mardi 1 juillet 2025
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La littérature en résistance

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Lire Lolita à Téhéran de l’autrice iranienne Azar Nafisi, a été publié en 2003 aux États-Unis, rapidement traduit en une vingtaine de langues. Réédité l’an dernier, son adaptation cinématographique vient de sortir sur nos écrans. Franchement autobiographique, il nous plonge dans l’horreur de la période révolutionnaire islamique des années 1980 et son régime de totalitaire.

Dans les premières pages, Azar Nafisi confronte deux photos : celle des sept étudiantes couvertes de noir de la tête aux pieds, l’autre les montrant cheveux lâchés, ongles peints, vêtus de couleurs vives. Une dichotomie saisissante. Obligées de mentir à leur famille pour suivre, de 1995 à 1997, le séminaire proposé par leur professeure à son domicile et dans le secret, elles analysent avec passion les rapports entre leur réalité et les fictions, et s’encouragent à la rébellion, fût-elle minime. Les romans sont, entre autres, Lolita de Nabokov, Orgueil et Préjugés de Jane Austen, Gatsby le Magnifique de Fitzgerald.

Retrouver un espace de liberté

​Le texte a été écrit après l’exil définitif de l’autrice pour les États-Unis en 1997. Sans respecter la chronologie, elle évoque par vagues les moments importants de son parcours. Revenue des États-Unis en 1979 après la chute du Shah, elle enseigne à l’Université de Téhéran qu’elle quitte suite à l’injonction qui lui avait été faite de porter le voile.

Cependant elle acceptera plus tard un poste dans une université plus libérale, consentantfinalement au voile. L’important n’est-il pas qu’elle enseigne et éclaircisse l’horizon de ses étudiants ? Azar Nafisi met en lumière les pouvoirs de la littérature qui libère l’imaginaire malgré la fermeture des librairies, les exécutions, les dénonciations. Si le récit est parfois un peu lourd, chargé de trop de détails, on ne peut que respecter son engagement et rendre hommage à son auteure.

CHRIS BOURGUE

Lire Lolita à Téhéran de Azar Nafisi
Zulma - 21,50 €
Traduit de l’anglais par Marie-Hélène Dumas

« Sebastian » : Juste un gigolo ?

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Il est de tous les plans Maxime (Ruaridh Mollica), connu sous le nom de Sebastian sur Dreamyguys, un site de rencontres homo. Un visage doux presque enfantin, des lèvres sensuelles, un regard trouble et troublant. On regarde son corps jeune, vêtu ou dévêtu, en société, au banc de musculation, en boîte, dans les chambres de ses clients, en train de faire l’amour.

On voit le jeune homme pianoter sur son ordinateur, se doucher, se raser, se regarder aux miroirs des salles de bain. « Parle-moi de toi », lui demande un amant. « Qui es-tu ? D’où viens-tu ? » Max a 25 ans et rêve de gloire littéraire. Il a quitté sa famille écossaise pour Londres où il travaille en free lance dans un magazine. Il a déjà publié des nouvelles, est en train de rédiger son premier roman qui traite de la prostitution masculine 2.0. Ses admirations vont vers Zadie Smith ou Bret Easton Ellis – qu’il doit interviewer, ou encore vers le Collard des Nuits fauves.

Une question de sincérité

Il s’interroge : faut-il avoir vécu ce qu’on écrit ? Son éditrice, qui ignore que les histoires qu’elle lit ont vraiment eu lieu, pour des raisons plus mercantiles qu’artistiques, le fait glisser du « il » au « je ». Et Max décrit fidèlement, au geste et au mot près, les aventures sexuelles de Sebastian, date après date. Il mène méthodiquement sa double vie. Succession répétitive de scènes crues, loin du cinéma porno, avec des hommes le plus souvent âgés. Un sexe professionnel et « propre », que le réalisateur stylise et ne montre plus quand Max, soucieux de faire évoluer son roman, accepte de prendre davantage de risques.

Mikko Mäkelä questionne le rapport complexe, entre vie et fiction. Max se pense honnête en n’écrivant que ce qui a été ; il n’est pourtant qu’un faussaire, jouant au gigolo sans en être un, truquant par là-même, la donne. Forcément insatisfait, car la description, fût-elle virtuose et détaillée jusqu’au vertige (comme chez Easton Ellis), suffit-elle à dire quelque chose sur le monde ? À faire vrai ? À faire œuvre ?

Max reprendra la main sur Sebastian grâce à une vraie rencontre avec Nicholas (Jonathan Hyde), un vieux professeur de littérature qui lui ouvrira la voie de la sincérité et donnera au scénario une touche feel-good. Si Mikko Mäkeä est loin de la violence entre gifle et caresse de A nos Amours, qu’il cite au détour d’une séquence, Suzanne, l’héroïne de Pialat, et Maxime, le pseudo gigolo écossais, dans leur parcours initiatique, ont un cousinage certain.

  ÉLISE PADOVANI

Sebastian, de Mikko Mäkelä 

En salles le 9 avril

« Her Story » : Leçons de féminisme à la chinoise

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Ce n’est pas le lion de la Metro-Goldwyn-Mayer qui rugit au générique d’ouverture de Her Story de Yihui Shao. Ce sont les statues dorées des prolétaires, faucille et gerbe de blé en mains, dans le plus pur style du réalisme socialiste, qui montrent la voie vers un avenir radieux. On est en Chine, un pays millénaire qui a fait une révolution mais demeure traditionnellement et viscéralement patriarcal.

Le présent du XXIe siècle n’est toujours pas si radieux pour les femmes chinoises qui représentent plus de la moitié de la population active. Salaires inférieurs, « plafond de verre » pour leurs carrières, inégalités des taches domestiques dans les couples. Elles divorcent de plus en plus mais sont alors stigmatisées et considérées comme « biens endommagés » Dans ce contexte, un film qui brosse le portrait valorisant de femmes autonomes, met sur le tapis les tabous sociétaux et traite ces sujets sérieux sous la forme d’une comédie urbaine romantique, ne pouvait que rencontrer ce public. Premier au box office chinois, ce « blockbuster féministe » qu’on a pu rapprocher du Barbie de Greta Gerwig, est un phénomène.

Trois générations

On est à Shanghai. Wang Tiemei (Song Jia), ancienne journaliste d’investigation, divorcée, a perdu son emploi. Elle trouve un nouveau job et déménage dans un immeuble ancien sans ascenseur avec sa fille de 12 ans, Moli (Mumei Zeng). Elle rencontre sa voisine Ye (Elaine Zhong), une jeune chanteuse dépressive et fleur bleue, amoureuse d’un ophtalmo peu clairvoyant sur ses propres sentiments. Tiemei, Ye et Moli se lient d’amitié, s’entraident, partagent leurs repas, leurs bricolages, leurs joies, leurs peines. L’ex-mari de Tiemei, père de Moli, « s’inscruste » alors qu’un musicien, ami de Ye, devient l’amant de Tiemei.

Trois générations de filles sont représentées ici, trois caractères aussi. Tiemei, en mère célibataire responsable, met la barre très haut visant à n’avoir besoin de personne. Ye, un peu fofolle et bohème, veut encore croire au couple romantique. Entre les deux, Moli cherche sa voie parmi les injonctions sociales, scolaires, maternelles et paternelles. Fera-t-elle de la batterie ? De la boxe ? Ou écrira-t-elle des romans ?

Maladroits et patauds, un peu dépassés, pour séduire ces femmes émancipées, les personnages masculins ravalent leur machisme qui revient comme le naturel au triple galop : vasectomie remise aux calendes grecques, préjugés machistes, jalousie, et concours de virilité. Les scènes s’enchaînent, déclinant les sujets comme la menstruation, la maternité, l’éducation, l’amitié, la dépression. Plus vaguement, la liberté de la presse. Mais les plus jolis moments sont sans doute ceux où le discours n’est pas trop pesant et ne tourne pas à la leçon. Le jeu entre Ye et Moli, par exemple, où la fillette, les yeux fermés, devine l’origine des sons qu’elle entend, et transfigure par son imagination l’univers domestique.

Le titre original du film Hao Dong Xi signifie « une bonne chose ». Et sans nul doute, ce film est une bonne chose pour des millions de Chinoises en quête de représentation ainsi que pour un public plus large, qui découvrira une Chine en phase avec cette lutte internationale des femmes pour l’égalité des droits.

ÉLISE PADOVANI

Her Story, de Yihui Shao

En salles le 9 avril

Bright Generation : Quand histoire et futur parlent aux jeunes 

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HAROLD © Virginie Meigné

Le spectacle vivant destiné au jeune public a fait la preuve à Marseille, lors des rencontres internationales de l’Assitej, de sa grande créativité. Parmi le fourmillement de propositions passionnantes, on note un essor bienvenu des spectacles pour les ados et pré-ados. Une tranche d’âge ultra-sensible, qui mérite l’attention des artistes, d’autant que les données sur leur santé mentale montrent qu’elle s’est considérablement dégradée durant la période Covid, sans amélioration depuis. Au programme de Bright Generation, plusieurs pièces s’adressaient à eux de manière roborative.

Haro sur l’instrumentalisation de l’Histoire

Harold : The Game, rythmé en diable, façon plateau télévisé déjanté, est un spectacle pour les 10 ans et plus sur… la tapisserie de Bayeux, comme vecteur de propagande politique. À la demande du théâtre The Egg (Bath, Angleterre), la Cie rennaise Le Bob a travaillé sur la bataille de Hastings, gagnée par Guillaume le Conquérant en 1066, et imaginé un match truqué entre « rosbeefs » et « grenouilles ». Façon très piquante de revisiter l’Histoire, largement instrumentalisée dès l’origine à travers cette pièce de broderie de 70 mètres de long, peuplée de chevaliers héroïques (« avec une seule femme »).

Mais aussi de mobiliser l’esprit critique des spectateurs, sur les fake news contemporaines et leurs propres biais de supporters. Les jeunes marseillais, rodés au stade, ont pleinement joué le jeu. Lors du bord de plateau suivant la représentation, les échanges avec les artistes étaient nourris et fins, pour aborder la façon dont l’esprit partisan peut dériver violemment. Qui n’hésitait pas, dans le feu d’une compétition complètement truquée, à encourager les français molestant le pauvre personnage anglais, se retrouvait soudain face à sa responsabilité individuelle dans un phénomène de groupe. 

Futurs désirables

#Génération(s), à voir à partir de 12 ans, est lui aussi mené tambour battant par Bastien Molines, impressionnant comédien capable de porter une parole chorale, fruit d’un travail collectif de la Cie Le cri dévot auprès d’adolescent·es. Le résultat sent le vécu. En projetant dans le futur « les mondes intérieurs de toute une génération », la pièce aborde des sujets qui brûlent chaque adulte en devenir, quittant la planète plus ou moins rassurante de l’enfance. Ce voyage spatio-temporel nous entraîne dans les affres du doute sur les relations humaines, la sexualité, la difficulté à s’autonomiser, les parents, ces affreux bornés, le deuil, le consentement, l’éco-anxiété… Comment s’engager dans l’existence avec autant d’incertitudes ? 

#Génération(s) © Marc Ginot

Il faut puiser dans ses ressources vitales et celles de ses pairs, à un âge où tout soutien affectif compte double. La mise en scène a capté et mis en résonance l’intense énergie libidinale propre à l’adolescence et son cortège d’angoisses, sans jugement, pour la sublimer. Sur une bande son pulsante, dans un décor tout simple mais rendu subtilement évocateur par la lumière et les images de Paolo Sclar et Christophe Mazet, le cosmonaute lance son public vers la grande aventure de la vie. En n’omettant pas, là non plus, d’intégrer un sous-texte politique très actuel à l’exercice de prospective. Là où Harold : The Game s’appuyait sur l’Histoire pour parler du présent, #Génération(s) fait d’un futur pas si lointain, quand la température pour Noël sera de 25°C, et Donald Trump partira menotté entre deux agents, un retour réflexif sur notre temps. Une période où grandir est fort inconfortable, mais néanmoins passionnant, comme ces deux spectacles le soulignent particulièrement bien.

GAËLLE CLOAREC

Harold : The Game et #Génération(s) ont été vus les 26 et 27 mars au Zef et au Théâtre Joliette, dans le cadre des Rencontres de l'association internationale du théâtre pour l'enfance et de la jeunesse à Marseille.

Bright generation : Questions pour des enfants

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Louise the bears © Renato Mangolin

Est-ce parce que ce sont majoritairement des femmes qui sont à l’écriture et à la mise en scène ? Est-ce parce que la question de la compréhension et de la réception du spectacle est posée directement à chaque auteurice qui s’adresse à l’enfance ? Quoi qu’il en soit le théâtre jeune public est souvent le lieu où s’élaborent de nouvelles formes, modestes et émouvantes, qui parlent, comme nos enfants, des problèmes philosophiques fondamentaux de nos vies. 

Louise/Os ursos, de la Pandorga Cia. de Teatro, est un très joli spectacle brésilien, pudique et tendre sur une petite fille, sa grande sœur, leur père, leur absence de mère qui ne sera pas commentée, comme ne seront qu’évoqués les dangers auxquels Louise se confronte en traversant seule une voie rapide pour aller à l’école. Pensant qu’un ours transparent la protège, elle va s’échapper dans un imaginaire qu’elle croit vrai, comme sont vrais les dangers, qui les menacent, elle et sa sœur… Fabriqué avec trois fois rien, deux jouets et quatre comédiens formidables, le spectacle sur-vitaminé est apprécié des enfants, même en portugais sur-titré !

Oiseau @ Christophe Raynaud de Lage

Ne plus cacher la mort

Oiseau ose un autre voyage et franchit le tabou de la mort. Le spectacle de la compagnie La Polka, qui a été créé en 2023, en est à plus de 100 représentations et prend des partis inattendus. L’écriture d’Anna Nozière est une de celles qui, sans fioritures mais avec précision, fait naître des émotions qui prennent à la gorge et vous font, à la fin, applaudir debout. 

Kate France et Sofia Hisborn sont deux comédiennes (incroyables) d’un âge certain, celui d’être grand-mère, et qui incarnent pourtant les enfants sans bêtifier un instant, en jouant comme eux, les emmenant ainsi surement avec elles dans la fiction. Elles incarnent ainsi les instituteurices, les parents, les tantes, tous les copains et les copines, surtout, et les vieilles voisines avec la même conviction distanciée. Disant, comme les enfants, « alors je suis Paméla » ou « je fais la directrice » (dite Cléopâtre comme un pot de colle) ou tous les parents d’élèves à la fois (en même temps, et pourtant sans confusion…). 

Racontant l’histoire d’un enfant qui perd son père et voudrait que les morts soient plus présents dans nos vies. Qu’on les fête, qu’on en parle, qu’on aille le soir les rejoindre « de l’autre côté », pour partage et comprendre la peine, la perte, le deuil. Un désir que les adultes finiront par entendre. 

Le petit Mustafa et sa copine Paméla qui a perdu son chien, les autres enfants du récit, sont aussi présents dans un petit film très finement projeté de travers. Rendus vivants au-delà des voix des comédiennes, comme si les degrés de réalité cohabitaient : le monde du réel, celui de la scène, celui des écrans projetant une farandole d’enfants joyeux et graves dans un cimetière. L’autre côté de la vie ? 

AGNES FRESCHEL

Louise/ Os Ursos et Oiseau ont été joués à La Criée, Centre dramatique national de Marseille, les 27 et 28 mars.

À venir
Oiseau
2 avril
La Garance, Scène nationale de Cavaillon

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L’heure du « Grand ménage de printemps » 

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Road movie sur place et sans camera, Collectif Xanadou © Mathieu Vouzelaud

En dix jours, le Grand ménage de printemps a le temps d’essaimer dans quatre villes et villages du sud Luberon (du 18 au 20 avril à La Tour d’Aigues, le 24 à Cabrières d’Aigues, les 25 et 26 à Cadenet, le 27 à Cucuron), pour une quarantaine de représentations. La part belle est toujours faite au compagnies locales, forces vives en matière d’arts de la rue : le Collectif Xanadou pour un road movie existentiel autour d’une Peugeot 106 (Road movie sur place et sans caméra, les 18 et 19 avril), et deux habituées du festival, qui présentent chacune leurs premières autour de l’habitat, les 19 et 20 avril. 

Côté pile, Akalmie Celsius et sa recherche documentaire sur la dimension sociale et symbolique de la maison (MAISONS ou Celles et ceux qui bâtissent) ; côté face, place à la folie douce de Coline Trouvé, pour une fable fantastique autour d’un pâté de maisons (Macédoine Générale !, de l’Agonie du palmier). 

Quelques ovnis se glissent dans la programmation : Vernis Sage de la Compagnie Propos, une installation autour « des moments gênants de la vie », à suivre via audioguide commentant les tribulations de deux statues vivants au sein d’une exposition photo (les 19 et 20 avril), ou encore les expériences sensorielles de Massimo Fusco autour de galets coussins(Corps sonores, le 24 avril). 

Un pédé à l’affiche 

Au rayon poil à gratter, le cirque autoproclamé « indigne » de la Générale posthume, piochant dans les racines effrontées et cathartiques du carnaval originel (Vilain Chien, les 26 et 27 avril). Plus inattendue, une relecture de la figure de Jeanne d’Arc, par Bruital Compagnie, une compagnie belge aimant jouer avec les clichés – le western, le Moyen Âge… (Machine Dark, les 19 et 20 avril).

À ne pas louper, des valeurs sûres : Le pédé, épopée collective de 2h15 à travers la culture homosexuelle du XXe siècle, menée tambour battant par le comédien Brice Lagenèbre dans l’esprit d’une marche des fiertés (les 19 et 20 avril), mais aussi la critique acérée du monde des média par la Compagnie AIAA (Madame, Monsieur, Bonsoir !, les 25 et 26 avril). 


Les plus petits se réjouiront de la caravane spectacle du Théâtre Clandestin faisant résonner les mots de Fabrice Melquiot (Albatros, les 19 et 20 avril), du goûter d’anniversaire d’un tendre couple de septuagénaires (M. et Mme Poiseau, Compagnie L’arbre à vache, les 24, 26 et 27 avril) ou encore d’une guinguette magique (Le cabinet du Dr Troll, les 26 et 27 avril). 

Vilain chien, cie la Generale posthume © Theo Lavanant

Du nouveau

Pour sa 10e édition, le festival inaugure aussi un volet off, à la Tour d’Aigues. Parmi la quinzaine de propositions, citons une relecture de La mastication des morts par la Cie Entre autres en espace naturel, une fresque sociale pour hypermarché (La prophétie du sucrier en inox, En mauvaise compagnie) ou encore une marionnette grandeur nature de nona, italienne partageant sa recette de pasta sur fond de rock italien (Gina, Cie Basta Cosi). Et une outsider aiguisant la curiosité : la métamorphose d’une choriste conservatrice en rappeuse (Nathalie, par Julie Maingonnat, sous le regard de la talentueuse Véronique Tuaillon) !

JULIE BORDENAVE 

Le Grand ménage de printemps
Du 18 au 27 avril 
À La Tour d’Aigues, Cabrières d’Aigues, 
Cadenet et Cucuron
legrandmenage.fr 

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Vrai de Vrai, les étoiles du doc

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Mauvaises filles (C) Arizona distribution

Au départ du festival Vrai de Vrai, il y a les 30 étoiles de la Scam (Société civile des auteurs multimédia), une sélection des meilleures créations de l’année. Parmi ces films distingués, le cinéma La Baleine et les cinéastes du Sud-Est (Aarse) en choisissent six, et les proposent au public, gratuitement, dans plusieurs cinémas de Marseille, du 16 au 19 avril.

Ça commence le 17 avril à la Baleine, avec les Mauvaises filles, en présence de sa réalisatrice Émérance Dubas. Une enquête sur ces filles mises au ban de la société derrière les hauts murs de la congrégation du Bon Pasteur des années 1950 à 70. Le même jour, le festival présente Les Odyssées de Sami de Robin Dimet – également présent sur place. Un film-portrait sur cet Éthiopien qui a passé les 19 dernières années à traduire une anthologie des mythes grecs et romains en amharique pour faire connaître à ses concitoyens la sagesse antique.

Le 18 au Vidéodrome2, The Wild One nous fait découvrir la vision d’un homme dont la vie entière fut tournée vers l’idée que la création artistique est un acte de survie ; en présence de la réalisatrice Tessa Louise-Salomé et du compositeur Gaël Rakotondrabe. Et la soirée se poursuit à la Baleine avec Les Sentinelles de l’oubli, de Jérôme Prieur, consacré aux monuments aux morts présents depuis un siècle dans la moindre commune française, et qui fixent dans la pierre le souvenir d’hommes tombés sur les champs de bataille. Un film signé Jérôme Prieur, qui aura la veille assuré une masterclass sur le campus Saint-Charles d’Aix-Marseille Université.

Le festival se termine le 19 avril. Dès 10h30 avec une table ronde consacrée à la place de l’écriture dans le documentaire à la Baleine. Toujours au cours Julien, le rendez-vous accueille ensuite Barbara Bascou, monteuse du film Le plus grand lavomatic du monde, et enfin au Gyptis avec Jean-Pierre Bloc, qui présentera Par la fenêtre ou par la porte, soit l’histoire d’un long combat syndical, inventif et ouvert sur la société.

ANNIE GAVA

Vrai de Vrai
Du 17 au 19 avril
La Baleine, Vidéodrome2, Gyptis
Marseille

« Le Clan des bêtes » : testostérone pastorale

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Un prologue sur les chapeaux de roues – au sens propre comme au figuré, puisque le film s’ouvre sur une sortie de route. Quelques minutes avant, dans l’habitacle, on écoutait Michael Chapman chanter un mélancolique Among the trees. La voiture soulevait la poussière d’une voie forestière. Une jeune femme à l’arrière souriait. Côté passager, une femme plus âgée annonçait qu’elle ne reviendrait pas auprès de son mari, à un conducteur hors champ, qui, dès lors, accélérait comme un fou jusqu’à l’accident. On ne comprendra pleinement cette scène fondatrice que plus tard. Le responsable de l’accident est Michaël O’Shea (Christopher Abbott). Sa mère – qui voulait divorcer – est morte, sa petite amie, Caroline (Nora-Jane Noone), blessée au visage est marquée à vie.

20 ans après, le taiseux Michaël, tenaillé par le remords, vit seul avec son père (Colm Meaney), bougon, brutal, insupportable, qui ne tient plus sur ses jambes mais continue de donner des ordres. Caroline qu’il n’a plus revue, s’est mariée à Gary Keeley (Paul Ready) dont elle a eu un fils Jack (Barry Keoghan). Les deux familles se partagent les plateaux où paissent leurs moutons, marqués de rouge pour les Keeley, de bleu pour les O’Shea.

On est en Irlande, sans que le lieu ni l’année ne soient vraiment précisés. Une ruralité coupée du monde où on parle le gaëlique. Pas de téléphone mobile. Et si on casse votre clôture, ou votre gueule, si on vous vole du bétail, on n’appelle pas la police. On règle ça façon Far West, au poing et au fusil. Peu de paroles, peu d’explications. On rêve de partir mais on reste.

Pas touche au troupeau

Le poids du patriarcat, de la norme virile, des archaïsmes, les conflits larvés, les remords fermentés, les jalousies et les rancœurs mijotées, ôtent toute chance au bonheur. Quand deux béliers des O’Shea sont volés par le fils Keeley, et que toutes les bêtes de Michaël sont massacrées, leurs pattes arrières sectionnées et emportées, tout va exploser dans un enchaînement meurtrier, libérant les sentiments réprimés.

Le réalisateur construit son film en deux actes successifs reprenant les mêmes séquences selon le point de vue de Michaël puis selon celui de Jack, révélant ce qui n’a pas été dit par les mots, donnant humanité à ces hommes violents, tout autant bourreaux que victimes. Les  rythmes électro et drill de la B.O. signée Hannah Peel, collent à la tension du récit servi par un casting impeccable.

Christophe Andrews dit avoir pensé pour écrire son scénario à une question posée à l’église, dans son enfance : « Et si le bon berger après avoir abandonné les 99 brebis pour aller chercher celle qui s’est perdue, revenait et constatait que son troupeau avait été blessé ou massacré ? ». Et de s’être nourri de sa propre douleur d’enfant élevé dans une famille conflictuelle.

Dans ce premier long métrage, à côté de ses souvenirs intimes, il convoque l’authenticité du fait divers -les attaques de troupeaux par des gangs, en lui conférant un écho symbolique, et construit avec un réalisme âpre, et une habileté certaine, un thriller efficace.

ÉLISE PADOVANI

Le Clan des Bêtes, de Christopher Andrews

Sortie le 9 avril

La Région Sud lâche La Citadelle

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CITADELLE DE MARSEILLE © Jean-Charles Verchère

Pour 2025, la Citadelle a choisi comme punchline l’image du « bastion culturel ». Elle ne pouvait pas imaginer à quel point ce concept évoquant le rempart et la résistance allait coller à la réalité.

À quelques jours de la reprise de la saison, la Région Sud annonce qu’elle retire toutes ses subventions à la Citadelle. L’équipe est sous le choc. « Jusqu’à maintenant, elle avait été très présente en soutenant les résidences d’artistes, la restauration du monument, le développement touristique et le parcours de médiation scientifique avec des enveloppes d’investissement de 300 000 euros par an », explique Mathilde Rubinstein, éprouvée : « nous avons appris que la subvention de rattrapage 2024 ne sera pas versée, ni celle de 2025 ».

L’équipe qui fonctionne avec des budgets triennaux est incrédule face à ce « lâchage » brutal qui questionne la manière dont vont se poursuivre les travaux. La direction craint les effets domino sur l’emploi puisque la restauration est pour l’essentiel menée par Altavista, chantier d’insertion qui œuvre pour l’inclusion sociale et professionnelle des personnes en situation de fragilité. 

Les Jeux et l’IA d’abord

Ce désengagement s’inscrit dans un contexte plus large. La Région baisse de 30 % sa subvention aux missions locales et aux écoles de la seconde chance. « La collectivité a décidé de se recentrer sur deux objectifs prioritaires : les J.O. et l’intelligence artificielle. Nous voulons démontrer que notre dispositif a sa place dans une politique publique régionale notamment en termes de rayonnement touristique, d’emploi et d’attractivité économique. On développe du digital, de la valorisation du patrimoine et on est impliqués dans les questions environnementales. Nous sommes aussi très présents sur les réseaux européens avec lesquels la région travaille » plaide la Directrice déléguée.

Lors de la Conférence de presse d’ouverture de saison, la Région n’était pas représentée. La Ville de Marseille, propriétaire du fort, assure, par la voix de Perrine Prigent adjointe au maire en charge de la valorisation du patrimoine et à l’amélioration des espaces publics, que le soutien de la Ville sera développé. Même garantie de la part de Daniel Gagnon, délégué à la Culture pour la Métropole. La subvention de 150 000 euros sera maintenue en particulier pour pérenniser le deuxième Salon du livre métropolitain dans de nouveaux bâtiments restaurés. Il avait accueilli l’année dernière 11 000 personnes et 30 éditeurs. Cette année, son implantation sera meilleure encore grâce à la mise à la disposition par la Mairie des 1-7 d’installations municipales. Après l’Espagne, la Grèce sera à l’honneur.

ANNE MARIE THOMAZEAU 


Une programmation malgré tout

Les incertitudes sur l’avenir n’ont pas empêché la Citadelle de présenter une saison culturelle fournie

En 2024, 350 ans après sa création, le fort Saint Nicolas était redonné aux Marseillais. 200 000 visiteurs ont arpenté l’an dernier les jardins face à la mer de ce fort renommé « La Citadelle » et 50 000 ont participé à des évènements dans son enceinte : promenades, concerts, salon du livre… un véritable succès populaire. Mathilde Rubinstein, directrice déléguée s’en félicite : « La Citadelle est un lieu de vie, de culture et de partage qui démontre toute sa pertinence. Artistes, chercheurs, citoyens, associations s’y côtoient ».

Une nouvelle saison
Pour lancer la saison, les jardins accueilleront le 5 avril la journée des métiers d’art. Artisans et Compagnons du Devoir partageront leur savoir-faire. Deux artistes plasticiennes en résidence ouvriront leurs ateliers : Louise Nicollon des Abbayes autour de la céramique et Manon Lefébure autour du tufting, cette technique de tissage mécanique.

Pour ceux qui veulent aller plus loin. La Citadelle propose un samedi par mois une journée d’initiation à la sculpture. Accueillis par le tailleur de pierres Nicolas Orselly, qui encadre les équipes en insertion sur le chantier, les participants pourront taquiner la pierre et repartir avec leur chef d’œuvre. 

Les amoureux d’humour et de fantaisie suivront un dimanche par mois le collectif L’Agonie du palmier dans leur déambulation théâtrale et leur exploration décalée de la Citadelle avec les GPS (Guides Parfois Sérieux), Pierrick Bonjean et Laetitia Langlet.  

Dès le 7 juin sera inauguré un parcours de médiation scientifique autour du patrimoine naturel. Élaboré avec Isabelle Lafont Schwobb du laboratoire Population Écologie Développement d’Aix-Marseille Université. Enfin, la fiction sonore L’île aux chiens produite par Gaëtan Gromer et écrite par l’autrice Valérie Manteau, est enrichie pour tout savoir sur le fort et de ses mystères. 

Musiques…
Comme l’an dernier, la Citadelle ouvre son écrin à la musique. De nombreux apéros, face aux couchers de soleil ponctueront le printemps, animés par des structures locales comme Marsatac ou Basses fréquences. 

Le 21 juin, la Citadelle fêtera la musique avec le Conservatoire Pierre Barbizet, la Mesón, la Maison du chant et Marsatac School. Les musiciens amateurs de la ville viendront mixer flamenco, musiques du monde, ensembles instrumentaux et bal klesmer. 

Le point d’orgue de la saison musicale sera le 4 juillet. En partenariat avec le Jazz des Cinq continents, le pianiste prodige Tigran Hamasyan présentera The bird of a thousand, opéra inspiré d’un conte arménien. 

A.-M.T.

Festival Impulsions : Aubagne, en phase avec le hip-hop !

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Vicky R © X-DR

Le festival de hip-hop de Miguel Nosibor et sa compagnie En Phase a placé il y a 10 ans la ville d’Aubagne comme une pionnière de la reconnaissance institutionnelle de la culture hip-hop. Car l’artiste aubagnais a su faire entendre que le hip-hop n’est pas de la musique, ou de la danse, mais bien une façon de penser la vie. Porté par des générations successives qui le modifie, il met la créativité des classes populaires au cœur des enjeux artistiques en inventant sans cesse ses formes et ses disciplines, celles de la scène – danse et rap – mais aussi celles qui se partagent ailleurs : deejaying, mode, graph, design, beatboxing, slam, poésie, stand-up… 

Les festivals de hip-hop se concentrent généralement sur le rap, parfois la danse, et rassemblent autour de têtes d’affiches, et pas avec la participation des groupes amateurs et des artistes en herbe de leur territoire. Mais Miguel Nosibor est un de ces artistes acharnés qui sait convaincre, et la programmation de cette 9e édition lui ressemble : les spectacles de danse pro – dont le très beau solo Ma part d’ombre de Sofiane Chalal [Lire ici], un spectacle de Nosibor sur l’entre-deux et un quatuor très acrobatique de la compagnie Pyramid – côtoient les spectacles amateurs, les restitutions d’ateliers des groupes avancés ou des enfants… 

Et la danse s’offre aussi sa battle Break N Down et le rap son open-mic. DJ Lina & DJ Cali, formées toutes deux par DJ Djel (Fonky family) font fusionner Californie et rythme latinos. Une expo sur la richesse de la scène locale, et la projection de Suprêmes d’Audrey Estrougo viennent compléter les stages et masterclass ouverts à tous·tes, du deejaying au popping. 

Sans oublier le concert le 11 avril à l’Avant scène : en première partie La marmite, puis Vicky R, la rappeuse gabonaise qui impose son flow tranquille dans un univers encore très masculin. Où elle refuse de faire du « rap féminin », mais affiche clairement un discours féministe…

AGNÈS FRESCHEL

Festival Impulsions 
Du 5 au 13 avril
Divers lieux, Aubagne, La Penne-sur-Huveaune

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