mardi 26 novembre 2024
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Retour au bled

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© Yohanne Lamoulère / Tendance floue

Ce sont les trois facettes d’une même proposition. Le film 504, l’exposition Renault 12 et les soirées performatives, produites par le Mucem dans le cadre d’actoral, parlent de ce trajet qu’ont emprunté des millions d’immigrés à partir des années 1970 entre la France et le Maroc, l’Algérie ou la Tunisie. Selon la destination, les étapes traversent l’Espagne ou par les grands ports méditerranéens, comme Marseille.

Les voitures « cathédrales » chargées à bloc de cadeaux pour la famille, à la récupération d’objets destinés à une seconde vie, laissent une petite place, aux enfants entassés. 

Le film, documentaire, s’attarde sur les visages et les récits. Le chargement du coffre, de la galerie, de l’habitacle. Les sorties d’autoroutes espagnoles, les accidents, les bakchichs aux frontières, les marques constantes du racisme, tout au long des différents trajets. Mais aussi les musiques ressassées sur l’autoradio, celles qu’on reprend ensemble, les conversations, et l’accueil des cadeaux, enfin, l’arrivée. Toute une époque, dont on n’a pas fini d’exhumer la mémoire particulière, nécessaire pourtant à la construction des générations présentes et futures ! 

Grâce à l’art, au surgissement des objets, des visages, des musiques, Mohamed El Khatib impose, sensible, l’histoire des diasporas dans la réalité française, et sa part considérable dans l’industrie automobile. Fabriquée majoritairement, à l’époque déjà, par une main d’œuvre immigrée. 

AGNÈS FRESCHEL

Renault 12
Du 27 septembre au 19 octobre

504
Les 27 et 28 octobre
Couvent des Prêcheurs, Aix-en-Provence
Dans le cadre de la programmation du Bois de l’Aune
boisdelaune.fr

Terres de gauche, de droite, ou de fantasmes ? 

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Depuis Charles Maurras et Maurice Barrès, le terroir est le symbole de bastions à défendre face à ce qui vient du « dehors ». Aujourd’hui encore le terroir est instrumentalisé ; d’un côté par l’extrême droite qui véhicule l’imaginaire d’une France qui n’a jamais vraiment existé, et de l’autre par le capitalisme. Les industriels ont bien compris que les produits dits du « terroir », gages de qualité, faisaient vendre. Or le terroir, ce n’est pas la lessive à la lavande ou au savon de Marseille, c’est d’abord le circuit court, le respect de la vie, l’écoute des climats, la communauté solidaire. L’actualité du terroir, c’est sa dimension écologique et sociale. 

S’appuyant sur des recherches de sociologues, d’historiens, de géographes, Samuel Grzybowski, enseignant à Sciences-Po, cofondateur de Coexister, mouvement d’éducation populaire pour la laïcité et directeur d’une coopérative de tiers-lieux écologiques et solidaires (CitéCoop), revient sur l’histoire du terroir, la vraie, pas celle idéologisée pour en faire un lieu de repli identitaire. Un espace « commun » qui a toujours mobilisé les luttes sociales : celles des mineurs du Nord issus de l’immigration, des sardinières de Douarnenez, des ouvriers de Sochaux auxquels nous pourrions rajouter les ouvriers des chantiers navals de La Ciotat ou les mineurs de Gardanne ; un terroir qui aujourd’hui crée des communautés de résistance face au surtourisme, et aux airbnb. 

L’auteur définit quatre branches au terroir : un lieu, des gens, une production liée à une terre ou un climat et la transmission de traditions et de pratiques. En cela il peut aussi bien s’incarner dans le sel de Camargue que dans les fest-noz de Bretagne ou le rap en Seine-Saint-Denis. Cet ancrage dans une terre à partir de laquelle on peut lutter est liée au droit du sol à l’origine de la conception de gauche de la nation. C’est la vie dans un lieu qui légitime son lien à celui-ci, non pas la filiation raciale et biologique d’anciens propriétaires déconnectés du terrain. L’auteur nous parle de ces tiers lieux paysans qui impliquent les communautés locales, des parcs naturels qui soutiennent les activités compatibles avec l’environnement comme celui de Camargue qui favorise l’élevage extensive de taureaux et de chevaux, la riziculture biologique et le tourisme ornithologique ou le parc national de Port Cros qui soutient la pêche artisanale et l’écotourisme. Un livre salutaire.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Les Terroirs et la gauche, de Samuel Grzybowski
Éditions du Faubourg – 19 €
Sorti le 13 septembre 

Offensif !!

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Mouss et Hakim © Victor Deneumoustier

Diasporik. Le groupe Zebda, formé en 1985 à Toulouse par Magyd Cherfi et les frères Mouss et Hakim Amokrane s’est toujours engagé pour les quartiers populaires. Quelle vision avez-vous de la France d’aujourd’hui?

Mouss. Au regard de l’histoire du groupe qui se situe au croisement des mémoires familiales, populaire et migratoire, je suis optimiste. Notre groupe s’est fait connaître du grand public par ses chansons mais également par son engagement politique. Nous avons grandi dans une France où les stars de la chanson étaient principalement « blanches », aujourd’hui la France multiculturelle a avancé. Mais notre pays est ambivalent, et souffre d’un grand déficit démocratique. Macron est passé maître dans la dépossession démocratique, à l’occasion des dernières législatives.

Comment cette ambivalence se traduit-elle dans vos chansons ?
Nous avons l’âge de nos combats…Nous sommes des passeurs de mémoires et nos chansons sont là pour témoigner désormais pour nos enfants. Nos combats ont porté cette idée de la créolisation, le processus qui désigne l’émergence d’une nouvelle culture au contact des autres. Notre engagement militant et artistique a accompagné le mouvement de créolisation car pour nous, il n’a jamais été question d’intégration. Contre le racisme, le rejet, il n’y a pas d’arrangement !

Vous serez présents à la fête offensive, quel est votre lien avec les Bouches-du-Rhône et Marseille ?
C’est la famille ! La Méditerranée et les pays d’Oc ! Marseille et Toulouse sont de grandes villes ancrées dans un terroir qui se distingue, une autochtonie ouverte sur le monde et les terroirs méditerranéens. En tant qu’enfants d’Algériens, nés à Toulouse, nous partageons l’amour du Midi avec le sentiment d’être autant du pays d’Oc que du quartier. Nous avons eu la chance d’être imprégnés de cette culture régionale et c’est ce qui nous rattache à Marseille. L’histoire de la Méditerranée, ce sont toutes ces mosaïques régionales, occitanes, amazighes, avant la dimension nationale. Dès les années 1990, on s’est retrouvés entre amis du Sud-Est et Sud-Ouest, avec la culture méditerranéenne et occitane comme un socle commun très puissant, à travers les nombreux festivals. Bercés par la vision occitane dans notre approche de l’histoire de France, notamment grâce à certains de nos enseignants qui nous ont transmis l’histoire régionale autant que nationale. Avec nos parents, c’est l’histoire coloniale qui nous rattrape…

Précisément, vous avez réalisé un album hommage à vos parents et vos origines avec Origines contrôlées. Quelle a été sa réception par vos publics ?
C’est un album qui fait écho à nos histoires migratoires et hommage aux chansons de l’exil, partagées au sein de nos familles… Après le succès de Zebda et de Motivés, on a souhaité rendre hommage aux chansons entendues à la maison, issues de l’exil de nos familles. On a la chance d’avoir des parents qui sont de vrais mélomanes et qui nous accompagnent dans la prononciation en kabyle ou en arabe. Pour l’orchestration on s’appuie sur d’excellents instrumentistes qui facilitent une interprétation adaptée.Que ce soient Dahmane El Harrachi ou Slimane Azem, ces artistes ont agi comme des médicaments et ont permis à plusieurs générations d’immigrés de supporter l’exil. La poésie des textes accompagne ces parcours cabossés, faits d’incertitudes, d’éloignement, parfois de violences et de rejet.  Mon père me disait qu’ils l’ont aidé à supporter la dureté de la vie, le déplacement, et à devenir meilleur pour les siens. 

Les Darons de la Garonne est un album qui illustre votre ancrage régional de binationaux. Comment valorisez-vous ce message dans cet album? 
C’est avant tout un hommage au territoire d’enfance. Des montagnes kabyles au quartier des Minimes, qui est aussi celui de Claude Nougaro, nous sommes chez nous !
La rencontre avec Claude Nougaro était un grand moment, il nous a écrit un texte intitulé « bottes de banlieue ». Après sa disparition, sa famille nous a confié des textes inédits, un legs important qui rend hommage aux anciens. Une occasion de se définir ensemble. Le premier texte est intitulé « le lait caillé » elben en arabe, ikîl en amazigh. C’est un point commun essentiel, une tradition locale et transnationale que nous partageons. Ma mère a poursuivi la tradition du lait caillé. La musicalité de cette chanson est celle d’une chanson kabyle, en rythme 6/8 comme dans les fêtes traditionnelles. Nous savons bien qui nous sommes, citoyens français amazighes du pays d’Oc, et de Méditerranée!

ENTRETIEN REALISE PAR SAMIA CHABANI

Fête offensive
Les 27 et 28 septembre
Parc de Fabregoules, Septèmes-Les-Vallons
Réservations sur :
feteoffensive.fr
10 € Tarif unique

« Une odeur de lit défait »

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Dom Juan © Juliette Parisot

Zébuline. Après Les Femmes savantes, après Tartuffe, pourquoi revenir à Molière ? 

Macha Makeïeff. Il a écrit Dom Juan entre les deux versions de Tartuffe, et les pièces ont beaucoup à voir. Elles ont été créées par la même troupe d’acteurs, et j’ai aussi aimé retrouver les miens dans cette suite, avec quatre jeunes acteurs formidables qui les ont rejoints… En dehors de ce côté humain, le point commun est la thématique de la prédation. Elle apparaît dans Tartuffe pour devenir le thème central de Dom Juan, qui n’est pas plus la religion ou le « Ciel » que dans Tartuffe. Je dégage le surnaturel et je parle d’emprise. Don Juan* est, dès l’entrée, un personnage perdu, qui va mourir. Molière avait vraiment le génie pour comprendre les ressorts de la séduction, sa perversité, et le poids du patriarcat. Les femmes y sont toujours dans des impasses épouvantables et le patriarcat engendre des monstres. Don Juan en est un, comme de nombreux hommes de Molière.

Vous déplacez l’intrigue au XVIIIe siècle, où le libertinage a un autre sens…

Oui. Ce glissement permet de mieux faire sentir la dislocation de l’aristocratie. Don Juan est tué par les siens. Et au niveau plastique, le XVIIIe m’intéresse, et permet de faire sentir cette odeur de lit défait. Mon Don Juan, enfermé chez lui, est sadien. Il entretient une relation de proximité, d’amour, de violence, avec son valet, comme Sade et Latour. Il est au bout du rouleau, voué à la mort. Comme chez Sade, tous viennent chez lui. 

Même les paysannes ? 

Je n’ai jamais aimé cette scène avec ces accents, ce comique de classe, de mépris. Elle me gêne, socialement, politiquement. Alors je l’ai transposée. Don Juan, comme Sade, fait du théâtre, les paysannes sont des comédiennes et il se met en scène comme prédateur. Chez lui.

Est-ce-que vous aimez certains aspects de votre « grand seigneur méchant homme » ? Sa liberté, son panache ?

C’est un monstre. Sa liberté est celle, sadienne, de détruire, de faire le mal. S’il a une faille qui peut émouvoir, c’est celle d’avoir été un gosse rejeté et nié par son père, qui dit sa « honte de l’avoir fait naître », ce qui est une parole d’une violence absolue pour un fils. Les pères produisent des monstres quand ils ne donnent pas de place à leurs fils. C’est une faille de Don Juan qui peut émouvoir, mais n’excuse pas.

Sa prédation sexuelle ? 

Oui, ce « non » des femmes qu’il faut enfin entendre. Elvire est un personnage très fort, qui évolue, se heurte à un mur dans la première scène, puis revient. Dans sa dernière scène, par deux fois, elle dit « non ». D’habitude, on entend peu ce « non ». Je veux qu’il résonne, comme la fin d’un système et d’un monde. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

*Molière écrit « Don Juan » pour désigner son personnage, et « Dom Juan » comme titre de sa pièce, sans doute pour la différencier des Don Juan précédents, et pour faire allusion au « dominus », le maître. 

Dom Juan
Du 25 au 28 septembre
Théâtre Liberté, Scène nationale de Toulon
chateauvallon-liberte.fr

Du 15 au 18 octobre
Jeu de Paume, Aix-en-Provence
lestheatres.net

Richesse de l’art 

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CEST PAS DU LUXE ! © Anthony Micalleff

Présenter l’aboutissement de projets artistiques au long cours, tissés entre des artistes professionnels, des personnes en situation de précarité et des citoyen·ne·s de tous horizons. Voilà ce que propose tous les deux ans le festival C’est pas du luxe !, porté par La Garance (Cavaillon), l’association Le Village, et la Fondation qui ne portera bientôt plus le nom de son abbé fondateur et agresseur. 

Du 27 au 29 septembre à Avignon, le rendez-vous propose des créations qui affirment haut et fort que l’accès à la pratique artistique et culturelle ne doit pas être un luxe réservé aux personnes les plus favorisées, mais être celui de tout un chacun·e. Car l’accès aux droits culturels pour tous, y compris pour les personnes en situation d’exclusion, est fondamentale. En permettant de découvrir plus de 60 propositions artistiques (expositions, spectacles, concerts, films) avec plus de 600 artistes amateur·e·s et professionnel·le·s, C’est pas du luxe ! valorise ces démarches et ceux qui les portent, invite chacun à rencontrer l’autre, et à faire évoluer le regard sur la précarité. 

Le Grand Tour

Parmi les nombreux rendez-vous proposés, Le Grand Tour est le second volet d’un projet initié par la Collection Lambert avec l’artiste Mohamed El Khatib, autour de la question : « comment habiter et s’emparer véritablement de nos lieux de culture ? » Des résident·es de sept structures sociales, devenant commissaires d’exposition d’un nouveau genre, sont parti·e·s en voyage pour découvrir une grande ville européenne (Athènes, Barcelone, Bruxelles) et une institution culturelle partenaire. Accompagné·es de trois chorégraphes (Christian Rizzo, Vania Vaneau et Julie Guibert), iels ont collecté, à travers visites de musées, découvertes de la culture populaire et rencontres, une matière vivante dans le but de créer une exposition d’un nouveau genre, où les souvenirs ramenés prennent de multiples formes : installations, performances, danses, récits, projections, etc. Inauguration à la Collection Lambert le vendredi 27 septembre, exposition visible jusqu’au 19 janvier 2025.

Grand Bazar et Big Party

Autre invitation à la rencontre et à la curiosité, Le Grand Bazar des Savoirs, orchestrée par Didier Ruiz, metteur en scène au sein de la compagnie des Hommes, qui invite (les 28 et 29) dans l’église des Célestins à rencontrer en mode speed-dating 80 expert·es et passionné·e·s autant de l’apiculture urbaine, des ondes gravitationnelles, de la littérature japonaise, d’Harry Potter, que des fantômes, des rapaces, des toupies Beyblade, du tiramisu, etc…. Une façon de déployer à l’horizontale l’éclectisme absolu des expertises et des passions, et de titiller voire de réveiller la curiosité pour l’autre et pour le monde. Enfin la dimension festive de C’est pas du luxe ! sera notamment mise en œuvre avec The Big Party de La Big Up Cie, grande fête participative, en costumes, masques et marionnettes (le 28) à La FabricA. Au programme : repas partagé, danser sur un podium, chanter faux et créer ensemble des souvenirs joyeux !

MARC VOIRY

C’est pas du luxe !
Du 27 au 29 septembre
Divers lieux, Avignon

L’adieu à la rockeuse du désert

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© Tnk1PrdZ

Il fallait bien trois formats – conférence, film et concert – pour tenter d’appréhender toute la richesse de la grande musicienne algérienne Hasna El Becharia. Née Hosni Hasniat, elle est décédée  le 1er mai 2024 à Béchar, sa ville natale, située dans le Sahara algérien, proche de la frontière marocaine. Elle avait 73 ans. Les deux compères journalistes et explorateurs musicaux Baba Squaaly et Professeur Babacar ont lancé la soirée avec une conférence sur cette pionnière de la musique diwan, celle des gnaouas d’Algérie, inspirée de traditions profanes et sacrées héritées des anciens esclaves noirs subsahariens. Hasna fut la première femme à jouer du guembri, un luth réservé aux hommes. Son père Salem, maître de cérémonie excellait dans cet instrument strictement réservé aux hommes. Fascinée, la petite Hasna, se bricole un guembri et apprend à jouer, cachée sur la terrasse. Elle sera aussi la première femme algérienne à s’emparer de la guitare électrique. Elle en joue dans les mariages, parce qu’elle ne supportait pas qu’on ne l’écoute pas lorsqu’elle jouait du oud. 

Sa notoriété traverse le désert et en 1999, elle est invitée à se produire au Cabaret sauvage à Paris dans le cadre d’une soirée dédiée aux musiciennes algérienne. C’est une révélation. Un disque sera produit, puis un deuxième. Décidée à rester en France, elle se heurte à des mentalités bien loin de l’esprit de solidarité et d’hospitalité qui prévaut dans sa communauté. Elle rentre en Algérie. La réalisatrice Sara Nacer suit son périple dans le très joli film présenté au public : La rockeuse du désert où l’on découvre une Hasna drôle, facétieuse et généreuse. Elle accueille chez elle des femmes répudiées par leur mari, devient un modèle d’émancipation pour la jeune génération et continuera à jouer jusqu’à sa mort. Mais déjà résonne le son des tambours car quoi de mieux pour célébrer une musicienne que d’interpréter ses morceaux ? Kader Denednia Hassan Boukerou, Amine Boukra, Jamel Reffes et Sylvie Aniorte-Paz s’en sont donné à cœur joie devant une salle qui danse et fait résonner les youyous.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Soirée hommage donnée le 20 septembre au Théâtre de l’Œuvre, Marseille. 

DIASPORIK : So pride ! 

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© S.C.

Si elle n’a pas encore relevé le défi économique, la nouvelle librairie internationale marseillaise a d’ores et déjà relevé celui de l’hospitalité. L’accueil est toujours convivial et répond aux attentes des lecteurs dont certains « traversent désormais La Canebière ». Anne-Sophie Crespin, la fondatrice, souligne l’importance de mettre en exergue les langues étrangères, dont l’anglais, l’arabe, l’italien et l’espagnol : incontournable pour une ville ouverte sur l’Afrique et la Méditerranée et comptant l’une des plus grandes mosaïques diasporiques au monde ! Une gageure en matière de diffusion des langues et d’œuvres littéraires, dans un contexte de forts antagonismes (trans)nationaux, et avec la volonté d’accueillir toutes les formes d’expressions singulières sans discrimination, de genre, de trajectoires ou d’origines.

La hauteur sous plafond et la grande devanture offrent des espaces d’exposition inédits, à l’instar des grandes brasseries qui jalonnaient le cours Belsunce et La Canebière au XIXe siècle et qui constituaient le reflet du brassage culturel de Marseille, avec ses cafés où se côtoyaient locaux, touristes et négociants. On se surprend à rêver à un environnement plus soigné autour de la Librairie permettant de passer du tiers-lieu au tiers-quartier avec assise, ombrage, végétalisation… 

Et d’autres pages à écrire

Une association corollaire, Lella-Culture et Inclusion, développe des projets inclusifs et accueille les ateliers d’écriture, les concerts, les étapes de balades, les cinés club sans oublier les fameux karaokés multilingues ! 

Dans les projets de partenariat annoncé, celui de la création du Salon du livre arabe, avec Hayet Kasdi, médiéviste, autrice et fondatrice de la maison d’édition El Amir en 2021, à Marseille. Un rendez-vous qui pourrait se pérenniser à l’occasion de la Journée internationale de la langue arabe, date à laquelle l’Assemblée générale des Nations unies a officiellement reconnu l’arabe comme langue officielle, le 18 décembre 1973. 

SAMIA CHABANI

Et aussi
La librairie accueille l’exposition Aphrodite de Marie-Rose Frigière
jusqu’au 25 septembre 
grandelibrairie.com

La Festejada ambiance le Haut-Var 

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Exils © X-DR

« La Festejada est l’occasion de mettre l’humain, la rencontre et la découverte de l’autre au premier plan »se réjouit Baltazar Montanaro,violoniste baryton. Au programme, du cinéma avec The death of Drakula réalisé par l’école de Cinéma de Cluj (Roumanie), accompagné en musique live sur une composition de Miquèu Montanaro.Le 28 septembre, Correns célèbre l’automneau cours d’une cérémonie matinale de rituels et de méditations. Le public pourra enchaîner avec une promenade menée par une calèche de musiciens et accompagnée par une guide du Pays d’Art et d’Histoire Provence Verdon. 

Zabou Guérin, petit orchestre à elle toute seule avec son accordéon Bayan, donne rendez-vous à l’heure du goûter. Puis ce sera l’Apéro conférence de Jean-Baptiste Imbert de Radio Grenouille avec l’anthropologue Anaïs Vaillant et les artistes Vincent Moon, Cati Delolme et Miquèu Montanaro autour du thème « savant et populaire ». À 21 heures place aux Exils. Adrien Chennebault,percussions, Baltazar Montanaro, violon baryton et Elsa Lambey, voix et flûtes, abordent la question sensible des migrations avec une musique revendicative et emplie d’espoir. 

À Correns on se couchera tard avec le Live Cinema Vj Set, séance de transe collective initiée par Vincent Moon. L’artiste a fait le tour du monde pour filmer des rites musicaux et propose une fresque mouvante dans laquelle les univers se bousculent. Le dimanche à 11 heures, c’est heure de la messe à l’église du village ; une messe toute particulière. La Missa Monica mêle le sacré, le païen et toutes les formes de spiritualité dans un respect du vivant. Elle sera donnée en première création, en présence du compositeur Lionel Ginoux. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Festejada
Du 17 au 29 septembre
Correns
compagnie-montanaro.com

Lutter et transmettre, en France comme en Algérie

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Fadhma & Louise © Collectif Manifeste rien

Dans sa pièce Fadhma et Louise, Virginie Aimone croise le destin de deux figures révolutionnaires du XIXe siècle, la communarde Louise Michel, et la résistante kabyle Fadhma N’Soumer. 

Zébuline. Pourquoi avoir décidé de travailler conjointement sur ces deux figures ?

Virginie Aimone. Lors de mes recherches sur Fadhma N’Soumer et Louise Michel, j’ai été frappée par le nombre de points communs. Elles ont toutes les deux lutter pour leur peuple, mais aussi contre leur propre camp par rapport à leur condition de femme et leur niveau social. Les deux sont nées en 1830, année du début de la colonisation française en Algérie. J’ai voulu travaillé cette histoire franco-algérienne, raconter la lutte de ces deux pays contre le même impérialisme français, en suivant la trajectoire de deux femmes, depuis leur naissance jusqu’à leur mort, enfin celle de Louise en 1905. Fadhma est morte avant.

Vous traitez aussi du combat de Louise Michel pour les droits des Kanaks.

Les communards parisiens et les insurgés kabyles ont été déportés au même endroit, au bagne de Nouvelle-Calédonie. L’armée française, qui cherche alors à y instaurer une colonie de peuplement, leur propose d’aider la France à asservir les kanaks en échange d’un lopin de terre. Beaucoup vous alors retourné leur veste, et passer de victimes à bourreaux. Il y a eu des exceptions comme Louise Michel, qui a fait le choix de lutter pour ne pas perpétuer cette violence sur d’autres. 

Dans votre pièce, Fadhma et Louise se rencontrent grâce à la figure de Yemma. Qui est-elle ?

Dans la mythologie berbère, Yemma-s n dunnit est la première mère du monde, celle qui l’a créé avec une égalité totale entre les hommes et les femmes, les humains et les animaux. Elle a ensuite été déchue et traitée de sorcière. Dans la pièce, quand Fadhma meurt en prison, Yemma lui permet de voir ce qui se passe dans son pays et en France, et notamment de voir qu’il y a une autre femme, Louise Michel, qui se bat un peu comme elle, et Fadhma va petit à petit se mettre à parler à Louise de manière subliminale.

La transmission a une place importante dans la pièce. 

Transmettre la mémoire de l’histoire me paraît très important, il n’y a que comme ça qu’une société peut se construire de manière équilibrée. Je pense qu’on porte les blessures de manière transgénérationnelle même au niveau des pays, et elles se perpétuent tant qu’elles ne sont pas mises en évidence.

CHLOÉ MACAIRE

Fadhma et Louise 
27 septembre 
Théâtre de l’Œuvre, Marseille

Ivres de vie, avides de bonheur 

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Nous ne parlerons pas du gouvernement.

Ce matin devant moi au supermarché une femme s’est mise à pleurer. Elle avait dans son panier deux baguettes, une boite d’oeufs et quatre pommes. Il lui manquait 40 centimes.

Avant cela, par deux fois, dans la même rue, des hommes jeunes, propres et délicats, m’avaient demandé de l’aide « pour le café du matin » et « pour un croissant », luxe suprême. En sortant du supermarché, après avoir réglé les 40 centimes de la dame qui s’apprêtait à renoncer à une de ses pommes, un autre homme m’a demandé un paquet des mouchoirs qui dépassaient de mon caddie. « Pour ma dignité », dit-il. 

Nous ne parlerons pas du gouvernement. 

Et pas plus de ceux d’avant, de Manuel Valls qui renverse les orientations de Jean-Marc Ayrault et impose une politique d’austérité aux conséquences sociales dramatiques. Des 1801 décès (officiels) de SDF entre 2007 et 2011, alors que Sarkozy avait promis de mettre fin au sans-abrisme. De l’effarante augmentation de la pauvreté et de l’extrême pauvreté en France ces 20 dernières années, extrême pauvreté qui touche majoritairement des femmes, et souvent des mères isolées. Un enfant sur cinq vit actuellement de l’aide alimentaire, vestimentaire et sociale. Il est question ici des moins de 3 ans, de bébés affamés.

L’austérité a un coût, que ne payent pas ceux qui en décident. 

Nous ne parlerons pas non plus du désespoir des enseignants qui ne peuvent plus enseigner, des étudiants laissés au bord d’un parcours sup que seuls les riches peuvent contourner. Nous ne rappellerons pas les « morts inattendues » qui se multiplient aux urgences, la baisse sans précédent de l’espérance de vie en bonne santé, l’explosion des souffrances psychiques et des maladies mentales. La question restera donc posée, sans autre réponse que la vôtre : comment appelle-t-on ceux qui, en conscience, mettent en danger la vie des autres ? 

Ici, dans ces pages, parce que nous restons ivres de vie et avides de bonheur, nous vous parlerons  de ce qui résiste. De C’est pas du luxe !, magnifique festival qui redonne dignité et force aux sans-abris, en espérant que le combat de la Fondation Emmaus ne souffre pas des crimes de L’Abbé Pierre. De Mouss et Hakim, qui passent à L’Offensive. De SOS Méditerranée qui prépare sa fête. De tous les acteurs culturels qui, hier, ont appelé à faire front contre l’extrême droite, et la regardent aujourd’hui s’installer en arbitre, prête à les briser. 

Sortir, vivre, créer, danser, est leur réponse, splendide, à l’austérité. 

AGNÈS FRESCHEL