walpurgis. Ce dernier acte, tiré du Faust de Gounod, est chorégraphié par la danseuse russe Elena Kunikova, avec qui les Trocks collaborent étroitement depuis 20 ans.

Tableau après tableau, les Trocks enchaînent les gaffes, les chutes, et les grimaces sous les rires du public. Et redoublent devant la Mort du Cygne qui, vacillant sur ses pointes, perd les plumes qui composent son tutu. Le brio des Ballets Trockadero repose sur l’équilibre entre cet humour parodique, largement inspiré par le slapstick et le burlesque, et la parfaite maîtrise technique.  

Un peu d’histoire 

Au début des années 1970, la communauté LGBTQ+ et en particulier la scène drag new-yorkaise est en pleine effervescence suite aux émeutes de Stonewall, un violent soulèvement de cettecommunauté contre la répression policière dont elle était victime. C’est dans ce contexte que sont créés les Ballets Trockadero. Sans le revendiquer, le directeur artistique des Ballets Tory Dobrin affirme le lien des Trocks avec l’art du drag. Un drag théâtral, dit-il, dans lequel il n’est pas question « dimiter des femmes » mais d’incarner des personnages féminins inspirés par les grandes divas du ballet traditionnel russe.

CHLOÉ MACAIRE 

Le spectacle a été joué les 25 et 26 mars au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.

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Corps de filles ?

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Toxic (C) les Alchimistes

Dans un vestiaire tout en longueur, une jeune fille tout en jambes. Hors champ des voix de filles qui se moquent : « T’as vu comment elle marche avec son maillot de bébé ? C’est une boiteuse ! »

La « boiteuse » c’est Marija, 13 ans, (Vesta Matulytė). Confiée à sa grand-mère par sa mère qui n’a pas de place pour elle, elle vient d’arriver dans cette ville grise, post-industrielle, à l’horizon barré de tours et d’installations électriques. Sur une place délabrée, des jeunes envoient un ballon dans un panier de basket. Marija qui s’en approche se fait rejeter par les filles. La plus virulente est Kristina (Ieva Rupeikaitė), avec qui elle se bat sauvagement en pleine rue. Cette inimitié instinctive se transforme quand un événement est annoncé dans cette ville terne que la centrale électrique semble encercler et enfermer : un casting pour une école de mannequinat. Marija et Kristina vont devenir inséparables pour tenter d’être sélectionnées.

Elles sont prêtes à tout pour quitter cet univers qui les étouffe. Prêtes à tout pour correspondre aux critères de poids imposés : sauter des repas, se faire vomir, ingérer des vers solitaires que Kristina fait commander sur le dark web. Elle se procure aussi des piercings et quand, par erreur, en arrive un prévu pour la langue, Kristina est prête à souffrir. Et le spectateur aussi pour cette séquence filmée en gros plan. Des plans plus larges, et fixes, filment les paysages ; parfois à travers des grillages, avec un ciel si bas qu’il semble les écraser.

Une claque

On l’aura compris, Toxic, le premier long métrage de la Lituanienne Saulė Bliuvaitė, porté par l’excellente interprétation de ses comédiennes principales, n’est pas un film confortable. On y voit des corps maltraités, ceux de filles entre enfance et adolescence pour qui c’est l’unique porte de sortie. Un corps qui doit diminuer de volume, se faire liane, tige, changer. 

« Toxic comme les standards de beauté toxiques, les relations toxiques, le paysage toxique, la masculinité toxique… Et je pensais à toutes ces toxicités auxquelles on est exposé quand on est jeune concernant les réseaux sociaux, les premières fois, les premiers baisers »a précisé la réalisatrice,récompensée du Léopard d’Or au dernier festival de Locarno. Un film comme une claque !

ANNIE GAVA

Toxic, de Saulė Bliuvaitė
En salles le 16 avril

7 semaines en Ouzbékistan

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Dans un petit village de la campagne ouzbek, un couple de paysans âgés. La femme allume un brasero, et l’homme se repose. À la nuit tombée, ils s’occupent de leurs bêtes ; et regardent la télé. Une vie ordinaire, tranquille, rude, loin de l’agitation de la vie de la vie moderne que vont venir bouleverser les deux fils, en particulier le plus jeune : il va se marier et compte démolir la maison pour en construire une nouvelle. Il a réussi à l’étranger, et peu à peu, va introduire dans cette vie simple la « modernité ».

C’est le quotidien de ce couple, durant sept semaines, que dépeint superbement le jeune cinéaste ouzbek Shokir Kholikov dans son premier long métrage, Dimanches. Un quotidien rythmé par la livraison « surprise », et pas souhaitée, d’appareils ménagers qui remplacent ceux qu’ils utilisent depuis des années. Des séquences traitées avec délicatesse et une touche d’humour. Difficile d’utiliser la nouvelle gazinière qui fonctionne sans allumettes, la télécommande qui dispense de se lever pour changer de chaine, le réfrigérateur qui ne fait pas de bruit !

« Il en fera quand il vieillira » commente le vieil homme, superbement interprété par Abdurakhmon Yusufaliyev. Son visage exprime tour à tour l’étonnement, la colère, l’indignation devant cette technologie qui vient perturber leur quotidien paisible, frugal mais riche de valeurs humaines. Le vieil homme est certes bourru, taiseux, machiste, mais la caméra bienveillante du cinéaste nous fait comprendre sa détresse. Sa femme, extraordinaire Roza Piyazova, courageuse, tenace, essaie de concilier la volonté de ses fils et son attachement à sa terre ainsi qu’à son mari : « Ce sont eux qui restent ».

Une métamorphose

La caméra du directeur de la photographie, Diyor Ismatov, a su saisir la beauté des gestes traditionnels : resteront en mémoire le travail de la laine, le filage, la teinture des fils, rouges jaunes, noirs, bruns, qu’on accroche dans la cour, contrastant avec le bleu des portes, le tissage sur un métier à tisser des plus rudimentaires. Et une des plus belles séquences du film, la fabrication de la pakhsa (sorte de pisé) pour réparer les murs malgré la destruction annoncée de la maison.

À la fois scénariste, réalisateur et monteur, Kholikov sait rendre la beauté de cette vie hors du temps dans un style poétique qui fait parfois penser aux premiers films de Kiarostami. Il fait aussi réfléchir au temps qui passe, à notre époque où « seul le résultat compte ». Il donne à voir un monde qui se transforme, même dans les territoires les plus excentrés, et pense les répercussions de ces changements de normes sur les croyances enracinées. Mais plus fondamentalement de « plonger dans la profonde métamorphose de l’esprit humain. »

ANNIE GAVA

Dimanches, de Shokir Kholikov
En salles le 12 mars

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Oxana  « Sans combat il n’y a pas de vie »

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Oxana(C)Diaphana

En exergue, on peut lire ; «  ce film est librement inspiré de la vie d’Oksana Chatchko » . C’est à partir de rencontres, de témoignages, en particulier du documentaire d’Alain Margot, Je suis Femen, que Charlène Favier la réalisatrice de Slalom, a fait le portrait de cette femme, co- fondatrice avec Anna Hutsol et Oleksandra Chevtchenko, du mouvement FEMEN en avril 2008 et  qui a mis fin à ses jours le 23 juillet 2023 à l’âge de 31 ans.

Une fête traditionnelle, des feux, des bougies sur des couronnes, des fillettes qui dansent, images floutées, dans des couleurs chaudes ; la fête de Kupala et une petite fille qui murmure « Je veux épouser Dieu ». Juste avant le titre OXANA. C’est son trajet, son combat que va nous retracer la cinéaste, de 2002 à Khmelnytskyï en Ukraine au 23 juillet 2018 19h à Paris. En passant par Kiev,Minsk , Moscou. Allers retours entre son adolescence marquée par les traumatismes familiaux et la pauvreté, sa relation avec la religion orthodoxe, son activité de peintre d’icônes, son désir de liberté, sa prise de conscience et pour finir a solitude, son désarroi, son désespoir.

Un beau portrait

Par petites touches, Charlène Favier construit son Oxana : « Je raconte l’Oxana habitée, l’Oxana christique, l’Oxana mystique, l’Oxana qui est un peu alchimiste. Aussi la créatrice, l’artiste »  Se peint ainsi peu à peu le portrait de cette femme avec toutes ses ambigüités. Des plans comme des tableaux : couleurs chaudes des scènes  où les trois fondatrices, Oxana et ses amies, Lada (Lada Korovai) et Anna ( Oksana Zhdanova) construisent leur mouvement  FEMEN, leurs combats, et préparent leurs actions contre l’oppression. Couleurs sombres des séquences où elles se font arrêter et torturer. Couleurs froides des rues de Paris où Oxana traine sa solitude après avoir été mise de côté par Inna Shevchencko (MarinaKoshkina) .Et le visage d’Oxana , souvent filmé, en gros plan, lumineux, comme incandescent, visage christique. Une icône comme celles qu’elle peint, transforme, détourne et qui vont être exposées  à Paris. Un film sous le signe de la peinture : on découvre  les toiles d’Oxana puis celles d’ Apolonia Sokol ( Noée Abita , Lyz dans Slalom) qui devient son amie. On voit les « seins qui  attirent l’attention » et qui, dénudés, peints de slogans deviennent des objets qui protestent .Le corps même d’Oxana devient tableau tels les artistes du body painting. « You are fake » lance t-elle à la fin…Un message adressé au monde qui ne réagit pas face aux dictateurs qui violent les droits humains mais aussi à tous ceux qui se mettent en avant au détriment du combat

 « .Faire ce film, c’était aussi une manière pour moi de  rendre justice à Oxana  visionnaire, artistiquement mais aussi politiquement. Son engagement et celui des Femen n’a malheureusement jamais été d’autant d’actualité. » précise  Charlène Favier.  Certain.e.s pourraient lui reprocher de ne pas avoir décrit assez précisément  les actions du mouvement femen  « l’un des mouvements les plus importants du XXIe siécle » comme indiqué dans le synopsis. D’autres d’avoir fait une icône de celle qui croyait surtout à la lutte collective. Et pourquoi pas ? Oxana  est  le portrait réussi d’une femme qui s’est battue, superbement interprétée par Albina Korzh,  que la musique de Delphine Malaussena accompagner avec élégance et justesse.

Annie Gava

Le film sort en salles le 16 avril

Attentifs, ensemble 

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HANATSUmiroir Attentifs, ensemble © Gregory Massat

Avant le festival Propagations, son grand rendez-vous annuel, le GMEM poursuit l’accueil d’artistes novateurs, qui détricotent la musique pour mieux la restituer. Ce 15 avril à la Friche la Belle de Mai, le Centre national de création musicale propose la création Attentifs, ensemble, menée par la compositrice Elsa Bitton et l’ensemble strasbourgeois HANATSUmiroir.

Pour cette pièce, les artistes entendent partager le « faire-musique » avec les auditeurs·ices, par l’intermédiaire d’un texte projeté. Une expérience « pour modifier la consistance de la réalité, en faisant émerger la sensation d’un corps collectif ». Beaucoup de mots, vivement la musique.

NICOLAS SANTUCCI

15 avril
Friche la Belle de Mai (petit plateau)

Un certain goût de la fête

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Festa major (C) La traverse

« Je pense à ce village qui m’apporte ma part d’éternité ». Ce village, c’est Fillols, en pays Catalan, au pied du Canigou. Jean-Baptiste Alazard y vit toute l’année, y écrivant ses films qu’il tourne en 16mm.

Fillols vit au rythme d’une fête, la Festa major, que les Fillolois préparent durant six mois et dont ils se souviennent tout l’hiver. Une fête plus que centenaire, où durant trois jours et trois nuits tout le village respire au rythme de la musique et de la danse. Et ceux qui n’habitent  plus dans le village, « en exil pour le travail »,y reviennent vivre des moments de convivialité et de vie différente.

Et la cuisson des escargots

Jean-Baptiste Alazard a voulu partager cette célébration de la vie et plonge le spectateur en immersion totale dans la fête : des séquences tournées en 2022 et 2023, habilement montées. Il est à la caméra, accompagné de Vincent Le Port et ils ont su rendre palpable la liesse, la ferveur de tous ceux, hommes et femmes, vieux et jeunes qui dansent, chantent, boivent, mangent, oubliant tout ce qui n’est pas dans l’instant, une invitation au lâcher prise.

Une célébration de la vie par la couleur, la lumière, et les sons. On assiste aux préparatifs : le transport de troncs, le collage d’affiches, les discussions sur la cuisson des escargots, la finition des costumes et des coiffes, la mise en place des chaudrons, la répétition des orchestres.

Puis vient la fête. Danses modernes ou anciennes, rondes autour de l’arbre au centre du village. On regarde une photo ancienne et on évoque des souvenirs, on espère voir le rayon vert… Un feu d’artifice de couleurs et une explosion de musique. Rendez-vous à Fillols l’été prochain ?

ANNIE GAVA

Festa Major, de Jean-Baptiste Alazard
En salles le 16 avril

Stans 

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Ana Perez ©️Audrey Chazelle

Ana Perez, magnifique danseuse flamenca tient fermes ses appuis. Elle est debout – comme l’indique le nom de la pièce en latin, Stans – pas forcément Mater dolorosa, mais obstinée, et foudroyante de ses talons sur le sol. Reprenant la figure de la mère qui ne fléchit pas face à la crucifixion de son fils, la danseuse réinvente un flamenco qui se nourrit de danse contemporaine et de récits universels. 

Tout comme José Sanchez réinvente le théorbe, instrument de la Renaissance italienne, frère de tous les luths méditerranéens au double manche démesuré. Un duo grave, qui fait émerger le passé comme une forme nouvelle.

AGNÈ!S FRESCHEL

15 avril
Klap - Maison pour la danse, Marseille