mercredi 27 novembre 2024
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Accueillir le monde

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N’Guni, voyage musical en terres africaines, Djéké Isaac Koffi Châteauvallon Liberté © XDR

A Châteauvallon le traumatisme de l’extrême-droite reste vivant, et la menace qui pesait au début du festival n’est pas effacée. La vague brune est largement revenue sur Toulon, qui semble prête à renouer avec son passé catastrophique de première grande ville française gagnée par le FN.

Chateauvallon fut, à cette époque, un repaire de résistance artistique,par les musiques et par la danse. Un esprit que la soirée de clôture ne manque pas de rappeler, en progammant le duo de cirque de la Mondiale GénéraleRapprochons-nous, ou comment partager l’espace et vivre à deux en haut d’un étroit piquet. Et le concert conté de Djéké Isaac Koffi, qui invite le spectateur dans son processus créatif, fait de traditions mêlées, et de samples subtils. Tout un monde, africain, commun.

AGNÈS FRESCHEL

Rapprochons-nous et N’Guni, voyage musical en terres africaines ont été donné le 23 juillet à la Scène Nationale de Chateauvallon Liberté

Pichon conjugue Mozart au plus-que-parfait

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La clémence de Titus © Vincent Beaume.

Dernière œuvre programmée au Festival d’Aix, La Clémence de Titus au Grand Théâtre de Provence alignait ce qui se fait de mieux en cette matière si mozartienne. On peut parler de clôture de Festival en splendeur ! Une direction musicale d’une rare intelligence et d’une sensibilité de chaque note et une distribution, n’ayons pas peur des épithètes, exceptionnelle.  Avec ce dernier opéra, Mozart revenait au genre « seria », et l’ouvrage est un peu délaissé au profit de sa Flûte, mais contemporain du Requiem et du concerto pour clarinette. Une ultime et riche année créatrice pour Mozart. 

Dès les premiers accords de l’ouverture on comprend vite que Raphaël Pichon et son Ensemble Pygmalion (les maîtres d’œuvre de la résurrection du Samson de Rameau) sont partis prestissimo pour décaper le genre un rien compassé de l’opera seria. Le chef, avec une rare acuité musicale, dégage l’ouvrage de la gangue de marbre antique dont on l’affuble trop souvent. Il lui redonne chair et sang. Un peu comme lorsqu’on restaure un tableau, lui ôtant la patine vernissée qui l’assombrit,  on en ravive la fraîcheur des couleurs et l’intensité des contrastes. C’est d’une légèreté insoupçonnée et d’une sensualité, d’une vivacité de chaque instant. 

Triomphe  de Marianne Crebassa

Les voix alignées pour cette version concertante sont elles aussi à la hauteur du défi. Le ténor Pene Pati dans le rôle titre du débonnaire empereur Titus joue d’un timbre on ne peut plus mozartien. Karine Deshayes en grande forme est une Vitellia dont l’autorité et la virtuosité vocale s’imposent dans une partition qui, sous une telle baguette, rejoint déjà ce que seront les Rossini, Bellini et consort. Lea Desandre et Nahuel Di Pierro sont de l’aventure de Samson. Elle, chante un Annio gracieux et virtuose, lui, impose l’autorité d’un Publio d’un fort beau baryton. Emily Pogorelc chante Servilla d’un soprano vigoureux et élégant. L’air de Sesto (Sextius) au premier acte, accompagné à la clarinette, ce soir là, instrument d’époque oblige, au cor de basset est un véritable concerto pour voix et instrument. 

Le duo de la mezzo Marianne Crebassa et de Nicola Boud suspend le temps. On entre dans ce que la musique offre de meilleur. L’équilibre est parfait. Un pur moment de grâce. Le public leur fait un triomphe amplement mérité. Une clôture en beauté pour un Festival d’Aix 2024 en fort bon aloi.   

Patrick De Maria

La Clémence de Titus a été donné le 21 juillet au Grand Théâtre de Provence dans le cadre du Festival d’Aix en Provence

Evadons-nous 

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Germinal, Les Batteurs de pavés © Grigou

Acteur incontournable du paysage culturel haut-alpin – installé dans le dynamique village de Veynes, où elle organise déjà chaque automne La fureur de dire, festival consacré à l’art oratoire –, la compagnie du Pas de l’oiseau a réussi un joli tour de force : fédérer les acteurs locaux pour créer un nouvel événement itinérant dans le Buëch Dévoluy, en partenariat avec la Communauté de Communes. Malicieusement intitulé La Grande Évasion, l’événement prévoit de mêler spectacles et rendez-vous de (re)découverte du territoire, à la rencontre de ses secrets et merveilles qui y fourmillent – entre forêts alpines, cieux vierges de toute pollution lumineuse ou patrimoine roman méconnu. « Une invitation à vagabonder dans notre vallée du Buëch au gré de ses trésors cachés. Une escapade pour se rappeler de prendre soin de ce qui nous entoure, de ce qui nous relie, pour célébrer la vie, les gens et ce territoire magnifique que l’on chérit tant ! S’évader, s’échapper, en train, à vélo, à pieds » : le credo des organisateurs Amélie Chamoux et de Laurent Eyraud-Chaume est clair. En matière de mobilité douce, le territoire s’y entend, si l’on se rappelle que Veynes, cité cheminote du XIXe siècle, constitue encore de nos jours une incontournable étoile ferroviaire reliant littoral, Hautes-Alpes, Drôme et Isère, en traversant des paysages enclavés à couper le souffle.

Immersions toniques  

Cinq communes se prêtent au jeu de cette première édition. Le programme Sortons des rails les investit chaque matinée à tour de rôle, pour en révéler les singularités : balade à vélo à Saix (le 29 juillet), randonnée en forêts anciennes à Montmaur (le 30 juillet), conférence astronomique au Dévoluy (le 31 juillet), histoires d’auberges à Saint-Pierre d’Argençon (le 1er août), découverte du patrimoine ferroviaire à Veynes (le 2 août)… Ici bien sûr, pas de ronflante conférence, mais une immersion faisant coller le fond et la forme dans des formes inventives qui titillent les membres – arpentages et carnet de croquis bienvenus – autant que les méninges. Le soir venu, place aux spectacles après un repas partagé. Parmi les différentes propositions mêlant conte, théâtre de rue ou musique, citons les excellents Batteurs de pavés et leurs interprétations bondissantes de classiques – ici, un digest de Germinal –, les souvenirs à bicyclette de la délicate Bouillonnante ou encore les clowns musicaux de Gorgomar, mais aussi les contes sous les étoiles de Philippe Imbert, Caroline Loze et Alex Pattie ou les virevoltants récits de capes et d’épées de l’AFAG Théâtre. Sur toute la durée du festival, un plateau radio sera animé par des jeunes du coin, initiés en journée à l’art de l’antenne au sein d’un studio radiophonique mobile innovant.

JULIE BORDENAVE

La grande évasion
Du 29 juillet au 2 août
Dans le Buëch Dévoluy

lagrandeevasion05.fr 

Arènes sur Courts

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Festival Phare 2022 © Phare

Les films en compétition internationale seront projetés sur les deux premières soirées à partir de 21h 30. 

Acte 1 : un vendredi consacré au cinéma d’animation (qui, faut-il le rappeler, n’est pas réservé qu’aux enfants !) avec un premier rendez-vous à 20h pour une table ronde avec Sud anim, Do not disturb, MOpA, Tu Nous ZA Pas Vus, suivie d’une lecture-signature d’Hippolyte Girardot, invité d’honneur. L’acteur-réalisateur-écrivain nous parlera de son livre sur les ateliers de cinéma menés dans les années 80, de son film d’animation Blaise, primé à Annecy en 1979 et de son dernier roman Un film disparaît, polar autobiographique et hommage aux rencontres improbables de la vie. 

Les sept animations sélectionnées nous conduiront entre autres, à Istanbul avec trois frères chauves (Beautiful Men, Nicolas Keppens), en Angleterre pour suivre des saumons anthropomorphes en écoutant la voix de Marianne Faithfull (Wild Summon, Saul Freed, Karni Arieli). Ou, dans la mer, à la surface de laquelle remontent les souvenirs mouvants d’une existence d’homme (Papillon, Florence Miailhe). Comme remonte le passé d’un survivant de l’Holocauste dans Letter to a pig de Tal Kantor (nominé aux Oscars)

Humour fédérateur

Acte 2 : la soirée du samedi, fédérée par l’humour (léger, corsé ou carrément noir) s’ouvrira avec Riton Lebman. Lecture-signature de La Vedette du quartier, premier roman, dans lequel l’auteur raconte, avec auto dérision, son parcours chaotique après son succès dans Préparez vos mouchoirs de Bertrand Blier.  Dans la sélection des neuf courts métrages qui suivront, notons un film de Hugo David et Raphaël Quenard qui incarne un acteur que personne ne comprend et l’étrange La Cascada du Mexicain Pablo Delgado qui imagine un homme pleurant sans s’en apercevoir.

Des femmes

Acte 3 : un dimanche dédié aux Femmes dans le cinéma, thème cher à la manifestation arlésienne. Le ciné débat du jour sera consacré à Isabelle Masson avec la signature de son ouvrage : Le plus ancien cinéma du monde. L’histoire de L’Eden racontée par Pilou un petit chat roux. Le palmarès s’accompagnera d’une performance d’Esmé Plachon autour de son personnage fétiche : Kay Mirabelle, « actrice sur-joueuse depuis 129 ans ». On pourra découvrir des courts métrages hors compétition de réalisatrices dont Moi aussi de Judith Godrèche. Laurent Bernard au piano et Julien Kamoun à la batterie et à la sciemusicale complèteront ce programme festif par un ciné-concert (à partir de 6 ans) : Elles n’en font qu’à leur tête reprenant les figures féminines hors normes du burlesque, rebelles, créatives, libres.

ELISE PADOVANI

Festival Phare
Du 26 au 28 juillet
Théâtre antique d’Arles

Le Thoronet, l’art en partage 

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Rodrigo y Gabriela © X-DR

Les Nuits blanches du Thoronet est un festival de musiques actuelles, mais pas seulement. Depuis plus de 20 ans, avant même son arrivée au Thoronet (il avait à l’origine lieu dans le village voisin de Cannet-les-Maures), l’évènement est impliqué avec l’association Enfants du monde. Une partie des recettes est ainsi reversée à l’ONG afin de soutenir financièrement des projets humanitaires au Burkina Faso visant notamment à œuvrer contre la malnutrition. Les Nuits Blanches ont également des partenariats avec d’autres organisations comme Amnesty International et la Ligue des droits de l’Homme. Solidarité et la tolérance sont au centre de ce projet qui a pour ambitions conjointes de créer du lien entre les habitants du territoire, et de s’ouvrir sur le monde par le partage des cultures.

Dans l’optique de créer des moments de partage intergénérationnel, le festival programme différents formats de spectacles tout au long des trois soirées et dans différents lieux de la ville. On commence donc par des spectacles gratuits dans la cour de l’école primaire allant de contes sur l’environnement à du cirque avec T’es rien sans la terre. On retrouve ensuite des fanfares et des groupes locaux comme Acoustica, et Ohm Sweet Ohm.

Têtes d’affiche

Puis viennent les artistes français ou internationaux reconnus comme le groupe de blues créole Delgres, de la Franco-Suisse-Sénégalaise Madjo avec sa voix légère et sa pop novatrice, ou encore du duo de guitaristes acoustiques Rodrigo y Gabriela qui fusionnent métal et flamenco, récompensés notamment d’un Grammy Award. Mais aussi Fatoumata Diawara, grande chanteuse malienne qui s’inspire des chants traditionnels Wassoulou qu’elle infuse de jazz, et nourrit de ses collaborations avec de nombreux artistes comme Damon Alburn et -M-.  Également à l’affiche l’électrisant Akira & le Sabbat, un groupe électrisant jeune et queer qui brise les frontières entre les différents genre musicaux 

CHLOÉ MACAIRE 

Les Nuits blanches du Thoronet
Du 25 au 27 juillet 
Divers lieux, Thoronet 

Illégal et dangereux pour la République

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© X-DR

Zébuline. Pourquoi vous opposez-vous au Rocher Mistral ? Qu’est-ce qui pose problème dans cette entreprise ? 

Xavier Daumalin. Les problèmes sont multiples, et de plusieurs dimensions. D’abord, le Rocher Mistral a été conçu sans les autorisations nécessaires, et ne respecte aucune des lois de l’urbanisme et du patrimoine. Les infrastructures et les aménagements ont été construits sans l’accord des services de l’Etat, en particulier à l’extérieur du château. Le parking est illégal, les arbres classés, centenaires, sont entaillés pour servir de support à des équipements, des projecteurs… tout cela sans autorisation. Une colonie de chauve-souris a été délogée, et Natura 2000 dénonce depuis le début la destruction de cette espèce protégée. Au niveau écologique et environnemental, mais aussi au niveau de ce que l’on peut construire autour et dans un bâtiment classé, rien n’a été fait dans les règles. 

Et où en est-on au niveau juridique sur ces points de légalité ? 

Le 13 février 2024 le Rocher Mistral a été condamné en première instance à remettre en état les infrastructures autour du château. Les jardins, le parking, les séquoias. Dans un délai de 9 mois. Et à verser des dommages et intérêts de 90 000 euros à la commune et à France Nature Environnement [FNE, fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement, ndlr]. Bien sûr, ils ont fait appel. Appel suspensif, donc rien n’a été fait. En attendant les résultats, ils continuent d’exploiter illégalement le site et d’accueillir des touristes sans qu’aucune des autorisations nécessaires n’ait été délivrée. 

Qui sont les opposants au projet ?  

Là aussi, ils sont multiples. Ce sont d’abord les riverains, les habitants de La Barben qui se sont constitués en association, « Vivre à la Barben », soutenue par le maire. Ils se plaignent bien sûr des nuisances sonores, parce que le Rocher Mistral, ce sont des spectacles bruyants jusqu’à 22h30 au moins tous les jours, dans des jardins qui jouxtent les habitations. Cela pose aussi des problèmes de stationnement et d’embouteillages monstrueux parfois, même si fort heureusement, la fréquentation n’étant pas au rendez-vous, c’est actuellement moins difficile que ça ne pourrait l’être. Au-delà des habitants, la FNE et Extinction Rebellion s’opposent au projet pour des raisons environnementales, et Ethicpol l’accuse de détournement de fonds publics. 

À quel titre ? 

Le Rocher Mistral a reçu plus de 6 millions d’euros d’argent public, du Département 13, de la Métropole Aix Marseille Provence et de la Région Sud. Recevoir des subventions pour un projet qui n’a pas reçu les autorisations nécessaires d’exploitation peut s’apparenter, pour Ethicpol, à du détournement d’argent public. 

Vianney d’Alançon, propriétaire du Château, n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Pourquoi cette confiance des institutions selon vous ? 

Effectivement, l’ancien préfet de la Haute-Loire, Yves Rousset, vient de publier un livre sur l’histoire du Château Saint-Vidal, où il a déployé la même stratégie, c’est à dire ouvrir un site sans les autorisations nécessaires, et en l’occurrence s’appliquer le label d’Etat, « Jardin remarquable »  sans l’avoir obtenu. Mais là Laurent Wauquier après avoir soutenu Vianney d’Alançon est entré en conflit avec lui, et il n’a pas eu le soutien du préfet. Alors que le préfet des Bouches-du-Rhône a voulu aller à l’encontre des arrêtés municipaux qui interdisait l’accès au parking. 

Pourquoi ce soutien du préfet, qui a été désavoué par le Conseil d’État ?

Oui, il est très surprenant que Christophe Mirmand, le préfet, ait remis en cause les décisions du maire et du tribunal administratif, et le Conseil d’Etat a mis un coup d’arrêt aux demandes d’aménagements supplémentaires, allant à l’encontre du préfet. Les raisons de ce soutien, je ne peux que les supputer. Le projet a été monté et financé par le groupe Médias Participations de Vincent Montagne, la famille Dassault, Michelin, la famille Deniau… il a des appuis puissants dans les médias et l’industrie, et mène une véritable entreprise politique.

C’est-à-dire ?

Ce qu’il fait au niveau historique, culturel, n’est pas illégal contrairement aux problèmes administratifs et environnementaux. Mais c’est dangereux pour la République, surtout dans l’état actuel de la vie politique. Ses spectacles qu’il dit historiques sont élaborés sans historiens. Il combat l’histoire universitaire, qui est disqualifiée à ses yeux parce qu’elle réfléchit, critique et surtout inclut sans figer une identité nationale. Vianney-Marie Audemard d’Alançon, nom d’usage Vianney d’Alançon, défend une histoire édificatrice, identitaire, enracinée, une histoire fantasmée de la France et de la Provence. Et oui, c’est dangereux pour la République, on l’a vu avec Zemmour, les historiens se sont élevés contre son utilisation de l’histoire dévoyée à des fins politiques nationalistes. 

Comment dévoie-t-on l’Histoire ? 

L’Histoire de notre nation est une histoire plurielle, et nous devons l’écrire afin que chacune des personnes qui vit dans cette nation s’y retrouve, y soit inclus. Ne pas privilégier une croyance, une provenance, une religion, une classe sociale qui serait l’essence de la France. Il est difficile de combattre ces visions, celle du Puy du Fou ou du Rocher Mistral, parce qu’elles emploient la méthode du divertissement et qu’elles traitent les citoyens en spectateurs, par l’émotion.

Pouvez-vous nous donner des exemples de ces dévoiements de l’histoire à l’œuvre au Rocher Mistral ? 

Ils sont nombreux, parfois anecdotiques et symptomatiques, comme le jardin à la Française de la Barben est attribué à Le Nôtre, alors qu’il a été fait par des fontainiers aixois. Parfois c’est un simple bric-à-brac chronologique. Mais en décrétant vouloir faire du Château de la Barben le « phare de l’identité provençale », on passe à un autre niveau. La culture provençale, c’est l’ouverture vers la Méditerranée, les traditions d’accueil. Au château tout est mis en clichés : on préfère Daudet à Marie Mauron, évidemment, on représente un peuple braillard et violent, une aristocratie éclairée et aventurière, une religion catholique irréprochable et supérieure. 

Pourtant le Félibrige est associé au projet…

Il se trompe, c’est malheureux, et ce n’est pas la première fois. Cette Histoire qui est diffusée est fausse, racornie, parcellaire, et le plus grave est qu’on la sert à des scolaires. Des cars entiers d’enfants qui repartent avec ces clichés qui souvent ne les incluent pas, le récit tronqué d’une nation qui détruit le lien social. Avec de l’argent public, et le pouvoir du divertissement.  

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNES FRESCHEL

Actualisation du 12 août 16h30 : À la demande du service juridique du Puy du fou, nous avons enlevé l’expression « Puy du fou provençal » qui figurait dans notre article initialement. Visiblement, même en Vendée, être associé au Rocher Mistral n’est pas de bon goût.

La Ciotat rock et baroque

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Orchestre Juventutti © X-DR

Pour sa 29 e édition, le festival Musique en Vacances, organisé dans différents lieux de La Ciotat par l’Association Méditerranéenne d’Échanges Internationaux (Amei), affiche une programmation pour tous les âges, tous les goûts, toutes les humeurs avec 13 concerts dont 4 gratuits. Côté classique, on pourra entendre un récital de chant d’Anne-Sophie Carrière (20 juillet) qui nous emmènera loin dans le temps, dans l’univers moyenâgeux de la nonne Hildegarde Von Bigen, puis à la Renaissance avec l’anglais John Dowland et enfin à l’ère baroque avec les trois grands maîtres européens du genre : Haendel, Purcell et Vivaldi. Baroque également avec l’ensemble Les Virtuoses (23 juillet) qui interprèteront les célébrissimes Adagio d’Albinoni et les quatre saisons de Vivaldi. Le 25 juillet, le concert Mozart à Vienne avec Pierre Bouyer au piano et Nicole Tamestit au violon, mettra à l’honneur trois sonates composés par le petit génie de Salzbourg dans les dix dernières années de sa vie. Mozart encore avec un Don Giovanni mis en scène par la compagnie l’Opéra de poche, avec une proposition mixant le livret de l’opéra et le Don Juan de Molière. Mozart toujours avec le spectacle original proposé par le ténor Gilles San Juan. L’Amadeus Last Project, Requiem intime est une version pour quatuor à cordes et quatre chanteurs solistes du célèbre Requiem. L’orchestre Juventutti (27 juillet) se met, lui, à l’heure du post romantisme avec La symphonie du nouveau monde de Dvorak et l’Adagietto de la symphonie N°5 de Malher sous la direction de Amanta Nasution. On retrouvera également à La Ciotat le pétillant mandoliniste marseillais à la carrière internationale Vincent Beer Demander (26 juillet) qui fera un saut dans le temps entre œuvres de Bach, de Chopin et un répertoire de compositeurs de musiques de films : Vladimir Cosma, Ennio Morricone et Michel Legrand.  

Avec le groupe Lost (22 juillet), La Ciotat devrait « ambiancer » la station balnéaire avec un répertoire allant des années 1950 à la French Touch des années 2000 en passant par la pop-rock des années 1980 et la new-wave des années 1990. Même éclectisme le 24 juillet avec le groupe Utah et son répertoire de soul, rythm’n et le groupe Ratch et dans une musique fusion de jazz, rock, hard-rock et même punk… Car comme tout le monde sait :  Punk is not dead. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Musique en Vacances
Du 19 au 28 juillet
Divers lieux, La Ciotat

La Villa Datris donne son corps à la culture 

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Johan Creten, La Cathédrale © Johan Creten, ADAGP, Paris - 2024

Dès l’entrée, c’est une sirène monumentale de Nikki de Saint Phalle qui accueille le visiteur. Un choix certainement pas anodin, car l’œuvre de la sculptrice française est irradiée par la lutte pour les droits des femmes et contre l’injustice sociale. On le comprend vite, les corps que l’on verra dans cette exposition seront surtout politiques et s’intéresseront souvent à la place des femmes dans l’art et ses représentations. « Faire corps, c’est évoquer les hommes et les femmes dans leur diversité, c’est mettre en avant des combats tel que le féminisme, faire avancer l’acceptation de la pluralité humaine ou militer pour l’écologie », explique d’ailleurs Danièle Marcovici, fondatrice et présidente de la Fondation Villa Datris, inaugurée à L’Isle-sur-la-Sorgue en 2011. Avec cette nouvelle exposition (gratuite), elle réunit plus de 70 œuvres, réalisées par 65 artistes, reconnus comme émergents.

Plusieurs niveaux… de lecture 

Tous les espaces de la Villa, intérieurs comme extérieurs, ont été mis à contribution, et se divisent en autant de thématiques. Au rez-de-chaussée, le parcours demande « qui me regarde ? » et avec cette question de rentrer plein fer dans le sujet. Puisque le corps dans l’art est une affaire de regard, sa perception est conditionnée par « les évolutions de nos mentalités » explique l’un des nombreux cartels déployés tout au long de l’exposition. Outre les nombreuses œuvres de Nikki de Saint Phalle installées pour l’occasion – dont la sublime I Had a Dream et ses sculptures en polyester pétaradant de couleurs, et flottant sur les murs noircis d’une des salles – on s’arrêtera ici sur une pièce de Elsa Sahal, intitulée Vénus au mur, une imposante statue en cinq parties de céramique émaillée. Elle dessine un corps féminin, uniquement avec des images sexuelles : il devient tout entier vulves et seins et l’on y voit une ironique réflexion sur le male gaze, ce regard masculin qui sexualise le corps des femmes. 

À l’étage, sont présentées des œuvres qui vont cette fois dépasser la représentation du corps. Car si le corps est anatomique, il est aussi mouvement, espace, silhouette, danse… Dans cette partie, plus conceptuelle mais tout aussi intéressante, on admire les pièces de l’Iranien Sepand Danesh, des sculptures réalisées à partir de cubes de bois peints, comme autant de pixels en 3D, et figurant des personnages en train de danser. Ou bien le Subject d’Antony Gormley, qui, après avoir numérisé son propre corps, vient le structurer avec des centaines (milliers ?) de barres en acier de 10 cm soudées entre-elles – une technique, qui, effaçant les détails, livre un saisissant « autoportrait » universel.  

La visite se poursuit dans plusieurs autres espaces de la Villa. Au dernier, étage, au sous-sol et dans les jardins. On y verra des corps déstructurés, habillés, coiffés, ou au repos, allongés et fatigués. L’ensemble du parcours se distingue par une scénographie habile et didactique : toutes les œuvres, toutes les salles, toutes les thématiques, sont accompagnés de cartels informatifs et permet à tous d’être des publics actifs du parcours – les enfants aussi. Salutaire.  

NICOLAS SANTUCCI

Faire corps
Jusqu’au 3 novembre
Villa Datris, L’Isle-sur-la-Sorgue

Le cap des 27

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On peut sourire à l’accumulation des « apéros » déclinés tout au long de ce festival incontournable des étés du Luberon et du haut pays axois : « apéroConcert », «apérOpéra», « apérOpérette », « apéroJazz », quand il ne s’agit pas, de manière plus ambitieuse dans cette série d’agapes, d’un « dîner concert ».

Le monde en Provence

 Nouveau venu dans ce florilège chaleureux, « l’apéroBrasil », grâce à Claire Luzi qui, sur la terrasse du château de Peyrolles-en-Provence partagera sa gourmandise des mélodies du Brésil et des mots qu’elle assemble avec bonheur avec ses complices, Karine Huet (accordéon), Raquel Freitas (piano), Didier Huot (cor) et Icao Kai (pandeiro et percussions) (3août). Autre continent et autre mer grâce à « l’apéroMéditerranée » (17 août) : réunis en quartet, le FadoRebetiko project, à l’initiative de la chanteuse, pianiste et compositrice Kalliroï RaouzeouJean-Marc Gibert(bouzouki), Jérémie Schacre (guitare) et Nicolas Koedinger (contrebasse) se glissent dans les univers du fado et du rebetiko, les « blues » du Portugal et de la Grèce. 

Un détour par le jazz

Auparavant le festival aura démarré en force avec le chœur de vingt chanteurs et chanteuses du Massilia Sounds Gospel qui dansent leur musique, puisant la joie dans la résilience et la lutte entre soul, blues et jazz (2 août). Le Malcom Potter Septet (9 août) fait pencher le jazz vers la pop et un chant qui rappelle celui de Sting. Les références aux Beatles à Stevie Wonder ou Chet Baker fusent! Connu déjà par le public du festival car il a accompagné au piano les films muets de la soirée d’ouverture 2022, Robert Rossignol revient avec le Trio Sudameris, un ensemble phare de l’agglomération marseillaise qui rassemble autour du pianiste, arrangeur et compositeur les percussions de Farid Boukhalfa et la contrebasse de Jean-Christophe Gautier pour une musique vivante qui fait se rencontrer Satie et Nirvana, Brahms et l’Orient, l’Occident et les musiques de l’Inde, tout un voyage (15 août) !  

Du classique !

Bien sûr, le directeur artistique du festival, le pianiste Vladik Polionov n’abandonne pas la veine classique ; en solo il consacrera une soirée de récital à Rachmaninov (4 août) au cours de laquelle on pourra écouter Sept Préludes, Deux Études-Tableaux et Six Moments musicaux. Le chant lyrique n’est pas oublié avec le dînerOpéra dédié à Mozart, Rossini et Verdi sur le thème inusable des conflits de générations avec Armelle Khourdoïan (soprano), Héloïse Mas (mezzo-soprano), Florent Leroux-Roche (baryton) accompagnés par Vladik Polionov (10 août). Après l’opéra, l’opérette aussi en forme apéritive s’en donnera à cœur joie avec des extraits d’Offenbach, « folie » partagée par Héloïse Mas et Valentin Thill (ténor) (11 août). Enfin, fidèle à l’ADN du festival, Vladik Polionov propose un « Opéra de Poche », adapté par ses soins en version de concert avec piano, Don Giovanni de Mozart (16 août) 

MARYVONNE COLOMBANI

2 au 17 août

Divers lieux du Luberon 

AVIGNON OFF : De la Cour aux communs

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Cultiver c’est résister Nos jardins Cie du Double © Géraldine Aresteanu

Avec un thème d’actualité qui préoccupe particulièrement les générations lycéennes exposées à un futur sans avenir, Nos jardins est un spectacle militant. Il fait partie d’un projet sur l’Histoire de la France que la Cie du Double, d’Émilie Prévosteau et Amine Adjina, a choisi d’interroger. Une approche qui mélange astucieusement passé et présent en ménageant des passerelles originales. 

On passe de la prise de conscience de deux lycéennes au sujet de jardins partagés menacés d’être détruits pour permettre la construction d’un centre commercial, à la proposition d’organiser des manifestations en mobilisant leurs camarades et en allant voir le maire. Leur copain, lui, rêve de lumières, d’animations et de boutiques du bonheur. Aussi évoque-t-il le Roi Soleil régnant sur ses jardins architecturés. Cela donne une séquence formidable où il se pavane, vêtu d’or, de plumes et de fleurs. « Je veux être jupitérien », déclare-t-il. Cela fait certainement penser à quelqu’un… Mais l’obstination des filles finit par le convaincre : la noblesse du cœur remplace celle de la Cour ! Ils convaincront aussi tout le lycée.

Organiser la lutte

Arrive alors l’évocation de la Commune, « dernière révolution populaire », rappelle l’auteur Amine Adjina, celle des jardins ouvriers créés à l’époque industrielle fin XIXe, le partage des pommes de terre, nourriture roborative des pauvres. Avec l’émotion à l’évocation par Manon de sa mère exhibant ses seins pour crier sa colère. On fabrique des affiches, on rédige des textes-choc distribués aux spectateurs, on chante et on slame. Les trois interprètes, fraîchement sortis des écoles, sont pleins d’une énergie emballante. Le spectacle se joue sur un espace bi-frontal ; facilement transportable, il peut s’installer partout, notamment dans les lycées ! Une façon d’aborder l’Histoire qui séduit petits et grands, et nous instruit tous.tes.

CHRIS BOURGUE

Nos jardins s’est joué jusqu’au 21 juillet au Lycée Mistral, programmé par le 11* Avignon