lundi 25 août 2025
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Le Off se donne un cadre

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La Grande Parade du OFF © Shanon Schmeltz-Chazelon

En 2024, pour la première fois depuis sa création en 1966, le festival Off d’Avignon a mis en place un outil d’évaluation des pratiques professionnelles des théâtres : le Label’Off. Après deux ans de concertation entre les scènes de la ville et les compagnies, un cahier des charges a été formalisé avec un organisme indépendant, Pronéo Certification. 82 salles – soit 41 théâtres – ont candidaté, 70 d’entre elles ont été labellisées pour une durée de trois ans. Avec une volonté de montée en compétences, professionnalisation et structuration pour les membres d’AF&C (Avignon Festival et Compagnies), association qui encadre et coordonne le Off depuis 2006.

Une quarantaine de pré-requis

Les critères sont de différents types, en 43 points. L’accueil général du lieu, avec bien-sûr des toilettes accessibles, la propreté des bâtiments, un son audible et sans saturation, mais aussi la mise en place d’un dispositif de lutte contre les VHSS (violences et harcèlement sexistes et sexuels), très bienvenu alors que les militantes de #MeTooThéâtre tentent depuis plusieurs années de visibiliser les abus ayant cours dans le milieu. Puis des pré-requis spécifiques à l’accueil des compagnies : notamment le respect des jauges annoncées, des délais minimaux d’accession au plateau – un aspect important quand les spectacles s’enchaînent -, des heures de montage contractualisées, des loges dotées d’un dispositif de rafraîchissement. Avignon devient une fournaise en été, ce qui s’aggrave jusqu’à l’insupportable avec le changement climatique. Et enfin des garanties de communication, espaces réservés aux flyers, diffusion de la programmation en ligne, hors ligne… Comme chaque année, le festival donne lieu à une débauche de papier, et l’affichage est réglementé par arrêté municipal. Top départ en 2025 : le 3 juillet à 22 heures en centre-ville et extra muros.

Les décors prennent le train

L'an dernier, AF&C testait avec succès Fret, un dispositif de transport ferroviaire pour acheminer la scénographie d'une trentaine de spectacles depuis l'Île-de-France. Soit 340 m3 de décors, répartis en cinq containers, qui ont pu éviter le lourd bilan carbone occasionné si chaque compagnie les avait conduits en camion. En 2025, ce sont une centaine de structures qui favorisent le train, depuis l'Île-de-France et désormais les Hauts-de-France, jusqu'à Avignon. Une initiative qui ne demande qu'à se développer en volume et s'étendre géographiquement, tant elle présente d'avantages. Outre la pollution évitée, c'est une solution moins chère, surtout si l'aide des pouvoirs publics apportée à la première édition se maintient. Le bilan de l'opération en 2024 montrait qu'elle favorise aussi la mutualisation entre professionnels du spectacles, lesquels se donnent des coups de main pour charger/décharger, ou se partagent les frais d'un manutentionnaire. 

GAËLLE CLOAREC

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Oum Kalthoum, l’Astre d’Orient panarabique

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© X-DR

En 2025, le monde commémore les 50 ans de la mort d’Oum Kalthoum, icône absolue de la chanson arabe, disparue le 3 février 1975. Voix d’une époque, muse des peuples, diva politique : celle qu’on surnomme la Quatrième pyramide d’Égypte continue de fasciner. Le spectacle La Voix des femmes, mis en scène par Sonia Mbarek et créé au Printemps de Bourges lui rend un hommage vibrant. Il sera présenté en juillet au Festival d’Avignon avant une date marseillaise gratuite le 2 août sur la scène du Vieux Port. Une célébration musicale et féministe dans le cadre de l’Été Marseillais.

Sur scène, pas d’imitation. Pas de sosie vocal ni de répertoire figé. Ce que propose La Voix des femmes, c’est une réactivation sensible et actuelle de l’héritage d’Oum Kalthoum par une génération d’artistes féminines venues d’Égypte, du Maghreb et de la diaspora. Les voix de la Tunisienne Sonia Mbarek, de l’Algérienne Souad Massi ou encore de la Franco-Marocaine Nabyla Maan entonnent, réinterprètent, prolongent. Loin du pastiche, c’est un tissage entre hommage et création, entre la mémoire du tarab (extase musicale arabe) et les aspirations contemporaines des femmes artistes du Sud.

Née en 1904 dans un village du delta du Nil, Oum Kalthoum se produit dès l’enfance habillée en garçon pour pouvoir chanter dans l’espace public. Formée au répertoire religieux et classique, elle s’impose dès les années 1930 au Caire, d’abord par la radio puis au cinéma, comme une figure nationale. Elle collabore avec les plus grands poètes, notamment Ahmad Rami et avec les compositeurs de son temps. La richesse mélodique de ses chansons, leur durée exceptionnelle (parfois plus d’une heure), et sa capacité à improviser dans le maqâm (mode musical arabe) construisent un lien quasi mystique avec son public.

Mais Oum Kalthoum, c’est aussi une figure politique. Patriote, elle incarne un nationalisme culturel arabe sous Nasser, dont elle épouse les idéaux panarabes. Chacune de ses apparitions devient un événement collectif. Sa voix traverse les frontières et les régimes. Elle parle aux exilés, aux amoureux, aux opprimés. 

C’est cette résonance politique et poétique qu’interroge La Voix des femmes, en posant cette question : que reste-t-il, aujourd’hui, de la puissance d’Oum Kalthoum pour les femmes arabes, pour leurs luttes, leurs espoirs, leur désir de scène et de reconnaissance ?

À Avignon et à Marseille, où la mémoire migrante et les filiations culturelles arabes irriguent les quartiers populaires, cette célébration prend une portée particulière. Au coeur du Palais des Papes, sur le Quai du Port, les concerts s’annoncent comme des moments de communion musicale, mais aussi de transmission. On y retrouvera Natasha Atlas, Souad Massi, Maryam Saleh, Abdullah Miniawy, Danyl… accompagnées par MENA International Orchestra sous la direction musicale de Zeid Hamdan. 

En plaçant Oum Kalthoum au cœur de leurs programmes, l’Été Marseillais et le Festival d’Avignon ne rendent pas seulement hommage à une étoile défunte. Ils remettent en lumière une figure d’empouvoirement. Une pionnière, une femme qui, depuis le siècle dernier, continue de chanter pour celles qui veulent faire entendre leur voix. 

SAMIA CHABANI 

La Voix des femmes : Hommage à Oum Kakthoum
14 juillet 
Cours d’honneur du Palais des Papes, Avignon 

02 août 
Vieux Port, Marseille

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Penser l’archipel 

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comores
© X-DR

Le 6 juillet 2025, la République des Comores célébrera les 50 ans de son indépendance vis-à-vis de la France, acquise à l’issue d’un référendum le 22 décembre 1974 où la majorité de l’archipel s’est prononcée en sa faveur. Mais Mayotte, qui localement était majoritairement contre l’indépendance, est restée  française contrairement aux trois autres îles, GrandeComore, Anjouan et Mohéli. Et contre l’avis de l’ONU qui refusait de séparer l’archipel, et condamne la France régulièrement, mais de moins en moins fermement au cours des années.

Ce demi-siècle d’existence, riche en espoirs et en crises, est marqué aux Comores par un programme de célébrations réparti sur six mois, comportant une quarantaine d’événements culturels, sportifs et intellectuels à travers l’archipel. Une occasion pour les Comoriens de revisiter les luttes pour leur souveraineté nationale, incarnée par la figure du premier président Ahmed Abdallah Abderamane, auteur de l’acte fondateur de l’indépendance et assassiné en 1989 à Moroni, par le mercenaire français Bob Denard qui l’avait une première fois renversé puis porté à nouveau au pouvoir. 

Diasporas et promesses trahies

A Marseille, la question de Mayotte cristallise aujourd’hui encore les tensions, le contentieux territorial, qui n’a jamais été résolu, a établi une séparation symbolique entre les comoriens de Mayotte, français et électeurs, courtisés par l’extrême-droite, et les autres à qui le droit du sol est refusé à Mayotte. La célébration symbolique du cinquantenaire de l’indépendance se double d’un questionnement et d’un devoir de mémoire pour tous : la population originaire de l’archipel à Marseille  compte environ de 80000 personnes, soit près de 10 % des marseillais. Deux fois plus qu’à Mohéli, d’où le surnom de « 5e île des Comores »

Dans cette dynamique, la diaspora comorienne à Marseille joue un rôle essentiel et participe  aux commémorations, concerts, échanges culturels. Elle contribue à faire vivre la mémoire collective et à renforcer le travail de mémoire nécessaire dans les relations franco-comorienne.

À mi-chemin entre célébration festive et bilan critique, ce cinquantième anniversaire invite chacun à concilier hommage au passé et construction d’un avenir serein. En posant 50 ans après , la question : comment transformer l’indépendance en une promesse tenue ? 

SAMIA CHABANI

le 6 juillet de 18h à minuit 
Parc Bougainville, Marseille
Au programme
Groupe de danse de Félix Pyat
Guirri Mafia & Sikou
Papa Comoriens - Danse
ZAZA (live)
Riskii GANG - Danse
Saf & Thabiti
Says’z
DJ Ali Moradisc

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Sur les routes de Sardaigne

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5C) Arizona Distribution

L’Avventura, pour tous ceux qui aiment le cinéma, c’est le film d’ Antonioni (1960) avec Monica Vitti,  Lea Massari et Gabrielle Ferzetti, tourné en Sicile et dans les îles Éoliennes L’Avventura , c’est aussi le tube de Stone et Charden(1972) que les plus jeunes pourront découvrir, bientôt dans le nouveau film de Sophie Letourneur, réinterprété par les acteurs.

En 2023, Sophie Letourneur avait réalisé Voyages en Italie : on y suit un couple, elle-même et Philippe Katerine, qui tente d’échapper à la routine en Sicile. Premier volet d’une trilogie, inspirée par le cinéma italien. Deuxième chapitre, bientôt sur les écrans, L’Aventura, où nous retrouvons Sophie Letourneur et Philippe Katerine, incarnant Sophie et Jean-Philippe, souvent appelé Jean-Phi, accompagnés de leurs enfants, Claudine (Béatrice Vernet), 11 ans, née d’un premier mariage et Raoul, trois ans ( Esteban Melero). La famille part en vacances, en Sardaigne Et dès le début du road trip, le dispositif même du film est affiché : Claudine , enregistreur à la main, veut absolument documenter tous ces moments, dans l’idée d’en faire un film avec sa mère. Trajets en train, en ferry, en voiture, à pied : on suit cette famille en vacances, inspiré par un voyage que la réalisatrice a fait en 2016 en compagnie de son compagnon Jean-Philippe et de leurs enfants, durant lequel elle a réalisé des enregistrements audios, sur le vif. Ce sera la matière même de son film. Une sorte de mise en abyme où passé et présent s’enchevêtrent, où réel et fiction se mélangent dans un chaos sonore et visuel. « On est la famille la plus bruyante de la plage ! » On partage le quotidien de ce couple qui se fait aspirer par les enfants; par la jeune ado, qui pose sans arrêt des questions pour son film, parfois jalouse de son petit frère ; il faut dire qu’il prend beaucoup de place, il crie, met les pieds sur la table, fait caca partout – le caca de Raoul, motif récurrent du film !- « Raoul ça va mal se terminer ! » entend -on souvent.  On est content de le voir enfermé quelques minutes dans une salle de bain !  Baignades, jeux, arrivées dans les locations de vacances, accrochages familiaux, tensions.  Sophie est épuisée. Jean-Phi la laisse tout gérer. Elle se confie à son hôte, Francesco et regarde les étoiles filantes avec lui, qui ne les voit jamais. Tout est filmé, raconté, revisité. Où et quand se demande-t-on. Il ne se passe rien ? Pour Sophie il se passe tout ! Il se passe la vie. De ce présent et de ce temps de la narration, nait parfois une certaine mélancolie. Le long et beau travelling où l’on suit Jean- Phi, solitaire le long du quai de Carloforte sur l’île de San Pietro, accompagné par la Sonate pour flûte de Bach de Zoltan Jeney, Paul Angerer et Johann Klika, semble révéler les fêlures du couple et la disparition du désir.

L’Aventura est un beau travail de cinéma. Néanmoins, il peut susciter un peu d’irritation chez les spectateurs qui s’y reconnaissent trop ou qui, au contraire se sentent très éloignés de ces personnages en vacances sur ces routes de Sardaigne.

Annie Gava

L’Aventura sort en salles le 2 juillet

« Les Amants Astronautes »: l’espace du désir

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@ Optimale Distribution

Le film s’ouvre par l’arrivée de Pedro (Javier Orán), sac à dos et sueur au front. Il a traversé la forêt et entre dans une belle maison à l’architecture contemporaine où l’attend un couple d’amis. Il vient y passer ses vacances. Il partagera sa chambre avec Maxi (Lautaro Bettoni), un ancien camarade de classe perdu de vue depuis des années.

Tous deux sont incroyablement beaux, jeunes. Et c’est l’été… évidemment. La plage n’est pas loin, les corps se dénudent, la peau a ses raisons que la raison ignore. Pedro est gay. Max non. Enfin pas vraiment. Car qui peut prétendre être hétéro à 100% ? Entre les deux hommes le désir et le déni de ce désir créent des précipités au sens chimique du terme. D’autant que Max qui sort d’une histoire avec Sabrina, décide de lui faire croire comme à tout son groupe d’amis qu’il est en couple avec Pedro. Pedro et Max vont faire semblant d’éprouver ce que déjà ils éprouvent sans se l’avouer vraiment.

Le film suit de façon très classique et finalement très sage, la montée de l’attirance entre ses protagonistes, leur rapprochement step by step. Marco Berger accumule les situations troubles et sensuelles : une main sur l’épaule, l’échange de vêtements, le fantasme de l’un près du corps endormi de l’autre… de petits gestes, un baiser hollywoodien prétendûment faux et des discussions rieuses sur le cinéma, le sexe et le désir. Un marivaudage à mots crus qui croit ne pas se prendre au sérieux et où le « cul » et la « bite » restent au centre du jeu de séduction. Métaphorisés parfois : soleil, lune, planète -en (h)or-bite, versus les phalliques fusées, drapeaux plantés ou missiles lancés. Une comédie romantique au verbe osé en somme mais plutôt chaste à l’image. On est dans le frôlement, l’inabouti, plus brûlant que l’acte sexuel.

Si on peut reprocher au film un excès de bavardage et des répétitions, ces amants astronautes de la terre au ciel (le 7ème, bien sûr) ouvrent l’espace imaginaire, ludique et prosaïque de l’amour et ce n’est pas désagréable.

ELISE PADOVANI

Les Amants Astronautes de Marco Berger, en salles le 2 juillet

« Mamie-Sitting » : quatre mères sur les bras

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@BFI

Il y a les mères juives, les mamme italiennes et … les mothers irlandaises avec ce deuxième long métrage de Darren Thornton. Quatre pour le même homme quand une seule, c’était déjà beaucoup !

Edward (James Mc Ardle) vit dans une banlieue pavillonnaire de Dublin, seul avec Alma ( Fionnula Flanagan) sa maman, veuve et en perte d’autonomie. Depuis son AVC, elle n’a plus l’usage de la parole, communique à l’aide d’un Ipad qui fait entendre une voix synthétique de GPS et…des ordres. La volonté de la vieille dame s’exprime aussi par un regard éloquent, à l’impératif catégorique. Edward est gay, célibataire, et au bord de la crise de nerf, comme ses copains homos, en charge comme lui de leurs mères octo ou nonagénaires. Entre toilette, préparation des repas et du pilulier, visite au cimetière d’un père qui on le devine n’a pas toujours été tendre, Edward doit faire la promotion de son roman – une histoire d’amours homosexuelles, qui vient de sortir aux USA. On lui propose une attractive tournée là-bas. Mais il devra placer sa mère dans une maison de retraite pendant 15 jours. Le voilà dans les affres de la culpabilité, incapable de dire ni oui ni non- ni d’en parler à la principale intéressée. Tandis qu’il tergiverse, ses potes moins indécis que lui, profitant lâchement de sa faiblesse et de sa gentillesse, maladives, lui laissent leurs mères à l’improviste et partent en Espagne s’éclater à la Maspalomas Pride. Edward a quadruplé son problème, appelle à l’aide un ex-amant et c’est très drôle. Comique de situation avec décalages et dérapages parfaitement contrôlés et rythmés. Comique de caractère soutenu par l’interprétation impeccable des acteurs.

Inspiré d’un film de Gianni Di Gregorio Le Déjeuner du 15 août, le scénario co-écrit par le réalisateur et son frère Colin, se nourrit de leur expérience avec leur propre mère dont ils ont dû s’occuper à la fin de sa vie. Comme toute comédie réussie, Mamie-Sitting extrait le rire de la tragédie, ancre les personnages dans une société et un temps donnés tout en les rendant universels. Portraits de mères aux personnalités différentes, dont on devine par touches discrètes, le parcours de femmes, les questions face à l’homosexualité de leur fils dans cette très catholique Irlande, la solitude, la peur ou la révolte face à la dépendance. Tyranniques, vulnérables, un peu foldingues ou revêches, parfois indignes, jamais caricaturées.

Il se dégage de ce film une infinie tendresse et une confiance en la vie qui font du bien.

ELISE PADOVANI

Prix du Public au BFI London Film Festival 2024 et Silver Q-Hugo au 60ème Festival International du Film de Chicago.

Sortie en salles, le 2 juillet

Arles met le thermostat 30

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©R Parent

Les Suds, à Arles, célébreront comme il se doit la trentième édition d’un festival inscrit au patrimoine sudiste des émotions, du 14 au 20 juillet. Au fil des ans, le rendez-vous a su fidéliser un public nombreux et hétéroclite à la force de choix artistiques singuliers, de formats très multiples et, bien sûr, dans l’environnement unique d’une Arles chauffée par le soleil mais rafraîchie par le mistral, et l’ambiance piquante d’un mois de juillet camarguais. 

Si l’équipe, sous la direction de Stéphane Krasniewski, satisfait les désirs musicaux oniriques comme festifs, les propositions de programmation des Suds naissent d’une profonde réflexion autour de vecteurs communs : ouverture, curiosité et humanité. Nombre de projets issus de pays en guerre ou dans des détresses sociales profondes ont ainsi été invités à faire résonner la beauté de territoires en souffrance, d’en parler autrement. Plus largement, la singularité des Suds réside dans son attachement aux musiques de notre monde, en les offrant à entendre, à s’y essayer par la pratique, à se rencontrer. 

Pension complète 

Expérience et longévité auront permis au festival d’inscrire à son programme des rendez-vous devenus typiques, associant un horaire du jour ou de la nuit, au charme particulier d’un lieu de la ville. 

C’est ainsi que tous les matins sera servi au bureau du festival un petit déjeuner oriental, afin de (re)prendre des forces avant de filer dans la très jolie cour de l’Espace van Gogh, pour écouter la Radio des Suds, boire un verre de Cristal les pieds dans la fontaine au son des « Apéros découverte » puis de se laisser aller à une « Sieste musicale » dans l’herbe.

En fin d’après-midi, la place Voltaire et son ambiance bistrot accueilleront les concerts gratuits de PoplitêRaffut, Elektre ou Ferrago. En début de soirée, les « Moments Précieux » empliront l’espace Croisière, la cour de l’Archevêché ou les Alyscamps des notes tout aussi précieuses de Dal:umYom & CeccaldiMandy Lerouge, du quatuor Rokh

Ces soirées-là

Temps forts, les « Soirées Suds » réunissent entre les pierres chargées d’histoire du Théâtre Antique de grands artistes, à l’image des concerts de Seu Jorge, de Salif Keïta, du Trio Joubran ou de Birds on a Wire, cette année. 

Et parce que la fête a toujours estampillé le festival, les afters des « Nuits Suds »parachèveront le sentiment de plénitude en chacun. En cette année anniversaire, c’est dès l’ouverture que les Suds seront fêtés, au rythme d’une grand soirée bal(s), le 14 juillet. 

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Les Suds, à Arles
Du 14 au 20 juillet 2025
Divers lieux, Arles 

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Suivre le fil de Claude Como

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como
© X-DR

L’histoire des arts est aussi affaire de tissage. La tapisserie a connu une très longue histoire depuis le Moyen Âge, elle a raconté des exploits souvent guerriers, célébré des héros littéraires, décoré de natures enchanteresses de hauts murs… Depuis le XXe siècle, elle est sortie des arts décoratifs pour rejoindre les arts majuscules. Lurçat a marqué ce tournant et de grands artistes, souvent des hommes, peintres et sculpteurs (Braque, Calder, Ernst…) ont avec leurs cartons renouvelé ce geste.  

Puis les femmes s’en sont à nouveau mêlées : les masques de Marie-Rose Lortet, personnages grotesques ou enfantins tricotés et tressés ; les fils rouges de Chiharu Shiota récemment exposés à Aix-en-Provence et au Grand Palais (Paris) ; les créations d’Eléonore False au Frac Sud sont autant de manifestations de ce regain de l’art textile, au sens le plus large du terme.Dans la même lignée, l’exposition Grandeur Nature au centre d’art Gallifet à Aix-en-Provence révèle le travail récent et monumental de l’artiste marseillaise Claude Como.

Laine touffetée

Les premières salles sont consacrées à des toiles qui s’avouent héritières de la peinture de la Renaissance italienne. Depuis les portraits de psychopathes (Szonzi test) et les séries de roses de Rosacerdocele parcours se conçoit comme une recherche libératrice qui depuis 2019s’affranchit à la fois de la peinture à l’huile mais aussi du format, entre installation et fresque murale. Le toucher, l’épaisseur ont leur place dans cette nouvelle approche.

Les pièces de tapisserie sont réalisées avec la technique de la laine touffetée, au pistolet.  L’espace de l’œuvre se définit par l’architecture des salles : hauteur de plusieurs mètres, surfaces élargies… Certaines œuvres absentes ici peuvent ramper au sol. Des plantes, des ramages, des feuillages, des spores s’élancent, retombent ; éclatant jardin d’hiver où dominent des chatoiements rouges et orangés. Murs végétaux fantasques d’une « supernature ».  

MARIE DU CREST

Grandeur Nature
Jusqu’au 15 juin
Hôtel Galiffet, Aix-en-Provence 

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Briser le passé, sculpter l’avenir  

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© Nicolas Santucci

La Villa Datris est un lieu qui détonne. À L’Isle-sur-la-Sorgue, au cœur d’un territoire où le Rassemblement national fait des scores historiquement hauts, où l’on n’a plus peur d’accrocher à ses fenêtres des drapeaux célébrant Marine Le Pen ou Jordan Bardella, elle offre chaque année des expositions à rebours du mauvais vent ambiant. L’an dernier, elle présentait Faire corps, une étude artistique sur le corps, souvent féminin, et ses représentations. Cette année on y découvre Engagées, qui met en lumière le travail de 64 artistes femmes du monde entier, dans des sculptures aux discours politique, militant et rebelle. 

Une volonté que Danièle Marcovici, fondatrice de la Villa et curatrice de l’exposition, affiche dès les premières lignes de son édito : « Longtemps ignorées et privées de reconnaissance, les femmes artistes ont été dominées par des sociétés patriarcales et éclipsées de l’histoire de l’art ». Si le constat est connu et n’a rien de révolutionnaire, la Villa joint la parole aux actes, et met en symphonie une centaine d’œuvres qui interrogent, avec joie ou colère, les démons d’une société patriarcale et capitaliste. 

Femmes objets et femmes au foyer

L’exposition débute en extérieur, avec une série d’œuvres qui pourrait facilement passer inaperçue. Car si l’œil est d’abord attiré vers un immense et magnifique escarpin construit en ustensiles de cuisine (casseroles, couvercles…), derrière se cachent les statues plus discrètes de Céline Cléron. Ce sont des cariatides, finement sculptées, qui ne portent pas un entablement sur la tête, mais une belle dose de charge mentale : un immense cabas pour les courses, une pile de bouquins, une petite maison de bois. Intitulé Ce qui pèse, l’ambiance est donnée pour le reste de la visite. 

À l’intérieur, chaque espace répond à une problématique que pose la société capitalo-patriarcale : et pour tous les accueillir, la Villa n’est heureusement pas un modeste T2… Ainsi les pièces s’intéressent à l’oppression des femmes, de la planète, la représentation du corps féminin… et accueillent les visiteurs avec un « tract » imprimé, où l’on peut lire notamment : Femmes objets, Femmes au foyer, Soumises/Opprimées, Hystériques/Rebelles. 

Fil barbelé 

À l’image de la scène artistique contemporaine, l’art textile est présent dans de nombreuses œuvres présentées. La scénographie offre d’ailleurs un hommage à l’une des révolutionnaires de cette technique, la Polonaise Magdalena Abakanowicz, qui fut la première à sculpter le textile, rompant ainsi la tradition, cassant le passé, après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Son Ange noir, présenté à la Villa, est une immense sculpture de sisal tissé en trois dimensions, qui demande que l’on s’arrête quelques minutes, pour en admirer toutes les circonvolutions, et le travail vertigineux de l’artiste.   

Du fil toujours, avec Ghada Amer et son tableau Three Lines for Shirpa. L’artiste égyptienne – dont on a pu admirer le travail au Mucem – vient broder au fil une toile tendue, et y dessine des femmes nues, aux positions suggestives, inspirées de magazines pornographiques ou de tableaux classiques ( !). Elle dénonce ainsi le « regard historiquement porté sur les femmes dans l’art et dans la société tout en célébrant la sexualité et le plaisir féminin. »

À l’étage, le fil devient social et politique avec Suzanne Husky. Dans Euro War Rug, elle tisse un immense tapis qui vient conter, telle la Tapisserie de Bayeux, les affrontements entre les forces de l’ordre et les occupants de la Zad du Testet, qui luttaient contre la construction du barrage de Sivens. Les CRS se mêlent aux tractopelles, aux arbres, aux militants arrêtés. Autour, des armes brodées, une référence directe aux artisans afghans qui ajoutaient des motifs d’armes de guerre à leurs tapis pendant l’invasion soviétique de leur pays. 

64 artistes engagées 

Mais ce qui fait la force de cette exposition, derrière son propos politique, c’est aussi la profusion d’œuvres exposées. Et on dirait volontiers que l’on en a pour son argent si ce n’était pas gratuit. 

Aussi on sourit devant les grands panneaux siglés « Annie Warhol » et « Marcelle Duchamp » d’Agnès Thurnauer ; on regarde inquiets les bâtons de dynamite au timer défaillant de Pilar Albarracin ; et on est petits devant le travail d’Anila Rubika, qui est allée à la rencontre des femmes emprisonnées pour s’être défendues de leurs maris tortionnaires. L’entreprise de l’artiste, et la parole qu’elle a donnée à ces femmes, a eu un effet notoire dans son pays, et a permis à plusieurs d’entre elles d’être graciées par le gouvernement albanais. Un bel exemple du pouvoir performatif de l’art dans la société… et de se rappeler que le rôle d’une Villa Datris – comme tant d’autres acteurs culturels – est loin d’être anodin sur un territoire gagné par des forces obscurantistes.  

NICOLAS SANTUCCI 

Engagées 
Jusqu’au 2 novembre
Villa Datris, L’Isle-sur-la-Sorgue 

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Shooting de monde

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rencontres arles
Claudia Andujar. Essai photographique sur les homo- sexuels pour le magazine Realidade, São Paulo, 1967. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Instituto Moreira Salles.

Sur l’affiche, un jeune homme déguisé en super-héros, sur une vieille carcasse de voiture. Casque sur la tête façon Marvel, bouclier en carton, cape en sac poubelle, il trône fier, figé en contre-plongée. Une image « indocile », comme le veut le titre de cette nouvelle édition. Les optimistes la verront comme un pied-de-nez aux puissants de ce monde… aux pessimistes de voir l’impuissance des petits face aux géants. 

À lire son édito, le directeur des Rencontres d’Arles Christoph Wiesner se range peut-être dans la première catégorie. Pour lui, cette édition offre « un contrepoint essentiel aux discours dominants » que sont la « montée des nationalismes » et « l’essor du nihilisme ». Il convoque aussi l’œuvre du philosophe Édouard Glissant, dont on peut voir le concept de « Tout-monde » transparaître dans bien des propositions. Décoloniale beaucoup, la photographie de cette édition 2025 se fait aussi sociale, humaniste, ou archive, dans les dizaines d’expositions à découvrir du 7 juillet au 5 octobre, à Arles, mais aussi dans plusieurs villes de la région. 

Australie-Brésil

L’exploration commence en Australie avec On Country, porté à la fois par le festival d’Arles et Photo Australia de Melbourne. Une dizaine de photographes, autochtones et non-autochtones, explorent les liens complexes qui unissent les hommes, les femmes, à leur terre, dans des images qui reflètent la diversité de ce pays marqué par deux siècles et demi de colonisation. 

D’Australie, le parcours s’en va ensuite vers le Brésil à l’église des Trinitaires. Y est présenté Futurs ancestraux, une exposition collective portée principalement par de jeunes artistes, qui passent au crible le passé raciste, colonial et homophobe de leur pays. Le tout dans des pièces qui allient photographie contemporaine, archives, collages, vidéo et même intelligence artificielle. 

Des focus artistes

Les Rencontres ouvrent également l’œuvre de la photographe Claudia Andujar. Née en Suisse en 1931, survivante de la Shoah, elle s’installe finalement au Brésil et mène une grande carrière de photoreporter. Incursions forestières, photos de rue, réflexion sur la féminité, l’exposition présentée à la Maison des peintres met en lumière nombre de ses travaux, éclectiques, et d’une justesse graphique saisissante.


Letizia Battaglia. Quartier Cala. La jeune fille au ballon, Palerme, 1980. Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia, Palerme

Avec Letizia Battaglia, c’est une autre immense photo journaliste que présente le festival. Sicilienne, elle a documenté l’horreur de la mafia italienne, loin des clichés souvent véhiculés par le cinéma. Elle est ici montrée dans sa réalité la plus abjecte : les morts qui jonchent le sol, les mères qui pleurent leurs enfants, le visage des meurtriers. Photographe humaniste et sociale, son travail saisit aussi la vie quotidienne, les corps frêles de la misère, et la beauté des regards. 


Letizia Battaglia. Giorgio Boris Giuliano, le chef de la Brigade mobile, sur le lieu d’un assassinat, Piazza del Carmine, Palerme, 1978.Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia, Palerme

Des habitué·e·s d’Arles 

S’il y a beaucoup de jeunes talents à découvrir dans cette édition – il faudra voir l’exposition de Laurence Kubski, celle des élèves de l’ENSP, et passer dans l’Espace Monoprix qui concentrera la plupart des artistes émergent·e·s – Arles n’oublie pas ses « vieux » compagnons de route. On retrouve ainsi Nan Goldin qui vient avec son Syndrome de Stendhal. Une série de diaporamas qui mettent en dialogue des chefs d’œuvres de l’art classique, avec ses proches, ou ses amours. 


Nan Goldin. Diane au bain, 2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Gagosian

Moins célèbre peut-être, mais déjà passé par les RencontresTodd Hido présentera à l’espace van Gogh la beauté crue des paysages qu’il aime capter : une maison enneigée aux vitres éclairées, un coucher de soleil embué, des ballons de baudruches aux tons passés… Le photographe américain parvient à saisir la beauté dans l’ennui, et le chaud dans le froid. 

Grand Arles Express

Les Rencontres d’Arles s’exportent également dans les communes de la région avec son programme Grand Arles Express. À la Maison européenne de la photographie (Aix-en-Provence), on peut voir Extérieurs – Annie Ernaux et la Photographie, qui revient sur les liens étroits qui unissent la prix Nobel 2022 et ce média – on pense à son ouvrage Les années, où la photo tient une place centrale. 


Laurence Kubski.
Reconstitution d’un souvenir d’enfance, le concours de vitesse d’escargots, 2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Citons également Lost and Found de Elsa et Johanna au Centre Photo Marseille, qui entend « placer le spectateur dans un espace d’exposition totalement repensé », ou encore Et qu’on ne vienne pas nous dire que le vent chasse tout de Paul Cabanes et Nina Patin, qui se sont aventurés dans le Golfe de Fos et ses paysages industrialo-désertiques. 

NICOLAS SANTUCCI

Les Rencontres d’Arles
Du 7 juillet au 5 octobre
Arles et Région Sud

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