mercredi 27 novembre 2024
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Accueil Blog Page 32

« Gondola », l’amour en suspension

0

Il est des films qui font rire, d’autres qui font pleurer et il y a ceux dont le charme fait naître sur les lèvres un sourire bienfaisant. Gondola du réalisateur allemand Veit Helmer, repéré pour Absurditan (2017) une comédie déjà passablement atypique, appartient à cette catégorie.

Nous voilà dans les superbes massifs de l’Adjarie en Géorgie – mais ce pourrait être ailleurs, dans une époque peu définie. Un téléphérique vintage aux nacelles en forme de cônes elliptiques, aux grands rouages grinçants, et au maniement sommaire, relie les flancs de deux montagnes. Une station en bout de ligne, aux couleurs pastels, suspendue au-dessus du vide, accueille de rares passagers. Deux câbles parallèles, supportent l’aller et le retour des capsules le plus souvent vides, que quelques paysans regardent passer depuis la vallée. Iva (Mathilde Irrmann) venue à l’enterrement de son père – peut-être car rien n’est dit – devient conductrice de cabine, après lui, et rencontre Nino (Nini Soselia), déjà en place, qui rêve de partir.

Les deux jeunes femmes dans leur uniforme se croisent à mi-parcours entre la descente et la montée. Elles vont s’observer, s’apprivoiser, s’aimer, s’allier contre le méchant petit chef tyrannique et jaloux (Zviad Papuashvili), faire alliance avec un garçonnet et une fillette aux nattes blondes dont la romance doublera la leur, aider un vieil homme cloué à un fauteuil, transformer la routine en aventure, introduire musique et fantaisie dans cet univers figé. Un scénario minimaliste pour un film muet entre Jacques Tati et Wes Anderson. Un film dont la bande son – musiques populaires, percussions concrètes, ritournelles de quatre sous et grincements de poulies – souligne à tout instant le burlesque ou l’émotion.

Une poésie subversive

Le téléphérique en unité de lieu est au cœur du dispositif du réalisateur. Cinématographique : il permet tout naturellement les travellings, les plongées, contre plongées et les changements de points de vue. Scénaristique : il constitue au sens propre, le fil du récit, entre répétition des plans et étonnantes variations. Symbolique : il figure la fragilité des existences et le croisement des trajectoires.  

Le parti-pris du muet laisse le champ libre à une communication exclusivement visuelle. Pas de paroles d’amour dans cette comédie romantique mais une partie d’échec décalée entre deux trajets, un repas glissé pour l’autre dans sa lunch box, un fruit pris au filet à papillon lancé à l’autre au point de croisement, des cabines devenant fusée, bateau, avion ou restaurant, avec quelques accessoires et beaucoup d’imagination…

Gondola est un film délicieusement subversif. Non seulement parce qu’il met en scène une attirance homosexuelle, non seulement parce que l’« outil de travail » est récupéré par travailleuses et usagers, mais surtout parce que c’est par la poésie que s’opère cette petite révolution.

ÉLISE PADOVANI

Gondola, de Veit Helmer

En salles le 24 juillet

Quarante ans de pont musical entre deux rives 

0
Orchestre des jeunes de la Méditerranée ©Claire Fabre. Festival d’Aix

Les sessions symphoniques de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée sont une tradition bien ancrée dans le programme du Festival d’Aix. Et l’occasion d’une manifestation festive, bon enfant et enthousiasmante pour un public sérieusement rajeuni. 

La  session 2024 n’a pas dérogé : samedi soir, au Grand Théâtre de Provence, l’OJM célébrait les 40 ans de sa fondation et l’ambiance était plus que chaleureuse. Le public, debout, n’a pas boudé ses applaudissements. La direction de leur nouveau chef, l’américain Evan Rogister y est pour beaucoup tant son énergie paraît communicative. 

Le programme était construit pour faire briller cette formation hors norme : l’ouverture scintillante du Candide de Bernstein, permet d’attaquer allegro, et la célèbre Symphonie Du Nouveau Monde de Dvořák, de haute tenue clôt une soirée généreuse en musique. On n’oublie pas la Mort de Cléopâtre de Berlioz animée avec émotion par la mezzo-soprano Astrid Nordstad. 

Bruyante ovation

Malgré la situation tendue autour de la Méditerranée, l’OJM tient la gageure de réunir de jeunes musiciens de toutes nationalités de toutes confessions sous un même diapason tempéré, du Portugal à la Turquie, de l’Albanie à l’Egypte. Tutorés par des solistes du London Symphony Orchestra, soutenus par le compositeur Fabrizio Cassol, cette génération neuve trouve là une première occasion, à la sortie de leur conservatoire respectif, de se frotter aux réalités professionnelles de leur futures carrières. 

C’est sous la houlette de Fabrizio Cassol qu’en moins d’une semaine l’orchestre présente une création collective qui a soulevé le public comme un seul homme : tant de talents et d’énergie se font rares et le Festival d’Aix était ravi d’un aussi salutaire coup de fouet. Mêlant orchestration classique à un quintette d’instruments traditionnels ; oud, nyckelharpa, guitare, trompette et saxophone, cette composition remplie d’émotions et de subtiles beautés subjugue au sens le plus fort du terme. Une vraie grande et belle pièce de musique qui ouvre l’orchestre aux sonorités contemporaines de l’improvisation jazz, des mélopées arabo-andalouses chantées par Sarra Douik, soutenue par une violoniste marocaine du rang, l’orchestre se chargeant d’en entonner les chœurs. Solistes, quintette et chef prennent un vif plaisir à cette musique vigoureuse, soucieux de la transmettre au public qui, en forme de remerciement, leur a réservé la plus longue et bruyante ovation de cette édition du Festival d’Aix. 

PATRICK DE MARIA

Le concert des 40 ans de l’OJM a eu lieu le 20 juillet au Grand Théâtre de Provence

Histoires de théâtre et de pétanque

0
Bazar tirer le fil de l’histoire, avec Julien Perrier © Yoan Loudet. Maison jean Vilar

En 2023  la Chartreuse de Villeneuve et la Maison Jean Vilar se sont alliées pour recréer Bazar Vilar, et transmettre aux plus jeunes la mémoire du fondateur du Festival. Les Nuits ont décidé de prolonger la tournée d’un spectacle dont la visée pédagogique correspond à leur projet

Au bazar de Vilar

Dominique Houdart, un des maîtres du théâtre d’objets, avait créé en 2015, à la Chartreuse, un petit bijou tout simple, pour transmettre aux jeunes générations l’histoire de Jean Vilar. : élevé dans une mercerie de Sète, passionné du répertoire théâtral, montant à Paris, découvrant Dullin, puis tombant en extase face au Palais des Papes et inventant le Festival d’Avignon.
Pour que cette mémoire ne s’éteigne pas, il fallait que Bazar Vilar survive à son créateur. C’est finalement à Julien Perrier que Dominique Houdart a transmis le spectacle. Six personnes choisies dans le public se joignent à lui sur scène, dans la mercerie recréée, dont tout le spectacle est issu : deux placards délimitent la Cour, les spectateurs s’ornent de passementerie pour incarner Gérard Philipe, Maria Casarès ou Jeanne Moreau, enfilant une armure, s’appuyant sur une canne de fil, portant un collier ou une couronne tressée.
L’aventure du théâtre devient un jeu d’enfant, enthousiasmant, partagé par le comédien qui manipule des bobines de fil en guise de marionnettes, et les acteurs d’occasion, jeunes enfants et adultes, qui se prêtent à l’expérience, forment un chœur, disent quelques répliques historiques, puis saluent, émus. Poétique et drôle, magique aussi quand un livre s’enflamme pour dire la passion théâtrale qui nait, Bazar Vilar raconte l’enthousiasme des débuts, l’ascension – d’un escabeau –, l’importance de former une troupe, et le partage, ludique, d’une aventure qui a changé le visage d’Avignon. 

Algérie et pétanque

Les années passent et le succès des Pieds Tanqués, spectacle abordant la mémoire de la guerre d’Algérie au cours d’une partie de pétanque, ne se dément pas.  Créé le 15 juin 2012 à Éguilles, le spectacle de la compagnie Artscénicum, écrit et mis en scène par Philippe Chuyen, ne cesse d’enthousiasmer les spectateurs. Preuve en est sa collection de prix : lauréat du prix centenaire Jean Vilar, meilleur spectacle du Festival off d’Avignon pour le jury Tournesol, labellisé par le comité de Marseille Provence 2013, prix du meilleur comédien au Festival d’Anjou en 2016… 
Reprenant le thème de la partie de boules, le dramaturge campe quatre personnages savoureux. Tous dans la lignée des héros pagnolesques, le provençal de souche, Loule, Yaya, français né de parents algériens, Zé, le pied-noir et Monsieur Blanc, le parisien récemment arrivé dans la région. Entre les boules, pointées, tirées, ratées, réussies – quelques beaux carreaux sont à saluer -, les mots retissent l’histoire, la guerre d’Algérie. Au cœur de la paix, les blessures mal refermées, la complexité des liens, les récits de vie particuliers, s’éclairent. L’intime et les remuements politiques se lient, emportant les êtres malgré eux dans des cheminements qui les dépassent mais pour lesquels ils s’affrontent. Les vérités de chacun s’opposent, mais le jeu réunit les êtres humains. L’humour sauve, et le terrain de boules devient ciment fédérateur… 

AGNÈS FRESCHEL et MARYVONNE COLOMBANI

Les Pieds Tanqués le 23 juillet Cour Tivoli, Valréas

Bazar Vilar le 27 juillet Place Colongin, Grillon

Les trois fantastiques

0

Éric Le SagePaul Meyer et Emmanuel Pahud ont fondé en 1993 le Festival International de Musique de Chambre de Provence (Musique à L’Empéri), d’abord pour se retrouver, passer des vacances ensemble, partager ce qu’ils ont de plus cher, la musique. Tout au long de l’année, leurs carrières internationales les font voyages, donner des concerts dans le monde entier et rencontrer de nouveaux musiciens qu’ils invitent à Salon. Ils glanent de nouveaux morceaux, découvrent ou redécouvrent du répertoire, exhument des pièces oubliées ou moins jouées, demandent des créations à des compositeurs contemporains. De cette effervescence naît tous les ans un temps de festival unique et original. Les publics ne cessent de s’étoffer au fil des ans, les habitués reviennent, préférant cette intimité chaleureuse et informelle même si le programme est susceptible de changer au dernier moment, du moins c’est ce que rapportent année après année les organisateurs qui tremblent de devoir changer les feuilles de salle en dernière minute… il arrive que des partitions soient indisponibles ou que des musiciens aient des empêchements : tout alors se réorganise dans la bonne humeur. Les titres des concerts témoignent de cette jubilation, jouant sur les sonorités, créant des quiproquo, ironisant sur les interprètes, les interprétés, renommant les villes : « Aix-les-Orgues » pour Aix-en-Provence (il y a toujours une escapade aixoise) lors d’un concert d’orgue, « Nous avons su », « Âme Amsterdam », « 180 battements par minute », « Choc Corea », « Double basse », « Éric Emmanuel »… Les programmes défient ce que ces accroches ont pu suggérer ! 

Olympique !

En raison des Jeux Olympiques, la 32ème édition se resserre sur « les fondamentaux du festival : excellence, exigence, amour incommensurable de la musique et convivialité » précise le préambule du programme. Les tarifs fort modérés à l’aune de ceux pratiqués lors des festivals d’été seront encore plus accessibles : tous les concerts du soir seront gratuits pour les étudiants de moins de 26 ans. La belle acoustique de la cour du château de L’Emperi s’offrira aux représentations du soir tandis que celle du délicieux écrin de l’abbaye de Sainte-Croix proposera l’écoute de formations réduites dès le midi. Parmi les artistes de l’année, de nombreux musiciens du Berliner dont Emmanuel Pahud est première flûte solo depuis 1992, Amihai Grosz (alto), Daishin Kashimoto, Maja Avramovic (violons) mais aussi Olivier Thiery (contrebasse), Clément Peigné (violoncelle), Alma Sadé, soprano à l’Opéra-Comique de Berlin, la liste est longue de talents amis dont le pianiste Frank Braley ou la fabuleuse jeune pianiste Su Yeon Kim que l’on entendra en récital soliste et en formation chambriste. Un hommage particulier sera rendu à Gabriel Fauré, « compositeur adoré » disparu il y a cent ans, mais aussi à Schubert à Mozart et son « Trio des Quilles ». Que de pépites !

MARYVONNE COLOMBANI

26 juillet au 3 août

Salon-de-Provence

Un piano aux couleurs du monde

0

« Utiliser les richesses de la région et établir un dialogue au niveau de la planète ». Lorsque l’on demande à René Martin ce qu’est pour lui le Festival International de Piano de la Roque d’Anthéron qu’il a cofondé avec Paul Onorati en juin 1981et dont il est le directeur artistique, ce musicien passionné insiste sur la dimension universelle de la manifestation.

Zébuline : Le Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron fête sa quarante-troisième édition et il est toujours passionnant et sait, tout en gardant sa volonté d’excellence, décliner de nouvelles partitions. Votre secret ?

René Martin : Ce festival est conçu pour donner une idée précise de ce qui se passe dans le monde musical d’aujourd’hui, donner la couleur du piano à un instant T.. Certes, je privilégie les orchestres régionaux, l’Orchestre de Marseille, l’Orchestre d’Avignon qui s’est totalement renouvelé grâce à l’impulsion de Débora Waldman, sa cheffe, et je cherche à utiliser les nombreuses richesses de la région. Cette édition est particulièrement importante, car nous n’avions pas pu fêter dignement les quarante ans du festival en raison de la pandémie. 

Une volonté de totalité avec les intégrales ?  Il y en a beaucoup cette année.

S’il y a bien un lieu où elles peuvent être jouées, c’est à La Roque. Effectivement, nous donnerons l’intégrale des concertos pour piano de Beethoven, de Chopin, de Brahms, de Rachmaninov, servies par des interprètes de premier plan, Bertrand Chamayou, Anne Queffelec, David Kadouch, François-Frédéric Guy, Alexandre Kantorow (une carte blanche lui est offerte sur une journée), Bruce Liu que nous avons découvert l’an dernier avec des orchestres fantastiques, le Hong Kong Sinfonietta, sans doute le plus bel orchestre de Hong Kong, dirigé par Yip Wing-Sie, une cheffe d’exception, l’Orchestre de Chambre de Paris (Lionel Bringuier), le Sinfonia Varsovia avec le grand chef Aziz Shokhakimov, l’Orchestre Consuelo sous la baguette de Victor Julien-Laferrière. L’énumération complète serait fastidieuse. Il y aura aussi de grands cycles, des journées consacrées à des compositeurs Liszt, Rachmaninov, Chopin ; un focus sur des compositeurs contemporains grâce aux journées animées par le pianiste et pédagogue Florent Boffard, « Passer au Présent / à la découverte d’un compositeur et ses amis », qui permettront d’aborder les univers de Philippe Schoeller et Julian Anderson, avec une création mondiale au programme ; un temps fort sera consacré à un hommage au grand compositeur Henri Dutilleux qui est parti il y a dix ans maintenant.  

Le baroque revient enfin ! La pandémie nous interdisait l’abbaye de Silvacane qui nous rouvre ses portes. La famille Hantaï se reconstitue pour la Roque d’Anthéron tandis que toute la jeune génération arrive, Jean Rondeau, Justin Taylor et son Consort… 

Une jeune génération de pianistes de très haut vol aussi !

Oui, nombreux sont les jeunes, voire très jeunes artistes à faire leur entrée à La Roque. On pourrait me dire que je les choisis parce qu’ils ont gagné des concours internationaux. Bien sûr, mais la plupart du temps, je les ai engagés avant leurs récompenses. J’ai anticipé leur victoire. J’aime aussi cette découverte des grands noms de demain, de voir naître ces stars montantes. On aura par exemple Kevin Chen et le tout aussi fantastique Masaya Kamei sans compter la révélation Yunchan Lim, un phénomène !

Les lieux se multiplient cette année.

Oui, le Festival permet de mettre en valeur toute la région D’autre part, tout un travail est mené auprès des publics empêchés grâce à la démarche menée par le Département, Ensemble en Provence qui propose des soirées pédagogiques ne direction des public prioritaires de ce dispositif, et par l’association Cultures du Cœur qui favorise l’insertion des plus démunis par l’accès aux sports et aux loisirs. Le Festival met à disposition des invitations à destination de ces publics. Les projets lycéens, les master classes et la tournée des ensembles en résidence contribue aussi à la diffusion auprès de publics plus larges (et souvent plus jeunes !).  Les tarifs moins de trente ans accordent des places à 15€ en catégorie A et B…

Si elles ont été considérées longtemps comme de délicieuses interprètes, les femmes compositrices entrent pleinement au festival…

Et heureusement ! Non seulement la journée « nouvelles générations » ne comporte que des interprètes féminines, Arielle Beck, Eva Gevorgyan, Alexandra Dovgan, mais les œuvres des compositrices sont mises en avant. Toute une journée est consacrée aux « regards de femmes » avec Das Jahr de Fanny Mendelssohn et des œuvres de Marie Jaëll (amie de Liszt), Marguerite Canal, Augusta Holmès, Louise Farrenc, Henriette Bosmans, dont les noms sont injustement tombés dans l’oubli. Autre face cachée de la musique : la formation. Quand on parle d’un pianiste, on occulte trop souvent que son génie a été formé par des maîtres qui restent dans l’ombre. Hortense Cartier-Bresson est une magnifique pédagogue et je tiens beaucoup à cet hommage qui souligne l’importance de la transmission. 

Le festival s’ouvre à de nouvelles formes musicales…

Et j’en suis très fier. Il y a une révolution dans le monde du piano et le festival se doit d’en rendre compte. L’électronique fait son entrée cette année à La Roque. Cette tendance est écoutée par des milliers, des millions de jeunes, c’est le public de demain. On aura par exemple Hania Rani pour un concert musicalement exceptionnel et très poétique, ou les Grandbrothers pour une nuit mystique et hypnotique. Ça va être saisissant ! On a trop souvent classifié les choses : dans la musique contemporaine on a beaucoup souffert de l’influence prépondérante de gens qui interdisaient la musique tonale… Aujourd’hui le monde s’ouvre davantage. La Roque permet de respirer tours les tendances du piano d’aujourd’hui. 

Une place particulière est désormais dévolue aux accordeurs…

Tous les plus grands pianos sont à La Roque, c’est le seul festival au monde où toutes les marques sont représentées. Les pianistes les essaient donnent leur avis. Le festival devient un véritable laboratoire, c’est de l’or pour les fabricants qui peuvent retravailler, corriger, améliorer leurs instruments qui sont déjà exceptionnels. 

Propos recueillis par MARYVONNE COLOMBANI

Du 20 juillet au 20 août

La Roque d’Anthéron et autres lieux

04 42 50 51 15 festival-piano.com

Les Schubertiades de Puyricard

0

Alors que les grands festivals battent leur plein, le « festival off » Côté Cour, ainsi le décrit, amusée, Sylvie Laforge, présidente de l’association Tanghost qui produit cette manifestation, tient haut les couleurs d’une musique intimiste. À la clé de la réussite de ce pari lancé par la flûtiste Marie Laforge et le harpiste Léo Doumène, les amitiés nouées au fil des rencontres musicales avec des musiciens dont la valeur n’a pas attendu le nombre des années, et leur temps de résidence conviviale qui renforce leur complicité. 

Un medley en guise de mise en appétit

Le premier concert, gratuit et en plein air, proposait des extraits des concerts à venir comme autant d’invites savoureuses à assister à toute la suite. La quasi-totalité des artistes investissait la petite scène sous les platanes de la place entre les sonneries de l’église, les vols des pigeons dont les ombres passent sur la façade encore ensoleillée. L’Octuor en fa majeur D.803 de Schubert ouvre la soirée. « Non pas la totalité, sourit Léo Doumène, il faudra venir l’écouter le 20 juillet !». Le jeu sur les comptes de musiciens, les substitutions de pupitres participent à l’atmosphère juvénile et potache du festival. Nous est offert le début du premier mouvement, dont le thème est emprunté au Wanderer, qui commence par un Adagio dont l’atmosphère délicate se mue en joie communicative. Clarinette (Lauriane Maudry), basson (Antoine Berquet), cor ( Félix Polet), violons (Laetitia Amblard et Florian Perret), alto (Oriane Pocard-Kieny), violoncelle (Vincent Lamiot), contrebasse (Alexis Derouin), équilibrent leurs sonorités avec élégance. Le sourire aux lèvres, le deuxième extrait est présenté, premier mouvement encore, mais cette fois du Quatuor n°12 en fa majeur, dit « Américain », de Dvořák, écrit à peu près au même moment que la Symphonie du Nouveau Monde. La fascination pour les grands espaces et la nostalgie des airs traditionnels d’Europe centrale se mêlent. L’adaptation du quatuor à cordes à un quintette à vents, autre décompte cocasse du concert, mettait avec encore plus d’évidence la conjugaison des deux univers, abolissant les distances avec une aisance et une fluidité où le lyrisme des passages lents tient tout autant de la musique tchèque que du blues. Restant outre-Atlantique mais plus au sud, on partait au cœur des Saisons de Piazzolla, L’Hiver et Le Printemps, remodelés par un quintette à cordes et harpe. Les effluves du Tango Nuevo cher au compositeur qui fut l’élève de Nadia Boulanger, flirtent avec des échos de Vivaldi, la harpe se fait instrument percussif, les violons s’égarent entre chevalet et cordier, pour des attaques endiablées. La place danse avant de s’assagir sur le spirituel Rigaudon « maison », transcription aussi audacieuse que réussie du Tombeau de Couperin de Ravel pour le « petit orchestre » mutin et virtuose que l’on a envie d’écouter dans ses « intégrales ».

MARYVONNE COLOMBANI

16 juillet, place de l’église, Puyricard, Festival Côté Cour 

Des minots, des marmots et Angélique Kidjo

0
La cité des minois © Annaëlle Peyre

Dans les travées, l’ambiance est électrique, l’excitation palpable. Parents, grands-parents, frères, sœurs, voisins sont venus en masse. Pour la plupart, c’est la première fois qu’ils viennent à l’Opéra. Le moment est à la fois festif et solennel. Mehdi Haddjeri, directeur du Nomad’ Café, à l’initiative du concert, met le public à l’aise : « Quand il y a trois ans j’ai souhaité monter ce projet un peu fou, le directeur Maurice Xibeiras m’a dit : “l’Opéra, c’est la maison de tous les Marseillais. C’est aussi ta maisonAlors vous êtes aussi chez vous ».  

L’homme est très ému et il le dit. Car ce spectacle à l’Opéra, labellisé dans le cadre des Olympiades culturelles, est l’aboutissement du travail incroyable réalisé par La Cité des Minots qui permet à des enfants de quartiers de zones prioritaires de travailler avec des artistes de renom. Cette année, grâce à des intervenants musiciens, 750 élèves de CE1 et CE2 de quinze écoles dans cinq arrondissements de Marseille (2e, 3e, 12e, 13e, 14e) ont pu apprendre les chansons de l’artiste franco-béninoise Angélique Kidjo dans les quatre langues parlées au Bénin : le fon, le yoruba, le mina et le français. Un vrai défi. Et c’était enfin le grand soir, la chance inestimable pour les enfants de pouvoir chanter sur scène avec la diva africaine. Pour certains gamins, il y avait eu un « avant ». Une centaine d’entre eux étaient déjà « montés » quelques jours à Paris pour accompagner les chanteurs de la Cité des Marmots basée dans le « 9.3 », sur la scène du Théâtre du Châtelet. Rien de moins. Cent « Parisiens » sont à leur tour « descendus » dans le sud pour partager le spectacle des Marseillais.

C’est une entrée impressionnante que réalisent les centaines de minots groupés autour de leur marraine – divine dans un habit traditionnel aux couleurs chatoyantes – et de son guitariste virtuose, le Togolais Amen Viana. Dans la fosse les musiciens de l’orchestre philharmonique de Marseille, sous la direction de Federico Tibone s’apprêtent à entrer dans la fête avec bonheur en interprétant des morceaux aux rythmes dont ils ne sont pas toujours coutumiers au sein de l’institution.

Ambassadrice de l’Unicef

Cinq fois lauréate des Grammy Awards, Angélique Kidjo enchaîne quelques-uns des plus grands succès de sa longue carrière, avec des textes toujours engagés : Agolo, message d’espoir pour la terre qui invite à vivre en harmonie avec notre environnement, Awalole qui encourage les jeunes à s’unir autour de valeurs communes, et bien sûr Afrika qui appelle à l’action collective pour construire une Afrique plus forte. En chœur, les enfants reprennent les refrains à pleins poumons et chorégraphient avec leurs bras, vite imités par un public en liesse.

Celle qui fête cette année ses 40 ans de carrière n’a rien perdu de son déhanché, de son énergie et de son franc-parler : en ces temps d’incertitudes et alors que les idées nauséabondes de l’extrême droite progressent, elle a accepté de devenir ambassadrice pour les droits de l’enfant à l’Unicef. Elle s’inquiète : « J’ai appris de mes parents que ce n’est pas la couleur de peau qui différencie les humains. Allons-nous enfin vivre ensemble, demain, dans la diversité, sans haine et sans violence ? Nous avons tellement à apprendre de “l’autre”».  

Sur scène comme dans la salle, aux mines réjouies, au bonheur intense et à la fierté qu’on lit sur les visages de toutes les couleurs et de toutes les origines, les mots « diversité » et « humanité » prennent tout leur sens. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Les concerts se sont tenus le 26 et 27 juin, à l’Opéra de Marseille.

Classiques et modernes se conjuguent 

0
Les Égarés © Claude Gassian

Créé en 2011 sous l’impulsion du quatuor Modigliani, le festival saint-paulois continue d’accueillir des formations classiques aux propositions originales place de la Courtine. À commencer par les frère et sœur Khachatryan, qui ouvriront les festivités le 20 juillet avec un programme violon-piano du plus bel effet, alliant virtuosité et émotivité à toute épreuve : la sonate de Franck, le Poème pour violon et piano et la Tzigane de Ravel, sans oublier la moins connue mais tout aussi impressionnante Rhapsodie d’Eduard Baghdasaryan. Plus sage mais non moins enthousiasmant, le concert du 21 juillet pensé par le pianiste David Fray s’attaquera aux cimes schubertiennes, dont, entre autres, les Moments musicaux, ainsi qu’à l’inimitable Kreisleriana de Schumann. La mezzo-soprano Léa Desandre et l’ensemble Jupitor, dirigé par le luthiste Thomas Dunford dérouleront leur beau programme Songs of passion pensé autour de Purcell et Dowland le 26 juillet. L’invité d’honneur, enfin, le quatuor Modigliani, s’unira au piano de Louis Lortie pour interpréter le très beau quintette n°2 opus 115, ainsi que le quatuor pour piano et cordes de Fauré. Avec, en préambule, le quatuor de Maurice Ravel. 

Éloge de l’égarement

Mais la programmation de Saint-Paul de Vence sait s’orienter vers le jazz, et même les musiques contemporaines. En témoigne la présence des Égarés, quatuor atypique créé pour les Nuits de Fourvière en 2019 et réunissant le violoncelle de Vincent Segal, le kora de Ballaké Sissoko, le saxophone d’Émile Parisien et l’accordéon de Vincent Peirani. Le tout sur un ambitieux programme jazz, chambriste et pétri de musique traditionnelles à retrouver le 24 juillet. Le cadre idéal de la Fondation Maeght, lieu prisé de Miró, Chagall mais aussi Giacometti accueillera le 23 juillet le Macha Gharibian Trio, où le piano et la voix de la révélation des Victoires du Jazz 2020 s’uniront à la basse de Kenny Ruby et à la batterie de Dré Pallemaerts. Le tout au sein même du labyrinthe Miró, dans lequel on sera très heureux de se perdre … Pour clore le festival et célébrer les soixante ans de ce lieu exceptionnel, le pianiste Thomas Enhco et la marimbiste Vassilena Serafimova interprèteront leur programme Bach Mirror, série inspirée de variations jazzy, rythmées et contemplatives autour de tubes du cantor de Leipzig, et dont le goût pour le ludique et l’expérimental ne détonneront pas dans ce haut lieu de l’art moderne. À ne pas manquer !

SUZANNE CANESSA

Festival de Saint-Paul-de-Vence
Du 20 au 28 juillet 
Place de la Courtine 

Prendre soin des œuvres, des livres… les uns des autres 

0
Exposition Le Rôle d'une vie. Mac Adams. Mystery, The Toaster, 1976. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / gb agency, Paris

Introduit par une planche de Jeu de l’oie, empruntée aux Archives municipales d’Avignon, Alchimie de la rencontre professe une érudition curieuse et trace un parcours rétrospectif, à l’aube du quart de siècle de cette institution, vouée aux arts visuels des XXe et XXIe siècles .

Tableaux noirs détournés par des potaches dissipés (et inspirés), portraits des Comédiens-français par Andres Serrano, averse réflexive déversée par Miroslaw Balka… la pérégrination convoque certaines grandes expoositions de la Collection Lambert, parmi lesquelles  A Fripon Fripon et Demi (2006), La Disparition des Lucioles (2014), Figures de l’acteur (2006).

Deux après le colossal Sas de contamination creusé par Thomas Hirschorn, la sculpture de poussière, hautement périssable, éparpillée par Richard Long, est à son tour l’objet d’une « réactivation ».

Trois expositions : Alchimie de la rencontre, Le rôle d’une vie et Monte di Pietà

Les fondamentaux de la Collection sont mis en dialogue avec des pièces issues des musées de la Cité des papes. Ainsi, en goguette du Musée Requiem (histoire naturelle), les herbiers compilés par Jean-Henri Fabre conversent avec des ouvrages carbonisés par Anselm Kiefer.

Les profils de Vilar et Maria Casarès, rectifiés façon Parapluies de Cherbourg (Jacques Demy 1964), sous les cutters et ciseaux de Douglas Gordon, devancent les costumes et accessoires des premiers Festivals d’Avignon, conservés par la Maison Jean Vilar.

De l’analyse du travail de Cy Twombly par le philosophe-sémiologue Roland Barthes, à la rédaction impossible sur laquelle s’échine Marcel Broodthaers, les mots, le texte, l’écriture manuscrite, scandent l’itinéraire, au long des 19 salles des hôtels de Caumont et Montfaucon.Y sont éployés une centaine de numéros, dont près de 80 issus de la donation Yvon Lambert.

À l’Alchimie de la rencontre, se greffe Le rôle d’une vie. L’hommage à la gb Agency, galerie parisienne, animée entre 2001 et 2014 par Nathalie Boutin et Solène Guillier, est dominé par la re-création d’un mémorable dégât des eaux pour lequel le courant du Rhône se substitue aux flots de la Seine.

Monte di Pietà est l’œuvre de la metteure en scène Lorraine de Sagazan, accompagnée de la scénographe Anouk Maugeim. L’installation découle de Léviathan, plongée dans le système pénal et les procédures de comparution immédiate, en création au Festival d’Avignon.

S’il confirme des synergies, l’accrochage estival entame un dialogue avec d’autres institutions de la ville. Car, pour François Quintin, la Collection Lambert se doit d’être un organe en respiration permanente dans l’organisme culturel de la Cité des papes. Avec l’ouverture en entrée libre de certains espaces et l’agora commandée à Olivier Vadrot, installée, durant les beaux jours, sous le platane (et le mini chêne vert), qui trônent dans la cour du musée, le directeur de la Collection joint les gestes aux paroles.

MICHEL FLANDRIN

Alchimie de la rencontre
Jusqu’au 5 janvier 2025

Le rôle d’une vie- la gb agency
Jusqu’au 29 septembre

Monte di Pietà
Jusqu’au 1er septembre
Collection Lambert, Avignon

Sur la route Cézanne

0
Lea Desandre © James Bort

Les Musicales vont arpenter, cette année encore le musée Granet, le domaine Saint Joseph et le château du Tholonet et s’arrêteront pour la première fois au Théâtre de l’Archevêché d’Aix-en-Provence le 28 juillet pour un concert de la diva du fado Mariza. La plus grande héritière d’Amália Rodrigues a popularisé le fado classique à travers le monde tout en lui apportant une touche de modernité.  Les Musicales ouvriront au Musée Granet, partenaire du festival, avec un concert qui réunira la pianiste Célimène Daudet et la journaliste Anna Sigalevitch. Elles mettront en lien les œuvres de Debussy et Bizet avec des tableaux de la collection permanente du Musée. 

Le festival accueillera pour la seconde soirée l’Orchestre philharmonique de Marseille dans le parc du Château du Tholonet. Au programme, sous la direction musicale de Jane Latron, le Boléro de Ravel et une version pour récitant et orchestre du conte d’Igor Stravinsky, L’Oiseau de feu. Fasciné par les récits fantastiques, le cabaret expressionniste et les rituels chamaniques, le chanteur et poète Yanowski en sera le récitant idéal. On entendra également l’étoile montante de la trompette, Franz Maury, 20 ans, provençal d’origine et étudiant à l’Institut Curtis de Philadelphie, dans le Concerto de Tomasi. S’en suivra pour les lève-tôt une aube musicale donnée par Jodyline Gallavardin, jeune pianiste française ayant obtenu le prix de la Révélation musicale du Syndicat de la Critique. 

La troisième soirée sera dédiée à l’art lyrique dans le parc du Château Tholonet avec la mezzo-soprano, Léa Desandre accompagnée par l’ensemble Jupiter dans un programme Songs of passion, rendant hommage à Henry Purcell et John Dowland. Nommée « Artiste lyrique de l’année» à l’occasion des prestigieux Opus Klassik 2022 ainsi qu’aux Victoires de la musique en 2024, la petite princesse du baroque est présente sur les plus prestigieuses scènes internationales. Le festival se clôturera avec l’Ensemble i Giardini, collectif de musiciens et artistes associés au festival depuis sa création. Ils présenteront Nuit noire, nuit blanche, un concert de musique romantique dans le cadre onirique du Domaine Saint-Joseph. Il sera précédé d’une montée aux flambeaux. Très sensible à la transmission et la mise en valeur de talents en devenir, le festival proposera le 26 juillet une masterclass publique de Virgile Aragau, flûte solo de l’Orchestre philharmonique de Marseille et artiste associé du festival depuis sa création, en partenariat avec l’IESM d’Aix-en-Provence.

Anne-Marie Thomazeau

Musicales de la route Cézanne
Du 24 au 30 juillet 
Aix-en-Provence, Le Tholonet