jeudi 28 novembre 2024
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AVIGNON OFF : Folie présidentielle

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Jacques et Chirac © Compagnie du Grand soir

Le Off avignonnais commençant la veille des élections législatives qui risquent de faire basculer le pays vers l’extrême-droite, Jacques et Chirac revêt une actualité inattendue et particulière. La folie de la fonction présidentielle, les scandales de la Françafrique, le pouvoir grandissant des médias, les enjeux européens et ruraux, l’emprise des grandes entreprises sur le fonctionnement de l’État y apparaissent comme les prémisses des enjeux actuels, et de la lente mais sûre dégradation de la Ve République. Sans parler de la dissolution impromptue de l’Assemblée Nationale. Mais comment un Président peut-il mettre son pays dans une telle merde ? 

Pourtant Jacques Chirac reste le Président le plus aimé des Français ! Pour déminer un peu cette image Jacques et Chirac  rappelle toute sa duplicité, les trafics et corruptions, les liens personnels avec les dictateurs sanguinaires et les marchands d’armes, la politique postcoloniale criminelle, le racisme latent, le gaullisme tardif. Mais l’exploit du spectacle proposé par la Compagnie du Grand Soir est de parvenir à laisser quand même  transparaître ce qui a fait son succès : sympathique, pétri de contradictions, de désirs rengainés, de naïveté et de paresse, Chirac l’est aussi, si ce n’est Jacques.

Le rire, puissant antidote

Pour démonter cette duplicité d’un seul la Cie du Grand Soir propose un travail à trois, collectif, féroce et joyeux. Régis Vlachos, qui a écrit un texte extrêmement renseigné, campe un Jacques Chirac monstrueux et touchant ; Charlotte Zotto, qui a adapté son  texte pour la scène, joue maman Chirac, Bernadette et Claude, l’horrible Marie-France Garraud, mais aussi l’amoureuse américaine et nombre de personnages masculins ; Marc Pistolesi, qui a conçu une mise en scène aux effets comiques constants reposant sur une grande ingéniosité des décors, joue Foccart et Dassault, Sarko et Valéry, mais aussi nombre de personnages féminins. Les images d’archives, connues et oubliées, dialoguent avec de la création vidéo, une danse virevoltante de changements de personnages et de costumes, des trouvailles de mise en scène délicieuses.
Les trois acteurs s’en donnent à chœur joie, à toute allure, mettent en slip Chirac dans une parodie de jeu télévisé hilarante, et on (re)découvre un Président paradoxal, vendant L’Humanité, auteur du « bruit et des odeurs » et de « This is not a method », dont les trois comédien.ne.s font un rap endiablé. 

Image d’un temps révolu où la domination masculine blanche n’était remise en cause par (presque) personne, Chirac qui ne fut pas le pire des Présidents et demeure aujourd’hui un des plus populaires, était un monstre de duplicité. La racine du mal, ou un de ses surgeons ? 

AGNES FRESCHEL

Jacques et Chirac
Du 29 juin au 21 juillet à 13h
Théâtre de la Luna, Avignon
theatre-laluna.fr

DIASPORIK : Denis Martinez, du signe au récit

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© S.C.

Le 25 juin, l’exposition s’ouvrait avec la projection de Denis Martinez, un homme en libertés en présence de l’artiste et du réalisateur Claude Hirsch. Réalisé en 2013, le documentaire brosse le portrait de celui qui est probablement le plus grand peintre algérien vivant. Exilé depuis 1994 à Marseille, l’histoire qui lie intimement l’artiste à son pays participe de sa cosmologie et fait de lui cet aventurier de l’art, passionné et audacieux. 

Co-fondateur du groupe Aouchem (« tatouage ») qui a exposé dès 1960 en rassemblant une dizaine d’artistes, peintres et poètes, il s’est opposé aux imageries qu’il jugeait démagogiques que présentait la galerie officielle de l’Union nationale des arts plastiques, fondée en 1963, et dont la plupart des peintres actifs avant 1962 ont été exclus. Sa déconstruction plastique revendique une authenticité ancestrale dont les signes millénaires trouvent leur origine sur les parois du Tassili : certaines traditions plastiques ont réussi à se maintenir dans les gestes qui modèlent et peignent l’argile, tissent la laine, décorent les murs, gravent le bois ou le métal : c’est sur ces survivances que le groupe Aouchem porte l’ambition de la transmission. 

Poésie graphique 

Avec l’exposition Effervescences éphémères on retrouve la puissance des signes qui font les rites et les secrets, les touches colorées, omniprésente dans son œuvre, les propos de ses amis et poètes et de plusieurs générations d’artistes marquées durablement par son enseignement à l’école des Beaux-Arts d’Alger et dans plusieurs villes, villages et lieux insolites d’Algérie. Pour cette exposition l’artiste a réalisé une série d’œuvres graphiques de grands formats sur carton d’emballage.

Des extraits de ses écrits poétiques, liés à différents moments de son parcours d’artiste citoyen, émaillent le parcours de l’exposition et éclairent le parcours de l’homme.Au fil des récits, le voile se lève aussi sur sa participation active aux luttes des intellectuels algériens pour la liberté de création, son départ contraint d’Algérie, en 1994, après l’assassinat de son ami, l’écrivain et journaliste Tahar Djaout, son retour au pays en mars 2000 et la création, en 2004, du festival nomade Raconte-Arts en Kabylie avec Hacene Metref et Salah Silem. Une belle rencontre avec un homme d’exception.

« Comme disait le poète Tahar Djaout, Je suis le déterreur de l’histoire insoumise et de ses squelettes irascibles enfouis dans vos temples dévastateurs. Je ne cautionnerais jamais vos cieux incléments et rétrécis ou l’anathème tient lieu de credo. Je ne cautionnerais jamais la peur mitonnée par vos prêtres-bandits des grands chemins qui ont usurpé les auréoles d’anges. Je me tiendrais hors de portée de votre bénédiction qui tue, vous pour qui l’horizon est une porte clouée, vous dont les regards éteignent les foyers d’espoir, transforment chaque arbre en cercueil. » 

SAMIA CHABANI
Directrice de l’association Ancrages

Effervescences éphémères de Denis Martinez, 
au Jardin des Arts de la médiathèque Jorgi Reboule, Septèmes-les-Vallons. 
À venir 
16 juillet : « Mon chemin des tajmaat », une conférence de Denis Martinez sur ses interventions éphémères dans des villages en Kabylie de 2004 à 2019 dans le cadre du festival Raconte-Arts.
19 juillet : Finissage avec Périssable, une performance de clôture par l’artiste. 

Quand la Marine nationale part au Japon

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Maeva TROCELLIER

La cheffe d’orchestre Marie Faucquer est « très attachée à l’orchestre d’harmonie, considéré souvent comme le parent pauvre de l’orchestre symphonique ». Elle veut aussi montrer que la Musique de la Marine nationale n’est pas qu’une formation destinée à accompagner des moments officiels, mais « un grand orchestre capable d’aborder n’importe quel répertoire classique ou contemporain. » 

Le programme de la soirée du 7 juillet était entièrement consacré au Japon à travers un florilège d’œuvres offrant leurs représentations du pays du soleil levant. En ouverture, la brillante Fanfare for Tokyo, commande du Tokyo Wind Symphony Orchestra pour célébrer son 50e anniversaire en 2023 au compositeur anglais Philip Sparke, permettait à l’orchestre de souligner sa virtuosité. Le thème central scandé sur les percussions ostinato est donné par les bassons puis repris par l’ensemble tandis que les cors et les tubas ténor se lancent dans d’acrobatiques variations que viennent ourler les bois. Hymn to the sun du contemporain Satoshi Yagisawa (né en 1975) déployait ses pages imagées, depuis le lever du soleil à son zénith, auquel les oiseaux des bosquets voisins semblaient répondre. Une entrée pailletée était suivie d’élégants crescendos qui se repliaient sur le pupitre des clarinettes, puis laissaient éclore les voix des musiciens, en une célébration éblouie. 

Invitation au voyage

Comme un livre d’images, se feuilletait la Symphonie n° 4, Bookmarks from Japan, de Julie Giroux, dessinant sa vision occidentale du Japon à travers six estampes délicatement ciselées. Apparaissaient tour à tour Le Mont Fuji, l’ancien marché Nihonbashi, la Grande Vague de Kanagawa, le célébrissime tableau d’Hokusai, la Porte du Tonnerre d’un temple de Kyoto, Les neiges de Kambara (Evening Snow at Kambara), qui convient à un voyage intérieur charpenté par les accents de la flûte alto, instrument le plus proche du traditionnel shakuhachi, flûte japonaise en bambou. Enfin, Hakone, clin d’œil à un jeu vidéo qu’affectionne la compositrice, avec ses courses de voiture et ses virages en épingle à cheveu.

Les paradoxes du Japon en équilibre entre le rêve d’un univers immuable et la fragilité des choses – dans un pays où tout peut être remis en question très vite avec tsunamis et tremblements de terre – se voient condensés dans La Danse du Phénix de Toshio Mashima, avec sa palette frémissante et une certaine nostalgie presque jazzique. Comment évoquer le Japon sans passer par les dessins animés ! Une série emblématique, Hana Yori Dango, une jeune lycéenne se bat et s’impose contre quatre garçons (Tsukushi de Yamashita Kosuke dans un arrangement de Marie Faucqueur) et le thème de Mon voisin Totoro de Joe Hisaishi, subjuguaient par leur inventivité. Pour finir Omens of Love de T-Square, groupe japonais de jazz fusion nous faisait définitivement entrer dans le temps présent. 

MARYVONNE COLOMBANI

Le festival Soirs d’été à Silvacane s’est tenu du 5 au 7 juillet à La Roque d’Anthéron. 

Entre création et légende

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Vendredi 5 juillet, à la veille du week-end d’un second tour annoncé sans suspense par les médias qui envisageaient de bien sombres nuages, s’ouvrait la 26e édition du Charlie Jazz Festival, concoctée avec minutie par son directeur, Aurélien Pitavy. « Le jazz est un symbole de résistance aux préjugés, aux sectarismes, aux exclusions et le festival Charlie Jazz est un festival à taille humaine qui défend ces valeurs », affirmait avec force le président de Charlie Free, Franck Tanifeani. 

Le bonheur d’être

Après la fraîcheur vivifiante d’Accoules Sax, « La » fanfare de jazz-funk marseillaise, la petite scène des Moulins invitait Méandres, groupe soutenu par Charlie Jazz Festival qui lui a commandé cette saison une nouvelle création. Les trois complices Emmanuel Cremer (violoncelle), Fabien Genais (voix, saxophone alto), Uli Wolters (vibraphone, flûte) avaient pour l’occasion convié Émilie Lesbros (voix) et Mike Ladd (spoken word). Le groupe se livre à des expérimentations de rythmes, de dissonances, d’échos, soutient une parole engagée qui ironise que les « gens bien devant leur télévision » ou « les marionnettistes qui nous tirent par leurs files et nous rendent claustrophobes de notre propre existence ».  

Au temps des légendes 

Attendu par un public très nombreux, l’immense bassiste Marcus Miller, dont il est inutile de reprendre le CV tant il est impressionnant, venait sur la scène des Platanes, entouré des remarquables Xavier Gordon (claviers), Russel Gunn JR. (trompette), Donald Hayes (saxophone) et Anwar Marshall (batterie). Dédicaces à des monstres du jazz, évocation de Gorée, l’île des esclaves du Sénégal, évocation de compagnonnages, celui avec Miles Davis bien sûr, avec Tutu, mais aussi hommage à Jaco Pastorius le génial bassiste de jazz et jazz fusion américain… Les solos de saxophone brillaient par leur élégante fluidité. Chacun avait sa place dans le concert. Il est indéniable que le slap ébouriffant de Marcus Miller (jeu avec le pouce), ses slides acrobatiques, la puissance et la virtuosité de son approche, la variété des techniques, des registres, des univers, subjuguent. On sourit aux citations, un parfum de Bob Marley, un écho de David Sandbron… Magie éblouissante sous les platanes.

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 5 juillet au Domaine de Fontblanche, Vitrolles.

Festival d’Aix

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Les artistes de la cuvée 2024, tous déjà professionnels et issus de tous les continents, étaient coachés par Darrell Babidge, directeur du département vocal de la Juilliard School of Music de New York, de la chanteuse et cheffe d’orchestre, Barbara Hannigan et du pianiste Alphonse Cemin. Les deux premiers concerts permettaient d’écouter les chanteurs lyriques dans deux types de répertoire, « classique » pour le premier, superbement contemporain pour le second.

Réviser ses « classiques »

Le premier concert donnait à écouter un florilège d’airs d’opéra, passant de Mozart à Poulenc, de Haendel à Puccini, Verdi ou Meyerbeer. Les jeunes chanteurs et chanteuses avaient choisi des pièces qui correspondaient parfaitement à leurs timbres. Le tout accompagné avec une fine intelligence par les pianistes en résidence Gracie FrancisHonoka Kobayashi et le claveciniste Nicolò Pellizzari. Quelle palette ! Voix colorée et puissante de Susanne Burgess, légère et juste de Lilit Davtyan, oiseleuse et délicate de Madison Nonoa, (sopranos), tragédienne et vibrante de Marine Chagnon, espiègle et expressive de Joanne Evans, généreuse et élégante d’Elmina Hasan (mezzo-sopranos). Ne déméritaient pas le ténor Jonghyun Park et ses articulations méticuleuses, le baryton Timothée Varon et sa capacité à passer de la diction des Mamelles de Tirésias au phrasé de l’Enrico de Lucia di Lammermoor, et le baryton-basse Maurel Endong d’une aisance confondante dans tous les registres. 

Création mondiale

Établissant une connivence familière avec le public, Barbara Hannigan présenta chaque pièce contemporaine, esquissant des fragments d’histoire autour de ses choix, leur accordant un ancrage humain. La nuit du cycle Apparitionde George Crumb se glissait dans un piano préparé aux sonorités de harpe avant de rejoindre les déploiements de celle de Dutilleux sur San Francisco Night de Paul Gilson, ou les fragrances de celle de Claude Vivier inspirée des Hymnes à la nuit de Novalis. Telle une nuit glaçante, le 11 septembre 2001 sera évoqué par la musique que Sarah Kirkland Snider composa en hommage aux victimes.

La pièce maîtresse de la soirée fut la création de Noor (Lumière), émouvante et somptueuse pièce pour voix et piano que Golfam Khayam a composée sur un poème de Forough Farrokhzad, grande figure féminine de la littérature contemporaine iranienne. « L’absence d’espace et la nature intemporelle du texte, dont le langage est direct, simple, sensuel et frappant » selon la compositrice entrent en résonance avec notre époque, construisant un « pont solide entre deux mondes » (ibid). Dans notre monde fragile, le chant tisse inlassable les fils d’ententes à venir.

MARYVONNE COLOMBANI

Ces concerts ont eu lieu les  24 et 27 juin, Hôtel Maynier d’Oppède, Aix-en-Provence

Dimanche mémorable

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Le spectacle était conçu de façon originale par les complices de plus de trente ans que sont les fantastiques pianistes François-René DuchâbleClara KastlerHubert Woringer et Isabelle Terjan. « Il s’agit d’établir une progression en commençant par des pièces à une, puis deux, puis, trois, quatre, six et huit mains sur un deux et trois claviers », expliquait François-René Duchâble qui l’avant-veille initiait les enfants de l’école primaire de Pourrières au piano classique avec un clavier électronique monté sur un vélo. 

C’est en présence du compositeur, Tristan-Patrice Challulau, né à Aix-en-Provence, qu’il ouvrait les festivités en interprétant son Grillos allegrios pour main droite, dessinant avec fluidité les paysages nocturnes où résonnent les accords ostinato des insectes nimbés des vibrations d’une note grave qui s’éternise. Le compositeur remercia son interprète : « j’ai enfin entendu le souffle de la poésie de mon œuvre contrairement à ce qui se passe lorsqu’elle est jouée par un artiste spécialisé uniquement dans le contemporain ». 

Les enchantements se poursuivent : le pianiste passe à la main gauche dans une pièce de Scriabine, magie sensible qui se prolonge avec Docteur Gradus ad Parnassum, extrait de Children’s Corner de Debussy par Clara Kastler, sublime de virtuosité et de sensibilité. 

Au bout malgré tout

Puis cette immense artiste s’écroulait sur scène, jouant jusqu’aux bords de son malaise, en duo avec François-René Duchâble, un arrangement pour trois mains de la Petite musique de nuit de Mozart. 

D’un courage au-delà de toute mesure, son époux, Hubert Woringer prenait la suite pour que le morceau soit achevé. Le programme était remonté, réorchestré, remodelé au fur et à mesure, brillant, bouleversant, émaillé d’anecdotes. 

C’est la transcription pour deux pianos par Dutilleux du Clair de lune de Debussy qui accompagne la pianiste alors que les pompiers l’emportent vers l’hôpital d’Aix. On joue sur les « partitions de Clara » qui a tout réglé. On laisse Bach, ce n’est plus possible, on reprend Sirènes de Debussy, sans les sirènes, la Romance du Concerto n° 2 de Rachmaninov… Isabelle Terjan déchiffre avec brio, les interprètes se surpassent, offrent la quintessence de leur art. 

Le huit mains final sera un six mains, l’inénarrable et jubilatoire Galop de Lavignac qui sera repris en bis. L’impression, dans ce couvent des Minimes où l’opéra se partage au village dans un esprit exceptionnel, que la résistance aux sidérations du présent passera par la volonté inébranlable de tous. 

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 30 juin au Couvent des Minimes, , Pourrières, dans le cadre de l’Opéra au Village.

Clara Kastler, victime d’un AVC, est à l’heure ou paraît cet article toujours hospitalisée, et n’a recouvert que partiellement sa mobilité

Art et soin, quelles hospitalités ?

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Vue de l'exposition © S.C.

Marseillaise depuis 1998, Lina Jabbour est née à Beyrouth et diplômée de l’école d’art de Bourges. Investissant l’espace, d’installations monumentales, son dessin se mue en trace et la trame en fil rouge d’une lecture sensible où les femmes ont été internées et « contenues ». Car les œuvres émergent de sa résidence au 3 bis f, sis au cœur du Centre Hospitalier Montperrin. Son travail, des séries de dessins et de peintures de 10 mètres de long, se nourrit de l’histoire du lieu, notamment l’emplacement des lits des patientes dont le sol est reproduit dans différentes formes. Les fantômes des patientes se muent en une forme légère et transparente de tarlatane, les cellules de contention sont également investies et le son de la grande calandre de la blanchisserie accompagne la visite. 

Montperrin, un lieu à mémoires multiples

Depuis 40 ans, c’est cette démarche articulant la création artistique au soin qui se déploie au 3 bis f, Centre d’art contemporain d’intérêt national. À l’heure où la création artistique comme la santé mentale interpellent sur leur condition d’exercice, cette démarche originale illustre une alternative ancrée dans la pratique innovante et l’engagement des acteurs. 

SAMIA CHABANI
Directrice de l’association Ancrages 

Le sol et son dièse
Jusqu’au 31 août
3 bis f, Aix-en-Provence

En Ardèche, de la musique servie sur un Plateau

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Photo d'archive festival Oh Plateau ! @seneryilmazaslan

Une grange, un lac, du vert et de la musique. C’est le généreux cocktail que présente une fois de plus le festival Oh Plateau !, du 26 au 28 juillet, toujours caché dans son Ardèche Verte autour de Saint-Agrève (07). Côté musique, le rendez-vous se distingue par sa programmation pointue – souvent à mi-chemin entre pop et électro – avec des artistes émergents, mis sur le devant de la scène par l’association Voilà Voilà à l’initiative du festival.

Quelques artistes à découvrir :

Abstraxion B2B Schön Paul : Ils étaient il y a quelques semaines au festival Encore Encore dans la Provence Verte, ils sont de retour dans l’Ardèche Verte, armés d’une sélection électro à coup sur emballante : EBM, italo-disco, techno, house…
Goldie B : Chanteuse, DJ, productrice, Goldie B est une valeur sûre de la scène marseillaise, surtout quand elle envoie ses sonorités UK bass, jungle, nu jazz et breakbeat.
Leoni Leoni : Pop évanescente, douce, mélodique et mélancolique, avec ses bizarreries accrocheuses, Leoni Leoni arrive à faire de la pop un genre d’avant-garde.
Pristine Pit : L’union de Charles Sinz (DJ, musicien, et co-organisateur du festival) et de Mila Necchella (DJ et productrice). Dans ce nouveau projet, tous deux face à face, ils s’emparent de leurs influences électro respectives, pour les renvoyer avec tact sur le dancefloor. 

Et aussi : Attention le tapis prend feu, Baby’s Berseck, Les Désanchanté·e·s, GBOI, Jazz Lambaux, Od Bongo, Permadanse, Sofia, DJ Startup, The Deadly Ruby aka Lisa More, Waralu, Caroline Peron… 

N.S.

Oh Plateau !
Du 26 au 28 juillet
Saint-Agrève (07)
ohplateau-festival.com

Coup dur pour le Jardin Sonore

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Queens of the Stone Age © Andres Neumann

Le Jardin Sonore ne commencera finalement pas le 10 juillet mais le 11, ont annoncé ce matin les organisateurs du festival vitrollais. La première soirée a été déprogrammée après que sa tête d’affiche, le groupe californien Queens of the Stone Age ait annulé sa venue. Selon le communiqué publié sur les réseaux sociaux du groupe, le leader Josh Homme est dans l’obligation de rentrer aux États-Unis pour une opération chirurgicale d’urgence et le groupe ne pourra donc pas performer jusqu’à la fin du mois.

Si le retrait de la tête d’affiche à la veille de l’évènement a provoqué l’annulation simple et nette de la première soirée, les trois suivantes devraient se dérouler comme prévue, avec la présence d’artistes comme Louise Attaque et Rodrigo y Gabriela, Pomme, ou encore Le 3e Œil. 

CHLOE MACAIRE 

Jardin Sonore 
Du 11 au 13 juillet 
Vitrolles

[Festival d’Avignon] Angélica Liddell aux frontières du tabou

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DÄMON d'Angélica Liddell en ouverture de la Cour d'honneur © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon Festival d’Avignon Texte, mise en scene, scenographie et costumes Angelica Liddell Lumiere Mark Van Denesse Son Antonio Navarro Assistanat a la mise en scene Borja Lopez Avec David Abad, Ahimsa, Beatriz Alvarez, Yuri Ananiev, Nicolas Chevallier, Guillaume Costanza, Elin Klinga, Angelica Liddell, Borja Lopez, Sindo Puche, Daniel Richard et la participation de figurants

Les premiers mots qu’Angélica Liddell prononce sur la scène de la Cour d’honneur de toute sa carrière ne sont d’elle, mais de critiques de médias français qu’elle cite nommément. Des attaques verbeuses auxquelles la performeuse espagnole répond par des insultes, plaçant de fait son art (voire sa personne) dans le champ de l’inattaquable. Si cela s’inscrit aisément dans la logique outrancière de Liddell, qui cite les Carnets de Bergman dans lesquels il témoigne du même rejet, il demeure paradoxal de décrédibiliser ainsi la critique dont le rôle est de participer au débat public sur l’art, dans une pièce qui porte autant à débat. 

Ses attaques se redirigent rapidement vers le public, « les gens » qu’elle « plaint » de manière générale, puis se muent en questions existentielles. Celles-ci, adressées toujours avec la même violence aux spectateurices, prennent pour prémisses les pires horreurs, démons et pulsions, et renvoient à de nombreux tabous. La violence de ce monologue introductif pourrait s’apparenter à du sadisme si elle n’était pas le point de départ de la longue réflexion sur l’obscène que constitue DÄMON.

Comme après une prophétie autoréalisatrice,  la pièce illustre ensuite, tableau après tableau, les différentes situations et pulsions qu’évoque Liddell dans ce brutal interrogatoire initial. Si les mots pouvaient être ignorés, leur traduction scénique ne l’est pas, et le public est bien obligé de se poser les questions formulées plus tôt. Peut-on accepter de voir des adultes nus à côté d’un enfant ? de voir des actes sexuels être performés, ou même simulés, toujours en présence de l’enfant, même si celui-ci, yeux et oreilles couverts, ne semble pas s’en rendre compte ? 

Dès lors deux autres questions apparaissent : celle de la fin et des moyens dans l’art, et celle de la nécessité du tabou. 

Sacrée Angélica 

Mettant à mal le principe de tabou, l’artiste enclenche un long processus de désacralisation de l’enfance et de la vieillesse, de la mort, du sexe, du culte et du lieu. C’est là que la décision d’avoir placé cette pièce dans la cour d’honneur prend tout son sens. 

Non seulement Liddell mobilise l’architecture de la Cour dans plusieurs tableaux, elle invite le public à réfléchir à l’aspect patrimonial du lieu, son caractère sacré et, prenant pour acquis que ses outrances – relatives vis-à-vis de ce qu’elle est capable de proposer – choque en ce lieu qui a pourtant vu mourir nombre de personnes. 

À la fin du spectacle plus rien n’est sacré, si ce n’est Ingmar Bergman, l’amour que Liddell lui porte, l’art et la joie, bien qu’à en croire l’avant-dernière phrase projetée sur le mur, l’artiste ne croie pas complètement en la possibilité de cette dernière.

CHLOÉ MACAIRE 

DÄMON
Jusqu’au 5 juillet 
Cour d’honneur du Palais des Papes, Avignon